Élan créateur et compagnonnage
Alexandra Gatt
Un accompagnement au plus près de la réalité de la classe.

La vidéo est le meilleur moyen de montrer ce qui s'est passé en classe. Prévoir un trépied et un appareil qui capte bien le son (le smartphone suffit).
C’est au congrès de Bétheny, l’été 2021, que j’ai entendu parler d’un phénomène mystérieux : le compagnonnage. Une formation individualisée auprès d’un collègue expérimenté en pédagogie Freinet ? J’ai sauté sur l’occasion, ou plus précisément sur Jean Astier, qui m’a mise en relation avec Monique Quertier, retraitée et – j’allais le découvrir – héritière de la pensée de Paul Le Bohec.
Je l’ai appelée, elle m’a accueillie, on s’est vu et on a discuté longtemps. Une discussion passionnante sur la Méthode naturelle, les besoins de l’enfant, la fonction du groupe. Pour m’aider à passer à une pratique pédagogique freinetique dans ma classe, Monique m’a expliqué concrètement comment elle faisait dans sa classe, l’expérience d’années de tentatives et de réajustements. Du texte libre au débat mathématique libre en passant par la disposition des tables…
1. Chercher un binôme.
2. Prendre contact, boire un thé, en personne ou en visio, voir si le courant passe.
3. Profiter de cette nouvelle formation ultra-personnalisée (gratos en plus !).
À mes questions, Monique me répondait avec pertinence : des conseils d’organisation accessibles et simples à mettre en place. Je me projetais et je notais…
La méthode du débat mathématique libre est rapidement devenue l’exercice central de mon entrainement. Tant mieux, ce domaine me semblait
tellement compliqué à appréhender en Méthode naturelle que me faire accompagner de A à Z était un scénario rêvé.
J’ai commencé par lui envoyer par mail des photos des productions mathématiques, annotées avec les commentaires des enfants, que je notais après la séance. Monique me faisait rapidement un retour par mail ou par téléphone. À chaque obstacle, elle avait une solution simple que je pouvais mettre en place directement à la tentative suivante. Par exemple, un jour, je remarque :
– C’est trop long, au bout de vingt minutes, l’attention des enfants est partie ;
– Tu réduis ta séance à vingt minutes ;
– Mais ça veut dire qu’on ne verra pas toutes les créations mathématiques ;
– Pas grave, tu feras tourner.
S’ensuit une explication de l’organisation à adopter pour résoudre le problème1.
– Merci, Monique !
La nouvelle organisation est parfaitement adaptée, l’intérêt des enfants reste intact, ma motivation est valorisée et on avance.
C’était un gain de temps inouï. Au lieu de galérer toute seule, de me démotiver et de finir par lâcher l’affaire, je rebondissais tout de suite grâce à ma conseillère perso en Méthode naturelle. Le rêve !
Par la suite, Monique a proposé que je filme la séance. Je ne l’avais jamais fait avant, craignant le jugement. Mais mon envie de progresser,
couplée à ma confiance en Monique et sa lutte sincère pour répandre la Méthode naturelle de mathématique et transmettre l’héritage qu’elle avait reçu de Paul Le Bohec, a été plus forte que mes complexes.
Rien à perdre, tout à gagner. J’ai dû ressentir la même sensation de plongée qu’un enfant qui se lance pour la première fois dans une prise de parole pour exprimer sa perception d’un concept pas encore acquis : l’enfant ose seulement s’il est sûr de l’accueil bienveillant en face. Et puis, quand on voit que cela apporte des résultats et que l’on progresse, on a envie de replonger.
alexandragatt@hotmail.com
Voir Emmanuel Hérold, « Le débat mathématique libre », in Nouvel éducateur no 255, décembre 2021, p. 32-34.
Nous avançons ensemble
Monique Quertier
Réflexions sur le compagnonnage.
J’ai eu la chance de profiter d’un compagnonnage avec Paul Le Bohec. Retraitée, il m’a paru évident que je devais à mon tour proposer des compagnonnages. Après plusieurs expériences, je peux dire maintenant que ces compagnonnages se révèlent être très positifs. Ils me permettent de conserver un lien avec la réalité du terrain et j’éprouve une satisfaction de pouvoir être utile auprès de jeunes collègues. Les contacts avec mes compagnons me nourrissent, me placent en situation
de recherche continuelle, dans une relation d’égalité, de complicité : je suis très friande de ce que je vais apprendre. Le compagnonnage est le chemin idéal pour la transmission de la pensée de Paul Le Bohec : la Méthode naturelle avec sa complexité est toujours présente. C’est la vie, le savoir-être, le savoir-vivre et le travail perpétuel de la pensée. Nous avançons ensemble, jeunes et moins jeunes, chacun dans ses compétences originales et irremplaçables.
monique.quertier@icem-freinet.org
Pour en savoir plus : Monique Quertier et Francine Tétu, « Méthode naturelle de compagnonnage », entretien no 7, in Nouvel éducateur no 219, octobre 2014, http://www.librelibre.fr/files/ gimgs/entretien07.pdf