COMMENT pratiquer le texte libre ?

 Et, d'abord, comment préparer le champ de production du texte libre ? Organiser le travail vivant, qu'est-ce que cela signifie ?


SOMMAIRE 

Comment pratiquer le texte libre ? 

·          Organiser le travail vivant
-           Pratique matérialiste de l'écriture
-           Appropriation coopérative de l'écriture
-           Globalité fonctionnelle de la classe coopérative
-           Pluralité de l'expression
-           Organisation de l'espace et du temps

·          Trois moments d'une même pratique
-           Écriture des textes
-           Socialisation des textes
-           Reproduction et échange

·          Ouverture vers la culture et part du maître
-           Importance d'une intervention personnalisée de l'enseignant

-    Travaux collectifs autour des textes

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Je crois qu'il faut détruire ce mythe de la liberté. C'est un mot que nous ne devrions jamais employer en pédagogie. C'est l'organisation du travail qu'il faut prévoir. Les enfants n'ont pas soif de liberté, ils ont soif de travail vivant. 

C. FREINET 

Pratique matérialiste de l'écriture 

1. CRÉER LES CONDITIONS PRATIQUES DE LA COMMUNICATION. 

La liberté de parole n'est pas un pouvoir inné, effet de la simple maturation ; le pouvoir individuel que confère la parole est l'objet d'une conquête par l'enfant dans un milieu social aidant ou non. 

Aussi, créer un climat de confiance tel que l'enfant recouvre la parole et prenne possession de l'instrument d'expression qu'est l'écriture est la tâche primordiale de l'instituteur. Instituer le droit à la parole et à l'écriture, faire naître le plaisir d'écrire et de communiquer, ne serait-ce pas le sens qui devrait être donné à l'école élémentaire ? 

2. MODIFIER LE PROCESSUS DE PRODUCTION DU TRAVAIL SCOLAIRE

 C.Freinet ne s'est jamais contenté d'un verbalisme radical ; il a mis au point des outils et des techniques, adaptables et utilisables dans toutes les écoles, sans grands moyens matériels, qui matérialisent sa réflexion et ses idées pédagogiques. Ainsi, pour la première fois sans doute dans l'histoire de la pédagogie, le trio instruction, production, éducation n'est plus scindé mais unifié sous le concept d' « Éducation du Travail ». 

La technique est toujours le meilleur outil de l'enseignement ; elle constitue, en effet, l'outil de travail avec lequel l'enfant se livre à une activité complète dans un but concret; immédiatement, l'intérêt se confond avec l'activité elle-même. 

R. LALLEMAND 

Dans nos classes, les activités de reproduction : imprimerie, limographe, photocopieur ou imprimante mais aussi affiches, albums, cassettes ou bandes magnétiques motivent et magnifient les productions écrites en leur donnant tout leur sens.

L'important, au départ, est donc d'organiser l'espace éducatif-classe et d'apporter des techniques favorisant la communication entre enfants.

Pas de verbiage sur la liberté, sur l'école aux enfants ! En instituant un certain nombre de pratiques comme le plan de travail, le travail individualisé, la socialisation orale des textes, le journal scolaire, la correspondance... on crée un champ d'influence indispensable à l'émergence du texte libre.

Nous réaffirmons, en effet, que dans une pratique superficielle et détachée de l'ensemble cohérent que constitue la pédagogie Freinet, le texte libre risque vite de redevenir un banal exercice de rédaction à sujet libre qui n'a plus les avantages décrits dans la première partie de cette brochure.

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Le texte libre ne peut exister que grâce à une organisation du milieu scolaire qui valorise l'expression écrite des enfants en la dynamisant dans un circuit d'écoute, de lecture, d'édition.

 

 

Appropriation coopérative de l'écriture

La prise en main par les enfants des outils de socialisation de la parole, instituée dans la classe, conditionne la prise de parole elle-même.

L'imprimerie et les techniques de reproduction modifient radicalement les rap­ports des élèves entre eux mais aussi des élèves au maître. Ils permettent à la classe de devenir une collectivité parce qu'elle a une existence matérielle nou­velle à travers son journal et ses productions coopératives.

Tout le processus de fabrication (textes libres, reproductions, agrafage, vente, échanges...) se situe dans un groupe qui a une action socialisante.

On a souvent présenté Freinet comme un instituteur anarchisant qui bâtit son système d'éducation à partir de l'individu et qui fonde l'éducation de l'être sur les richesses de l'être selon une imagerie horticole. C'est oublier le rôle important que donne Freinet à l'organisation du milieu éducatif, institution sociale vivante où se destructure la verticalité des rapports autoritaires pour laisser la place à la coopération du travail et à l'éclosion de compétences reconnues dans la communauté-classe.

Dans la classe coopérative, l'enfant, partant de son expression personnelle, est sans cesse concerné et, s'appuyant sur l'autre, sans cesse aidé. La dialectique entre moi et les autres se trouve réalisée au maximum.

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Globalité fonctionnelle de la classe coopérative   

La classe coopérative ne se construit pas comme un méccano, tout est lié dialectiquement. Le texte libre n'est qu'une pièce dans un ensemble de pratiques.

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Pluralité de l'expression

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Le texte libre s'inscrit également dans une pédagogie qui suscite, donne les moyens et valorise une pluralité de champs d'expression. 

Organisation de l’espace et du temps 

La diversité des formes de travail impose une organisation complexe et précise. 

L'organisation au service de l'expression et de la fantaisie. F.OURY 

CHOIX DES ACTIVITÉS ET GESTION DU TEMPS 

L'écriture du texte doit être libre : l'enfant doit pouvoir choisir son sujet mais également le moment où il va l'écrire. Pour cela, l'enfant doit pouvoir organiser son travail. Il doit donc gérer l'emploi du temps de la classe où des moments de travail libre (ou individualisé : T.I.) sont prévus ; des moments sont également réservés à la communication des textes... 

Il est bon, pour les petites classes, d'avoir un emploi du temps dans lequel les enfants se retrouvent facilement. En début d'année, est définie une grille-emploi du temps qui, tenant compte des Instructions officielles, sert de guide aux enfants pour prévoir et pour organiser leurs activités. 

Des réajustements ont lieu en cours d'année. Chaque enfant reçoit une copie de cette grille. Après chaque moment de travail individualisé, toute production personnelle ou travail de recherche peut être communiqué au groupe. 

Cet ancrage coopératif est important, le groupe-classe étant à la fois produit et source des énergies individuelles, en même temps que régulateur des cheminements de chacun. Cette mise en commun est dans la dynamique du tâtonnement expérimental puisque le corps à corps avec la création ou la recherche conduit à la confrontation des initiatives et à la coopération. 

UNE NOUVELLE ORGANISATION DU TRAVAIL BASÉE SUR LES PLANS DE TRAVAIL. 

Avec le plan de travail, l'enfant devient autonome dans le cadre de certaines barrières qu'il a d'avance mesurées et acceptées. Dans les limites de ce cadre, il peut aller à son rythme, mesurer l'avancement de sa tâche, organiser son travail, puis l'évaluer coopérativement en réunion de coopérative. 

Les enfants passent ainsi du statut d'objet (manipulé, dirigé...) à celui de sujet (de ses propres activités). Et ceci est autant valable pour l'individu que pour le groupe dans lequel il s'insère. 

AMÉNAGEMENT DE L'ESPACE 

Il n'est plus possible d'ignorer que la pédagogie est étroitement liée à l'architecture des lieux où elle doit s'exercer. L'espace n'est pas neutre : il traduit une certaine conception de la formation et des rapports sociaux. 

Ainsi, une classe où l'expression libre trouve les moyens matériels d'être communiquée présente une disposition géographique, matérielle, qui est en ellemême une invitation à la communication : l'enfant doit pouvoir, quand il le désire trouver un lieu pour écrire seul ou en groupe, un lieu pour afficher ses productions et un atelier de reproduction. 

La classe-atelier tout en favorisant au maximum l'expression des enfants, permet aussi le travail au calme d'un enfant ou d'un groupe d'enfants (pour lire, se documenter, enregistrer...) ou le regroupement de toute la classe au coin-réunion. 

L'organisation de l'espace évolue parallèlement à la vie de la classe, à la mise en place d'outils et d'ateliers nouveaux. 

Pour conclure 

C'est la structure institutionnelle, création « volontariste » des enseignants qui va créer le champ d'appropriation du texte libre. 

L'expression libre, cette production personnelle conduisant à la création, passe donc par une organisation rationnelle du travail de l'individu et du groupe. L'action de l'adulte, ici encore, est essentielle : il lui incombe de mettre en ceuvre l'ensemble des moyens et des techniques nécessaires pour que l'enfant mobilise positivement ses possibilités latentes.

Un exemple de plan de travail

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Trois moments d'une même pratique

Il y a pleinement « texte libre » à partir du moment où se met en place la batterie institutionnelle complète :

-           possibilité d'écrire librement,

-           possibilité de présenter ses productions,

-           possibilité de les diffuser. 

Écriture des textes 

1. APPORTS STIMULANT LA PRODUCTION DES TEXTES LIBRES 

Commencer l'année scolaire avec un groupe n'ayant jamais pratiqué l'expression libre en lui disant : «  Vous écrirez ce que vous voudrez, quand vous voudrez » serait prendre l'aboutissement d'une action de longue haleine pour son commencement. La liberté offerte, la page blanche, paralysent plus qu'elles ne libèrent les imaginations. Le démarrage a besoin d'être guidé car l'enfant ne peut passer sans transition d'un système directif autoritaire à un système souple et tolérant. 

