S’affranchir des ateliers
traditionnels en maternelle
Valérie
Pigeyre
Que modifier dans sa pratique
quand on commence en maternelle ?
Ma première expérience
s’est déroulée en école élémentaire, car durant presque six
ans, j’ai occupé un poste d’aide-éducatrice – à
l’époque, il s’agissait d’emploi-jeunes dans l’Éducation
nationale. J’avais trouvé la solution intéressante pour
prendre mon indépendance financière et
développer des
compétences professionnelles en lien avec mon projet. J’ai
ainsi rencontré des collègues pratiquant la pédagogie
institutionnelle, la classe coopérative… Au terme de mon
contrat, j’ai obtenu mon concours et je me suis retrouvée
sur les bancs de l’IUFM, avec une expérience et un regard
sur la classe que mes jeunes collègues ne partageaient pas
toujours… Ma première expérience m’avait permis de me
forger une identité professionnelle et je savais déjà où je
voulais aller.
Après six ans à
accompagner des enseignants dans leur classe, je n’avais
qu’une hâte : prendre enfin la responsabilité d’une classe.
Mais c’était sans compter sur la
com-mande institutionnelle qui nous imposait certaines contraintes et
notamment de nous faufiler dans les chaussons du titulaire.
À l’époque, pendant nos stages, nous remplacions les
titulaires partant en formation. Les miens avaient lieu en
maternelle : dans ces classes pourtant sympathiques, j’ai
très vite suffoqué parce que je m’astreignais à mettre en
œuvre les traditionnels ateliers tournants qui ne me
permettaient ni de vraiment rencontrer mes jeunes élèves ni
d’être en mesure d’affiner leurs réels besoins… sans parler
pour moi du supplice de la répétition !

L’année suivante, mon
premier poste était constitué de deux compléments de
mi-temps. Au bout de quelques mois, ayant gagné la
confiance de mes cotitulaires, j’ai enfin pu commencer à
m’affranchir de ce fâcheux système qui me donnait le
tournis. C’est lors de ma seconde année d’enseignement avec
ma première classe – des petits grands – que j’ai pu
instaurer des ateliers sur inscriptions, un contrat pour
les grands et un premier Quoi de neuf, un cahier de vie. Je
me souviens clairement de la sensation d’épanouissement que
j’ai ressentie tout au long de l’année. Il y avait des
obstacles évidemment, mais je me sentais libre de créer
avec mes élèves le parcours qui leur convenait le mieux.
Bien sûr, mon approche devait être maladroite, je
manquais certainement de
recul, de souplesse. Les
temps d’ateliers étaient notamment très courts et je ne
savais pas encore « tirer les fils » d’une
proposition d’enfant, l’aider à se
projeter, à interroger le monde… Je n’en étais qu’au début de mon
propre parcours, mais j’étais déterminée à tout mettre en
œuvre pour permettre à mes jeunes élèves de vivre
l’autonomie, le désir d’apprendre, la connaissance et la
reconnaissance de l’autre.
Heureusement, à la rentrée
suivante, ressentant le besoin de partager mes questions,
mes essais, mes projets, je me suis présentée à la première
réunion que le Groupe girondin proposait. Là, je me suis
sentie accueillie et accompagnée avec beaucoup de
bienveillance, telle que j’étais à cet instant T. Les
échanges m’ont toujours permis de creuser mes
réflexions sans
toutefois m’imposer des réponses qui ne pourraient
être miennes ou qui arriveraient trop tôt dans mon
parcours. J’ai beaucoup appris, même si la plupart des
collègues enseignaient surtout en élémentaire. Je me suis
très vite sentie à ma place dans ce collectif en recherche,
dans le plaisir du partage et de la rencontre.
valerie.pigeyre@icem-freinet.org