Dossier pédagogique de l’Ecole Moderne n°8

Supplément au numéro 10 du 15 janvier 1965

Revue pédagogique mensuelle de l’institut coopératif de l’Ecole Moderne et de la F.I.M.E.M

L’Educateur

C. Freinet 

L’imprimerie à l’école et les techniques graphiques annexes

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 Sommaire

1-      L’imprimerie à l’école

2-      Manœuvre des outils

3-      Conseils techniques et pédagogiques

8-      Le journal scolaire

10-   Le limographe

11-    La polycopie

12-   La machine à écrire

 

L'imprimerie à l'école et les techniques graphiques annexes

 

C. FREINET

 

Nos techniques sont parties de l'imprimerie. A l'origine notre mouvement avait d'ailleurs pour titre L'Imprimerie à l'Ecole parce que c'est par l'emploi régulier de l'imprimerie que nous avons amorcé puis réalisé le retournement pédagogique que les Instructions officielles viennent de recommander aux éducateurs français.

 

Ce n'est certes pas nous qui avons inventé l'imprimerie, bien que les journaux nous aient souvent nommé le Gutenberg moderne. Nous n'avons pas inventé l'imprimerie, mais nous en avons introduit l'usage régulier et normal dans les écoles.

 

Avant nous, il existait bien, dans certaines grandes écoles une imprimerie professionnelle ou semi-professionnelle dont on se servait, sous la direction d'un technicien pour tirer un journal ou des feuilles annexes. Mais ce n'étaient pas les élèves, ou du moins pas les élèves seuls qui faisaient ce travail, pour la bonne raison que l'imprimerie professionnelle n'est pas à la portée des enfants : la composition au composteur professionnel comporte des tours de main que seuls quelques rares enfants pourraient acquérir, et surtout les machines à imprimer professionnelles sont dangereuses. La caractéristique des imprimeurs de naguère était d'avoir toujours quelques doigts coupés (l'automatisme a fait disparaître ce danger, mais les presses automatiques sont encore moins du domaine de l'école, ne serait-ce qu'à cause du prix).

 

C'est parce que nous avons réalisé des casses spéciales pour classer les caractères, des composteurs spéciaux dans lesquels un enfant de six ans peut placer les caractères sans risque de chute, et surtout des presses scolaires, d'une manœuvre excessivement simple, même avec de très jeunes enfants, et qui donnent des résultats sinon toujours parfaits, du moins satisfaisants, que l'imprimerie à l'école est devenue une réalité.

 

Ajoutons que notre Coopérative de l'Enseignement Laïc a pu installer ses fondeuses qui lui permettent de fondre elle-même ses polices spécialement prévues pour les divers cours, et qui assurent les réapprovisionnements indispensables.

 

C'est parce que nous avons créé et réalisé cet outil nouveau que plusieurs milliers de journaux sont aujourd'hui édités dans nos écoles (de la classe enfantine au second degré) et que le mouvement va s'étendre puisque les Instructions ministérielles le recommandent.

 

Nous disons cela pour bien marquer une priorité. A l'intention des nombreuses écoles qui, pour des raisons financières ou administratives ne peuvent pas, au début, acheter l'imprimerie, nous avons réalisé des limographes spéciaux pour la polygraphie des documents écrits, dessinés ou dactylographiés. Certains éducateurs utilisent même la simple polycopie. II faut qu'on sache dès le début que ce ne sont là que des ersatz pour la production de journaux susceptibles d'entretenir la correspondance. Mais il suffit de consulter quelques collections de nos journaux scolaires pour se rendre compte que seule l'imprimerie permet des réalisations qui exaltent et magnifient la production enfantine.

 

La polygraphie ne saurait être qu'une technique de dépannage ou un complément, précieux alors, de l'imprimerie pour le tirage des textes documentaires et des dessins.

 

L'imprimerie, et nous le verrons au cours des pages qui suivront, est le seul outil vraiment pédagogique :

- l'enfant compose ses textes, lettre à lettre, ligne à ligne, et ce travail est éminemment profitable, pédagogiquement parlant ;

- les enfants font eux-mêmes absolument toutes les opérations ;

- et surtout l'imprimerie à l'Ecole permet un tirage parfait et toujours majestueux. Dans le commerce, aucun document n'est polygraphié, et la publicité elle-même est souvent imprimée, car elle porte bien plus que les simples circulaires polygraphiées ;

- et enfin, qualité majeure, l'imprimerie est économique. Aucun stencil à acheter. Un tirage ne coûte que quelques sous d'encre, et le papier évidemment. Quand vous avez acheté votre matériel, vous n'avez pratiquement plus rien à dépenser dans l'année.