L'institution de moments fréquents pour écrire des histoires, la présentation de textes différents de ceux qui existent dans les manuels, l'ouverture de la classe vers l'extérieur vont aider l'enfant dans ses premiers tâtonnements. 

Des moments fréquents étaient institués pour écrire des histoires... on en écrivait mais elles me semblaient peu satisfaisantes et peu expressives, et c'est avec la correspondance que l'écrit a pris une nouvelle dimension. Sur le conseil de ma correspondante, j'ai proposé aux enfants d'écrire des histoires pour étoffer leurs lettres trop succinctes. 

Françoise enseignante de classe unique (25 élèves) 

Dans l'emploi du temps de français, je consacrais le jeudi matin à l'expression écrite. Que faire ? Donner un sujet de rédaction aux enfants et leur demander de faire un devoir dessus ? Cela ne me disait rien. Dans un présentoir de livres, j'avais disposé des journaux scolaires. Le premier jeudi, j'ai donc décidé de lire des textes aux enfants. C'était nouveau pour eux et donc cela leur a plu. J'ai entendu : « On pourrait en faire, nous aussi. » J'ai sauté sur cette phrase qui a mis en route le texte libre dans la classe. Il n'était pas question pour moi de leur dire : « Eh bien ! jeudi prochain à la même heure vous écrirez des textes ». Je leur ai donc proposé d'en faire, eux aussi, quand ils le voudraient et je leur ai dit que nous pourrions les lire le jeudi matin. Et maintenant, tous les jeudis matin nous lisons les textes et les poèmes des enfants et nous en choisissons pour les envoyer, les enregistrer ou pour les mettre dans le journal. 

Marie-Claire, enseignante de cours moyen 

Le texte libre quand on est titulaire-mobile : 

Un autre état d'esprit :

La mise en place du texte libre dans une classe est une action progressive de longue haleine qui suppose un équipement important en matériel et en moyens du fait même des prolongements tels que le journal (imprimerie, photocopie, imprimante) la correspondance, etc. Un remplacement, qui plus est dans une classe traditionnelle non équipée, ne permet pas de se lancer dans une aventure de grande envergure. Alors, doit-on renoncer ? Les conditions de travail particulières du remplacement obligent à porter un autre regard sur le texte libre et à le pratiquer dans un autre état d'esprit. C'est ce que nous dit Mireille, institutrice de Z.I. L. : 

Réaliser des activités ponctuelles, créer une situation d'échange. 

Il est évident que l'instituteur qui remplace n'a pas le temps de se lancer dans des activités de longue durée, car il sait qu'il ne pourra pas exploiter lui-même tous leurs prolongements. Mais, s'il ne peut espérer de continuité dans son travail, il peut en profiter pour réaliser des activités immédiates et ponctuelles.Il peut faire découvrir aux enfants des poésies qu'il connaît et qu'il aime, des aspects de la nature susceptibles d'éveiller leur intérêt. 

Par exemple, on peut consulter des documents sur la peinture à travers les siècles, échanger des commentaires, réaliser soi-même des peintures que toute la classe commentera... on peut écouter des poésies lues par le remplaçant, en lire soi-même, en copier une pour l'apprendre, en écrire soi-même. 

Mais surtout, que ce soit en lisant des poésies, en regardant des peintures, en consultant des documents, il faut créer une situation d'échange. 

C'est le terrain le plus favorable pour qu'éclosent des textes libres.

 

2. ENTRAVES A LA PRODUCTION DES TEXTES LIBRES 

Certains élèves, soit déformés par des méthodes traditionnelles scolastiques, soit paralysés par leur histoire socioculturelle ont du mal à investir la pratique du texte libre. Ne pouvant pas encore s'affranchir de leurs blocages, ils en sont réduits aux clichés habituels d'une langue impersonnelle ou au silence. L'enfant n'est pas libre d'écrire ou de ne pas écrire s'il a été conditionné à ne pas être libre de sa parole. Il a inévitablement intégré un certain nombre d'interdits socioculturels. 

Certains interdits sont issus directement des attitudes et comportements des parents. D'autres sont le fruit de la conscience, plus ou moins diffuse, chez un enfant, du décalage qui existe entre ses capacités et le niveau de savoir-faire reconnu par l'école. Aux effets de ce décalage s'ajoutent, selon un même processus, ceux du décalage entre la nature de ses vécus, de ses préoccupations et la nature de ceux reconnus par l'école. 

Une autre limite tient souvent aux goûts et aux compétences des enseignants qui, souvent inconsciemment, privilégient certains types de recherches, de textes. Il est important que les éducateurs apprennent à diversifier leur capacité d'accueil. Il faut qu'ils puissent se réjouir de :

Beau matin du printemps, dans la douceur du jour...
Mais aussi de :
Il était une fois une pauvre vieille femme...
Ou encore :
Un singe, deux lapins, trois loups, quatre kangourous…
De la fable à la comptine, du récit au roman, de la lettre au poème, l'enseignant doit étendre le champ de ses acceptations.

Le travail en équipe apporte une solution intéressante à cet écueil. 

3. L'ADULTE EST PRÉSENT ET DISPONIBLE 

L'organisation de la classe permet le travail individuel, elle rend le maître plus disponible pour les enfants qui ont besoin de son intervention. 

On se contente trop souvent de laisser l'enfant libre d'écrire ce qui lui plaît. La part du maître ne commence qu'au moment de la mise au net. C'est, au contraire, avant qu'il faut agir. Pendant les heures ou les minutes de travail libre, il faut se mettre à côté des hésitants, les aider à trouver des thèmes à exprimer, aider les idées à éclore et à s'extérioriser. 

C. FREINET 

Cette attitude nous semble plus efficace qu'une exhortation « rituelle » du maître. Cette dernière n'est toutefois pas à exclure totalement, tout dépend du niveau de compétence et de motivation d'un enfant 

Tu n'as pas écrit de texte depuis un petit moment. 

Ou, mieux : 

Tu pourrais raconter ta partie de pêche. 

Il est néanmoins important d'avoir conscience qu'un enfant n'est actif, dans le sens d'activité intelligente, que lorsqu'il ressent, consciemment et personnellement, le besoin de son activité aux fins de sa réalisation. Ce but n'est pas atteint aussi longtemps qu'il faut suggérer les problèmes. 

Cette disponibilité de l'adulte facilite l'investissement de la pratique du texte libre par l'ensemble des élèves. A partir de là peut émerger une réelle démarche d'écriture et une appropriation de la langue écrite. 

C'est ce qui a permis à C. Freinet de créer le concept de « littérature enfantine » en éditant des textes d'enfants dans les « gerbes », les livrets de « bibliothèque enfantine », les albums, les revues documentaires. Plus tard, J Magazine, la revue de ceux qui commencent à lire est allée dans le même sens. 

A partir de là, la boucle est bouclée, les enfants « écrivains » sont édités et cette édition enrichit le champ d'influence établi initialement. 

4. LA COOPÉRATION FACILITE L'ÉCRITURE DES TEXTES, 

Dans nos classes coopératives, les enfants ne sont pas isolés. La paralysie devant la page blanche, si elle existe, est tempérée par la présence et le concours des autres : c'est ainsi que celui qui tombe en panne s'adresse à un voisin qui lui donnera le coup de pouce nécessaire à la poursuite de son récit. 

C'est ainsi que celui qui veut recevoir un avis lit son texte au copain pour juger de l'effet produit et, le cas échéant apporter les retouches nécessaires. 

L'entraide est institutionnalisée, de la recherche des idées à celle de leur mise en forme en passant par les difficultés à surmonter (orthographe, syntaxe...). 

La coopération entre enfants, composante de la stratégie mise en œuvre par l'adulte, est essentielle pour l'éveil du désir d'expression chez l'enfant et l'adolescent. Elle est, chez les plus timides, les plus fragiles, un élément déterminant qui leur fait franchir la frontière séparant les possibilités latentes et l'acte accompli. 

Discussion et recherche coopérative 

On peut établir, avec le groupe, une liste la plus large possible de toutes les choses qu'on peut écrire :

-           ce qu'on a fait le dimanche ;

-           ce qui te met en colère ;

-           un rêve ;

-           ce que tu feras quand tu seras adulte ;

-           la suite d'une histoire qu'on a aimée ;

-           une histoire pour faire peur ;

-           le compte rendu d'une observation ;

-           si tu étais une fée, un magicien... 

De la même façon, on pourra chercher dans les textes de la classe, dans les livres qu'on aime, les ingrédients nécessaires à la réussite de ces textes :

-           effets de suspense ;

-           permanence des personnages ;

-           pertinences ou invraisemblances de détails

-            

5. ACTIVITÉS ET OUTILS INCITATEURS A L'ÉCRITURE 

Un certain nombre d'incitations, l'emploi d'outils facilitant l'émergence de l'expression écrite peuvent se justifier à certains moments. 

a) Projets collectifs 

La vie coopérative de la classe donne naissance à des projets collectifs de production (albums, scénari...). La participation à de tels projets en tant que coconcepteur et/ou en tant que corédacteur permet souvent le démarrage de l'expression écrite. En effet, la participation à une création littéraire collective est moins implicante. Le champ de réussite est plus abordable car la responsabilité de l'oeuvre face aux normes plus ou moins explicites incombe au groupe et non à un individu isolé. 

Dans ce cas, le travail de création n'est pas un acte purement individuel et, s'il est malgré tout soumis aux regards critiques, ce n'est jamais dans une situation où l'auteur est seul face aux autres. 

Aux effets bénéfiques dus à la vie coopérative instituée par l'enseignant, s'ajoute le rôle que celui-ci peut jouer pendant l'écriture des textes auprès des apprentis créateurs. Il peut apporter son aide dans la conception de ce travail coopératif d'autant mieux qu'il a vécu lui-même les événements à décrire (visites, enquêtes...). 

