Publication mensuelle    N°7          Avril 1938

Brochures

d'Education Nouvelle

Poupulaire

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Lucienne Mawet
Pandure- BELGIQUE

Lecture Globale

Idéale
par l'imprimerie à l'école

 

Vence (Alpes-Maritimes)
L'IMPRIMERIE A L'ECOLE

Prix : 15 fr

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TABLE DES MATIERES

PREFACE : Joie du travail (C.Freinet)
Lecture globale idéale
Supprimons les manuels de lecture
Où est la voie naturelle ?
Quand l'enfant sait-il lire ?
Technique
Textes d'enfants et échanges
Ecriture et orthographe
Atmosphère de nos classes
Objections

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au format RTF compressé

L. MAWET

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LECTURE GLOBALE IDEALE 
par l’imprimerie à l’Ecole

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Joie du travail

 

C’est à l’Ecole Maternelle et Enfantine qu’il faut aller chercher le vrai sens et la profonde portée de notre technique de l’Imprimerie à l’Ecole.

Avant nous, le Dr Decroly avait bien montré tout l’intérêt psychologique et pédagogique de la Lecture Globale. Mais parler de lecture globale c’est déjà rétrécir un problème que la vie lie sans cesse à toute l’activité enfantine, c’est donner une dangereuse tournure scolastique au puissant processus d’acquisition et de création des jeunes enfants.

La science de l’éducateur, la suprématie de l’adulte, le dédain plus ou moins accentué  de la personnalité enfantine, cette sous-estimation courante et radicale de la pensée naïve, restaient malgré tout les caractéristiques essentielles de la Pédagogie. L’Ecole restait l’Ecole. Et l’enfant, incompris et refoulé, s’habituait dès le jeune âge au mensonge et à l’asservissement qu’allaient parfaire les dures années de scolarité.

Nous avons remis de l’ordre dans la maison.

Nous avons d’abord révélé l’enfant. Nous l’avons révélé à lui-même et nous l’avons révélé aux éducateurs. Et cela, non pas verbalement, dogmatiquement, mais par des réalisations tangibles et effectives qui sont, malgré les pédagogues, les initiatrices de la pensée nouvelle.

Par l’Imprimerie à l’Ecole, les enfants se sont mis à parler en classe, à s’exprimer, par la parole, la plume, le crayon, la mimique. Et cette expression naturelle et spontanée est devenue l’ace essentiel de toute notre pédagogie.

C’est en forgeant qu’on devient forgeron.

C’est en parlant qu’on apprend à parler.

C’est en écrivant qu’on apprend à écrire.

C’est en s’exprimant qu’on apprend à s’exprimer, à prendre conscience de soi, à affirmer sa personnalité.

On reconnaîtra un jour très prochain l’inutilité et la nocivité de toutes les leçons dictées par l’organisation scolaire ; l’éducateur avouera humblement qu’il ne peut pas, lui, penser et créer pour les enfants, qu’il peut seulement les aider à monter, à prendre leur essor et à dominer la vie.

Mais alors, il faut que les enfants puissent ouvrir et essayer leurs ailes.

Nous préparons cette possibilité.

***

Apprendre à lire et à écrire !

 Que de générations d’enfants ont pâli et pâti devant les livres de classe et les tableaux muraux pour un travail dont ils ne comprenaient ni le sens ni l’utilité ; que d’efforts gaspillés à imiter des lettres mortes et insensibles ! Que d’éducateurs ont usé leurs nerfs à cette besogne rebutante et désespérante entre toutes : enseigner la lecture et l’écriture aux enfants !