 

Evidemment, cet outil nouveau nécessite une initiation élémentaire, initiation des enfants, et initiation du maître, des conseils indispensables que nous allons vous donner dans cette courte brochure.

 

 

Manœuvre des outils

 

II y a d'abord une partie technique à considérer. Nous y avons pourvu par des modes d'emploi qui sont joints à notre matériel :

- Description du matériel que nous offrons, avec les caractéristiques et tous conseils pour le choix selon les classes.

- Déballage et installation dans les classes.

- Répartition des caractères dans les casses.

- Mise en ordre du matériel.

- Composition du premier texte : usage et tenue du composteur, correction et égalisation, disposition sur la presse, tirage.

- Installation d'un limographe, gravure du stencil ou de la baudruche, tirage, etc.

 

Mais par-delà cette technique pure, nous voudrions vous donner ici un certain nombre de conseils technologiques qui vous permettront de tirer le meilleur parti possible de l'imprimerie à l'Ecole et des techniques annexes de polygraphie dont nous recommandons l'usage.

 

Conseils techniques et pédagogiques

 

1°. Pour passer commande

 

On vous a vanté l'Imprimerie à l'Ecole et la réalisation d'un journal scolaire. Ou bien vous avez une classe de transition ou une classe de perfectionnement pour lesquelles les instructions ministérielles vous conseillent l'imprimerie à l'Ecole, le journal scolaire et la correspondance.

 

Si vous avez ; participé à un stage ou si vous avez pu visiter une classe travaillant selon nos techniques - ce que nous vous recommandons tout spécialement vous serez mieux à même de nous passer commande.

 

Mais si vous n'êtes pas du tout au courant :

 

a) Demandez-nous évidemment notre catalogue et notre tarif, ainsi qu'un choix de journaux scolaires, pour que vous voyiez avec vos enfants, ce que vous pourrez normalement tirer du nouveau matériel.

 

b) Nous avons préparé pour les divers cours, les devis qui leur conviennent plus particulièrement.

 

- Pour les classes maternelles avec presse à rouleau 13,5 x 21 et gros caractères Corps 36.

- Pour les cours préparatoires avec presse à volet (ou presse à rouleau) 13,5 x 21 et caractères C. 24.

- Pour les cours élémentaires avec la presse à volet 13,5 x 21 et des caractères C. 14.

- Pour les cours moyens et classes terminales :

-une presse à volets 13,5x21 qui est la presse standard la plus utilisée ;

-une presse à volet ou à rouleau 21x27 ;

-une presse automatique 15 x 22 et des caractères C. 12 ;

- les fins d'études, CEG, 2e degré technique, avec les presses ci-dessus ou l'automatique 21 x 32.

 

2°. Pourquoi y a-t-il plusieurs modèles de presse ? Quel est celui qui vous convient le mieux ?

 

Nous avons plusieurs modèles de presses, comme il y a sur le marché plusieurs modèles d'autos : selon les besoins de la classe, selon l'âge et les possibilités des élèves, selon les goûts et les aptitudes aussi des éducateurs.

 

Ce que nous pouvons dire d'abord c'est que ces presses donnent toutes totale satisfaction, qu'elles ne comportent ni clinquant ni tape à l'œil, mais que ce sont de véritables et solides – inusables - outils de travail pour nos classes. Elles sont indéréglables et d'une manœuvre à la portée de tous. La presse que nous pourrions dire commune et polyvalente est la presse à volet, dont aucune autre machine n'approchera la simplicité.

 

Les presses à rouleau sont prévues pour les élèves jeunes qui n'ont pas assez de force pour manœuvrer la presse à volet. Il suffit de pousser le rouleau. Il est des classes CM qui utilisent cette presse à rouleau dont elles ont tout autant satisfaction.

 

Avec toutes ces presses, le tirage est relativement lent. Il exige une équipe bien organisée de 3 à 4 élèves. Alors que les presses automatiques, où l'encrage est automatique, peuvent être manœuvrées à une vitesse accélérée par 1 ou 2 personnes.

 

Pour les maîtres qui n'ont aucune disposition spéciale pour la mécanique nous conseillons la simplicité de la presse à rouleau ou de la presse à volet 13,5 x 21.

 

3°- Quels caractères choisir ?

 

Les non-initiés auraient tendance parfois à choisir de préférence un petit caractère, pour imprimer en une fois, et dans la même page, le maximum de texte.

