Dossier pédagogique de l'Ecole Moderne

N°12-13

novembre 1965

L'enseignement des sciences au Second degré

R.Poitrenaud

M.Berteloot

J.Lèmery

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Sommaire

* Sciences physiques

Méthode naturelle et conditions de travail

Les fiches-guides M.Berteloot

Les bandes enseignantes M.Berteloot

Fiches annexes

*Sciences naturelles

Tâtonnement expérimental et libre recherche E.Lèmery

Les échanges scientifiques R.Poitrenaud

Fiches annexes

l'enseignement des sciences

En 1962, au Congrès de Caen, la Commission Sciences du Second degré avait établi un rapport sur l'enseignement des sciences. Il nous a paru utile de reprendre ce rapport en y ajoutant quelques exemples de ce qui a été réalisé depuis.

L'enseignement des sciences au Second degré

Sciences physiques

Méthode naturelle et conditions de travail

Ceux qui pratiquent la méthode naturelle d'enseignement des Sciences à l'école primaire se sont donné pour but de faire passer l'acquisition du sens scientifique avant l'acquisition des connaissances, considérant la première comme base indispensable de la seconde.

Ils ont constaté que tous les enfants sont à l'origine actionnés par le besoin de connaître et d'agir, que tous ont cette curiosité instinctive qui leur fait poser inlassablement des questions qui nous excèdent parfois.

Ils s'efforcent d'abord de conserver à l'enfant cette curiosité, ce besoin de chercher, d'expérimenter et de créer, ensuite d'alimenter, d'exciter et d'orienter ces tendances selon les exigences des enfants et du milieu. L'expérimentation libre leur semble la meilleure forme d'acquisition de la connaissance, la seule qui soit naturelle.

Ils pensent que plus tard peut-être il faudra développer, contrôler, préciser, étendre.

Nous pensons que si la conduite des travaux scientifiques expérimentaux doit s'inspirer de ces principes, il nous faut au CEG à partir de la 4° franchir le pas, c'est-à-dire justement développer, contrôler, préciser, étendre.

Rares sont les enfants qui arrivent au CEG ayant pratiqué l'expérimentation libre.

Ceci est extrêmement important et conditionne notre activité future: les Travaux Scientifiques Expérimentaux ils suffisants pour faire acquérir à ces enfants le sens scientifique? D'autre part, quelles sont en général nos conditions de travail? Ce sont, bien souvent, celles que connaissent les écoles de ville: trop grand nombre de classes, effectifs gonflés, atmosphère déprimante des cours de récréation et des cantines avec en plus la dispersion des maîtres: trois par classe au mieux, six ou sept au pire en comptant les professeurs spéciaux.

Dans la plupart des cas, c'est le maître qui se déplace, transportant avec lui son matériel, car rares sont les CEG disposant d'un local réservé à l'enseignement des sciences.

Ce transport de matériel peut à la rigueur se faire quand il s'agit de l'expérience conduite par le maître mais il devient impossible quand il s'agit d'un matériel destiné aux enfants. Dans l'immédiat, il semble que le local spécialisé soit l'objectif principal des maîtres chargés de l'enseignement des sciences dans les CEG. Un objectif idéal, mais non moins urgent, serait la constitution d'unités pédagogiques de 4 à 5 classes avec une équipe de maîtres travaillant selon les mêmes techniques.

NOS PRINCIPES DE BASE

Ce sont les mêmes que ceux de la méthode naturelle d'enseignement scientifique.

« L'expérience, écrit Claude Bernard, est l'unique source des connaissances humaines. L'esprit n'a en lui que le sentiment d'une relation nécessaire dans les choses, mais il ne peut connaître la forme de cette relation que par l'expérience. Il ne faut point enseigner les théories comme des dogmes ou des articles de foi. Par cette croyance exagérée dans les théories, on donnerait une idée fausse de la science, on surchargerait et l'on asservirait l'esprit en lui enlevant sa liberté, en étouffant son originalité et en lui donnant le goût des systèmes »

« L'enseignement scientifique, disent les Instructions Ministérielles de 1923, tout en conservant sa méthode, méthode expérimentale propre à éveiller et entretenir la curiosité intellectuelle, doit s'adapter aux besoins divers de ses élèves et varier selon leur milieu, selon leur sexe et selon leur éventuelle profession. Dans toutes les écoles, à tous les cours, la méthode employée doit être fondée sur l'observation et l'expérience... Elle signifie que le livre ne doit jouer dans cet enseignement qu'un rôle secondaire, que le maître n'a pas à faire des cours; il doit en classe et en promenade, faire observer et faire expérimenter ».

Nous voudrions que l'esprit progressiste de la circulaire du 8 septembre 1960, dite des Travaux Scientifiques Expérimentaux, soit appliqué non seulement au cycle d'observation mais dans toutes les classes du Second degré.

« Si l'enseignement scientifique, disait Paul Langevin, veut réaliser une culture véritable, il ne doit pas se borner à une information, à une acquisition utilitaire des connaissances... il doit faire pénétrer et organiser dans l'esprit des jeunes gens l'ensemble des notions issues de l'expérience, du contact avec les choses, préparant ainsi les notions abstraites qui conduisent à la notion de loi,).


« Conformément à ce qui a toujours été l'idéal de notre culture, dit la circulaire, l'accent sera mis sur les moyens de former l'esprit, non sur le contenu même de l'enseignement et sur l'acquisition de connaissances déterminées... la démarche à suivre doit être autant que possible celle de la recherche, librement menée par les élèves avec l'aide du maître ».

NOS RICHESSES:

LES ENFANTS QUE NOUS RECEVONS

Il nous faut exploiter ce que les enfants possèdent encore de curiosité, de désir de recherche pour les amener par l'expérience à l'acquisition des connaissances nécessaires telles que les définissent les programmes et les examens. Le rythme de cette acquisition est conditionné par la perméabilité à l'expérience qui est, dit Freinet, le moteur essentiel de l'intelligence.

Tout en reconnaissant ce que peut avoir d'illusoire toute classification, nous pouvons distinguer quatre catégories d'enfants:

1°. Ceux dont la perméabilité à l'expérience est si grande qu'ils sont capables de comprendre avec un simple croquis. Ceux-là peuvent trouver leur nourriture dans les livres, ils sont de la race des et s'en sortiront toujours; sans nous et même contre nous.

2°. Ceux qui sont perméables à l'expérience du maître. Il ne s'agit pas pour eux de croire mais de voir. La plupart des expériences restent gravées dans leur mémoire; encore faut-il que les conditions de travail leur aient permis réellement de « voir ».