Et pourtant, avec quel incessant enchantement se fait depuis toujours l’acquisition de la parole, et avec quelle vitesse et quelle sûreté, jamais démenties. Ce même éducateur excédé par les obligations sz sa tâche scolaire ne se souvient-il pas avec une incessante émotion, des étapes indécises mais glorieuses qu’a franchies son propre enfant depuis le jour où, claquant les lèvres, il a prononcé son premier : Papa ! Et la maman, un tantinet jalouse de l’honneur un peu immérité il est vrais au père, a assisté à l’éclosion merveilleuse des autres morceaux de vie : toutou, pépé, maman, tati…

Ah ! là, la famille ne risque point de se mettre en colère parce que l’enfant articule imparfaitement. Elle a tendance, au contraire, à empêcher la vie de marcher, à retenir l’enfant dans ce bégaiement délicieux. Et c’est l’enfant lui-même qui, malgré le milieu parfois, corrige hardiment, peu à peu, mais on ne sait encore par quel mystérieux travail, les formes imparfaites.

Et quel bonheur le jour où Bébé a su exprimer une pensée ! Le petit être s’affirmait… Il était parti à la conquête du monde !

Ne pensez-vous pas, avec une sorte de frémissement, à ce qui arriverait si les mamans – et les papas aussi – convaincus un jour par les pédagogues, se décidaient à enseigner le langage à leurs enfants ?

Une leçon bien précise, strictement limitée et ordonnée serait préparée aujourd’hui. Et quand le petit être frémissant viendrait vers sous, confiant, une ravissante coccinelle sur le dos de la   main, criant avec ce sourire indicible à la fois d’appréhension et de victoire :

Maman. Y a bébête jouge !

Vous lui diriez :

Tais- toi, tu ne dois pas encore prononcer des mots aussi difficiles que tu ne connais pas. Voyons d’abord le son re ro ri.

Renouvelez en pensée, plusieurs fois par jour, cette expérience désastreuse, mettez-vous maintenant à la place des enfants et dites si, le soir, vous ne seriez pas, à tout jamais, dégoûtés de parler.

Et il se trouverait peut-être un pédagogue pour vous reprocher votre obstination incompréhensible à ne pas parler !

Heureusement, toutes les mamans du monde – même lorsqu’elles sont institutrices – ont une autre confiance naturelle   en la vie – hors de l’école ! Elles écartent tout ce qui gêne cette vie, aidant les enfants dans leurs premiers pas, les aidant de même, avec quelle touchante patience, à prononcer les premiers mots.

Par la suite, la nature a préparé le miracle : tout enfant normalement constitué, et placé dans un milieu où on parle un français correct, apprend avec sûreté sa langue maternelle. Et cela, toujours, sans aucune exception !

L’exemple des mamans

Par l’Imprimerie, nous suivons tout simplement l’exemples des mamans.

Nous laissons les enfants s’exprimer d’abord ; nous facilitons, nous encourageons, nous fixons, nous diffusons leur pensée pour que cette expression ait son véritable sens et sa raison d’être. Nous ne ménageons aucune savante mais scolastique gradation : tous les mots, toutes les pesées sorties de la bouche des enfants peuvent, et doivent, sans danger, passer sur l’imprimé. Nous aidons même les lents, les retardés, les difficiles à parfaire une expression qui tarde à s’extérioriser.

A tous, enfin, nous présentons des exemples parfaits en transcrivant en français correct le gazouillis enfantin ; et l’imprimerie donne une forme majestueuse et définitive – parfaite – à cette expression.

Le dessin, le coloris, la musique, la mimique viennent encore renforcer le sillon tracé par ces éléments de vie que nous avons su ainsi magistralement projeter sur le papier.

Et, comme pour le langage, la nature opère le miracle.

Selon un processus que nous tâcherons de fixer dans une prochaine brochure, l’enfant ainsi compris et stimulé, éprouve le besoin d’écrire, de lire – globalement et sans leçons, bien sûr ! Il photographie avec insistance la ligne qu’il vient de composer ou tel mot qui l’a frappé ; l’imprimé lui-même qui sort de la presse est fixé pour toujours peut-être, dans l’esprit de nos enfants.

Alors là, oui, s’opère la merveille de la lecture globale idéale.

Comme pour le langage, des phrases, des mots, affleureront à l’expression consciente. Puis l’enfant lira et comprendra des phrases entières, jusqu’au jour où, intrigué, il s’attaquera enfin au problème de la lecture dont il découvrira le mécanisme : mots et syllabes.