 

Or, il faut tenir compte du fait que la composition est d'autant plus difficile que le texte est plus fin. Dans la pratique, nous déconseillons le corps 10, et lui préférons le corps 12, et même le corps 14.

 

Evitez de même les caractères trop maigres et davantage encore les caractères gras. Choisissez la moyenne : le caractère romain.

 

Feuilletez des livres dans une bibliothèque : vous verrez que la tendance actuelle de l'imprimerie est de mettre des caractères plutôt gros et très lisibles, et de ne pas serrer les textes dans les pages. Conformez-vous à cette pratique.

 

4°. Quelle casse choisir :

 

les casses standard d'imprimerie ;

les casses Freinet ;

les casseaux ?

 

a) Les casses professionnelles sont prévues pour des ouvriers qui plongent automatiquement leurs mains dans le casier contenant le caractère désiré. Ils n'ont pas besoin d'indications. Vos élèves ne parviendront que très exceptionnellement à cet automatisme. Il faut donc que les casiers soient étiquetés.

 

De même les professionnels jettent les caractères en vrac dans les casiers respectifs. Nous avons besoin, nous, de mettre les caractères droits pour lire la lettre (à l'envers).

 

On peut le faire avec la casse professionnelle qu'on place penchée à 45°.

 

b) Mais le mieux est la casse Freinet qui a été prévue justement pour éviter ces ennuis : cases étiquetées, regroupées selon leur fréquence, caractères bien alignés dans la casse inclinée.

 

Le reclassement, toujours laborieux, est plus facile. Les erreurs sont décelables au premier coup d'œil, la composition est de ce fait rapide, même avec des enfants non-entraînés.

 

Une table spéciale pouvant supporter 2 casses, a été prévue pour les casses Freinet. (Attention, à l'arrivée, pour placer les caractères dans la casse, ne démolissez pas trop vite le bloc de caractères qui vous est livré. Placez les lettres ligne à ligne).

 

c) Les casseaux individuels : Les camarades qui s'en servent en disent grand bien et assurent que le reclassement et la composition sont plus rapides. Je préfère quant à moi la casse Freinet qui nécessite un travail coopératif et d'équipe très formatif, même s'il comporte parfois quelques aléas.

 

5°. Comment organiser le travail à l'imprimerie ?

 

Faites un premier essai en composant, avec les premiers volontaires, un texte court, 5 à 6 lignes au maximum.

 

a) Il y a une tendance contre laquelle je mets tout de suite les usagers en garde : ne démarrez jamais avec des textes longs. Ne dépassez pas 10 ou 12 composteurs au début. Vous éviterez ainsi les ennuis et les fausses manœuvres qui risquent de vous décourager.

 

Et même plus tard, évitez les textes longs. On ne devrait jamais dépasser 12 à 15 lignes. Si le texte est plus long, vous imprimerez en deux fois sur deux pages.

 

b) Par la suite, organisez le travail très sérieusement. Ne comptez pas sur les volontaires. Ce seront toujours les mêmes, ou leur lassitude vous handicapera juste au moment où vous voudrez accélérer le travail.

 

- Il est des camarades qui organisent des équipes permanentes qui travaillent à l'imprimerie chacune à leur tour, et en ont donc la totale responsabilité.

 

C'est en effet une pratique de stabilité. L'ennui c'est que, certains jours, avec un texte court, il y aura trop de monde à la composition, et qu'avec des textes longs au contraire, la composition sera interminable, certains élèves ayant à composer 2, 3, 4 et même 5 lignes.

 

Je préfère le système suivant : je tape à la machine (ou j'écris) un tableau comportant la liste mélangée des élèves. Chaque nom est suivi d'une succession de points. Chaque jour, un trait qui unit les points de haut en bas indique l'équipe journalière qui peut, selon la longueur du texte, comporter 2, 3 ou même 5 à 6 compositeurs. Il n'y a d'ordinaire aucune discussion (on peut adjoindre à l'équipe l'auteur du texte, bien que ce ne soit nullement indispensable).

 

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c) Il faut vous arranger justement pour que l'équipe qui compose et imprime ne soit pas trop handicapée dans son travail journalier :

 

- Répartissez soigneusement la composition dès que le texte est mis au net au tableau. Arrangez-vous au moment de cette mise au net pour réserver le plus possible de paragraphes. Alors chaque compositeur peut avoir son paragraphe, qui ne doit jamais dépasser 2-3 lignes.

 

Deux ou trois élèves au maximum partent à la casse, emportant un papier sur lequel ils ont écrit soigneusement le texte à composer.