Une passerelle entre la production de comptes rendus objectifs (type enquête) et d'écrits personnels issus de la vie de l'enfant ou de son imaginaire va s'installer ainsi progressivement. 

b) Outils incitateurs 

Il est souhaitable que des enfants qui commencent à éprouver l'envie d'écrire mais sont encore victimes de leurs blocages puissent avoir recours à des documents incitateurs à l'écriture : documents porteurs de stimulations visuelles et/ ou auditives et/ou littéraires... (32). 

Dans ce cas, il ne s'agit pas encore de textes libres mais la pratique libre de ces productions écrites socialisées va habituer l'enfant à rédiger ses idées et à présenter son travail aux autres.

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6. LA CREATIVITE EST UNE CONQUETE, FRUIT D'UNE LONGUE PRATIQUE. 

Il faut, dans le milieu scolaire, se débarrasser d'une conception trop spontanéiste de l'imagination. La créativité est le fruit de tâtonnements, du travail, de reprises améliorées et l'aboutissement d'un patient processus d'élaboration qui n'a pu s'organiser que dans une pratique effective de l'écriture. 

L'espace de liberté, de travail et de tâtonnement que crée le texte libre dans la classe permet à Marie-José de poursuivre et d'approfondir son tâtonnement sur les mots et leur sonorité, à son rythme, autant de fois qu'elle le veut et finalement d'aboutir à une production qui sera imprimée dans le journal scolaire. 

Implicitement, elle a découvert que la valeur expressive des sons est réelle mais latente ; elle est à notre disposition... (MAROUZEAU)

Elle ne prend toute sa valeur qu'en rythmant un texte signifiant. 

Les fruits

Pomme
Homme
Orange
ange
Poire
armoire
Prune
brune
raisin
marin

une pêche
se dépêche
un abricot
pierrot
groseille
réveille
des
mûrs
mûrs.

Chanson 

Je cherche des poux dans la tête de Frimousse qui tombe d'une échelle de 1 m.Il a eu une bosse sur sa caboche, son père l'a appelé pour jouer à se faire des bosses mais il n'a pas voulu.

Marie-José

 La socialisation des textes à l'intérieur de la classe 

L'écriture d'un texte n'est que la première étape de l'institution - texte libre. 

Une des grandes nouveautés du mouvement Freinet est d'avoir introduit en pédagogie, un processus de production qui ne soit pas amputé de ses corollaires, la socialisation et la consommation. C'est à l'intérieur du circuit de production (au sens marxiste du terme) que circule l'épistémé (33), alors que dans la pédagogie traditionnelle, celle-ci est injectée du dehors. 

P.CLANCHÉ 

L'affichage, les moments de bilan et de regroupement où un enfant peut lire son texte au groupe, toutes les institutions d'échanges propres à chaque classe, permettent cette socialisation. 

1.    LA COMMUNICATION DES TEXTES EST UN MOMENT D'INTENSE ÉCOUTE. 

La socialisation des textes et de leurs trouvailles n'a évidemment rien à voir avec une normalisation imposée par le maître. C'est un moment de plaisir où chacun peut communiquer son texte et essayer de surprendre, de faire réagir ou de faire partager une émotion, une expérience, à ses camarades. Ce moment où chacun peut, alternativement, éprouver un plaisir narcissique en présentant son texte ou trouver son compte de fantasmatisation en écoutant ou lisant les productions de ses camarades, devient un temps important, attendu par les enfants. C'est, pour une part, de la qualité de cette écoute, que va résulter l'investissement des enfants dans l'activité d'écriture. 

2.    LA COMMUNICATION DES TEXTES N'EST PAS SIMPLE LECTURE. 

C'est le moment où naissent les échanges interindividuels, où les opinions se construisent. 

La classe pose des questions, donne son avis. 

Les suggestions exprimées (on ne comprend pas très bien ce passage, tu devrais insister sur tel point...) permettront souvent à l'auteur de reprendre son texte, seul ou aidé d'un camarade ou du maître pour modifier les passages « incompris » ou à développer. 

Au cours de ces mises au point orales, on rétablit la capacité de communication du texte, et on engrange pour de futures productions. On le vérifie lorsque les enfants disent : 

- Cette fois, tu ne t'es pas trompé.
- Tu as tenu compte des remarques qui tont été faites.
- Je voudrais dire à Etienne que son texte est drôlement bien et amusant. Son idée de faire parler la chaise me plaît.
- Claude a bien choisi le nom de son oiseau extraordinaire : « Plume d'or ». Ca va bien.
 

Au cours de l'échange dialectique qui s'instaure entre lecteur et auditeur, l'enfant prend conscience de l'effet que produit son texte par rapport à l'ensemble de la production habituelle, par telle structure de son texte qu'il expérimente et modifie en fonction de l'accueil reçu. 

Cette évaluation directe devient une aide positive pour l'amélioration immédiate ou future des textes. L'adulte, lui, doit veiller à cette « positivité » des critiques, et mettre en valeur les productions originales qui seraient, éventuellement, mal accueillies. 

3.    L'HÉTÉROGÉNÉITÉ DU GROUPE-CLASSE FAVORISE LA MULTIPLICITÉ DES PISTES DE PRODUCTION 

L'enfant qui écrit un texte subit évidemment la contrainte de sa culture familiale et des formes d'expression dont il a hérité mais il se trouve parmi d'autres écrivants. Ceux-ci vont lui fournir des formes nouvelles et surtout des pistes de réflexion, de jeux, de structures qu'il n'avait encore pu explorer. S'il conserve son expression personnelle, il peut se servir avec profit de tout ce que lui apportent les autres. 

Le groupe provoque une certaine escalade de l'audace. Un premier pas de l'un est suivi d'un second pas de l'autre... Et c'est le grand déferlement... Cela peut se passer au niveau des recherches sonores, de l'expression de la tendresse, de la contestation ou du comique... 

Un matin, deux enfants du cours moyen 1re année sont venus lire un texte intitulé : « La classe à la piscine ». Ils avaient inventé une série de péripéties survenant à leur classe, lors d'une séance de natation. 

Chaque enfant était nommément l'objet d'un incident comique ou dramatique 

« Bruno plongea sur Nathalie qui s'enfonça et tapa le fond de la piscine. Daniel, qui courait derrière Stéphane, glissa et se cassa la jambe... » 

Le texte fut accueilli par des applaudissements. On leur demanda comment ils avaient eu l'idée d'écrire cette histoire. On a aimé ce texte parce qu'il était drôle, parce qu’il parlait de tous les camarades... En tous cas, il a été le facteur déclenchant d'une série d'autres textes qui fleurirent quotidiennement pendant des semaines, avec des titres aussi variés que « la classe à la neige », « la classe en Afrique », « la classe au bal »... 

Un jour, cependant, l'un des instigateurs de cette mode prit la parole pour dire que tous les textes finissaient par se ressembler, et qu'il serait temps de, changer de sujet. En attendant, des enfants qui n'écrivaient pas s'étaient « débloqués », et avaient découvert le plaisir d'écrire, et souvent de travailler en groupes. On rassembla dans un album les aventures de la classe. 

Voici un autre exemple de reprise active favorisée par la socialisation des textes. Dans un cours moyen 1re et 2e année, Hélène présente le texte suivant au début octobre : 

Le lapin jaune qui voulait être rouge 

Il était une fois un lapin jaune qui voulait être rouge. Sa mère lui disait : « Non, tu ne peux pas être rouge, c'est la nature. » Mais le petit lapin insistait. Alors sa mère lui disait : « Va te coucher, tu m'énerves ». Et le petit lapin allait se coucher et sa maman disait : « Ouf, il est parti ! » 

Ce texte relient l'attention de ses camarades, touchés manifestement par ce problème de couleur de poils. La fin, cependant, provoque quelques insatisfactions. Le lendemain, Estelle propose le texte suivant : 

Le lapin rose 

Il était une fois un lapin rose qui s'ennuyait car il n'était pas comme les autres lapins. Un jour, une lapine blanche passa ; elle lui dit : « Qu'y a-t-il mon garçon, pourquoi pleures-tu ?
- Parce que je ne suis pas blanc comme toi.
- Ne t'en fais pas, je vais arranger ça, suis-moi. »
En chemin, ils rencontrèrent des lapins marron, noirs, blancs, gris. Ils arrivèrent devant une grande maison rouge et bleue. Ils frappèrent à la porte.
Un grand monsieur ouvrit. C'était un magicien. Ils entrèrent dans la maison et le magicien transforma le lapin rose en lapin blanc. Il fut très content.

Une discussion passionnante suivit la lecture de ce texte, chacun proposant des fins différentes. 

Le texte d'Hélène, repris par Estelle, déboucha finalement sur un débat sur le racisme, preuve que le travail textuel et l'exercice de l'esprit critique peuvent faire bon ménage et se renforcer mutuellement. 

Nous terminerons par un court extrait des travaux en chantier dans la classe de Jeannette Go (C.M.2 - École Frédéric-Mireur à Draguignan (83) où les reprises actives sont encouragées. 

1. Texte de départ réalisé par Dalila (en relation thématique avec un texte antérieurement produit et quatre fois repris) : 

Il y avait très longtemps vivait une poule qui n'était pas comme les autres, elle était voleuse. Elle vivait dans une ferme. Un jour la poule s'enfuit. Elle alla jusqu'au marché et rentra dans une bijouterie. Toute contente, sans savoir où elle était, elle regarda autour d'elle : les colliers, les bracelets, les bagues, les montres, tout était en or.
A la ferme, le fermier et la fermière la cherchaient partout mais ils ne la trouvaient pas. Ils étaient tristes car c'était la seule poule qu'ils avaient.
 