De même que la maman peut vous affirmer – elle a l’expérience de toujours en sa faveur – que son enfant apprendra à parler, nous affirmons de même, et on comprend la similitude de notre assurance, QUE L’ENFANT, PAR L’EXPRESSION LIBRE SELON NOTRE TECHNIQUE, APPREND NATURELLEMENT A LIRE ET A ECRIRE SANS AUCUNE LECON SPECIALE, DONC SANS AUCUNE FASTIDIEUSE OBLIGATION.

Seulement, il ne faut pas être pressé.

L’enfant met deux ou trois ans pour apprendre le langage. Si des pédagogues s’avisaient de précipiter anormalement cet apprentissage par un bourrage diabolique, ils parviendraient effectivement à faire prononcer plus vite certains mots, mais ce serait toujours aux dépens de la formation harmonieuse de l’enfant.

Soyons plus nets : Si les pédagogues s’avisaient de transposer leurs méthodes dans les familles, nos enfants n’apprendraient plus même à parler parce que l’entrave permanente apportée par la scolastique à leur besoin d’expression arrêterait net leur développement.

Il en est ainsi pour la lecture et l’écriture.

On peut, par des procédés artificiels et autoritaires, apprendre plus rapidement à l’enfant à lire et à écrire certains mots, comme on apprend à un perroquet à interpeller les passants et à un merle à   siffler la Marseillaise. Mais c’est toujours aux dépens de la formation harmonieuse de l’individu.

Et l’individu se venge d’ailleurs.

Le temps que vous avez cru gagner pour l’initiation, vous le reperdez, et au-delà, par la suite, parce que l’école ne parvient plus à rétablir l’équilibre, à renouer les liens intimes qui font de la lecture une expression et non une éternelle et désespérante leçon ; elle est impuissante surtout à faire renaître cette confiance en la vie et cet enthousiasme qui sont le propre de l’enfance et sans lesquels la science la plus minutieuse ne produira jamais qu’une bâtisse difforme et vide.

Et c’est pourquoi aussi les enfants de l’école primaire « savent lire » après un an de scolarité, et à 13 ans, après 8 ans d’efforts, ils ne possèdent pas encore la perfection – loin de là ! – le mécanisme de la lecture, alors que 3-4 ans d’activité libre ont suffi à l’enfant pour se saisir à la PERFECTION, et DEFINITIVEMENT – et en partant à zéro – de la langue maternelle.

Il faut que nous réfléchissions sérieusement à ces rapprochements et que, nous débarrassant des ancestraux travers scolastiques, nous nous orientions avec confiance dans la oie que la nature, le bon sens et la vie nous ont depuis longtemps tracée.

Autre défaut scolastique de notre technique : on ne peut pas contrôler !

C’est si commode d’entrer à l’Ecole le matin en se disant : Je vais enseigner le son Ou à mes enfants, et de s’en aller le soir la conscience tranquille au spectacle du devoir accompli… parce qu’on a appris aux enfants le son OU.

Et M. l’Inspecteur a besoin aussi de contrôler, non pas tant le travail des enfants, mais surtout l’effort de l’instituteur. Alors, il faut bien qu’il puisse, en entrant dans une classe, demander avec assurance :

-- Voyons, où en sont ces enfants ?

Si ce même Inspecteur était délégué pour aller contrôler les progrès en langage des enfants et l’application des mamans dans leur besogne pédagogique, et qu’il dise de même à la mère :

-- Voyons, où en est votre enfant ?

La mère répondrait, radieuse :

-- Oh, c’est  merveilleux ! Je n’ai jamais vu d’enfant aussi intelligent… tout le jour, il gazouille.

Il ne s’arrête pas de parler,   et je comprends tout ce qu’il me dit ! Son père en est émerveillé !

- Voyons, voyons, dirait M. l’Inspecteur… Voyons, mon enfant, répète avec moi : « La toupie tourne quand on la lance ».