 

- Veillez à ce qu'ils prennent des composteurs correspondant au corps de la casse (si vous avez plusieurs modèles), et à ce qu'ils mettent alors le même gros blanc en commençant les alinéas.

- Exigez que le travail se fasse très vite. Quand il a terminé une ligne l'enfant nous l'apporte ou il la présente au responsable qui vérifie s'il n'y a pas de faute.

 

La composition à l'imprimerie ne prend sa pleine valeur pédagogique que si l'élève s'entraîne à composer ses lignes absolument parfaites. Cette perfection, le fait de corriger par un geste de la main, sont particulièrement formateurs pour l'orthographe.

 

- Le plus vite possible chronométrez le temps de composition pour établir une compétition entre les élèves.

 

Vous direz : Aller vite et faire orthographiquement parfait.

 

Ainsi, en un temps record, le texte doit être composé.

 

- Le responsable, ou vous-mêmes au début, aurez à égaliser les caractères sur une plaque de verre, ce qui est indispensable. Au début surtout, tant que vous n'êtes pas suffisamment entraînés vous pourrez vérifier avec une glace, la correction sur épreuve étant toujours salissante.

 

6°. Préparation du tirage

 

Quand les composteurs sont soigneusement vérifiés et égalisés vous les disposez sur la presse.

 

Il ne faut pas les mettre au hasard, mais selon certaines règles qui vous faciliteront la besogne.

 

Placez en haut et en bas de la presse des interlignes larges de façon à réserver l'espace, toujours le même, de 13,5 x 21.

 

Placez en haut un composteur avec une mention permanente. Voici ce que nous faisons à l'Ecole Freinet :

 

LES PIONNIERS VENCE 13  6-1-65

“ interligne ”

 

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Vers le bas, placez un filet, ou un composteur avec des vignettes qui terminent la page. Ainsi votre page aura toujours la même dimension quelle que soit la longueur du texte. C'est dans l'espace restant que vous ferez jouer votre bloc imprimeur :

- Dégagez d'abord le titre,

- Laissez un blanc en bas,

- Dégagez la signature.

 

(L'importance de ces blancs variera avec la longueur du texte).

 

Si possible placez un interligne aux paragraphes.

 

Il faut que l'ensemble bénéficie d'une harmonieuse disposition des blancs et des noirs.

 

Alignez bien les composteurs.

 

Faites une épreuve à soumettre au maître. Si tout va bien, roulez !

 

7°. Le tirage : Si la composition s'accommode d'un certain tâtonnement artisanal, le tirage, lui, doit être soigneusement organisé, mécanique et automatique.

 

J'ai vu imprimer des équipes inorganisées, où le même enfant plaçait la feuille, puis passait le rouleau pour imprimer ensuite ; ou celui qui pressait changeait en cours de tirage avec celui qui encrait et qui allait prendre les feuilles avec les doigts maculés.

 

Il faut :

- un élève qui place les feuilles et imprime,

- à droite un élève qui encre,

- à gauche un élève qui présente les feuilles, les enlève pour les placer dans le bloc séchoir.

 

Tout étant en place, la mécanique doit fonctionner :

 

- sans aucun changement,

- le plus vite possible,

- comme dans les machines modernes on ne s'arrête que lorsque l'imprimé n'est plus parfait.

 

Le tirage doit toujours se faire en un temps record. Chronométrez si possible.

 

8°. Quelle encre employer ?

 

- D'abord de l'encre d'imprimerie, évidemment.

 

Attention ! n'employez jamais pour l'imprimerie une encre à limographe qui, étant grasse, vous vaudrait bien des ennuis.

 

- Mettez toujours très peu d'encre sur la plaque à encrer, gros comme un haricot pour commencer, vous aurez le temps d'en ajouter.

 

Mais il faut cependant un bon encrage. Nous recevons assez souvent des journaux scolaires aux pages trop pâles. Le texte doit être d'un beau noir régulier.

 

- Méfiez-vous de la couleur. L'encre couleur ne doit être employée que comme couleur complémentaire. Les textes eux-mêmes doivent être, sauf exception, tirés en noir.

 

9°. Quel papier employer ?

 

Le papier que livre la CEL est de la qualité qui convient le mieux à nos presses à faible pression. Certes il pourrait être plus beau, et notamment plus blanc, mais il serait évidemment plus cher. Si vous en achetez hors de la CEL demandez un papier écriture semblable, un peu satiné mais pas trop, buvant un peu l'encre, mais pas trop. Pour faire leur journal plus riche, certains camarades impriment sur papier couché, très lisse. Ce papier n'est nullement recommandé pour l'impression typo : l'encre risque de baver et ne sèche pas vite. Vous pouvez avoir pour le même prix un très beau papier genre écriture mais blanc et à contexture serrée.