Etc. 

2. Transformation opérée par Hassiba (le passage au futur mute la connotation « conte » en une sorte de prophétie, du moins, il exprime le désir) : 

Un jour, j'aurai une poule qui ne sera pas comme les autres. Elle vivra dans ma ferme. Un jour ma poule s'enfuira jusqu'au marché et rentrera dans une bijouterie. Toute contente, sans savoir où elle sera, elle regardera autour d'elle. Les colliers, les bracelets, les bagues, les montres, tout sera en or. Je chercherai ma poule mais ne la trouverai pas, Je serai triste car ce sera la seule poule que j'aurai.
Etc. 

3. Texte repris par son auteur, Dalila (le passage au « je » constitue une mutation spectaculaire du texte : ce que nous appelions « faire remonter le latent à la surface... ») 

Je ne suis pas comme les autres, je suis voleuse, je vis dans une ferme.

Un jour je me suis enfuie. Je rentre dans une bijouterie. Toute contente, sans savoir où je suis, je regarde autour de moi ; les colliers, les bracelets, les bagues, les montres, tout est en or.

A la ferme, le fermier et la fermière me cherchent partout. Mais ils ne me trouvent pas. Ils sont tristes car je suis la seule poule qu'ils aient. 

Etc. 

4. Reprise par Jean-Bernard (sur le mode rhétorique de l'hésitation qui « oralise » le texte) : 

La puce heu ! la poule. 

Il y avait très longtemps vivait un chien heu ! une poule qui n'était pas belle heu ! pas comme les chiens heu ! pas comme les autres. Elle était gourmande heu ! voleuse. Elle vivait dans une fleur heu ! dans un camion heu ! pardon, dans une ferme. Un jour le chien heu ! la girafe heu ! repardon la poule s'enfuit. Elle alla au pré heu ! au marché. Et rentra dans une boucherie heu ! dans une bijouterie. Toute méchante heu ! contente, sans savoir où elle était, elle regarde autour d'elle. Les bonbons, les pains flûte, les colliers, les bracelets, les bagues, les montres, tout était en pierre heu ! en or. A l'aéroport... à la ferme, le fermier et la mère heu ! la fermière la regardaient... la cherchaient partout, mais ils ne la trouvèrent pas. Ils n'étaient pas tristes zut ! ils étaient tristes car c'était la seule girafe heu ! la seule poule qu'ils avaient. Etc. 

4.    L'EXPOSITION « INSTITUTIONNALISÉE » MET EN VALEUR LES PRODUCTIONS RÉALISÉES 

En plus des bilans quotidiens où peuvent être présentés les textes qui viennent d'être écrits au brouillon, un moment spécial est institué concluant une période de travail d'une ou deux semaines selon la durée d'un plan de travail. 

Dans ce cadre, une présentation des textes illustrés, mis en affiches, tapés à la machine ou imprimés, mis en musique ou joués (théâtre, marionnettes) est organisée. Un exemple de moment « institutionnalisé » de socialisation en classe unique : 

Samedi-télé 

Le samedi en rentrant à l'école, le responsable du jour installe la télé, le magnétophone, les chaises et les coussins. Le responsable du jour regarde sur le tableau des âges. Il dit : « Ce matin, c'est Marc qui présente samedi- télé ». D'abord on présente les livres, les textes libres qu'on a écrits dans la semaine, nos poésies, nos chansons, les recettes de cuisine et les jeux s'il y en a. Après le samedi-télé, on agrafe tous les textes pour en faire un album qu'on envoie aux correspondants. Avant, on en choisit pour notre journal à l'imprimerie.

David et Claude 

Toutefois il est à noter qu'il peut être dangereux de donner au texte une concrétisation excessive quand celui-ci n'est qu'une « pirouette » ou quand il remonte des profondeurs de l'être et ne doit pas être exposé trop longuement à la surface. 

5.    LA SOCIALISATION DES TEXTES CRÉE OU RENFORCE UNE DYNAMIQUE D'ÉCRITURE 

Les prochains textes seront le lieu de réinvestissement de telle ou telle trouvaille (personnage, développement de l'action, lieu, effet comique...) ou de telle ou telle structure que l'enfant a repérée dans les textes présentés et qu'il a investie. Récupération, modification, transformation, travestissement travaillent à l'enrichissement de la culture collective, des référents littéraires de la communauté classe. C'est cette dialectique groupe/individu qui va permettre la mise en place d'un savoir écrire toujours plus performant et créateur. 

Reproduction et échange 

La pratique du texte libre dans la classe est étroitement liée à la pratique des échanges scolaires. 

Si l'on néglige cette motivation qu'apportent l'imprimerie, le limographe, le journal scolaire, la correspondance interscolaire, le texte libre risque fort de n'être qu'un éclair sans lendemain... 

C.FREINET 

Le texte libre s'inscrit dans une pédagogie du travail. Le texte libre est une réalisation tangible qui va être l'objet d'une communication. 

Mais cet objet ne va assumer toute sa valeur de communication écrite que matérialisé et échangé hors de son lieu de production. Aussi, nous efforçons-nous d'élargir la socialisation des textes, valorisation sociale de l'écriture, au-delà des limites de la classe par l'utilisation des moyens de communication les plus divers. 

L'acte d'écrire n'est pas l'expression gratuite d'une liberté égoïste « d'auteur » mais procède d'une motivation liée organiquement à l'existence d'un circuit d'échanges. 

En intégrant les textes individuels dans une structure de diffusion, nous donnons un ancrage social à l'acte d'écrire. Ainsi, aux yeux de l'enfant, le texte apparaît comme un authentique objet de communication, pris en charge et pris en compte par la collectivité-classe qui le lit, le critique, le met en page, le reproduit et le diffuse.

 

Pour cela, le journal scolaire demeure un vecteur de communication et de travail exceptionnel

 

Le journal, reflet de la vie de la classe, rassemble les individus autour de son élaboration ; il symbolise le groupe car il est fait des paroles de chacun et devient , de ce fait, une oeuvre gérée coopérativement dont chacun se sent responsable. Mais, surtout, s'adressant à des lecteurs hors de la classe, il crée la nécessité pour être intéressant, de n'y produire que des textes complets et compréhensibles hors de leur contexte d'élaboration. 

1. LE CHOIX DES TEXTES, UNE ENTREPRISE DÉLICATE 

a) Les enfants vont donc choisir dans leurs productions, leurs meilleures réussites pour les communiquer hors de la classe. 

Différentes techniques sont employées dans les diverses classes du mouvement Freinet, pour permettre le choix des textes qui seront diffusés dans le journal. Ce choix n'est pas intangible, il épouse l'évolution de la vie de la classe. 

·          Présentation et vote 

C'est la pratique historiquement la plus ancienne, mais elle tend à être abandonnée par un grand nombre de camarades qui lui reprochent l'inégalité ou l'injustice que peut entraîner le vote majoritaire. Elle peut être néanmoins efficace, notamment pour démarrer. 

Chaque enfant lit ou fait lire ses productions. Il importe que cette présentation soit périodique (une ou deux fois par semaine) et empreinte d'une certaine solennité ; un président de séance assure la liberté de parole de chaque auteur et inscrit les titres des textes au tableau. Après cette présentation les enfants votent pour choisir le texte qu'ils ont préféré. Ce choix peut être précédé d'une discussion sur les textes.

·          Le groupe choisit les textes à mettre dans le journal après proposition de l'auteur. 

L'auteur propose au groupe son texte pour le journal. La discussion qui suit la lecture aide l'auteur à évaluer son texte. C'est un banc d'essai et il peut poser la question : 

- Est-ce que je peux imprimer ce texte ? 

La réponse vient, immédiate, ou après discussion. Finalement, le groupe devient la référence qui délivre l'autorisation de faire sortir le texte de la classe. 

·          Le groupe aide l'auteur à choisir un texte pour le journal dans sa production 

Quand un enfant a écrit un certain nombre de textes (défini par la classe), il peut relire ses productions au groupe qui l'aide à en choisir une pour le journal. 

·          Une place est réservée à chaque coopérateur dans le journal. 

L'auteur propose un texte choisi dans ses productions, pour le journal, en réunion de coopérative. 

Chacune de ces techniques de choix a des avantages et des inconvénients. Seule la pratique déterminera celle qui répondra le mieux aux besoins d'une classe (élèves et adulte) en fonction de son organisation et des désirs de ses membres. 

Dans tous les cas, la règle retenue pour choisir un texte est connue de tous, son application ne dépend pas de la subjectivité du maître. Elle peut être modifiée en réunion de coopérative. 

b) Les textes non choisis 

Dans un but d'efficacité maximum, dans certaines classes, les textes non choisis pour le journal sont également échangés dans un circuit de lecture, plus modeste, entre trois ou quatre classes qui correspondent ou s'échangent des travaux : 

- les textes sont agrafés chaque semaine et constituent un album qui tourne dans le circuit constitué,

- les textes d'un même enfant sont agrafés chaque mois et constituent des recueils personnels. 

Dans d'autres classes, les textes non choisis sont recopiés et illustrés sur un classeur ou dans une pochette, propriété de chaque enfant. 

Ils peuvent, associés aux productions de la classe, constituer le « livre de vie » personnel de chacun. 

2. LES TECHNIQUES DE REPRODUCTION 

Cet aspect matériel de la pratique du texte libre est essentiel ; pour diffuser leurs textes à l'extérieur de la classe, il faut mettre à la disposition des enfants des outils performants et adaptés. 