3°. Ceux qui sont perméables à leur expérience personnelle, capables de se poser des problèmes et de les résoudre seuls. Nous dirons que leur intelligence est au bout de leurs doigts et que l'expérimentation libre leur convient. Ces trois groupes réunis constituent à peu près la moitié de la classe.

4°. Ceux qui ne sont perméables à leur expérience personnelle qu'à un certain moment de leur vie, le moment où un problème « s'impose » à eux. Les obliger à expérimenter sans motivation préalable conduirait à un échec. Ici intervient la part du maître qui peut être si utile quand elle arrive au bon moment et de bonne façon mais qui peut être si néfaste quand elle apparaît à faux.

LA MOTIVATION

« L'expérience est une observation provoquée ». C'est encore à la circulaire du 8 septembre 1960 qu'il faut nous référer.

« Motiver la présentation de tout matériel et de tout exercice d'observation par le recours à un fait pris dans l'expérience de l'enfant ou observable dans le milieu local ou emprunté à l'actualité afin d'éviter une progression trop mécanique et trop systématique où le choix des travaux paraîtrait dicté par une décision arbitraire et a priori du professeur »

Il faut toutefois nous méfier de la tendance que nous aurions à corriger la sécheresse et l'objectivité des méthodes scolastiques par un appel constant aux exigences de la vie. L'essentiel est que nous ne revenions pas aux mots et aux formules qui masquent les éléments de recherche et de connaissance scientifiques.

Il ne s'agit pas de parler de liberté, mais de rendre réalisable dans nos classes une liberté maximum pour observer et expérimenter. Mais même dans ces conditions favorables l'enfant risquera souvent de tourner en rond s'il n'y a quelqu'un, ou un livre, ou un film qui réintègre son activité dans le complexe culturel contemporain.

Par ailleurs, nos enfants ont déjà une expérience de la vie: les journaux, la radio, la télévision les ont sensibilisés à certains problèmes (apesanteur, atomes) qui les auraient laissés indifférents il y a quelques années. Ceci les amène à se poser des questions qui peuvent cadrer avec le programme. C'est le rôle du maître «d'accrocher» l'enfant, de s'intéresser à ses problèmes, de susciter des expériences simples, nées de la discussion.

D'autre part, n'oublions pas que pour certains enfants dits sérieux, conscients de la nécessité d'acquérir des connaissances en vue de l'examen ou d'expériences futures, le programme peut être une motivation suffisante. « On peut alors prévoir un plan de travail formel, respectant une certaine progression, c'est-à-dire le tableau de toutes les questions qui doivent être obligatoirement traitées. Il peut se trouver des questions qui n'intéresseront jamais les élèves. Il faudra alors que le maître soit assez adroit pour provoquer quand même un certain intérêt, ne serait-ce que l'intérêt de l'effort à faire, du travail bien fait. Par nos plans de travail, dans le cadre des programmes nous présenterons les thèmes à étudier et en nous aidant au besoin de fiches-guides ou de bandes enseignantes programmées, nous préparerons un large éventail d'observations et d'expériences parmi lesquelles nos enfants pourront choisir ».

Une motivation que nous ne devrons pas négliger est la correspondance avec échanges qui peut rendre de grands services en Botanique, Géologie et Zoologie par exemple, en donnant un but aux collectionneurs.

Enfin, nous pensons qu'il est un domaine inexploré qui peut nous fournir de nombreuses occasions d'expérimenter: c'est l'Histoire de la Science. Replacer l'enfant dans les conditions mêmes où se sont trouvés les grands chercheurs, n'est-ce pas le moyen de démystifier la notion de savant pour la ramener à de plus justes et aussi nobles proportions, celle d'un homme qui cherche? Ceci pose le problème d'une Bibliothèque scientifique parallèle à la Bibliothèque littéraire (1)

« Il est indispensable pour une formation équilibrée des individus que chacun de nous ait mené à même la vie, les expériences de base qui cimentent son comportement. Cela ne veut pas dire qu'il faut battre le silex pour allumer le feu, réinventer les outils; nous n'en finirions jamais puisque nous ne parviendrions même pas à rattraper le progrès. Nous aurions à peine le temps de nous acclimater au passé ».

RECHERCHE D'UNE MÉTHODE

Le problème ayant été motivé, il s'agit maintenant de le résoudre. Comment?

« Selon les principes des méthodes actives, dit la circulaire du 8 septembre 1960, faire toute place au long des exercices et dans l'élaboration même du plan de travail et des moyens et méthodes de recherche, aux suggestions, observations et expérimentations faites par les élèves eux-mêmes, en acceptant erreur et tâtonnement, mais en exigeant toujours rigueur et précision dans la vérification des hypothèses ou des explications proposées. Commencer par l'observation et l'analyse qualitative des phénomènes avant de passer à la mesure et à l'expérimentation, de façon que la nécessité de celles-ci ait été éprouvée par les élèves eux-mêmes et que son exigence s'impose à eux progressivement ».

I1 nous semble de plus indispensable qu'avant d'expérimenter, non seulement l'enfant construise lui-même son matériel mais encore qu'il le conçoive et qu'il prévoie ce qui lui sera nécessaire; nous lui demanderons donc de faire un projet. Ceci pourrait trouver sa place dans l'enseignement de « technologie » préconisé par les projets de programmes des 4° 3° Modernes. Nous ne donnerons pas la solution mais par certaines questions nous pourrons orienter les recherches et former l'esprit critique.

En se heurtant à la matière, l'enfant risque de trouver de nouvelles pistes; il se pose des problèmes et il les résout.

« Chaque fois que l'enfant crée, i1 apprend ».

Il donne un sens à ses expériences futures: pas besoin de mode d'emploi; ayant construit son matériel il en connaît parfaitement le fonctionnement et est même bien préparé à comprendre comment fonctionne ce que d'autres ont conçu (voir fiche annexe: Construis ton matériel).

Dans quelle mesure le maître doit-il guider l'enfant? N'oublions pas que programmes et examens imposent la réussite; l'enfant qui doit aller au bout de la question a besoin d'être secouru s'il ne réussit pas. C'est pourquoi nous croyons indispensable de préparer des fiches-guides pour la construction du matériel, fiches-guides qu'il faudra surtout se garder d'utiliser d'une manière systématique. Ce sera notre position de repli, nous assurant la sécurité.