 

Notre papier convient de même pour le limographe.

 

10°. Illustrations

 

Nos journaux gagnent à être illustrés. Pour cela diverses techniques (voir le Florilège du Journal Scolaire, numéro spécial de l'Educateur).

 

a) Le lino gravé : Il est presque totalement abandonné, et c'est totalement regrettable. Il y a 10 ou 15 ans tous nos journaux comportaient de beaux linos gravés, qui illustraient parfois toutes les pages. Nous avions alors des enfants qui parvenaient à une technique de maîtres qui donnait aux journaux une majesté nouvelle (voir la brochure BENP n° 10, qui vient d'être rééditée).

 

Il faudrait remettre la gravure à l'honneur.

 

b) Le limographe : La plupart des journaux sont par contre illustrés aujourd'hui au limographe, ce qui n'est pas négligeable.

 

Mais le tirage au limographe n'est pas typographique. Il n'est pas suffisamment noir. On peut accentuer la teinte avec des ombres variées (voir pour la technique limographe la brochure BENP n° 3, également rééditée).

 

Le limographe est précieux pour des dessins de fonds en surimpression.

 

c) Les dessins rehaussés : J'indique ici une technique qui est trop négligée et qui s'apparente à celle qui était employée pour les images d'Epinal.

 

Vous tirez au limographe ou au lino un dessin pleine page. Lorsque les feuilles sont sèches, vous les étalez sur une table et vous commencez un rapide travail en série : un élève passe une tache de rouge à l' endroit désigné, la même pour toutes les feuilles ; un autre passe du vert, un autre du bleu. Et vous avez une belle page coloriée.

 

Ce procédé est tout particulièrement recommandé pour les couvertures.

 

11°. Nettoyage des caractères : Ce nettoyage n'est pas toujours suffisamment soigné dans les classes. Voici ce que je recommande. Vous avez un petit flacon verseur pour l'essence, un couvercle de boîte et une brosse à dents. Vous versez un peu d'essence dans le couvercle et vous frottez les caractères avec la brosse à dents imbibée. Vous lavez ainsi jusqu'à ce que les caractères soient blancs. Vous essayez alors avec un chiffon, puis vous essuyez chaque composteur.

 

Ces conseils attireront votre attention sur la nécessité de soigner la composition, le tirage et la présentation des pages et du journal, et vous permettront d'obtenir des résultats dont vous pourrez être fiers.

 

Si nous voulons entraîner nos enfants à soigner leur travail et à lui donner une sorte de majesté, il faut absolument réaliser de beaux textes et de beaux journaux.

 

Des progrès très sensibles peuvent et doivent être réalisés dans ce sens.

 

Le journal scolaire

 

12°. Le contenu du journal scolaire

 

Il s'agit là en quelque sorte de l'habit de nos imprimés et de nos journaux.

 

Mais la présentation ne suffit pas. C'est le contenu même de nos journaux que nous devons tout particulièrement soigner. Et là il y a beaucoup à faire pour sortir la masse de ces journaux de la pauvreté intellectuelle qui les menace. Nous avons déjà traité de la question à diverses reprises. Nous ne donnerons ici que les éléments du procès.

 

13°. La part du maître dans la mise au point des textes.

 

C'est le grand problème : rares sont les éducateurs qui savent donner cette « part du maître » (Voir : Elise Freinet, BEM 24 : Quelle est la part du maître ? Quelle est la part de l'enfant ?).

 

Parce que nous avons insisté sur la nécessité de laisser l'enfant s'exprimer, on le laisse un peu trop dire n'importe quoi, comme s'il n'y avait pas toujours un choix à faire dans ce que nous voulons exprimer.

 

Nous avons dit que nos techniques permettaient à l'enfant d'extérioriser sa vie dans son milieu, la plupart des camarades se contentent de faire « les chiens écrasés », ces petites histoires de la rue, sans intérêt et sans grandeur.

 

Il ne faut certes pas les éliminer systématiquement mais il faut habituer les élèves à choisir là aussi pour les élever sans cesse vers une sensibilité de choix et une compréhension efficiente.

 

Le maître ne doit pas se contenter d'être spectateur. Il doit sans cesse se mêler à ce jeu de la vie, s'entraîner à penser et à parler ainsi que les enfants pour susciter des lignes de force qu'il pourra alors exploiter bénéfiquement.

