D’une langue aux autres avec les techniques Freinet
Nicolas Mathey, Katrien Nijs
Découverte de pratiques différentes à la RIDEF.
En quoi la Méthode naturelle peut-elle concerner l’enseignement des langues ? Comment encourager le tâtonnement langagier ? Par quels moyens mettre en valeur la diversité langagière dans un esprit de coopération ? L’atelier long que nous avons proposé à l’occasion de la RIDEF1 organisée par l’AMEM2 à Agadir proposait d’ouvrir un chantier sur ces questions. Une quinzaine de personnes, venues du Togo, du Ghana, de Suisse, d’Allemagne, d’Italie, du Maroc, du Cameroun, de Belgique et de France ont ainsi pu échanger et réfléchir, en français comme en anglais, et ce de manière coopérative, aux rapports entre l’apprentissage des langues et la pédagogie de Célestin Freinet.

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Se comprendre est un véritable défi dans un groupe international réunissant des personnes d’horizons si divers. Pour faciliter les échanges pédagogiques, nous avons alterné des moments « bleus », centrés sur l’échange et la métareflexion sur nos activités de classe, et des moments « orange » qui mettaient les participants et les participantes en situation d’apprentissage : Quoi de neuf, texte libre, temps de travail, chanson… Ces moments étaient toujours animés dans une langue seulement (français ou anglais), et nous avions choisi de ne pas traduire et de ne donner ni réflexions ni explications pendant l’activité. Cela a été fort apprécié, ainsi que le temps de réflexion qui suivait pour partager par exemple leurs impressions suite à un Quoi de neuf en anglais, sans avoir tout compris. Évidemment, ces réflexions en moments « bleus » étaient en français et anglais, la traduction étant assurée soit par celui qui parlait, soit par un autre membre du groupe. 
Nous avons commencé cet atelier long par la restitution orale des biographies langagières : chaque personne était invitée à présenter ses langues d’origine, mais aussi les situations linguistiques de son pays ou école, les autres langues comprises ou parlées, ses empêchements à apprendre les langues, les langues différentes entendues dans la famille ou la société, celles qu’elle souhaiterait apprendre. Au terme de cette présentation, le programme de l’atelier a pris en compte d’autres questionnements notamment comment prendre en compte les situations de bilinguisme simultané, voire de fort plurilinguisme.

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Face à cette question émanant de participantes venues du Togo et du Maroc, nous avons trouvé des réponses dans un superbe témoignage de Nadine : elle nous a raconté son expérience camerounaise avec son enseignement en deux langues officielles et ses 240 langues d’origine.
Autre questionnement : « Faut-il enseigner de manière précoce et systématique une deuxième langue ? » s’interrogent certains cantons suisses. Lors des séances suivantes de l’atelier, c’est la place du corps et de l’expression corporelle qui a pu être mise en évidence, ainsi que celles du chant. En passer par les jeux de mime, les jeux chantés et dansés, mais aussi par des saynètes liées à des communications, est un moyen d’approcher la diversité langagière par l’expression et la création joyeuses. Avant d’apprendre une langue, la pédagogie Freinet invite à prendre en compte et à vivre les diversités linguistique et langagière au moyen d’un travail corporel et de la prise en compte des besoins d’expression des enfants. Qu’est-ce qui leur importe de dire et de communiquer dans une autre langue ? Y a-t-il un répertoire à constituer peu à peu, au moyen de quels supports ?
Nous avons mis en pratique l’enregistrement d’un dialogue inspiré par le Quoi de neuf. La radio peut permettre de convertir des productions orales sur un blog dans une langue cible, avec plusieurs avantages et fonctionnalités. Certains participants ont écrit une « phrase du jour » dans la langue cible. Parmi les prolongements possibles, nous avons parlé des albums en classe avec des textes référents, du blog, de l’affichage aux murs, du journal de classe ou d’école… Nous avons aussi échangé sur les manières de corriger et d’utiliser ces phrases comme base pour de futurs apprentissages. 
Nous avons en outre évoqué les correspondances entre classes de pays ou de langues différentes ; la place du travail individualisé. Il nous aura manqué du temps pour évoquer les enquêtes/recherches sur les pays et langues d’origine, l’exploration de ressources culturelles en langues d’origine (recettes, jeux…), l’écoute/quizz en langues étrangères de textes pour la discrimination et la prononciation, les comparaisons d’alphabets et de textes, les comparaisons de structures fondamentales de langues différentes, les ressources théoriques sur les rapports entre pédagogie Freinet et enseignement des langues…
Pendant que nous écrivons cet article, des participants et participantes de l’atelier ont activement contribué à l’animation d’un groupe WhatsApp créé à l’issue de l’atelier. De fait, il y a déjà tout un beau programme à venir pour la communauté d’enseignants-chercheurs que cet atelier long a permis de voir émerger. Un bel ensemble qui poursuit ses échanges dans un chantier qui reste ouvert à toutes les bonnes volontés. 
Les prochains rendez-vous sont déjà en partie fixés : Convergence(s) à Bruxelles fin octobre 2022, congrès de l’ICEM en 2023, et bien sûr le prochain congrès de la FIMEM en juillet 2024 ! Viva Mexico !

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Pour en savoir plus, voici notre blog :

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1Réunion internationale des éducateurs Freinet.
2Association marocaine de l’École moderne.