 La recherche du matériel aura bien souvent entraîné tout un groupe; plusieurs sortes d'appareils seront construits qu'il faudra comparer, remanier, mettre au point. Du prototype établi et  mis au banc d'essai on passera à la série avec division et répartition du travail. I1 s'agit là d'une technique qui peut entraîner toute la classe permettant de passer de la motivation individuelle à une motivation générale. Dans certains cas, Sciences naturelles ou Chimie par exemple, il n'y aura pas d'appareils à construire, mais le choix du matériel ou des outils pourra avoir la même valeur.

(1) BT n° 591: Denis Papin. CEL, BP 282 Cannes, 06.

LE TÂTONNEMENT

Les enfants se trouvent alors en mesure d'expérimenter. Doivent-ils faire toutes les expériences nécessaires à l'acquisition des connaissances prévues au programme?

« Il n'est nullement indispensable que l'enfant ait mené, dans tous les domaines, toute 1a gamme des expériences possibles. Il suffit qu'il s'en soit approprié, intégré les demandes essentielles. Quiconque possède le sens scientifique voudra voir par lui-même, expérimenter, chercher, se tromper parfois, confronter ses découvertes et ses inventions avec les trouvailles plus ou moins géniales de ses contemporains ».

Un enfant de quinze ans peut-il sérier lui-même les difficultés pour les résoudre une à une, et non dans n'importe quel ordre, ce qui est le propre de la méthode expérimentale? Une part du maître importante est-elle nécessaire : proposer ou suggérer une progression? Faut-il laisser l'enfant s'orienter dans plusieurs voies, le laisser tâtonner, puis l'amener à comprendre ses échecs pour réorienter ses expériences, sacrifiant un peu de temps au profit de la formation de l'esprit? Nous pensons qu'il faut éviter de préconiser une méthode valable dans tous les cas. L'enfant peut résoudre seul certains problèmes. Certains autres que nous ne pouvons négliger car les programmes et les examens les imposent le conduiront fatalement à une impasse.

C'est pourquoi nous croyons nécessaire de préparer des fiches-guides et des bandes programmées d'expériences sur des points précis.

VERS LA LOI SCIENTIFIQUE

Reste maintenant l'acquisition de la connaissance, c'est-à-dire la loi scientifique.

Si, comme cela est souhaitable, toute la classe a été entraînée d'un même élan à poursuivre observations et expériences dans le cadre d'une entreprise commune dont les enfants sentent la nécessité, une confrontation des résultats est indispensable. Chaque enfant vient faire un compte rendu succinct de ses constatations. La part du maître est ici importante et délicate: il doit amener les enfants à exprimer sur quoi ils peuvent se considérer comme d'accord, à distinguer ce qui est important de ce qui est secondaire, à ne formuler une conclusion qu'avec beaucoup de prudence.

De cette confrontation, de cet effort de synthèse doit naître un essai de généralisation qui aboutit à la loi. (Voir fiche annexe: Étude de la fusion). Bien souvent, un retour à 'expérimentation sera nécessaire pour vérifier si une constatation d'un enfant est générale ou accidentelle. Enfin, ce que nous ne pouvons expliquer dans l'état actuel de nos connaissances pourra être la source de nouvelles expériences.

Si un enfant a travaillé solitairement, on peut lui demander de faire une conférence relatant ses recherches, ses réussites, ses échecs. Les erreurs et les imprécisions de son compte rendu peuvent relancer l'activité de la classe pour expérimenter, vérifier ou corriger les conclusions de leur camarade.

Il est, bien sûr, des expériences que l'enfant ne peut faire. Replacée dans le cadre de l'activité constructive de la classe, l'expérience faite par le maître peut retrouver toute sa valeur, dans la mesure où il est un expérimentateur parmi les autres.

Quels seront les prolongements de l'expérimentation?

Tout d'abord le retour aux livres, aux films, aux fiches relatant comment d'autres chercheurs ont résolu le problème.

« C'est le contact avec l'idée après l'expérience, et l'enfant en acceptera d'autant plus les conclusions qu'il sera d'accord sur un plus grand nombre de points ».

Ce sera l'occasion d'étudier les applications industrielles des lois découvertes, les appareils et les machines qui en sont issus. On pourra procéder par enquêtes en utilisant la richesse du milieu ou la correspondance; on pourra réaliser des maquettes qui rendent de grands services particulièrement dans l'étude des mécanismes.

Enfin nous pensons que les expériences doivent à un certain moment prendre un aspect quantitatif et aboutir à ce que nous pourrions appeler le «problème vivant» qui ne serait pas une simple application numérique où les données viennent de l'extérieur, mais un problème issu de l'expérience elle-même, une confrontation entre les résultats obtenus expérimentalement et ceux qui découlent de la loi établie. Il ne s'agirait pas de rechercher une précision ou une exactitude parfaite mais un ordre de grandeur, une approximation valable qui serait le critère permettant de juger la valeur de l'appareil construit et ferait apparaître les raisons qui ont guidé les constructeurs dans la réalisation des appareils de mesure.

LE PREMIER PAS

Pour beaucoup dont nous connaissons les conditions de travail, tout cela peut apparaître comme un objectif très lointain sinon utopique. Pourtant, certains de nos camarades sont déjà en passe de l'atteindre.

Quelles que soient les conditions de travail, il faut utiliser toutes les possibilités de faire expérimenter les enfants afin d'imposer à tous la nécessité de réserver un local à cet effet. Si ce local n'existe pas, on peut obtenir que les leçons de sciences aient toujours lieu dans la même classe aménagée dans ce but, les enfants se déplaçant exceptionnellement - des aménagements d'horaires peuvent être établis, évitant d'intercaler l'heure de sciences entre deux autres, de façon à bénéficier du temps qui précède ou qui suit la classe pour la préparation ou le rangement du matériel.

En attendant d'être en mesure de confier aux enfants la conception et la construction de leurs appareils, on peut acquérir un matériel simple et peu coûteux permettant de réaliser un grand nombre d'expériences.

Les fiches-guides

par M. Berteloot

Si vous désirez donner à vos élèves de quoi expérimenter par eux-mêmes sur les matières de leur programme, si vous êtes convaincus que des expériences individuelles, même un peu plus longues à réaliser, sont plus profitables pour former un esprit scientifique que des expériences décrites au tableau, ou même faites par le maître, alors, suivant les possibilités, le niveau de vos élèves et leurs intérêts, préparez des fiches-guides.

On pourrait croire que l'étude des sciences physiques demande du matériel coûteux et compliqué. C'est faux pour le matériel expérimental lui-même; c'est vrai pour le matériel de mesure. Nos crédits doivent surtout servir à acquérir ce dernier.