 

Il faut surtout essayer de sentir dans tout événement ce qu'il comporte d'émotion, parce que c'est par ce biais que nos textes toucheront auteur et lecteur.

 

La chose est relativement facile avec les petits, et c'est ce qui donne d'ordinaire tant de charme aux journaux des maternelles et des classes enfantines. A mesure que les enfants grandissent, on dirait qu'ils éprouvent comme une sorte de pudeur à se livrer, et c'est alors que les textes sont « objectifs » et froids comme des comptes rendus.

 

Il ne s'agit pas de négliger la part enquête et compte rendu qui intéressera parents et correspondants. Mais il faudra essayer de retrouver le plus souvent possible l'affectivité, et nous y parviendrons surtout par les poèmes.

 

 

14°. Penser aux correspondants

 

Cette part du maître apparaîtra à tous comme nécessaire et naturelle avec la motivation qu'apporte la correspondance.

 

Au moment du choix du texte, il ne faudra pas se contenter de laisser parler le vote démocratique, mais vous aurez à rappeler fréquemment que vous avez des lecteurs - parents et correspondants - et que c'est pour eux que vous écrivez et imprimez. Il vous sera alors facile de faire éliminer les textes qui ne signifient rien et qui ne sont en définitive d'aucun intérêt pour ceux qui les liront. Vous expliquerez à vos élèves qu'un journal n’imprime pas n’importe quoi, mais seulement ce qui intéresse le lecteur. Vous rappellerez qu'à la radio ou à la télévision la valeur d'une émission se mesure au nombre de lettres qu'elle suscite.

 

Vous vous mettrez même d'accord avec les maîtres correspondants pour que joue en permanence une critique individuelle et collective qui orientera le choix des textes.

 

15°. Et vous imprimerez aussi des poèmes. Oh ! Pas de ces poèmes imités des mauvais écrivains qui alignent des rimes comme amour-toujours, au grand détriment de toute expression exhaustive.

 

Pour nous, il y a poème chaque fois qu'il y a pensée profonde et sensibilité, imagination ou rêve, tout ce qui sort du train-train de la vie quotidienne et nous mesure à une autre échelle de l'humanité.

 

Et c'est justement parce que ces poèmes apportent comme une nourriture substantielle, qu'ils connaissent toujours un grand succès. La plupart des journaux scolaires en sont malheureusement dépourvus. Vous ferez un effort pour personnaliser et idéaliser vos écrits.

 

16°. Vous devez accorder aussi une plus grande part aux contes inventés ou au folklore, et, en général, aux œuvres d'imagination qui sont totalement négligées, et aussi à certaines œuvres de longue haleine - enquête ou création - qui enrichiront vos journaux et pourront donner lieu à des numéros spéciaux qui seront de remarquables chefs d'œuvre.

 

17°. Ces critiques et ces conseils seront tout particulièrement valables pour les journaux des CEG et du second degré dont nous sommes heureux d'enregistrer les naissances.

 

L'adolescent, dominé par les tâches scolastiques, se livre plus difficilement encore que les enfants du primaire.

 

Les journaux à ce degré risquent davantage encore d'être de seule information. Pourtant quelques réussites nous montrent qu'il suffira parfois de bien peu pour que ces jeunes livrent à leur journal les graves problèmes qui les affectent : discussion sur les relations maîtres-élèves, élèves-parents, garçons et filles, relations avec le milieu, problèmes du travail et de l'avenir, etc...

 

Ne vous préoccupez jamais de savoir si les textes libres écrits pour le journal peuvent s'encastrer de quelque façon dans le processus scolastique. L'essentiel est qu'ils touchent les jeunes, qu'ils soient leur expression profonde et que par ce biais enthousiasmant, ils s'intéressent peu à peu aux aspects divers et variables de la culture populaire.

 

Alors la pédagogie reprendra tout son sens de formation de l'enfant et de l'adolescent aux tâches et aux destinées des hommes de demain.

 

Le limographe

 

Nous souhaitons que ces simples conseils vous permettent de tirer le maximum de cet outil merveilleux qu'est l'imprimerie à l'école.

 

Mais il est cependant des écoles qui ne disposent pas des fonds nécessaires à l'achat du matériel, ou qui manquent de place pour ce travail nouveau. Il en est aussi qui hésitent à se lancer dans l'aventure et qui se contenteraient pour l'instant d'un ersatz qui leur permettrait cependant de sortir un journal, valable pour une correspondance souhaitée.