L’enfant n’arrive pas même à imiter ces mots dont il ne comprend nullement la genèse… Et s’il a acquis, à une éducation libre, une certaine liberté irrévérencieuse qui a parfois son charme, il risque fort de montrer, par un geste non équivoque, que ce Monsieur n’est pas tranquille de venir ainsi poser des questions qui n’ont aucune base immédiate dans la vie…

Vous voyez d’ici le rapport de monsieur l’Inspecteur !

Avec notre technique, il en est, hélas ! de même.

Tous nos enfants lisent avec enthousiasme leurs propres textes ; ils s’essayent à lire globalement quelques textes de leurs correspondants. Ils distinguent seulement quelques mots, et pas toujours parfaitement. Mais ils ont eu eux, liée intimement à toute leur vie psychique et sociale, l’image diverse d’une foule de mots qui, brusquement, viendront au jour, dans leur sens véritable et total. Alors, notre enfant saura lire et pour toujours, parce que cet apprentissage naturel fera corps avec la vie elle-même et le processus d’évolution de l’individu.

- Mais pour l’instant,  pourra objecter M. l’Inspecteur, comment puis-je constater un résultat ? quelle totale assurance pouvez-vous me donner ?

- Aucune, en effet, si ce n’est le spectacle émouvant d’une classe vivante et enthousiaste qui marche, qui monte, et qui, parce qu’elle va de l’avant, atteindra immanquablement et dépassera les buts proposés ou imposés par les programmes et les règlements.

Il nous faut, à tous, en face du problème humain que nous posons, une attitude compréhensive et tolérante, une confiance nouvelle dans l’importance du dynamisme éducatif qui est notre plus grande force et notre seul espoir de succès.

 Le jour où les éducateurs se seront remis aussi totalement à l’école des mamans, le jour où les parents eux-mêmes auront compris cette similitude entre les techniques d’apprentissage de la langue et de la lecture-écriture ; le jour où les uns et les autres auront dépouillé la longue errer scolastique qui les a, hélas ! si totalement marqués ; le jour aussi où les chefs plus humains que bureaucratiques sauront contempler la vie et non mesurer seulement un stérile devoir, ce jour-là le miracle annoncé se produira totalement : sans leçon spéciale, par l’expression libre et la vie grâce à l’Imprimerie à l’Ecole, les enfants se saisiront, dans un délai normal, de cette technique de la lecture et de l’écriture qui reste actuellement un des cauchemars de l’Ecole Primaire.

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Plus de leçons de lecture, plus de lecture individuelle ou collective au tableau, finis ces exercices plus ou moins ingénieux qui usent et découragent…, plus d’insuccès !

Quel beau jour n’est-ce pas, petits enfants ! Et quel beau jour aussi, mes collègues qui, aujourd’hui, dès que vous le pouvez, demandez à quitter les classes où l’on apprend à lire comme si l’éducateur montait en grade à mesure qu’il s’éloigne de la fraîcheur enfantine !

Mais ce sont ces classes alors qui deviendront les plus agréables et les plus charmantes, comme reste inoubliablement  émouvant le temps, qui passe trop vite hélas ! où Bébé, neuf et intrépide, se saisit du langage à notre émerveillement et pénètre, joyeux et opiniâtre, dans le monde mystérieux.

Un âge d’or de l’enseignement !

Eh oui !

Age d’or, surtout parce que c’en sera fini du long abrutissement scolastique.

La vie prendra sa triomphale revanche !

 

Un rêve ?

Plus près qu’on ne croit de se réaliser.

Mais en attendant ? Pratiquement ?

En attendant que les parents aient compris, que l’Inspecteur ait amélioré son contrôle, que faire ?

La nouvelle technique ne nous tombera pas d’en haut, toute prête ; l’esprit nouveau ne touchera pas la masse des adultes intéressés comme une lueur de la grâce.

C’est à nous de montrer, pratiquement, que  nous avons raison pour qu’on nous suive un jour jusqu’à l’expérience complète que nous savons concluante.

Ici, nous donnons la parole à Lucienne MAWET, qui va vous dire ce qu’elle a réalisé, ce que toute éducatrice donc peut réaliser dans une école populaire soumise au contrôle permanent des parents et des Inspecteurs, au milieu de toutes les difficultés matérielles qui rendent si pénible le redressement de notre éducation.

