La correspondance
sonore
Nadège
Pessognelli pour le Secteur Pratiques sonores et
musicales
Et pourquoi ne pas commencer par
la correspondance sonore ?
J’aime bien cette
expression : « Entrer en pédagogie Freinet » comme on entre
par une porte, c’est une image parlante : quelle(s)
porte(s) ouvrir,
en se laissant suffisamment de temps d’expérimentation
collective pour ne
pas la (les) laisser se refermer ? À l’époque des
précurseurs comme aujourd’hui, correspondre avec des
enfants qu’on ne connait que par ce biais permet
d’apprendre de l’autre, de découvrir un autre milieu, de
mieux connaitre son milieu en le présentant à d’autres, de
partager une culture de la classe.
Le
secteur Pratiques sonores et
musicales a décidé de poursuivre
une correspondance sonore pour explorer le monde sonore, en
maitriser mieux le langage et construire une culture
commune à nos classes. La correspondance sonore existe dans
le mouvement Freinet depuis longtemps. Sa forme a été
variable : des envois parmi d’autres dans le cadre d’une
correspondance « ordinaire », des
échanges spécifiques par
courrier ou courriel, avec un ou plusieurs destinataires,
d’abord sur des bandes, puis des CD et des mp4. Son
fondement est le même que pour les autres types de
correspondance : la nécessité et le plaisir de partager la
vie de la classe, de s’apporter des éléments pour aller
plus loin dans ses pratiques, comme on peut avoir besoin de
recevoir un retour sur un petit livre ou une création
envoyés aux corres’.
Comme on n’a pas besoin
d’être sociétaire de l’Académie française pour permettre
aux enfants de créer des textes, on n’a pas besoin d’être
musicien, diplômé d’un grand conservatoire pour faire créer
du son par les enfants. On n’a pas besoin non plus d’un
grand panel d’instruments couteux. Il y a souvent dans les
écoles pas mal d’instruments qui prennent la poussière dans
un placard oublié, on peut fabriquer assez facilement des
instruments à partir de matériaux de récupération ou donnés
par les familles. Dans la Clé des pratiques sonores et
musicales, on
trouve de nombreuses fiches de créations d’instruments
adaptées aux enfants. On peut aussi jouer avec ce qui
existe autour de nous (matériel de classe, murs,
radiateurs, mais aussi du carton ondulé…), avec son propre
corps (chanter et taper dans ses mains, sur ses cuisses,
par terre…).

Souvent, on laisse la
création musicale de côté par manque d’assurance, de
« compétences personnelles », de temps, parce qu’on ne sait
pas gérer le bruit dans des locaux pas forcément bien
insonorisés. Pour ce qui est du bruit qui peut être gênant
pour les voisins, il existe des solutions. Il peut y avoir
un groupe de travail sur le son, pendant que les autres
pratiquent d’autres travaux. En stage de « bricolason », une
stagiaire a inventé
de petits instruments sonores pour un ou deux auditeurs,
dont le son ne dépasse pas celui du chuchotement. Plusieurs
d’entre nous utilisent le logiciel gratuit
Audacity qui permet de retravailler les
sons collectés. Il est aussi possible d’utiliser les locaux
plus éloignés, la cour de récréation, les décalages de
récréations, les moments où la classe voisine est en
sport…
Plutôt que de ne pas le
pratiquer, pourquoi ne pas tenter de créer du son
autrement ? Donner un temps régulier à l’exploration
sonore, c’est permettre aux enfants de créer et s’exprimer
par et à travers le son, de présenter leurs créations
sonores, c’est rendre possible un travail en coopération
dans un véritable projet, et le communiquer aux autres
élèves, aux familles, à d’autres classes… Choisir d’ouvrir
cette porte, c’est mettre en jeu les principes fondateurs
de la pédagogie Freinet. La correspondance sonore y a toute
sa place.