L’individualisation du travail

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Jacky Varenne
Un incontournable pour démarrer en pédagogie Freinet.
La visite de diverses classes qui se réclament de la pédagogie Freinet montre qu’il y a bien des façons de pratiquer le travail individuel. Le plus difficile est peut-être d’accepter que les élèves ne fassent pas tous la même chose (qui plus est pas tous en même temps) et d’accepter de ne pas tout maitriser, tout contrôler. Enfin, il faut prévenir : introduire le travail individualisé (T.I.) dans sa classe, on sait comment ça commence… mais cela « risque » d’inciter à remettre en cause l’organisation du temps de classe, la gestion de l’espace, le rôle du maitre, le contenu des activités… C’est bien ce qu’on peut souhaiter ?
Si l’on veut changer sa pédagogie, travailler autrement, quelle que soit la façon dont on s’y prend, en partant des projets des enfants, en modifiant l’organisation de la classe, en introduisant de nouvelles techniques… on va être confronté à un problème : tout le monde ne faisant pas la même chose au même moment, comment s’organiser pour que chacun puisse pratiquer l’activité de son choix ? Il va falloir instaurer des temps de travail que l’on appellera « individuel », « individualisé », « choisi », « libre » ou « personnalisé »… Toutes expressions qui montrent bien qu’il s’agit d’activités qui vont dépendre des envies, des besoins, du niveau de chaque élève.
Quand on visite la classe d’un collègue qui utilise cette pratique, on est souvent impressionné : les enfants sont tous occupés à différents travaux, et passent d’une activité à une autre sans problème. Certains écrivent un texte, une lettre, d’autres font une fiche ou un livret programmé, préparent un exposé, rédigent un album, tapent un texte à l’ordinateur, dessinent une BD, lisent un album ou un documentaire, font une expérience… Ceux qui travaillent en petits groupes parlent assez discrètement pour ne pas gêner les autres, les déplacements sont justifiés par les nécessités du travail et chacun a l’air de prendre plaisir à ce qu’il fait. Quant au maitre, il ne parait pas débordé, mais semble n’être là que pour régler les petits problèmes matériels, donner un avis, aider ceux qui ont besoin de lui ponctuellement. C’est très séduisant, mais cette facilité apparente peut être trompeuse. Pour instaurer cette pratique, il ne suffit pas d’amener de nouveaux outils, de nouvelles techniques ni de proposer aux enfants : « Maintenant, chacun va faire ce dont il a envie… »
Comment introduire le travail individualisé dans sa classe
Les premières séances sont les plus difficiles : les élèves découvrent de nouvelles techniques, de nouveaux outils, de nouvelles consignes… Sans une organisation précise, on risque de se retrouver avec un maitre débordé, sollicité en permanence par plusieurs élèves et des enfants « en attente », bloqués dans le travail qu’ils voudraient faire, parce qu’il leur manque un renseignement, une aide, un outil…
Il va donc falloir prendre un certain nombre de précautions, et mettre en place une organisation qui permette au maitre d’être le plus disponible possible et aux élèves de travailler au maximum de façon autonome.
Le choix des activités proposées
Au début, un éventail trop large est peu sécurisant, pour les élèves comme pour le maitre. Comment choisir dans une liste d’une douzaine d’activités que l’on ne connait pas ? Le risque de papillonner de l’une à l’autre est d’autant plus grand qu’on a envie de tout essayer.
On a intérêt à se limiter à trois ou quatre, en choisissant les plus faciles à mettre en œuvre, celles qui mobiliseront le moins l’enseignant et celles dont on est sûr que les enfants les apprécieront, parce qu’elles offrent une réussite assurée.
Introduire une nouvelle activité
Quand les enfants ne sont pas habitués à l’autonomie dans leur travail, on a intérêt à se familiariser tous ensemble avec un nouvel outil. Prenons l’exemple du fichier Numération-Opérations en grande section ou au CP.
Avant de le mettre en service dans la classe, le maitre organise un moment de travail collectif. Il présente aux enfants une photocopie agrandie au format A3 du verso d’une fiche (ou bien il la reproduit au tableau).

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Au cours de la discussion, on arrive à la question :
– Pourquoi a-t-on entouré certains ensembles ?
– C’est là où il y en a le plus.
Ensuite, chaque enfant reçoit une photocopie A 5 du verso de la fiche – ou bien le maitre la reproduit au tableau – et chacun, individuellement, essaie de « faire pareil » qu’au recto ; à la fin, on compare les résultats. On recommencera une ou deux fois. Ensuite, les élèves pourront être autonomes pour l’utilisation de cet outil.
Une autre façon d’amener une nouvelle activité est de la pratiquer avec un petit groupe d’élèves, qui pourront aider ensuite ceux qui voudront s’y essayer. C’est souvent ce qu’on fait pour l’ordinateur, où les enfants travaillent à deux, l’un expliquant à l’autre au fur et à mesure.
Pour tout nouvel atelier, il est bon de présenter collectivement la place dans la classe, le rangement, le matériel utilisé et le responsable éventuel (dont le nom peut être affiché).
Et ensuite ?
Il ne restera plus qu’à régler les problèmes de la place de l’enseignant, de l’intendance (matériel, aménagement de la classe, mise à disposition des outils, rangement...), du temps spécifique pour ces activités, du suivi du travail, de la part du maitre… Tous problèmes qui se règleront petit à petit, souvent en échangeant avec des collègues.

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