L'attitude des gens à la vue de matériel scientifique est caractéristique. L'exposition de quelques «expériences de physique» dans les Congrès École Moderne nous renseigne sur ce sujet. La majorité fuit devant ces appareils dont la forme n'évoque pas le but, nécessitant pour les décrire un vocabulaire barbare mais précis, qui se résume par des formules cabalistiques; il faut, croient-ils, pour les manipuler être un «initié» car leur mystère obéit à des forces occultes, imprévisibles et redoutables!

Eux n'y ont jamais touché; ils se souviennent d'avoir vu de loin leur professeur officier sur des appareils compliqués à souhait et leurs souvenirs sont peuplés d'images semblables à celle du laboratoire de l'homme invisible.

Il faut convaincre nos enfants, et c'est très facile, qu'ils peuvent entrer de plain-pied dans le domaine scientifique, non par les livres ou les explications oiseuses, mais par des expériences simples utilisant un matériel peu coûteux qu'ils pourront construire en collaboration avec leur maître, un matériel qui fera partie de leur vie parce que tiré de leur milieu.

Vous trouverez dans les fiches suivantes des conseils vous permettant de réaliser des fiches-guides adaptées à vos élèves. Elles doivent comprendre deux parties:

- comment réaliser le matériel;

- comment l'utiliser.

 Toutes les expériences relatées ont été effectivement réalisées par des élèves travaillant en équipe suivant des fiches guides écrites ou orales. (Voir fiche annexe: Étude d'une force de frottement).

Les bandes

enseignantes programmées

par M. Berteloot

 Nous avions lancé, il y a quelques années, l'idée de la réalisation d'un Manuel Moderne de Physique. Le supplément BT n° 132 préfigurait grossièrement ce que pourrait être ce manuel: un outil de travail au niveau des élèves plutôt qu'un recueil de connaissances.

Ce SBT répondait avant la lettre à l'idée de programmation, mais un manuel réalisé suivant cette technique paraîtrait en retard à présent.

Les progrès techniques vont plus vite que notre capacité individuelle de réalisation. A la programmation, s'ajouteront bientôt les machines enseignantes et nos expériences doivent tenir compte de ces faits.

A notre niveau d'enseignement général et dans le domaine de la physique en particulier, il est possible de concilier programmation et machine à enseigner avec la recherche expérimentale par des travaux scientifiques individualisés. La bande que nous vous présentons ainsi n'a pas la prétention d'être parfaite; c'est une bande expérimentale qu'il faut mettre à l'essai et qui sera remaniée en conséquence. Dans ce domaine, où tout est à faire, il faut se lancer hardiment; c'est l'expérience qui dira si oui ou non nous avons raison.

 (Voir bande en annexe: Les eaux naturelles).

M. B.

Fiche annexe 1.

Extrait de la brochure n° 132 LES ÉLECTROLYSES «Supplément Bibliothèque de travail» à BP 282 - 06 Cannes.

CONSTRUIS TON MATÉRIEL

I1 te faut maintenant des appareils plus pratiques, mieux adaptés, plus stables.

Les expériences précédentes ont pu te suggérer un projet.

Cet appareil appelé électrolyseur, doit pouvoir utiliser différentes espèces d'électrodes, en fer, en cuivre, en charbon, et même des espèces différentes pour un même électrolyseur.

Invente un moyen pour qu'un objet métallique soit l'une des électrodes: clef, pièce de monnaie.

Tu as observé l'état physique des corps produits. L'électrolyseur précédent te permet de recueillir des solides sur ses électrodes, mais que font les gaz?

I1 te faut construire un appareil capable de les recueillir. Cet appareil s'appelle un voltamètre.

Fais des projets ; note les matériaux nécessaires.

Pense à justifier ton choix.

Si tu n'y parviens pas, demande à consulter la fiche technique n° 1.

Tu peux adapter, modifier; le modèle proposé n'est qu'une des nombreuses solutions possibles.

FICHE TECHNIQUE N° 1

(Ces fiches ne sont remises qu'aux élèves qui en font la demande).

La reproduction se passe de commentaires. Observe surtout comment l'épingle à linge assure à la fois la fixation de l'électrode, le contact, et la stabilité du tout sur les bords du pot à crème fraîche. (La publicité ne nous est pas payée.)

FICHE TECHNIQUE N° 1 (bis)

Pour fabriquer un Voltamètre (électrolyseur capable de recueillir des gaz) il te faut:

- un récipient inattaquable les produits chimiques; choisis un pot avec fond surélevé et en matière mauvaise conductrice. Les trous dans les matières plastiques se font soit à la perceuse, soit avec un clou à peine chauffé.

Si dans cette opération le pot se fend, ne le jette pas: il peut encore servir.

Tu perces deux trous dans le fond pour le passage des charbons verticaux.

Tu perces également deux autres trous dans le rebord inférieur, pour le passage des conducteurs, comme te le montre la reproduction.

- des électrodes inattaquables.

Tu en trouveras en démontant une vieille pile.

Tu en casses une en deux. Pour en façonner une comme te l'indique le croquis, tu la places sur une perceuse à métaux à la place de la mèche. Tu la fais tourner sur une lime.

Tu fais de la même façon la gorge qui fixera les conducteurs. Tu fixes de suite les conducteurs sur les charbons; tu peux consolider la fixation en les soudant: couler de la soudure fondue dans la gorge, sur le fil.

Dans le fond, percé des deux trous ajustés au diamètre des électrodes, mets en place les deux charbons, passe les deux conducteurs dans les trous pratiqués à cet effet.

Si une fente s'est produite au façonnage du récipient, place un papier fort sur la fente. Si les trous des électrodes sont trop grands, pratique la même opération.

Dans un récipient métallique, fais fondre de la paraffine. Coule-la dans le voltamètre alors qu'un morceau solide de paraffine n'est pas encore fondu: cherche la raison de cette précaution?

Pour assurer une solidité et une étanchéité parfaites, coule également une couche de paraffine sur l'autre face du fond.

Laisse refroidir et durcir chaque couche de paraffine un quart d'heure. Les tubes à essais qui recueilleront les gaz, peuvent être remplacés par des tubes de plastique à médicament.

Tu peux coller un papier millimétrique pour repérer les volumes des gaz.

Fiche annexe II

Extrait de la brochure n° 118 "LE PRINCIPE D'ARCHIMÈDE" «Supplément Bibliothèque de Travail» CEL BP 282 - 06 Cannes.

COMMENT CONSTRUIRE UN DENSIMÈTRE?

Matériel:

            Un tube de verre de 12 à 15 cm avec un bouchon

            Une bande de papier millimétré

            Des grains de plomb ou du sable

            De l'eau très salée.

            De l'alcool.