 

Cet ersatz d'imprimerie à l'Ecole c'est le limographe. Le principe en est simple - et ce n'est d'ailleurs pas nous qui l'avons inventé : on perfore au poinçon une baudruche ou un stencil. On place ce stencil sous un volet muni d'une gaze de soie. On passe un rouleau copieusement encré : l'encre traverse les perforations et s'imprime sur la, feuille.

 

Ce procédé a un avantage qui est en même temps, nous le verrons, un inconvénient pédagogique : vous écrivez sur le stencil, ou vous le perforez à la machine à écrire et, instantanément ou presque le texte libre manuscrit devient, tiré à 50 ou 100 exemplaires, page de vie. Si la perforation a été très soigneusement exécutée, le tirage est toujours très lisible.

 

Mais il n'atteindra jamais à la majesté de l'imprimé.

 

L'inconvénient ? Ce procédé passe par-dessus les intermédiaires : la pensée devient d'un coup, presque magiquement, un texte polygraphié. C'est un peu comme si on donnait le texte libre à imprimer à une entreprise professionnelle... Il n'y a pas cette appropriation manuelle qui coule vraiment la pensée dans le métal, ce qui lui donne efficience et pérennité.

 

Il en résulte que le limographe n'a pas les vertus pédagogiques de l'imprimerie, et ne peut donc pas la remplacer.

 

Par contre le limographe est un excellent complément de l'imprimerie :

- Vous avez un texte long, donc la composition risque d'être fastidieuse. Vous le tapez à la machine et le tirez pour le livre de vie.

- Vous menez une enquête pour laquelle il ne faut négliger aucun détail : limographe.

- Vous avez un tableau ou une statistique à publier : limographe.

- Sans compter les dessins qui embelliront le journal selon les techniques que nous avons expliquées.

 

Nous conseillons tout particulièrement le tirage au limographe d'une page que nous appelons Notre Vie. Dans notre Ecole, nous la tirons tous les lundis Elle sera évidemment incorporée au journal, mais nous la joignons aussi aux lettres des enfants aux parents. Cette page est donc comme une feuille de correspondance avec les familles.

 

Que mettons-nous sur ces pages de vie ? Les textes journaliers reflètent bien sûr la vie de l'enfant dans son milieu, mais ils ne font souvent que la refléter. Disons qu'ils ne suivent pas forcément l'actualité et que les lecteurs risquent fort de ne rien connaître :

du temps qu'il fait chez vous ;

des travaux des champs ou des jardins ;

des travaux en classe ou en atelier ;

des détails de votre vie quotidienne ;

de vos sorties, de vos recherches ou de vos promenades ;

des grands faits saillants de la vie de votre Ecole.

 

C'est tout cela que nous plaçons dans Notre Vie sous les rubriques : Le temps, Les travaux des champs, Nos travaux, Notre plan, Nos correspondants.

 

Nous vous conseillons la rédaction en commun de cette page du lundi qui gagnerait à être hebdomadaire.

 

Dans la pratique, actuellement, presque tous nos journaux scolaires sont mixtes avec des textes imprimés et des textes limographiés.

 

Nous donnons cependant les conseils suivants :

 

- Le premier, c'est qu'on doit soigner tout particulièrement la gravure du stencil ou de la baudruche. Il faut écrire, en écriture bâton de préférence, en tous cas sans déliés, en appuyant le poinçon très régulièrement (vérifier par transparence si la perforation est suffisante).

 

Si vous tapez le stencil à la machine, nettoyez au préalable les caractères et frappez régulièrement.

 

- Le limographe demande beaucoup plus d'encre que l'imprimerie (et c'est une encre grasse spéciale. Par temps froid il y a même avantage à la réchauffer légèrement pour qu'elle traverse bien les perforations).

- Ne passez jamais deux fois le rouleau car vous aurez un imprimé « dansé ». Il faut appuyer une seule fois, avec une poigne solide.

 

C'est pour obtenir un meilleur résultat, même avec des opérateurs qui ne peuvent pas appuyer longtemps sur le rouleau que nous avons réalisé :

- un limographe automatique 13,5 x 21

- et un limographe automatique 21 x 27, « Le Bison », plus particulièrement destiné aux grandes classes et aux CEG. Le nouvel équipement de nos classes en matériel d'imprimerie et de polygraphie est à votre portée.

 

La polycopie

 

La polycopie sous ses diverses formes : pierre humide, gélatine, et maintenant tirage à l'alcool est employée de même par ceux qui la possèdent pour la reproduction des textes libres et l'édition d'un journal.