Les enseignants regroupés dans l'Institut coopératif de l'École moderne de Célestin Freinet ont toujours recherché, amélioré ou fabriqué les outils qui leur paraissaient le mieux répondre à ce besoin. Conscients de l'importance fondamentale du matériel et des outils pédagogiques, ils ont toujours essayé de faire diffuser ceux-ci par la Coopérative de l'Enseignement laïc créée par Freinet puis, aujourd'hui par les Publications de l'École moderne française qui ont pris le relais de la Coopérative. 

a) Techniques manuelles de reproduction : l'imprimerie, le limographe, la sérigraphie. 

L'imprimerie à l'école a longtemps été le meilleur de ces outils, non seulement par les possibilités immédiates et directes qu'elle offre pour magnifier les textes des enfants mais aussi par l'élan qu'elle donne à toute l'activité scolaire. 

Les anciennes techniques de reproduction ne sont pas à délaisser. Elles permettent une activité à la fois manuelle et intellectuelle, créative et répétitive, personnelle et coopérative. Avec elles la technique pédagogique du texte libre trouve une unité dans la mesure où elles lient la pensée, l'activité manuelle des enfants et la vie du groupe-classe. 

b) Techniques de reproduction électroniques 

Depuis quelques années, le développement et la diffusion de techniques plus sophistiquées ont permis une diversification des moyens de reproduction dans les classes et en a ainsi diversifié les productions. 

La diffusion de matériel de reprographie (photocopieur, photograveur...) jointe à l'utilisation de la machine à écrire a permis de donner une parution plus fréquente au journal scolaire en écourtant les délais de fabrication. 

L'utilisation de l'ordinateur (traitement de texte) et de l'imprimante a également offert un outil intéressant aux enfants. Dans le domaine des échanges rapides à diffusions restreintes ou de créations collectives entre plusieurs classes, la télématique « interactive » est un instrument incomparable. 

c) Ces techniques de reproduction ne sont d'ailleurs pas concurrentes, elles peuvent être utilisées alternativement selon les objectifs et les préférences des enfants. Certaines précautions méritent néanmoins d'être prises pour ne pas dénaturer ces activités. 

Ainsi, même avec les techniques électroniques, les enfants doivent participer au maximum au travail de reproduction. 

Dans la mesure du possible (âge des enfants...), ils doivent assurer la frappe et le maquettage des articles, titrage, mise en page et décoration, afin que le journal reste le fruit de leur travail coopératif. Ainsi, le journal scolaire (textes libres reproductions-échanges) continuera à jouer un rôle décisif dans la réorganisation pédagogique du travail scolaire tout en structurant les rapports sociaux : un enfant ne peut produire seul un numéro de journal. Cette réalisation coopérative s'inscrit obligatoirement dans la vie générale de la classe. Il va falloir tenir compte des demandes d'utilisation d'un même outil (machine à écrire, imprimante ou imprimerie) par différents enfants. Il va donc falloir inscrire ces moments de réalisation dans le temps collectif. C'est toute l'organisation de la classe qui se structure autour des outils de reproduction. 

3. ÉCHANGES ET OUVERTURE SUR L'EXTÉRIEUR  

a) Diffusion 

C'est parce qu'il sera diffusé dans le quartier, le village, envoyé aux correspondants, échangé avec d'autres journaux que le journal scolaire est un outil privilégié de la communication écrite et qu'il porte en lui la reconnaissance de la parole des enfants. 

Le journal scolaire est l'outil indispensable à l'échange interscolaire. L'école sera désormais liée à plusieurs écoles semblables à la vôtre, situées aux divers coins de France et du monde. 

C. FREINET 

b) Norme et censure du texte imprimé 

La diffusion du texte imprimé, impose un choix et une réflexion préalable par les enfants. 

Échanger un journal scolaire, c'est vouloir lui donner un droit d'existence, de reconnaissance. 

C'est poser à la classe des problèmes de censure ; quels contenus, quelle lisibilité, quelle esthétique donner à un journal pour que celui-ci soit lu, critiqué, pour qu'il gagne l'intérêt des lecteurs. 

Ce choix, cette réflexion qui ne sont pas imposés par des exigences scolaires, mais par des contingences sociales, vont permettre une approche des notions de normes et de censure. 

Pierre nous lisait justement une histoire amusante où il racontait ses jeux du mercredi. Il avait pris des oeufs dans le poulailler, fait un feu dans un pré loin des « grands » et essayé de cuire une omelette en compagnie de plusieurs copains. Mais la casserole était trouée... 

On passe au vote. Tous les doigts sont prêts à se lever. Soudain, notre écrivain qui, dans un éclair a réalisé le risque de la publication, essaie et parvient à manipuler le groupe en faisant de grands gestes très expressifs (le risque était gros pour lui !). Tous les doigts se sont baissés, un autre texte a été élu. 

Ensuite, il s'est expliqué :
« Parce que le journal, maman le lira, et alors... »
 

Ce qui m'a paru important, c'est cette prise de conscience soudaine du risque de publication. 

c) Le journal scolaire : outil de démystification 

Il est reconnu que fabriquer un journal (écrit, sonore voire télévisuel), le rédiger, le diffuser, l'échanger constituent une excellente expérience permettant d'appréhender les problèmes de l'information et d'exercer un esprit critique face à ce qui est publié. 

d) Organiser l'écho aux écrits qu'on reçoit 

Les journaux, les albums, les lettres collectives que reçoit la classe sont l'occasion de réflexions, remarques... qui sont à leur tour rédigées et adressées aux auteurs concernées.

 

Dans les classes « traditionnelles », on lit la lecture et on écrit l'écriture, dans nos classes, nous lisons l'écriture (des autres : journaux, lettres...) et nous écrivons la lecture (pour les autres).


 Ouverture vers la culture et part du maître 

Le texte libre permet à l'enfant d'être l'acteur de l'apprentissage de sa langue par tâtonnements répétés sous un réseau d'influences diverses.

Ces progrès, l'enfant les fera immanquablement par tâtonnement expérimental, par l'usage que nous allons opérer de ces premiers écrits. 

C. FREINET 

La classe Freinet est organisée pour accueillir et susciter l'expression des enfants, non pour qu'ils en restent à un particularisme culturel limitant chacun à la reproduction « aveugle » des habitudes culturelles forgées dans le milieu socio-familial, mais pour que chacun accède par des voies personnelles à une véritable culture émancipatrice. 

Il s'agit alors de cultiver l'enfant sur ses propres racines qui plongent dans son expérience quotidienne et qui le rattachent, non seulement à lui-même mais à son temps. 

H. WALLON 

Importance d'une intervention personnalisée et adaptée de l'enseignant 

C'est en forgeant qu'on devient forgeron. (Proverbe français.)

C'est en se trompant qu'on apprend. (Proverbe italien.)

La pratique fait le maître. (Proverbe allemand.) 

En fait, pour apprendre à écrire, il faut à l'enfant une pratique d'écriture authentique, socialisée dans un circuit d'échanges et un enseignant compétent.

Cet enseignant a une lourde charge. Il facilite et organise, comme nous l'avons vu, une liberté d'expression sans laquelle il n'y a pas d'apprentissage véritable. Il est le médiateur de la culture. Une bonne connaissance de la création littéraire, de la linguistique et de la sociologie favorise les apports stimulants et adaptés.

La tâche de l'enseignant va être d'accueillir ce que l'enfant exprime, même maladroitement, et d'installer celui-ci dans un travail d'énonciation écrite. Pour cela, le maître doit créer un climat de confiance. 

1. DURANT LES PREMIERS APPRENTISSAGES 

et aussi longtemps qu'il le faudra, l'enseignant demeure non seulement « l'écrivain public », c'est-à-dire le technicien de l'écriture graphique, mais « l'accoucheur de pensées » des enfants. 

a) Élaboration collective des textes pour le livre de vie de la classe ou le « petit journal » quotidien. 

·              Le bilan d'événements, d'activités, ayant déclenché l'intérêt général, 

tels que la visite du photographe, l'entrée d'un animal dans la classe, le compte rendu d'une promenade, ou la réalisation d'un projet collectif engagent à élaborer un texte ensemble ou en petit groupe. 

La motivation essentielle de ces textes est l'expérience que l'on veut transmettre à d'autres (parents, correspondants...) ou conserver pour en garder un souvenir précis. 

·              Beaucoup d'activités de la classe déclenchent l'imagination et la création d'histoires. 

Ainsi, les ateliers de créations (peinture, terre, dessin...) suscitent, chez les enfants en activité des commentaires, des « fabulations », des inventions verbales.

Des histoires peuvent ainsi prendre naissance ; elles pourront être reprises et organisées, par un petit groupe d'enfants volontaires, l'adulte servant de secrétaire. 

Si l'élaboration des textes collectifs se fait à partir des interventions des enfants, ces textes, par le jeu de l'interaction (34) ne sont jamais une simple transcription écrite du langage oral, mais une « traduction » qui implique une organisation particulière propre à la variante écrite de la langue française.

Cette technique irremplaçable pour la mise en place d'une mémoire de ce qu'on a dit, fait, vécu, entendu, qu'on veut garder ou communiquer, confronte les enfants à un écrit porteur de sens valorisant leur parole. Ces textes, écrits par le maître pourront être affichés dans la classe et constituer un matériau de base sur lequel les enfants pourront appuyer leurs tâtonnements et leurs premiers essais d'écriture autonome.

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 ·          Atelier création collective de contes oraux 

Pour favoriser, chez les plus jeunes la capacité d'improvisation, le sens dramatique qui font de l'enfant un inventeur d'histoires, Élise Freinet a mis au point cette technique où, chaque enfant qui en a encore envie prendra la parole et ajoutera des péripéties à l'histoire en train de se construire. 