1. Glisse dans le tube la bande de papier millimétré et leste ce tube avec des grains de plomb de façon que, plongé dans l'eau, il s'enfonce environ aux 2/3 de sa hauteur. Note cette hauteur h1  = ...

2. Plonge-le dans l'alcool et note la hauteur immergée h2 Compare h1 et h2

Calcule le rapport

h1 sur h2 =

Compare le résultat avec la densité de l'alcool.

3. Mesure la densité de l'eau très salée.

 densité =  h1 sur h2  =

4. Mesure la densité d'un mélange d'alcool et d'eau, ou la densité du lait.

5. Construis maintenant un densimètre qui te donne la densité par simple lecture. Pour cela indique sur la bande de papier 0,8 ; 0,9 etc...

Vérifie avec un liquide de densité connue que ton densimètre est exact.

Fiche annexe III

ÉTUDE DE LA FUSION

Au plan de travail de la semaine est inscrite l'étude de la fusion. Plusieurs fiches figurent au fichier:

- fiches d'observations: fusion de l'étain, du verre, de la glace, changement de volume accompagnant la fusion, expérience du flacon brisé, du regel, etc...

- une fiche d'étude des lois (voir modèle ci-joint);

- une fiche de mesure: chaleur de fusion de la glace.

Les élèves réalisent librement leurs expériences. La part du maître est alors aussi discrète que possible: aider les plus maladroits au montage du matériel, signaler chaque demi-minute, etc...

Les élèves rédigent ensuite individuellement leur compte rendu. Un compte rendu en commun est ensuite indispensable. Chacun fait part de ses remarques, on expose les graphiques. La loi doit sortir petit à petit de cet échange de vues : c'est la part du maître.

A mon avis, cette façon de procéder présente les avantages suivants:

- On ne se contente pas d'une seule observation: la loi est tirée d'un ensemble d'expériences réalisées dans les mêmes conditions;

- Les erreurs commises sont très utiles: elles montrent, en physique l'importance des conditions de l'expérience, de la précision des instruments de mesure et attirent l'attention sur le fait qu'il ne faut jamais conclure trop vite. La recherche des causes d'erreurs est très profitable.

FICHE DE TRAVAIL

Rassemble le matériel suivant:

- quelques boules de naphtaline;

- 2 tubes à essai de diamètres différents;

- un ballon en pyrex ou un récipient pour bain-marie (en verre de préf.);

- un thermomètre (gradué jusqu'à 100°);

- un appareil de chauffage avec un support (lampe à alcool, bec Bunsen);

- des fragments de bouchon, des allumettes, des élastiques.

Réalise le montage suivant

- Écrase de la naphtaline et place la poudre obtenue dans le plus petit tube (2 à 3 cm).

- Le ballon peut être remplacé par un récipient en verre de préférence.

Relève la température toutes les demi-minutes

Commence vers 60° et cesse de chauffer vers 90°. Note les résultats dans le tableau suivant:

Temps

0

1/2

1

1 1/2

2

2 1/2

3

3 1/2

etc

Température

                 

N'oublie pas d'observer attentivement la naphtaline.

Quand tu cesses de chauffer, retire le tube intérieur en le saisissant avec une pince en bois ou un collier de papie ; laisse refroidir et note la température toutes les demi-minutes.

Temps

0

½

1

1 1/2

2

2 1/2

etc

Température

             

Cesse de noter vers 60°.

Rédige un compte rendu

- La température s'est-elle élevée régulièrement?

- A quelle température la fusion a-t-elle commencé?

- A quelle température a-t-elle été terminée (naphtaline entièrement liquide)?

Après avoir cessé de chauffer:

- La température a-t-elle baissé régulièrement?

- A quelle température la solidification a-t-elle commencé?

- A quelle température a-t-elle été terminée (naphtaline entièrement solide)?

Essaie de tirer une conclusion de toutes ces remarques.

Construis deux graphiques

FICHE-GUIDE  (destinée au maître)

Étude expérimentale d’une force de frottement

I. LE MATÉRIEL

Bois

Tôle d’aluminium ajustée autour du bloc de bois

Tôle d’aluminium pliée. Elle sera posée dans ce sens et fixée sur la table. Elle servira aussi de plan incliné.

Ficelle parallèle à la table

Serre-joint

Si tu ne possèdes pas de poulie, tu peux utiliser un ressort gradué très sensible. (la lecture sera plus difficile, la mesure moins précise.

Pèse le chariot complet

À + ou – 1 gp

La tôle d'aluminium se travaille très bien. Pou, la plier, tu l'entailles avec une lame pointue de canif suivant une règle. Tu poses la plaque à plier sur une table de manière que la raie suive le bord de la table. Tu recouvres la plaque d'une planche et tu plies à la main la tôle d'aluminium, l'entaille à l'extérieur du pli. Attention, ne plier qu'une fois!

 II - SON UTILISATION

Ta fiche-guide doit faire trouver à tes élèves: l'existence des forces de frottement; elles seront déterminées si: ils trouvent

           leur direction,

           leur sens,

           un moyen de mesurer leur intensité.

Accroche un poids insuffisant au démarrage du chariot.

Quelle action ce poids a-t-il sur le chariot? Bouge-t-il? Donc une force le retient. (Précise que cette force est une force de réaction à la force qui tire, qu'elle n'apparaît qu'avec elle). Conclusion?

Accroche des poids croissants et détermine à 1 gp près la force qui équilibre la force de frottement.

Demande un croquis d'analyse des forces agissant sur le chariot.

II y a équilibre. Les différentes forces ont des directions communes, des sens opposés et des intensités égales.

Deux sont connues:

*le poids du chariot P ou force pressante. II est équilibré par la réaction de la table.

*La force qui tire; elle est équilibrée en direction, sens et intensité par la force de frottement. Conclusion?

Dans /es expériences qui suivent, conseille de ramener le chariot exactement au même endroit  (la surface de la plaque d'aluminium ne peut être parfaitement homogène, et les résultats de la mesure de la force de frottement diffèrent suivant la place; il faut polir les surfaces de contact).

Ta fiche-guide doit faire trouver ce qu'est un coefficient de frottement.

Tu surcharges le chariot de poids marqués p; tu obtiens des forces pressantes F = p + P.

Pour chaque force pressante, tu détermines les forces de frottement correspondantes: f (Les surfaces de contact sont les mêmes en grandeur et en nature).

Tu demandes au moins quatre expériences. Tu fais résumer dans un tableau les résultats. Forces de frottement: f1 f2 f3 f4 f5

Forces pressantes : F1 F2 F3 F4 F5

Tu fais calculer !es rapports (la première décimale sera égale, la deuxième ne sera guère différente).

