Évolutions d’un Quoi de neuf
Floriane Lagree
Retour sur une première pratique en ULIS1.
Ma pratique du Quoi de neuf (QDN) a évolué dans le temps, en fonction des élèves, de mes questionnements, mais aussi du travail régulier au sein du Groupe départemental et des échanges avec les collègues.1 
Contexte de découverte et démarrage
J’ai commencé à en mettre en place lors de mon arrivée dans l’ASH2. Cette pratique y était très démocratisée en formation – je me demande si c’est spécifique à Nantes, où le mouvement Freinet a une certaine importance. Par imitation, je me suis lancée. Je pensais que cet espace d’expression libre pourrait permettre à des élèves d’exprimer des émotions fortes, de « se délester » de charges émotionnelles pouvant entraver les apprentissages. Or, je n’en ai jamais été témoin. J’y voyais aussi l’intérêt d’avoir accès au vécu et aux centres d’intérêt des élèves, dont je ne savais pas trop quoi faire.
Mais surtout, j’étais confrontée à des difficultés importantes : répétitions d’un QDN à l’autre, silence d’une partie importante des élèves et désintérêt pour celui qui s’exprime. D’une pratique quotidienne, j’en ai fait une pratique hebdomadaire. J’y mettais peu de sens, et les élèves, sans doute, pas davantage.
Première évolution : travailler le langage oral
C’est en arrivant au sein du mouvement Freinet que j’ai compris que les QDN étaient un espace d’expression libre, mais qu’il pouvait être objet ou déclencheur d’apprentissages. Dans un premier temps, j’ai choisi d’en faire un objet de travail en langage oral. Cela m’a permis de mettre du sens sur cette pratique en tant qu’enseignante et de la relier à des objectifs précis des programmes. De même que l’enseignant, l’enseignante peut reformuler un mot dans un texte libre en dictée à l’adulte, je fais reprendre collectivement des points langagiers à corriger ou améliorer à la suite de la présentation. Ces corrections sont notées sur mon cahier et peuvent donner lieu à des affichages. Il arrive très fréquemment qu’une difficulté soit partagée par plusieurs élèves, comme l’utilisation des pronoms « il » ou « elle », « c’est » ou « ce sont ». Dans ce cas, le point travaillé est repris en groupe ou individuellement en plan de travail pour être poursuivi et amélioré. Il arrive très fréquemment que des mots ne soient pas connus de tous : ils sont alors notés sur l’affichage « nos nouveaux mots », puis collés dans leur cahier de vocabulaire indi-viduel régulièrement.
Cette manière de procéder m’a permis d’être décomplexée par rapport à cette pratique et d’y mettre du sens en termes d’apprentissages, pour moi et pour les élèves.
Modalités du QDN
Les élèves s’inscrivent sur un affichage. Trois questions peuvent être posées à l’issue de la présentation. Depuis l’année dernière, un élève (aidé par le reste du groupe) reformule aussitôt ce qui a été dit et je prends en note en dictée à l’adulte pour le blog. Deux questions guident la reformulation : « Que retient-on ? », « Qu’avons-nous appris ? (langage oral ou autre) »
J’ai un cahier de prise de notes personnel (non présentable car mal écrit) où je note la présentation de l’élève, les questions posées, les points langagiers travaillés, ainsi que des liens éventuels avec d’autres domaines d’apprentissages.
Le blog permet de travailler doublement le langage, car un deuxième élève s’applique à s’exprimer correctement. Cela permet aussi de rendre actifs les élèves qui écoutent. Mais je pense qu’il est peu consulté. Je réfléchis à une version papier qui serait reprise individuellement en lecture, mais je vois mal comment l’inclure dans l’emploi du temps. J’imagine une fiche de présentation standardisée qui serait tout aussi rapide à remplir que l’écriture d’articles sur le blog. Faire une fiche, mais lue par qui ? Incluse dans un cahier de vie ?
Deuxième évolution : point d’appui pour d’autres apprentissages
Lire
Depuis l’an dernier, j’utilise des QDN pour travailler la découverte de textes pour le groupe des petits lecteurs. Ainsi, ils ont déjà entendu l’information qui va être transmise. Généralement, le premier mot est le prénom de l’élève concerné, ce qui oriente le contexte. Certains mots reviennent très fréquemment : « est allé », « dans », « avec »… Pour les élèves qui avancent plus vite, je garde le même texte, mais je le développe, en ajoutant des sons complexes. Systématiquement, nous commen-çons par repérer les majuscules et les points, puis compter le nombre de phrases. Ensuite, le texte est travaillé individuellement, puis collectivement.
Exemple de texte G1 : « La classe de CP est allée au marché ».
Exemple de texte G2 : « La classe de CP est allée au marché. Ils ont vu des homards, des crabes, des poissons et des crevettes ».
Les textes sont présentés avec LireCouleur, « graphèmes complexes ».
Le texte est relu le lendemain individuellement, puis dessiné. Les sons complexes découverts donnent lieu à un affichage et à un apprentissage spécifique.
Faire émerger des questionnements
Je m’efforce à chaque présentation de me questionner sur des liens possibles. Cette pratique demande une certaine capacité à problématiser et de la réactivité pour la mise en œuvre. Pour l’instant, je n’ai réussi que ponctuellement en proposant la recherche d’un mot dans le dictionnaire en vocabulaire, la réalisation d’un exposé en sciences pour mettre en valeur les connaissances particulières d’un élève ou répondre à des incertitudes ou des questionnements du groupe. La mise en place d’un plan de travail facilite ces recherches individuelles. Plus rarement, un questionnement peut être repris collectivement, par exemple la recherche de telle commune sur une carte du département.
Mon objectif l’année prochaine : progresser dans le repérage et la problématisation de ce qu’il peut y avoir de mathématique.
Adaptations nécessaires en ULIS école
Les groupes d’élèves présents étant mouvants, je suis revenue à des présentations quotidiennes, afin que tout le monde puisse y participer (environ quinze minutes, juste avant le déjeuner).

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Dans ce temps de présentation, il ne s’agit pas que de QDN. S’y ajoutent des présentations d’objets qui peuvent être issus de la classe, comme une construction ou une production artistique, de textes, de récitations de poésies. J’utilise parfois ce temps pour aider à résoudre une difficulté particulière ou au contraire présenter une réussite, mais cela se fait dans ce cas sans inscription, c’est une proposition immédiate faite à l’élève.
Diversifier les entrées dans les présentations permet de ne pas exclure d’élève. Le QDN est une pratique particulière, difficile pour certains élèves. Des familles peuvent aider les élèves, en fournissant des photos, en transmettant des objets.
Comme elle devient une pratique centrale et quotidienne, tous les élèves y participent. Certains ont du mal à anticiper et s’y inscrire. Dans ce cas, je repère dans les moments informels une information et je propose à l’élève d’en faire un QDN. Autre possibilité : lorsque je consulte le cahier du QDN, je regarde les présentations précédentes et j’interpelle les élèves qui en sont absents. Sur proposition, ils s’inscrivent facilement.
Le travail qui suit un QDN donne de la valeur à ce que dit l’élève. Ainsi, tous sont rendus acteurs et créateurs de quelque chose : celui qui parle, celui qui écoute et reformule, celui qui questionne, celui qui va poursuivre une recherche et en rendre compte ensuite.
florianelagree@yahoo.fr

1Unités localisées pour l’inclusion scolaire.
2ASH : Adaptation scolaire et scolarisation des élèves handicapés.