Rectitude de la ligne qui mène vers l’idéal là tout proche. Mais aussi adaptation de notre effort, au prix parfois de lourds sacrifices idéologiques, aux nécessité de l’heure… Pourvu que le progrès continue. Telle est notre méthode de travail, notre façon originale d’aider pratiquement tous les éducateurs.

Et qu’on ne croie pas que parce que parle ici Lucienne Mawet seulement, nous n’avons pas d’autres références à fournir. L’expérience a été faite cent fois, et elle se continue dans des centaines d’écoles françaises et étrangères qui pourraient apporter le même témoignage.

Des centaines d’autres écoles suivront. Et, à mesure que se diffusera la vérité de nos révélations, la masse des éducateurs nous suivra.

Elle nous suivra parce que nous pouvons lui garantir, avec les tout-petits surtout : du succès et de la joie.

C. Freinet

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Lecture globale idéale

Il est inutile de présenter de nouveau aux instituteurs un traité psychologique et méthodique de lecture globale. Il en existe de nombreux expliquant la base psychologique de la méthode et la façon scolaire de s’en servir.

Les pédagogues Decroly, Piaget, Claparède et d’autres avant eux déjà, ont prouvé par leurs recherches et leurs observations que l’enfant voit globalement les choses avant de les analyser, et que, partant du simple, (pour lui l’ensemble), il s’achemine vers le complexe, (pour lui l’analyse, la lettre isolée en lecture).

Dans les ouvrages de Dottrens, Hamaide, Monchamp, on peut trouver fort explicitement exposé le procédé à employer pour appliquer ces principes psychologiques. La source peut éclairer mieux, c’est pour cela que nous y renvoyons ceux qui désirent se documenter à ce sujet (1).

(1) R. Dottrens et E. Margairaz :   L’apprentissage de la lecture par la méthode globale. Edit. Delachaux.

A.Hamaïde : La méthode Decroly. Ed. Delachaux

E. Monchamp : Psychologie et Méthodologie de la lecture. Bruxelles

Nous ne voulons ni renouveler, ni rajeunir ces principes et ces procédés de lecture globale mais les vulgariser, rendre leur application possible dans les écoles populaires. Car jusqu’ici, il faut bien le dire, depuis tantôt un demi-siècle qu’on en reparle, la masse des instituteurs n’a pas bronché et continue le bi, bu, ba, bo, be ou presque, écrasant ainsi les élans de personnalité enfantine dont la société a    tant besoin pour sa prochaine édification.

Pourquoi ce progrès si lent d’un travail si vrai et si prometteur de libération ?

1 – Les chercheurs qui s’y sont attachés, en pédagogues exclusifs qu’ils sont, n’ont pas ménagé leur travail et sont parvenus à mettre la méthode globale sur pied avec force matériel (jeux, bandelettes, fiches, etc…), à préparer par l’instituteur. Gros travail, trop accaparant pour l’instituteur populaire qui, sa classe terminée, doit songer à s’organiser socialement ou à gagner un supplément de traitement bien nécessaire.

2 – Personne n’a présenté des outils facilitant le travail et ouvrant la voie. Il fallait dans chaque classe tout créer en commençant. Rien de préparé ne donnait l’élan au départ. Travail dur pour les hésitants et peu alléchant pour rivaliser avec la bonne et facile routine.

3 – Tous les expérimentateurs ont proclamé des résultats surprenants et rapides, mais tous ont expérimenté dans des classes relativement peu peuplées, parmi une population d’enfants de milieux intellectuels ou tout au moins parmi les enfants de ville à la langue déliée et au vocabulaire plutôt abondant. (Le cas est peut-être différent en France mais en Belgique, à la campagne et même dans certains milieux industriels, le français est pour les enfants une seconde langue qu’ils ignorent, leur langue usuelle étant le wallon.)