 

Jusqu'à présent, nous lui avons préféré le limographe, qui donne des résultats plus nets sur du papier ordinaire. En général les journaux polycopiés ne sont que médiocrement appréciés par les élèves.

 

Est-ce à dire que la polycopie ne puisse pas concurrencer le, limographe dans nos écoles ? Certains progrès techniques ne seraient-ils pas en mesure de rendre l'un ou l'autre des procédés de polycopie mieux utilisables, ce qui serait souhaitable étant donné que le limographe ne fonctionne qu'avec baudruches et stencils dont l'usage est très onéreux. Le proche avenir le dira peut-être.

 

Nous sommes toujours à l'affût des progrès qui faciliteront notre travail (étant bien entendu que rien ne remplacera l'imprimerie). Nous allons même reprendre la mise au point d'un appareil, qui nous a rendu de grands services il y a vingt ans : le Nardigraphe qui fonctionne avec une vitre magique, sans stencils, donc avec des frais de fonctionnement très réduits. Nous en reparlerons prochainement.

 

La machine à écrire

 

Tous les adultes écrivent aujourd'hui avec un stylobille. Seule l'Ecole reste anachroniquement fidèle à la plume d'acier.

 

Un jour très prochain, chaque ménage possèdera sa machine à écrire et les stylobilles eux-mêmes ne seront employés que pour des écrits mineurs. Mais l’école continuera à imposer une calligraphie inutile et une infinité d’exercices qui n’auront plus leur raison d’être.

 

Notre souci de modernisation nous a entraînés naturellement à essayer la machine à écrire dans nos classes. Mais il en est de cette technique comme de l'imprimerie : son introduction à l'Ecole suppose au préalable la réalisation d'une machine à écrire simple, indéréglable, à toute épreuve, et d'un prix modeste.

 

Vous pouvez jeter une de nos presses à volet par la fenêtre. Vous irez la retrouver intacte dans la rue. Il faut de même que nous puissions jeter d'un coin à l'autre de la pièce la machine à écrire de nos rêves et qu'elle continue à fonctionner.

 

J'ai établi des plans pour cette machine à écrire scolaire, mais je ne sais pas si je pourrai la réaliser un jour, car elle ne ressemblerait pas aux machines aujourd'hui en usage et serait de ce fait beaucoup plus chère.

 

En attendant, quel parti pouvons-nous tirer d'une machine à écrire ordinaire, compte tenu des risques assez fréquents de détérioration et de pann ?

 

Si l'instituteur en surveille de près l'entretien et l'usage, une machine à écrire par classe sera précieuse :

- pour la frappe des stencils limographe ;

- pour la frappe à 4 exemplaires des textes libres intéressants mais non élus :

l'un pour le livre de vie de l'auteur,

un pour son correspondant,

un pour le livre de vie de la classe,

un pour les parents ;

- pour la préparation de certains tableaux et imprimés.

 

Si le nombre des machines pouvait être suffisamment important, la frappe à la machine pourrait remplacer bien souvent la copie sous ses diverses formes. Nous avons eu pendant plusieurs années un élève presque aveugle qui a été sauvé par les bandes et la machine à écrire.

 

Dans la pratique cependant, nous ne pensons pas qu'une technique pédagogique puisse se fonder actuellement sur l’usage régulier de la machine à écrire, qui ne reste qu’un instrument parmi d’autres au service de la pédagogie.

 

Il se peut que les découvertes à venir nous permettent d’utiliser un jour prochain, à une plus grande échelle des appareils divers de reproduction qui tous complèteront le texte libre, l’expression enfantine par l’imprimerie, le limographe et la correspondance : les appareils de reproduction de documents graphiques instantanés qui n’ont que le défaut d’être beaucoup trop chers, la photographie, le cinéma, le magnétophone.

 

Un appareil très peu usité en France, nous serait aussi d’un grand secours : l’épidiascope qui nous permettrait de projeter en salle demi claire des textes et des dessins d’enfants, pour préparation de texte libre et pour les conférences.

 

Il nous faudrait pour cela un appareil donnant un éclairage puissant, non chauffant (pour éviter l’emploi d’un moteur de refroidissement) et d’un prix abordable. La chose ne me semble pas impossible.

 

Comme on le voit, nous ne risquons pas de nous figer sur deux ou trois pratiques éprouvées. Nous croyons au contraire que le proche avenir nous apportera des possibilités nouvelles. Mais cette éventualité nous est une raison de plus de bien établir les hiérarchies. Et dans cette hiérarchie l’Imprimerie à l’Ecole reste pour l’instant l’outil n°1 de notre Ecole Moderne.

 

C.F

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