Conclusion?

C'est le coefficient de frottement de l'aluminium sur l'aluminium. Tu peux demander les résultats des différentes équipes, tu verras qu'à quelques exceptions près, ils seront tous voisins.

Tu iras voir ceux dont les résultats s'écartent trop de la moyenne.

Ta fiche-guide doit suggérer les moyens de montrer les constantes et les variations de ce coefficient de frottement.

Varie-t-il si, la force pressante demeurant la même, la surface pressée change en grandeur, mais pas en nature?

Tu demandes comment on peut réaliser les mêmes forces pressantes mais sur une surface pressée différente? poser le chariot sur S cm2. (voir croquis).

Avec cette nouvelle surface tu fais des expériences.

Pour S cm2

F

f

k

     

Résultats précédents

Pour S cm2: en moyenne k =

Pour s cm2.

F

f

k

     

Nouveaux résultats

Pour s cm2: en moyenne k =

Conclusion?

Varie-t-il si, la force pressante et la surface pressée demeurant les mêmes en grandeur, les surfaces en contact changent en nature?

Intercaler entre le chariot et l'aluminium du feutre ou du cuir; huiler les surfaces d'aluminium en contact.

Résultat précédent

Nouveau résultat

Autre résultat

 Aluminium sur aluminium k=

Aluminium sur feutre

Nouveau k1 =

Film d'huile

k2 =

Plusieurs expériences

Conclusions?

Le coefficient de frottement varie-t-il pendant le mouvement?

Ici, je crois qu'il faut organiser une discussion en commun, certaines notions n'étant pas du programme, mais étant quelquefois intuitives. On admet que les surfaces sont homogènes; tu fais remarquer que ce n'est pas le cas dans de nombreuses expériences.

Tu fais remarquer:

*qu'un caillou qui tombe va de plus en plus vite, bien que la force qui le fait tomber demeure pratiquement invariable pendant sa chute; tu en tires une conclusion sur les mouvements accélérés.

*qu'une force qui cesse d'agir sur le mouvement d'un corps lui communique un mouvement uniforme.

Quand ton chariot est en équilibre sous l'action de la force qui tire et de la force de frottement, tu le sollicites par une force (une légère pichenette).

S'il s'arrête: le mouvement augmente la force de frottement.

Si le mouvement est uniforme: la force de frottement est constante pendant le mouvement.

Si le mouvement s'accélère: la force de frottement est diminuée par le mouvement.

Fais beaucoup de réserves sur les résultats (difficulté de classer mouvement uniforme ou accéléré).

Cependant, en collationnant tous les résultats au tableau (une trentaine), tu verras que la majorité indiquera que la force de frottement semble varier peu pendant le mouvement, qu'elle a tendance à diminuer.

La discussion peut se poursuivre:

- les cas où les forces de frottement sont utiles; quels moyens emploie-t-on pour les augmenter (augmenter la force pressante par les leviers et le coefficient par la matière en contact)

- les cas où elles sont nuisibles...

Problème vivant de physique

Mesure la longueur de la plaque d'aluminium.

Tu connais le poids de ton chariot.

Pose-le à un endroit de la plaque et soulève celle-ci par l'une de ses extrémités.

Que devrait faire le chariot?

Conclusion?

Continue de soulever.

Quelle est la force qui a été équilibrée au moment du démarrage?

Mesure la hauteur à laquelle s'est produit le mouvement. En te rappelant le cours sur le plan incliné, calcule:

- la force de frottement;

- la force pressante (qui ici n'est plus le poids) ne changeant pas, tu peux recommencer et retrouver par ce moyen les conclusions précédentes.

Tu peux même par une méthode géométrique trouver directement le coefficient de frottement.

Considère les triangles OFP CBA.

AB sur OF = h sur f d’où f sur F = h sur EB = k

 

Les sciences naturelles

Tâtonnement expérimental et libre recherche

par

E. Lèmery

Voici le compte rendu d'une expérience prouvant qu'il est très possible de concilier la formation scientifique avec l'acquisition des connaissances, les programmes, les instructions... en pratiquant la «libre recherche».

Les sujets d'étude, choisis dans le programme par l'ensemble des enfants (vote) sont étudiés par tous, individuellement, mais il est possible que certains se groupent en équipes de deux ou trois qui travaillent ensemble pendant l'étude d'un sujet ou d'un point particulier qui les intéresse au même instant. Il est possible que les sujets d'étude soient motivés par l'apport de certains enfants qui ont glané des plantes, capturé des insectes, au lieu d'être décidés à l'avance, et qu'on les indique alors sur le plan de travail annuel au fur et à mesure de leur rencontre.

TRAVAIL INDIVIDUEL DE LIBRE

RECHERCHE (OU PAR ÉQUIPES)

Chacun travaille alors sur le sujet selon son rythme et mène une étude complète, aussi longue soit-elle, ce qui est préférable à l'étude d'un certain nombre de sujets (20 à 30 dans l'année) abordés superficiellement (les instructions officielles indiquent «sujets observables» localement).

Aussi l'observation se poursuit-elle en dehors de la séance hebdomadaire de une heure et demie, les enfants continuant librement, s'ils le désirent, leurs observations et expériences à l'étude du soir et chez eux où ils retrouvent tout un matériel à eux d'élevage, de culture (certains se sont constitué un «laboratoire» équipé de loupes, même de microscopes achetés pour Noël...)

I. OBSERVATION DU RÉEL ET ANALYSE

Au début d'une étude, chaque enfant reste seul devant la plante ou l'animal aussi longtemps qu'il le veut, observant l'ensemble ou bien tel détail, peignant ou dessinant cette vue d'ensemble. C'est le moment où surgissent les questions qu'il se pose:

Exemple :

«Comment se reproduirait la moisissure de l'orange?

Que sont ces taches brunes au dos des feuilles du polypode?

Par où passe la sève dans un polypode?»

Ces questions s'accompagnent de projets (collectionner, conserver, expérimenter...)

«Je veux provoquer une moisissure sur une tomate»

«Je constitue un herbier pour conserver un polypode»

 II.  LA  FICHE-PROJET

(Voir en annexe: fiche-projet: Les moisissures)

L'enfant prépare donc, à ce moment, une fiche-projet personnelle sur laquelle il inscrit toutes ses questions pertinentes, naïves, bonnes ou mauvaises... Elles lui permettent, avec ses premières observations, de se constituer une base de départ.

L'enfant choisit alors la question qui l'intéresse 1e plus (il peut n'y en avoir qu'une) parmi celles qu'il envisage d'élucider.