La plupart des écoles nouvelles fonctionnent dans des milieux bourgeois où l’intérêt intellectuel est facilement éveillé, où l’enfant, vivant parmi des paperasses : papiers d’affaires, courrier volumineux, bibliothèque fournie, sent la nécessité de lire et d’écrire. Nos petits paysans voient rarement à la maison livres ou journaux; tout au plus la famille reçoit-elle une lettre, une réclame ou une feuille électorale. On comprend leur indifférence et même leur dédain pour la lecture et pour tout ce qui est livresque et scolaire.

Tous ces travaux réalisés dans des milieux si différents du nôtre étaient peu concluants pour des classes populaires surpeuplées, d’un milieu au niveau intellectuel presque nul, avec des instituteurs

Ordinaires, aux possibilités pécuniaires et de travail très limitées.

Il y eut peu d’essais. Il y eut des essais décourageants.

Nous ne voulons d’aucune façon reprocher aux écoles nouvelles et expérimentales ni leur milieu, ni leur façon de travailler. Nous avons besoin de précurseurs qui se consacrent uniquement à ces travaux de mise au point. S’ils ont cherché, trouvé la voie, lancé les bases, il nous reste à saisir les directives et à travailler pour vulgariser dans nos masses cette voie nouvelle et libératrice.

Nous n’avons pas recommencé ce genre d’expérience dans notre école rurale à quatre divisions (jardin d’enfants, 1ère, 2ème et 3ème années). C’est dans un milieu paysan bien peu développé que nous appliquons la lecture globale depuis plus de dix ans déjà. Nous avons passé par de nombreux stades : appliquant d’abord ce que nous avions lu dans les traités de lecture globale, nous en sommes arrivés à parler à présent de notre expérience vraiment personnelle au cours de laquelle nous avons observé l’enfant de très près en face des difficultés de l’acquisition de la lecture et de langue française.

Les camarades peuvent se fier aux résultats que nous signalons, ils ne seront pas déçus, car leur milieu de travail ne peut être d’un niveau inférieur au nôtre.

Qu’utilisons-nous pour appliquer la lecture globale sans surcroît de travail pour l’instituteur et sans dispositions spéciales des enfants ?

1. - La presse Freinet, l’imprimerie à l’école, précieux outil de travail, instrument de libération, point de départ matériel et palpable vers la lecture globale et l’expression enfantine.

2. - Les échanges journaliers de feuilles imprimées, éveilleurs d’intérêt, puissant attrait, poussant l’enfant à déchiffrer de nouveaux textes.

3. - Les échanges de lettres manuscrites, favorisant et motivant l’acquisition de l’orthographe et de l’écriture propre et lisible.

4. - Les conférences d’enfants poussant aux recherches, à la documentation et donnant l’occasion de s’exprimer.

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Supprimons les manuels de lecture, même de lecture globale

Avec l’imprimerie, la lecture globale devient un soulagement pour l’instituteur et la voie de réalisation pour les enfants. Dorénavant, on dira fièrement sa pensée ; on pourra la lire et la faire lire à tous, parfaitement matérialisée, noir sur blanc, dans les feuilles imprimées. Quelle fierté, quel accroissement de ces petites personnalités qui, du même coup, se découvrent et s’affermissent !

On s’était si bien arrangé pour les étouffer ces personnalités naissantes ou tout au moins pour empêcher leur éclosion. Les i, a, e, isolés des manuels, sans signification, sont bien là pour habituer les enfants à prononcer des sons creux d’idées. Le livre de lecture avec ses phrases qui font sourire les adultes, a négligé tout bon sens. On y a agencé des choses sèches avec logique et gradation pour apprendre à lire très vite, c’est-à-dire à mouvoir les lèvres de telle ou telle façon, mécaniquement, sans que l’esprit s’en mêle trop.

Pour l’enfant, à quoi bon penser dorénavant, émettre une idée. Le matin, l’après-midi et le soir à la maison, on lui donne la pâture : des mots, des phrases, vides de sens, pour lui à l’esprit si riche et si productif si on le questionnait. Plus tard on lui demandera ses idées, alors qu’il a si souvent exprimé celles des autres. L'habitude de cette passivité, de cette molle réception est si vite acquise. C’est d’ailleurs enclin à cette même mollesse que l’adulte subit son sort sans réagir.

