Entrer en pédagogie
Freinet par les réseaux sociaux
Hervé Allesant et
Jean-Charles Huver
De nouveaux outils pour
travailler ensemble.
Aujourd’hui, les
réseaux sociaux sont partout, il est impossible
de les ignorer : bon nombre d’infor-mations circulent par
ces biais.
Nous pourrions,
certes, refuser d’y participer, individuellement et
collectivement : les critiques sur les effets négatifs des
réseaux sociaux sur la santé mentale1, notamment des
plus jeunes, sont documentées. Nous sommes également
conscients de l’instrumentalisation de
ces plateformes, notamment par les mouvements d’extrême
droite2, et nous ne
pouvons qu’être atterrés par les frasques des politiques à
des fins électoralistes ou par les provocations d’un Elon
Musk, qui a même voulu racheter le réseau social Twitter,
et aurait manipulé le cours du Bitcoin en twittant ses
intentions de rachat et de vente de cette
cryptomonnaie.
En gardant ces critiques
en tête, si nous essayions cependant,
collectivement, de nous positionner différemment face à ces outils, en les
détournant de leur usage premier, comme Freinet et ses
camarades l’ont déjà fait, pour permettre au plus grand
nombre de découvrir et participer à l’essor de la pédagogie
Freinet ?
Des réseaux
différents, pour des profils différents
Au risque de dater cet
article – les changements étant
extrêmement rapides
dans les habitudes numé-riques –, nous pouvons
cependant constater en lisant les
statistiques que les réseaux sociaux s’adressent
à des publics différents
et spécifiques et que les jeunes possèdent au moins un
compte sur un réseau social (Facebook,
Twitter, Instagram…). Partant de ce
constat, nous
devons nous questionner sur l’utilisation des réseaux
sociaux en fonction du public à atteindre pour
faire rayonner
la pédagogie Freinet. Si nous souhaitons « aller
chercher les jeunes », notre présence
collective, mais également le fait d’y
relayer la communication associative, doit se
trouver sur
plusieurs réseaux sociaux.
Un réseau social pour
quoi faire ?
L’utilisation
d’internet a évolué. Il a d’abord apporté plus de
rapidité : le courrier électronique a quasiment remplacé la
lettre et le fax, le site internet est même en train de
supplanter le catalogue ou le menu au restaurant. Et
c’est finalement l’avènement du
Web 2.0 – le fait
de pouvoir contribuer collectivement à un site – qui
a montré
les capacités révolutionnaires de ce support en apportant une
nouvelle façon de contribuer ensemble à la création de
contenu. Les forums, groupes de discussion, et sites
participatifs contribuent à l’invention de nombreux outils
comme Wikipédia ou le système d’exploitation GNU/
Linux.

La récente pandémie nous a
prouvé, un peu à marche forcée, que notre Mouvement a
continué à travailler, à coopérer, assurant ainsi le
fonctionnement de l’association, la parution de nouveaux
outils, la publication de nos revues, inventant de
nouvelles formes de travail à distance. Et si nous
utilisions les réseaux sociaux pour permettre à ceux qui le
voudraient d’entrer dans la pédagogie Freinet, voire de s’y
former ?
Concrètement, que
faisons-nous ?
Pendant l’été,
le groupe Facebook La pédagogie d’Élise et
Célestin Freinet3 (groupe
dont nous sommes devenus administrateurs) a passé le cap
des 10 000 membres d’origines diverses, militants
de l’ICEM, de la
FIMEM, d’Éducation populaire, de courants proches de la
pédagogie Freinet ou simplement curieux ; parents ayant
choisi l’instruction en famille, personnel de crèche ou
issu de l’animation, enseignants et enseignantes... Depuis
que nous nous sommes investis dans l’animation
de ce groupe,
nous veillons à ce qu’il reste centré sur la pédagogie
Freinet : ceux et celles qui
s’abonnent signent une charte qui le précise.
Nous la faisons respecter si
nécessaire : avertissement par message
personnel ; désinscription temporaire ou
définitive – mais cela arrive finalement peu
souvent.
La place de l’ICEM et
de ses différents groupes de travail, de ses productions,
de ses activités y est centrale. Nous mettons en contact
les membres du groupe entre eux et nous les orientons vers
des mili-tants, militantes et des structures de l’ICEM.
Nous accompagnons les débats qui ont lieu, nous mettons à
disposition des contenus complétant des partages de
documents, d’outils issus des classes, nous proposons des
pistes de réflexion, nous relançons des discussions.
Plusieurs autres membres
de l’ICEM
interviennent régulièrement dans le même esprit. Des
groupes départementaux ont, depuis,
ouvert des pages
sur Facebook. Nous sommes présents sur d’autres pages
Facebook (ICEM, Nouvel éducateur) et d’autres réseaux sociaux
comme Twitter, Mastodon4 où
nous diffusons essentiellement des informations sur la vie
de l’ICEM, les revues, les éditions… informations reprises
et diffusées par les abonnés et les
abonnées à nos pages : individus, mais aussi autres
associations, médias. Cette présence utile et nécessaire
sur les réseaux sociaux n’est pas chronophage. Nous
continuons à participer à la vie de l’ICEM dans nos groupes
départementaux, régionaux et nationaux.
Et après ?
Plusieurs membres du
groupe La
pédagogie d’Élise et Célestin Freinet ont rejoint des Groupes
départementaux, ont participé à des stages et des
congrès.
Margarida Roméro a montré
que chez les enseignants et les enseignantes, il y avait
cinq profils face au numérique5. De celui ou
celle qui ne fait que consulter les ressources en ligne
jusqu’à ceux qui créent ensemble, à distance, des
connaissances et des outils.
Il semble donc impératif,
aujourd’hui, d’offrir à chacun, chacune la possibilité
d’entrer en pédagogie Freinet par le biais des réseaux
sociaux en ayant en tête ces différents profils et en
utilisant les possibilités offertes par ces « nouveaux »
outils numériques.
Et si nous nous y mettions
vraiment – sans abandonner, bien sûr, nos autres
pratiques : rencontres, stages, congrès… ?