Très souvent, à l'instant où il se pose des questions ou à l'issue d'une petite analyse qui suit les premières observations, il apporte une réponse qui est alors, de sa part, une supposition: 'est la découverte de l'idée, puisqu'elle distingue les individus, c'est l'hypothèse , selon C. Bernard (à relire: «L'introduction à la médecine expérimentale») qu'il cherche à vérifier par des expériences ou d'autres observations. En voici un exemple frappant extrait d'une fiche-réponse d'élève très récente, sans une seule modification: «J'observe un pied de polypode. A l'envers des lobes j'ai remarqué des petites boules jaunes. J'ai supposé que c'était peut-être une maladie, mais en me promenant dans les bois j'ai vu que c'était identique sur d'autres pieds, et j'en ai déduit que ce n'était certainement pas une maladie. J'ai alors supposé que c'était l'élément de reproduction.

Expérience (1): Pour le vérifier, j'ai mis des «boules jaunes» dans de la terre de bois; au bout de quinze jours je n'ai rien obtenu. J'ai observé une petite boule... ...d'après ce que j'ai vu, je pense qu'il s'agit d'un «sporange» donc de l'élément de reproduction. Maintenant j'attends que l'expérience (1) prenne le temps de réussir pour confirmer ma conclusion:

15e jour : néant

24° jour : néant... etc... »

(En réalité, il faut trois mois, dans de bonnes conditions pour cette germination). Si l'enfant est dans l'erreur, il s'en aperçoit au moment de recueillir les résultats de son expérience.

III. LA FICHE-REPONSE

Le travail de recherche personnelle alors entrepris se traduit sur la fiche-réponse par:

- des observations détaillées (oeil , loupe, microscope) donnant lieu à des croquis et des schémas nombreux, plus ou moins adroits, mais qui ont le mérite de représenter ou d'essayer de représenter la réalité ; ou 'est une description précise;

- des expériences ées à vérifier une hypothèse ou 'autres pour lesquelles l'enfant n'a aucune idée et ne sait pas très bien pourquoi elles sont faites, mais qui répondent à un besoin d'activité, manipulation...

Il prend des notes au cours du déroulement des expériences qui se prolongent et on rencontre très souvent sur les fiches-réponses une liste de dates avec l'observation correspondante en face (voir aussi l'exemple ci-dessus).

Exemple  (extrait d'une fiche):

«Je provoque une moisissure sur une tomate:

1er jour: j'y mets un peu d'eau, je la laisse à l'air libre.

2° jour: j'ajoute un peu d'eau, mais il n'y a rien sur la tomate.

3e jour: l'eau que j'ai ajoutée porte plusieurs plaques blanches: rien n'apparaît.

4e jour: je couvre le récipient.

5e jour: la moisissure apparaît, tout d'abord il n'y a que des fils blancs. Le lendemain des points noirs apparaissent...

 Si 1a même expérience a été réalisée par d'autres enfants, il y a coopération en ce sens qu'ils confrontent leurs résultats afin d'avoir une confirmation, une assurance plus grande par le nombre des expériences considérées.

Si une expérience échoue ou n'est pas révélatrice, l'enfant analyse les causes de cet échec et recommence. Certains recommencent plusieurs fois la même expérience.

Il arrive fréquemment qu'à l'issue de certains travaux, l'enfant comprenne alors l'inutilité de certaines questions qu'il s'était posées, ou que ses travaux apportent la réponse à d'autres questions ou au contraire en soulèvent d'autres nouvelles. C'est pourquoi l'enfant peut rédiger une seconde fiche-projet en vue de l'organisation de travaux non prévus ; il n'est pas «enfermé» dans le cadre de sa première fiche-projet. Enfin, il indique ses résultats dans une conclusion qui confirme son hypothèse ou la détruit.

IV. LA PART DU MAÎTRE

Il arrive, surtout au début (pendant plusieurs semaines et pour certains même un ou deux trimestres), que des enfants n'obtiennent rien, qu'ils n'aboutissent pas. L'emploi d'une fiche-guide est alors nécessaire. Exceptionnellement, à titre de transition, je remets une fiche très simple et l'enfant en suit une partie, ce qui lui permet tout de même de faire un travail individuel. J'ai constaté que, très vite, ils essaient de s'en séparer et font le maximum d'efforts pour s'en dispenser.

L'enfant me confie ses fiches-réponses avant de faire son compte rendu et nous les lisons tous deux pendant la séance de travail en classe. Dans quelques cas, il faut lui apporter ce qui est nécessaire pour qu'il ne se décourage pas, surtout au début. La documentation collective sous forme de livres, BT, SBT, articles divers apportés par tous... lui permet de trouver le vocabulaire dont il a besoin et qu'il ne peut inventer ; mais ce n'est qu'après son étude que celle-ci intervient car les travaux pratiqués par lui-même apportent les réponses essentielles.

Je m'empresse d'ajouter que j'essaie d'intervenir le moins possible dans le travail personnel, de ne rien modifier, me contentant d'attirer l'attention sur les erreurs, suc les précisions nécessaires, d'orienter celui qui s'égare et semble ne pas pouvoir se retrouver, d'aider celui qui ne peut franchir une difficulté, d'aiguiller parfois sur telle ou telle perspective.

Tout en étant un meneur de jeu discret dans la classe, il faut aussi savoir recevoir de l'enfant. Très souvent, il m'appelle pour me montrer simplement dans le microscope sa découverte: il arrive que je me trouve au-devant d'une vue exceptionnelle. Quelle joie alors pour l'enfant de me l'avoir donnée surtout si j'en suis très surpris, découvrant moi-même. C'est de cette coopération constante que naît une «ambiance fructueuse».

V. LE COMPTE RENDU

(Voir fiches annexes)

Lorsqu'une étude précise est terminée l'enfant regroupe toutes ses notes, ses observations, ses résultats sous la forme d'un compte rendu rédigé qu'il relève sur son cahier sous le titre «travaux individuels» ou «travaux personnels de libre recherche», accompagné de croquis et schémas en plus grand nombre possible. Il arrive que ces travaux ne se traduisent que par des croquis : vues d'ensemble, vues détaillées, ou par une suite de schémas commentés qui expliquent l'évolution d'une expérience. Le tout est relevé avec beaucoup d'application (je tiens en effet à la tenue matérielle des travaux que l'on conserve).

EXPLOITATION:

Il n'est plus question de faire une «leçon de sciences».

Or, chaque enfant ne peut étudier et découvrir ainsi toutes les connaissances qu'on peut demander à un élève de 5e, il n'a pas tout « vu».