Nous avons dit : Conte original, c'est-à-dire conte qui échappe à un classique merveilleux et même à une formule classique. Sa caractéristique essentielle est d'être d'abord de libre venue. C'est une sorte de décharge affective de l'enfant, avec une aventure comme support. Rien n'est en fait imposé : Le thème n'est qu'initial, c'est-à-dire qu'il sert surtout de point de départ 

Exemples de thèmes : 

« La vache en avait assez de l'herbe du pré : elle rêvait de salade juteuse assaisonnée au sel, au vinaigre et à l'huile. » 

« Jacques-le-riche se rendait à la ville. L'idée lui était venue d'acheter un grand, un immense parapluie sous lequel pourrait se tenir toute la famille. »

« Alain Gérard venait de terminer une page de son album de bêtes. Et comme il restait à rêver, son stylo entre les dents, il entendit braire le petit âne roux aux longues oreilles. » 

Voilà le départ. L'aventure, c'est chaque enfant qui l'improvise, en levant le doigt dès qu'il a une idée et qu'il pressent en lui un déroulement d'action et une certaine tonalité affective. Il se lève, suit intérieurement son initiative et lui donne une forme spontanée, libre, directe, sans souci de bien dire, mais d'abord avec le but de tout dire ce qu'il pressent. 

Cette improvisation a-t-elle des avantages ? 

Elle a été la démarche des anciens bardes, improvisant oralement sur les grands thèmes historiques et religieux. Elle devient naturelle au même titre que l'expression orale quotidienne qui traduit les désirs de chacun de nous. 

Comment procéder : 

L'adulte sera le meneur du jeu et le secrétaire. 

Il propose un début d'aventure qui, au départ, inclura déjà les caractéristiques de l'inattendu, l'irréel, le merveilleux. Ceci pour déraciner l'enfant du conformisme et le transporter dans le rêve et la féérie. 

Exemple : C'est devant la maison la plus pauvre qu'il s'arrêta.

Qui il ? 

Celui qui avait les pieds et la chemise ouverte et rien dans les mains et rien dans les poches. 

Ce fantastique personnage tombe dans l'imagination de l'enfant comme un caillou dans une eau dormante. Il y fait des remous et y crée un champ d'expérience. L'enfant le plus imaginatif, le plus intuitif, lève le doigt et enchaîne. 

Exemple : Il regarda longtemps la porte, elle était lourde et branlante. Il n'y avait même pas de loquet, ni de verrou, ni de clé. Il n'y avait qu'à pousser la porte, mais il n'osait. 

Le maître arrête l'improvisation chaque fois qu'il sent affleurer le drame et passe la parole à un autre enfant. 

Si le thème perd de la hauteur, s'il devient banal et sans perspective, le meneur du jeu - le maître - lui redonne élan en reprenant l'aventure pour la transposer. 

Il note, bien entendu, chaque improvisation, la sienne comprise et lorsqu'il sent que la participation collective a fait le maximum, il arrête l'expérience. 

Il la reprend le lendemain. Il relit donc le premier travail, écoute les suggestions nouvelles et clarifie, simplifie, embellit si possible. 

En général, deux ou trois séances de travail léger, aérien, délicat sont suffisantes pour inclure l'essentiel d'une aventure. 

Par la suite, individuellement ou par équipe, les enfants pourront construire des albums illustrés par le dessin et la couleur. Cette technique est une formule neuve de création dramatique, littéraire, artistique, susceptible d'entraîner la masse des enfants dans un raccourci de temps et de moyens et au profit d'une imagination et d'une affectivité heureusement libérées des contraintes scolaires. A l'enseignant de déterminer le nombre d'enfants adéquat pour participer à un tel atelier. (in L'Éducateur.)

 

b) Élaboration individuelle 

Néanmoins, ces séances collectives doivent être accompagnées dès que possible par des ateliers d'histoires où chaque enfant peut disposer d'un moment individuel pour dicter son histoire au maître. Seule la réelle personnalisation, celle qui assure au sein du groupe-classe le plein emploi des possibilités dynamiques de chaque élève donne à celui-ci les possibilités d'aller calmement au bout de son effort, de son tâtonnement, pour élaborer clairement et pleinement sa pensée, aidé par l’adulte. 

Les interventions de l'adulte incitant chaque enfant à préciser les circonstances, les causes, les enchaînements d'une histoire relatée oralement trop incomplètement, fournissent à l'enfant une rétroaction sur sa propre production et lui permettent peu à peu d'anticiper sur la réaction des auditeurs en introduisant d'emblée les éléments indispensables à la compréhension. 

Ce travail d'explication et de décentration mis ainsi en jeu est identique à celui des situations d'écriture. Il va rendre l'enfant peu à peu sensible aux contraintes spécifiques du récit. 

D'autre part, progressivement, l'enfant qui dicte son histoire au maître ralentit son débit et l'adapte au rythme d'écriture. 

Une segmentation des énoncés de plus en plus performante s'installe. 

Dans tous les cas, l'enseignant veille : 

- à respecter le style propre à chaque enfant (son vocabulaire, sa facon de parler, ses structures de phrases) et à ne pas lui imposer un langage « scolaire » surnormatif. 

Mais il veille aussi : 

- à reformuler le message de l'enfant en tenant compte des caractéristiques linguistiques des discours écrits, en vérifiant si cette reformulation correspond bien pour l'enfant à ce qu'il a voulu formuler ;
- à progressivement inviter l'enfant à énoncer lui-même une formulation proche de l'écrit.

Par exemple, l'énoncé suivant prononcé par David : 

« ...ma mamie tu sais... heu hier elle est partie à Paris... » sera notée :

«  Ma mamie, hier, elle est partie à Paris. » 

Une variante écrite de la langue française va s'installer ainsi intuitivement (cf. les travaux de L.Lentin et de son équipe). 

Pratiquement et en tenant compte des contraintes dues aux effectifs, différents ateliers sont organisés dans nos classes, dès la maternelle, permettant ces moments d'énonciation individuelle : 

·          Commentaires de dessin 

Cet atelier démarre très tôt puisqu'il s'appuie sur une activité que la plupart des enfants pratiquent avec plaisir. 

Il peut prendre deux formes : 

Dans la première, après la phase du dessin, chaque enfant est invité à présenter et « raconter » son dessin aux autres enfants de l'atelier. Après discussion, chaque enfant aidé par les remarques du groupe dicte au maître un bref commentaire de son dessin. Cette légende pourra être relue plus tard. 

Dans la seconde, l'enseignant note les commentaires de chaque enfant, sans intervention préalable du groupe. Jusqu'à cinq ans, nous ne nous leurrons pas, à ce stade de maîtrise technique imparfaite, sur le degré d'expression personnelle du dessin. Souvent, l'enfant qui commence un dessin ne sait absolument pas ce que contiendra son travail une fois fini. Peu à peu s'accumulent des détails intéressants. L'enfant, bien souvent, ne donnera une signification à son dessin que son dernier trait terminé. 

C'est de la création que naissent, à l'origine, l'explicitation, la comparaison et la pensée... Bal a donné un coup de crayon maladroit sur l'oeil d'un personnage. Et elle explique : « Regarde ce qu'elle a dans l'oeil. Elle s'est mis le doigt dans l'oeil, tant pis pour elle... » 

C. FREINET dans Méthode naturelle dans l'apprentissage de la langue 

Ainsi à cet atelier, les enfants vont continuer à progresser dans la maîtrise du langage explicite. 

Parallèlement, l'écrit apparaît comme fixateur intangible et lisible d'un message pour des lecteurs. 

Avantages de cette pratique :

- rapidement, lors des moments de communication, elle permet des tentatives de « relecture » autonome ;

«   elle offre un modèle d'écriture signifiante aux enfants, reproductible (petite quantité) pour les correspondants, leurs parents, un copain...

- elle est très simple à mettre en place. 

Inconvénients :

- elle risque, si elle est employée comme unique moment d'énonciation écrite de scléroser la fonction narrative.

 

Pendant longtemps, les enfants ne pouvant bâtir une histoire « dans leur tête », passivement, pendant trente minutes ajustent leur expression verbale à leur création graphique finale, la production graphique jouant alors un rôle déclencheur de l'expression verbale.

 

·          Atelier mini bandes dessinées 

La lecture et la création de bandes dessinées sont des activités particulièrement intéressantes en raison des capacités parallèles nécessaires à l'organisation d'une B.D. et l'organisation d'un texte (organisation de l'espace, sens de la lecture, structuration du récit). 

Diverses possibilités sont offertes aux enfants :

- des B.D. représentant des histoires simples (images) sont présentées aux commentaires des enfants, collectivement au départ puis individuellement

- réalisations collectives de B.D. 

Dans un premier temps, une bande découpée en images vides est mise à la disposition des enfants. 

La mise en place des dessins est précédée d'une phase orale, les enfants se mettent d'accord sur une histoire, la racontent pour s'en faire une représentation mentale. Ensuite, soit chaque enfant dessine l'histoire entière et il s'ensuit une confrontation, soit chaque enfant dessine un épisode, puis on coordonne collectivement. Il s'agit encore essentiellement d'une activité de langage qui, au sein d'un travail collectif, permet un travail individuel d'explicitation intense. Chaque enfant peut ensuite dicter au maître un commentaire sous chaque image. 

- création personnelle de B.D. 

Chaque enfant dessine une histoire et dicte au maître la légende et, éventuellement, les bulles de chaque image. 

La disposition et le nombre des images évolueront parallèlement aux compétences des enfants. 