Pour compenser ces lacunes d'une part, pour exploiter le travail individuel d'autre part, le motiver aussi, l'ensemble de l'étude d'une plante ou d'un animal est vu sous forme de conférences d'élèves. Les élèves volontaires (ils sont de plus en plus nombreux présentent à leurs camarades une conférence au cours de laquelle ils exposent leurs travaux, leurs conclusions, parfois complétés par une documentation abondante, et que j'ai contrôlés. Pendant les conférences, personnes ne prend la parole, mais elles sont suivies d'une discussion née de questions posées (les élèves les notent au cours de la conférence) à laquelle je participe, mon intervention ne venant qu'après celle des enfants, qui s'interpellent et se répondent sans que ce soit cependant «l'anarchie», si une question est en «suspens».

 Ainsi la multitude des travaux différents permet de «traiter» le sujet étudié entièrement et de présenter donc à tous, les parties qu'ils n'ont pas eu l'occasion de rencontrer dans leurs travaux individuels. Pour l'étude d'une plante, par exemple, on retrouve toute la morphologie détaillée même, et les notions qui se rapportent aux grandes fonctions : reproduction, nutrition, croissance... etc... Je précise que pour chaque sujet, les travaux d'élèves, leurs conférences, ont toujours permis de faire une étude complète (j'entends l'essentiel car il s'agit d'élèves de 5°).

Les bonnes conférences, choisies par vote de la classe, sont imprimées et distribuées à chaque élève qui les ajoute à son travail personnel dans sa documentation.

J'ajoute que l'exploitation des travaux personnels ou réalisés par des équipes se poursuit par:

- les albums collectifs pour les correspondants et pour la classe;

- les articles du journal scolaire;

- les expositions dans la salle de sciences naturelles (qui sert d'ailleurs aussi de salle de dédoublement pour tout l'établissement).

Enfin leurs études se prolongent par les élevages, les collections, les cultures en classe et chez eux.

 

LES TESTS

Puisqu'il faut absolument des notes, je fais à la fin d'une étude un test de contrôle, dont les enfants sont prévenus d'ailleurs, en connaissent les raisons, comportant questions et croquis. A ce propos je dois dire que les acquisitions sont sûres et les résultats bons (80,76% de résultats supérieurs à 10-20 er 1962-63 par exemple).

En conclusion, il est plus important de faire acquérir, par un tel tâtonnement expérimental en liberté, une méthode de découverte et de travail, un esprit scientifique, une attitude devant la nature qui permettront à l’enfant d’étendre ses connaissances.

Les résultats comparés montrent que les acquisitions sont sûres, définitives, alors que les connaissances toutes prêtes s’effacent rapidement de l’esprit d’un élève de 5°.

Et quelle joie dans le travail.

E.LÈMERY

LES ÉCHANGES SCIENTIFIQUES

par R. Poitrenaud

Je garde un souvenir désagréable de ces «collections» du musée scolaire, défraîchies et poussiéreuses, entassement hétéroclite d'objets qui, hors de leur milieu avaient perdu toute signification.

Pour redonner la vie aux «collections» il faut une motivation indispensable: l'échange. On peut concevoir l'étude de la géologie en deux temps.

1°. Organiser coopérativement dans la classe des équipes chargées de préparer les collections de roches qui seront échangées avec les classes correspondantes (1) récolte et étude des roches de la région, photos de sites, mono­graphies, albums.

2°. Échanger avec les correspondants, chaque équipe étant chargée de pré­senter à la classe, sous forme de conférences, les roches qu'elle a reçues,

La collection de roches de l'école ne doit constituer qu'une réserve de sécurité pour pallier tout accident de fonctionnement des échanges.

Il est possible d'envisager de la même façon des échanges de plantes, d'insectes, d'animaux marins.

R. Poitrenaud

(1) Pour obtenir une classe correspondante, écrire à ICEM 2e degré, BP 251, 06 Cannes.

 

COMPTE RENDU N° 1         

Quand la moisissure vient-elle sur une tomate?

H : Je pense que la moisissure vient sur la tomate lorsqu'elle pourrit à l'humidité.

Exp.: Je provoque de la moisissure sur une demi-tomate. Le premier jour: je coupe une tomate en deux. Je place un des morceaux dans un récipient, j'y mets un peu d'eau. Je la laisse à l'air libre. Le deuxième jour, j'ajoute un peu d'eau, mais il n'y a rien sur la tomate. Le troisième jour, l'eau que j'ai ajoutée porte plusieurs plaques blanches: rien n'apparaît encore. Le quatrième jour, je couvre le récipient. Le cinquième jour la moisissure apparaît; tout d'abord il n'y a que des fils blancs très fins et très emmêlés. J'ai bien vu ces filaments à la loupe, ils sont quand même visibles à l'oeil nu. Le lendemain, des points noirs apparaissent.

J'ai obtenu de la moisissure au bout de quatre jours sur une demi-tomate. Mais je fais d'autres expériences afin d'en être sûre.

Exp.: Je provoque encore deux moisissures sur des tomates afin d'être sûre qu'elles apparaissent au bout de quatre jours:

- la première est apparue la veille du quatrième jour;

- l'autre presque le cinquième jour.

Je conclus que les moisissures apparaissent sur une tomate au bout d'environ quatre à cinq jours.

COMPTE RENDU N° 2

De quoi est-elle constituée ?

H. : Je suppose que la moisissure est constituée de filaments blancs enchevêtrés et de points noirs minuscules qui sont dessus.

Exp. : J'ai pris un peu de moisissure qui est sur la tomate et je l'ai placée entre deux plaques de verre pour avoir une vue au microscope.

La moisissure est formée maintenant de points marrons très foncés, presque noirs comme on le voit dans la vue au microscope (fig. 1).

La moisissure blanche est constituée de fins filaments blancs enchevêtrés comme un thalle, portant des points noirs que j'appellerai: spores.

COMPTE RENDU N° 3

Reproduction de la moisissure

H.: Je pense que la moisissure se reproduit comme le champignon par des spores, qui doivent se trouver sur le thalle du mycélium car j'ai remarqué que. plus il y avait de spores, plus le thalle s'allongeait.

Exp. : Je place quelques spores sur une tomate et un morceau de thalle sur une autre.

L e premier jour il n'y a rien sur les deux tomates, ainsi que les deuxième troisième et quatrième jours. Au bout de cinq jours les spores ont donné un réseau de filaments puis des spores : de la moisissure. Le thalle n'a rien donné.

Donc les spores sont bien les organes reproducteurs la moisissure.

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