·          Inventions d'histoires 

Le maître est à la disposition des enfants qui viennent lui raconter leurs histoires. C'est l'atelier le moins facile à organiser car il mobilise l'enseignant pour un seul enfant à la fois. Tous les enfants doivent donc être occupés à des activités autonomes. C'est pourtant un moment irremplaçable où l'enseignant aide l'enfant à sélectionner dans son discours une histoire ou un événement qu'il a vécu et à le raconter, le maître écrivant devant l'enfant son histoire. 

Tâche difficile qui exige du maître une écoute, une disponibilité et une connaissance des enfants et de leur vécu, nécessaires pour comprendre et « éclairer » une histoire exprimée incomplètement ou confusément et permettre son développement complet. 

L'enseignant prendra soin de vérifier que tous les enfants bénéficient régulièrement de cet atelier et il encouragera les plus timides à y participer. 

·          Évolution de ces ateliers 

Progressivement, à partir du cours préparatoire, des enfants vont écrire seuls des histoires. Au début, ce n'est certes pas l'expression personnelle qui est visée par les enfants. Ils reprennent des structures qu'ils connaissent ; ou encore ils trient, dans ce qu'ils ont véritablement à dire, ce qui va pouvoir être exprimé avec ce qu'ils connaissent. Les structures, les mots connus sont alors des points d'appui, des pierres de gué pour s'aventurer plus loin. 

Selon la rapidité de l'enfant à se repérer et à réinvestir les textes collectifs, selon la complexité de ce qu'il a à dire et aussi la plus ou moins grande urgence de l'expression, le maître fournira une aide plus ou moins importante. L'enfant qui veut simplement écrire : « J'ai joué au ballon » peut être incité à chercher tout ou partie des mots nécessaires. Mais celui qui sous le coup de l'émotion vient confier que « Ce matin, mon hamster est mort, on l'a retrouvé en boule dans son nid » doit trouver un scripteur compréhensif.

 

Selon les circonstances, l'incitation à l'autonomie, à la recherche personnelle par la relecture peut être bénéfique, ou bloquer l'expression.

 

2. L'ART DE LA RATURE 

Les enfants savent maintenent écrire seuls des textes, c'est-à-dire exprimer leur pensée par écrit. Guidés par les interventions correctives du maître, ils doivent maintenant progresser, par tâtonnement expérimental, dans la connaissance et le maniement des variantes écrites de la langue française. 

Il faut habituer les enfants à considérer que la nécessité où ils sont de revoir, de polir, de perfectionner leur texte est non une démarche scolaire mais un processus qui est dans l'ordre des choses, et auquel les adultes eux-mêmes ont recours. 

C. FREINET 

a) Priorité au travail textuel 

Dans ses interventions correctives, l'enseignant qui veut donner et accroître le goût d'écrire doit engager prioritairement son intervention sur le sens et la construction des textes qui lui sont présentés. 

Si les enfants ont l'impression que leur enseignant ne s'intéresse pas à leurs histoires, à leurs « textes », mais seulement à la grammaticalité et à la correction orthographique de leurs écrits, la pauvreté de leurs productions ne saurait étonner. 

Selon le type de texte, on s'orientera vers un type d'intervention qui tiendra compte du projet de l'enfant pour lui donner plus de cohérence : selon que le texte de l'enfant est un récit, un texte poétique ou un texte d'opinion, on privilégiera la construction du récit dans le premier cas, un travail de la « rime » (35) dans le second, ou la structure argumentative dans le dernier.

 

·          La construction du récit

La compétence narrative est une acquisition qui s'élabore lentement. Les recherches récentes de « linguistique du texte » révèlent que parallèlement à l'apprentissage des structures syntaxiques dans la phrase, un apprentissage des structures textuelles s'élabore lentement à partir des discours qui sont adressés aux enfants (histoire, livre raconté...). Ces recherches nous offrent des instruments théoriques très intéressants pour guider nos interventions (36). 

Tout récit comporte deux aspects différents d'organisation dont il faut tenir compte :

- d'une part, il fait référence à une « histoire » incluant des personnages et des événements : une intrigue ayant un début et une fin ;

- d'autre part, il implique, comme toute manifestation langagière, une cohérence dans l'énonciation. 

·          Perception d'une « histoire » 

Tout locuteur acquiert une sorte de schéma socioculturel du récit qui lui permet de comprendre, mémoriser ou produire un récit. Les travaux des linguistes rejoignent sur ce point les conclusions des analystes littéraires. Pour les uns comme pour les autres, le récit renvoie à une organisation morphologique extrêmement simple et rigide : on retrouvera toujours les mêmes parties constitutives et le même mode d'enchaînement.

Schéma du récit « traditionnel » :

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Ce schéma n'est évidemment pas, pour nous, un moule destiné à produire des textes stéréotypés, mais un outil qui peut être utile pour analyser certains textes et sensibiliser les enfants à la structure d'une histoire et au déroulement de son intrigue. 

Cet outil apporte un « regard » supplémentaire pour nos activités de lecture-écriture. Attentifs à ne pas enfermer précocement nos enfants dans des recettes formelles, nous l'utilisons essentiellement a postériori pour les aider à percevoir ou à reconstruire la logique de leur récit. 

Dans l'exemple ci-dessous, un texte écrit par Ingrid élève de C.M.1, nous a semblé particulièrement intéressant au niveau de sa construction, pour être proposé en atelier « démontage du texte », sa clôture narrative (situation finale du récit) qui pose souvent problème aux enfants, étant particulièrement réussie. 

UNE TERRIBLE PEUR 

Devant chez elle, une dame promène tranquillement son bébé. Tout à coup, elle voit un tigre.
La dame effrayée se sauve, elle court de toutes ses forces. La dame oublie son enfant.
Le tigre court après la dame.
La dame se cache derrière un buisson. Le tigre la sent.
Il va derrière le buisson. Le voici près de la dame, il ouvre grand son énorme gueule. La dame tremble. Alors, il lui dit : « Dis donc, la dame, vous avez oublié votre enfant ! » Et il s'en va tout tranquillement.

INGRID

 

RELECTURE ET DÉMONTAGE DU TEXTE 

  1. Qu'est-ce qui te plaît dans ce texte ?
  2. Fais le schéma de cette histoire.
  3. Recopie les verbes qu'a utilisés Ingrid pour construire la poursuite, de « la dame effrayée... » à « grand sa gueule ».

Cet outil permet également l'évolution formative d'un texte. Il permet, en effet, de situer, d'éclairer les manques, les confusions de sa structure narrative et en dégageant une trame permettant un meilleur découpage, favorise si besoin sa réécriture sans trahir le désir initial de son auteur.

·          Cohérence dans l'énonciation 

Si les enfants utilisent, sans aucune gêne, les interventions magiques et merveilleuses dans leurs récits, ils sont néanmoins sensibles assez tôt à la cohérence de l'articulation générale du récit. 

Le déroulement adéquat du récit exige à la fois une progression (apports indispensables d'informations nouvelles pour maintenir l'intérêt de l'auditeur ou du lecteur) et un maintien de l'unité thématique sans rupture inexplicable (pas de « coq à l'âne »). Il n'est donc pas sans intérêt que le maître connaisse les mécanismes de répétitions qui favorisent le développement thématique continu de l'énoncé 

Les pronominalisations et les substitutions lexicales, l'opposition des articles indéfinis/définis, permettent un jeu réglé de reprises à partir duquel se trouve établi un « fil textuel conducteur ». Un autre phénomène contribue aussi au maintien de la cohésion entre phrases successives : le repérage des changements de localisation et de temporalité des événements. Dans tout récit se trouve posée une origine tempo-spatiale. La formule la plus fréquente utilisée chez les enfants pour établir ce cadre est « un jour ». Et l'on peut observer que les autres références temporelles se situent par rapport à cette origine. Apparaissent, ainsi, des circonstanciels successifs interreliés du type : « Un jour... quelques heures plus tard... le lendemain... » 

La mise en place de ces procédés a longtemps besoin du soutien du maître, leurs dysfonctionnements passagers introduisant des zones d'incertitude, voire d'incompréhension dans les textes d'enfants : 

Hier, on a joué avec Éric à faire des cabanes.
Je le lui ai appris...
(Vincent, C.E.2.) 

On jouait dans la forêt, j'ai entendu un bruit. J'ai cru que c'était un serpent. Éric m'a dit : « Fais attention car si elle te pique tu peux mourir... (Karim, C.M.1) 

En début de texte : Un jour, le bonhomme frappa à la porte de Monsieur lapin... (Séverine, C.M.1) 

Tous ces exemples nous montrent qu'aucun fait de langue n'est gratuit et combien la grammaire, limitée à l'étude de la phrase, est souvent inutile pour la compréhension des phénomènes langagiers. 

b) Intégration de l'apprentissage orthographique et grammatical 

La solution traditionnelle consistant à élaborer un enseignement autonome de l'orthographe et de la grammaire, coupé d'une pratique réelle de communication, peut de moins en moins être retenue : 

- parce qu'inefficace pour un grand nombre d'enfants ; cette solution ne peut s'insérer dans un réel projet de démocratisation de l'enseignement ;

- parce que reposant sur une conception de la langue comme une totalité homogène, reposant sur la fiction d'un locuteur idéal, elle ne correspond plus du tout à l'état de la recherche en psycho ou socio-linguistique, et des « savoirs » en linguistique. 

La plupart des grammaires scolaires qui prétendent décrire le français dans sa totalité n'y arrivent qu'au prix de simplifications grossières, et surtout d'omissions graves qui ne peuvent que limiter considérablement la valeur pédagogique des leçons proposées. Car il est tout à fait douteux qu'une étude superficielle et tronquée du système de la langue puisse donner aux enfants la moindre possibilité de mieux la comprendre et de mieux l'utiliser. 

Hélène HUOT 

 

La linguistique, dit Georges MOUNIN, justifie les pédagogies et les psychologues qui ont posé que l'apprentissage de la langue se fait d'abord par la pratique intensive du langage en situation motivée, surtout au niveau élémentaire.

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Le vrai problème est de mettre en place une stratégie qui intègre l'enseignement de l'orthographe à celui de l'expression écrite, et de ne développer une réflexion métalinguistique qu'accompagnant et s'appuyant sur les « situationsproblèmes » rencontrées par les enfants dans leur confrontation avec des productions langagières authentiques, c'est-à-dire leurs productions écrites ou leurs lectures. 

Il y a toute une attitude à revoir. Aux rabâchages des règles closes et simplistes, nous préférons substituer une attitude d'observation et de recherche. L'enseignement précoce des règles définitives, nous apparaît non seulement être une perte de temps mais une pratique nuisible qui ne tient pas compte de la période d'acquisition et de tâtonnement dans laquelle se trouve chaque enfant. 

Nous préférons faire « assimiler » l'orthographe des mots au fur et à mesure de leur utilisation par les enfants. La seule fréquence importante pour un enfant en apprentissage c'est la fréquence d'apparition dans son expérience. Sans qu'une corrélation automatique soit établie entre la fréquence des mots et des règles rencontrées et leur assimilation, ce sont les plus usuels et les plus utiles qui reviennent le plus souvent. 

Les régularités phonogrammiques (qui correspondent aux phonèmes) rapidement acquises en situation d'écriture seront complétées par un enseignement plus systématique des mots difficiles et des accords qui posent problèmes aux enfants. 

Le plus sain des redressements pédagogiques en orthographe serait de se saisir de la faute comme d'un objet de réflexion, dans un enseignement qui, s'il veut être efficace, ne peut être qu'individualisé. (37) 

Nina CATACH 

La démarche individuelle est stimulée par l'action du maître. Elle est soutenue par le recours à des outils d'individualisation du travail : outils de référence comme notre « J'écris tout seul » (38) ou le carnet d'orthographe individuel, outils d'apprentissage ou de consolidation des acquisitions comme nos fichiers autocorrectifs d'orthographe, nos livrets programmés de français (39). 

Ces outils permettent aux enfants d'avancer à leur rythme du moment, d'évaluer leurs réussites. Nous voulons associer l'enfant à l'évaluation de son propre travail afin qu'il ne soit pas l'objet d'une modélisation qui lui échappe mais qu'il soit l'acteur de sa propre formation. 

Dans cette stratégie, des moments de recherches collectives seront organisés pour dynamiser, éclairer, aider, provoquer les réflexions et les démarches individuelles. 

Ainsi, dès que le corpus relevé individuellement par chaque enfant sur son carnet d'orthographe est suffisant, on peut faire observer aux enfants les analogies qui s'imposent. A partir des critères trouvés par ces derniers, des tris, des classements s'organisent. Les séries, toujours ouvertes, modifiables, apparaissent avec d'autant plus de relief qu'elles sont le fruit d'un travail progressif des enfants. 

La recherche des régularités orthographiques se fait toujours sur les matériaux langagiers utilisés par les enfants.

 

Travaux collectifs autour des textes 

Le travail collectif sur la langue ou la structure du récit, à partir des énoncés des enfants, permet le tâtonnement. Il apporte une expérience directe, sensible qui s'ajoute et s'intègre aux savoirs de chacun. Ce référent collectif constitue la base d'une culture propre au groupe.

Les mots repères, les phrases références, la technique de travail ellemême s'incorporent à l'expérience de chaque enfant. Le pouvoir de chacun, dans l'appropriation de la langue écrite, s'étend. 

REPRISE COLLECTIVE DU TEXTE 

a) Textes dont la publication dans le journal nécessite un travail important de mise au net. En effet, les textes publiés dans le journal scolaire engagent toute la classe. Soucieux de produire un journal intéressant, les enfants examinent le fond et la forme de ces textes.

Le texte écrit au tableau ou polycopié est exploré par la classe ou le groupe d'enfants chargé de ce travail. Un débat oral s'instaure : critiques des idées embrouillées, recherches d'expressions ou mots qui expriment au mieux la pensée de l'auteur, propositions pour rectifier les tournures incorrectes à l'écrit, la chronologie imparfaite, les erreurs syntaxiques ; choix final par l'auteur des solutions qui lui conviennent le mieux. 

b) Textes dont les trouvailles sont particulièrement intéressantes et peuvent inciter à la création. Voici un exemple pris dans un C.M.1 : 

Un étourdi 

Le matin, il s'étonne de se trouver avec les pieds sur l'oreiller. Pour se coiffer, il prend sa brosse à dents et pour se brosser les dents, il met du dentifrice dans son gobelet, de l'eau sur son doigt et ensuite, il se frotte les dents. Vous remarquerez qu'il n'a pas les dents très brillantes, et c'est bien normal, il ne se lave jamais les mains.

Laurence 

Lu aux autres enfants, ce texte est unanimement considéré comme comique. Les enfants sont invités à justifier leur impression, chacun donne sa justification. Tous les enfants ont quelque chose à dire : « On s'attend à la brosse à cheveux pour se coiffer, mais c'est la brosse à dents. » « C'est comique parce que c'est inattendu... » 

Dans cette confrontation active, on se souvient de situations comiques vécues on en imagine d'autres, c'est le jour où... c'est comme si... 

La dynamique est créée, tous les enfants ont senti le mécanisme de ce texte comique. Certains enfants qui, sans cela, n'y auraient jamais songé, se lancent dans l'écriture de textes comiques. Il dépend de l'enseignant que cette prise de conscience se poursuive. C'est le moment d'apporter à la classe des textes comiques d'auteurs jouant sur d'autres mécanismes... 

Il faut avoir vécu de tels moments pour se rendre compte, en pastichant Simone de Beauvoir, que l'enfant n'est pas « humoriste », « poète » de naissance mais qu'il le devient à condition qu'on lui en fournisse l'occasion et qu'on l'aide à en acquérir les moyens. 

ÉVEIL LINGUISTIQUE 

Il faut échapper à ces leçons formelles, véhiculées par les manuels de français et coupées de toute énonciation réelle, où l'on prétend inculquer aux enfants en cadence, dans des délais totalement irréalistes des savoirs grammaticaux réinvestissables. 

Ces progressions abstraites, définies en début d'année, où chaque lecon doit, une fois pour toute, permettre l'acquisition d'une notion grammaticale, instituent inévitablement dans la réalité pédagogique, la non prise en compte des besoins et des rythmes d'apprentissages réels des enfants. 

De récentes statistiques du ministère de l'Éducation (Éducation et Formation n° 7, 1983) révèlent l'inefficacité de telles pratiques. Ces pratiques renforcent par ailleurs la ségrégation sociale en défavorisant les enfants issus de milieux modestes ou « géographiquement différents », dont la variante et les habitudes langagières ne correspondent pas aux modèles abstraits proposés à leur réflexion. Travaillons au contraire sur le langage réel utilisé par nos élèves et étudions-le avec eux. Par l'observation de leurs discours, d'extraits de leurs textes ou de textes lus en classe, appuyée sur une « nomenclature minimale » (on retrouve l'idée de C. Freinet de « la grammaire en 4 pages ») les enfants vont progressivement se construire un savoir linguistique plus solide et plus passionnant que celui qu'ils auraient pu recevoir à l'issue de « leçons actives », construites autour de quelques phrases simplifiées. 

C'est au cours des multiples confrontations à l'écrit, tantôt individuelles, tantôt collectives, que vont se faire jour des situations qui posent problèmes aux enfants. Le maître doit être sensible à ces situations, faire préciser la difficulté, expliciter le problème et en prendre note pour un travail ultérieur. Les matériaux relevés (énoncés posant des problèmes de formes, de communications) seront le point de départ de recherches collectives au cours desquelles les enfants auront l'occasion d'apprendre par tâtonnements directs le fonctionnement de la langue française écrite. 

Ce qui est remarquable, c'est le nombre de questions que se posent les enfants dès lors qu'ils sont habitués à une attitude de distanciation qui peut être profitable et réinvestissable quant à leurs réflexions et leurs observations autonomes sur leurs productions écrites. 

Dans nos classes, les enfants vont acquérir des compétences langagières et engager une réflexion de type métalinguistique (40), non par l'étude des manuels de grammaire, ni d'après un ordre établi a priori par l'adulte, mais en suivant la marche dynamique de la vie de la classe, et en fonction de leurs besoins langagiers immédiats.

 

Pour faciliter ces recherches dans toutes les classes, un classeur de français, outil d'observation, de réflexion et de compréhension de la langue réelle par les enfants est en train d'être expérimenté.

C'est un outil ouvert qui se construit au fur et à mesure de la scolarité. Chaque fiche comporte un ou plusieurs petits textes de référence choisis en fonction des structures de langue qu'on veut illustrer. Ces fiches serviront de structures de base. Vient ensuite la phase d'accumulation, née de la vie de la classe, où les enfants entrent leurs énoncés :

- soit des énoncés qui ont posé problème aux enfants,

- soit qui suivent une recherche méthodique dans les productions qui entourent les enfants (correspondants, enquêtes, journaux, textes, livres).

Enfin, une phase d'observation et de réflexion est organisée. Les enfants observent le corpus recueilli et essaient d'élaborer des lois de fonctionnement, parfois provisoires mais toujours pertinentes.

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