Même en lecture globale, l’adulte s’est cru seul désigné et capable de trouver des phrases, des idées à lire. Car si l’on envisage toujours l’apprentissage de la lecture et même des autres branches derrière ce grand mot : méthode, on peut l’accommoder à tous les genres et la réaliser opposément à son but, c’est-à-dire en soumettant l’enfant aux idées extérieures. Et dans ce genre n est parvenu à éditer des livres de lecture idéo-visuelle.

Alors que l’enfant a des intérêts bien spéciaux et personnels surtout, qu’il possède sa façon individuelle d’assimiler la technique de la lecture des adultes, dont la prétendue clairvoyance scientifique nous fait sourire, ont su deviner les centres d’intérêts de tous les enfants pendant toute une année et sont parvenus à les consigner tous dans un livret de lecture.

Quel tour de force !

Idées, phrases, cartons et bandelettes sont soigneusement édités, parés d’une présentation appétissante, prêts enfin à être plaisamment assimilés.

Et c’est un nouveau piétinement de la personnalité enfantine. Nos éditeurs de manuels de lecture idéo-visuelle n’ont rien compris ou rien voulu comprendre, car le premier but de la lecture globale c’est l’extériorisation de l’enfant.

L’imprimerie conne la parole à l’enfant. Ce sont ses pensées qu’il imprime, c’est sa vie qu’il réalise dans son livre. C’est tout ce qu’il pense, qu’il s’habitue à extérioriser sans le souci de cacher ce qu’il est plus ou moins beau (à notre avis) de penser ; il vide son cœur : regrets, aspirations, rancunes, arrière-pensées, désirs, sont débités pêle-mêle, dans des associations naïves.

Et nous voici pleinement dans l’application du nouveau Plan d’études belge qui dit : « Le grand problème – on pourrait dire le seul véritable – c’est la culture de la langue maternelle comme moyen d’expression de la pensée. Le premier souci de l’école doit être de concentrer tout l’effort sur la formation de la pensée et son expression par la langue. Apprendre à l’enfant à exprimer librement et correctement des idées juste s et personnelles, tel est le but. »

Et ce but ne peut se réaliser dans nos écoles populaires que par l’imprimerie à  l’école. L’on croirait volontiers qu’on s’est plu à insérer dans le plan d’études les bus essentiels de nos techniques, buts que nous atteignons si admirablement.

L’imprimerie ne nous apporterait-elle que cette possibilité de réaliser les personnalités que ce serait suffisant pour l’introduire religieusement dans chaque classe. Elle nous libère en même temps de la partie fastidieuse du travail. Grâce à l’imprimerie, l’enfant prépare lui-même son petit matériel d’apprentissage, je dirais presque de forçage. Car si la société pouvait admettre le bon sens, ce ne serait pas nécessaire. L’enfant n’aurait besoin ni de bandelettes, ni de cartons. Il apprendrait  lire en lisant toujours et en voulant savoir lire parce qu’il sentirait la nécessité de ce mécanisme et parce que ce mécanisme est simple à acquérir quand on le regarde avec bon sens.

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Où est la voie naturelle ?

Que penser de la décomposition ?

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Il est expérimentalement établi que la fonction de la globalisation est un phénomène mental par lequel l’enfant acquiert la plus grand e partie de sens connaissances. Dans l’apprentissage de la lecture, la lecture globale correspond à la psychologie de l’enfant, c’est la voie naturelle. A ce point de vue, plus aucune hésitation, ni discussion, c’est un fait bien établi.

Les procédés de lecture globale employés respectent-ils ces principes fondamentaux ? Il est nécessaire que chaque école s’adapte suivant son milieu, mais les mêmes grandes lignes directives doivent cependant se retrouver dans toute application.

Dans certaines classes, on fait de la lecture globale, c’est entendu, mais pendant un mois, pas même, et directement on en arrive à la décomposition. L’esprit de l’enfant aurait-il si vite évolué pour analyser à 6 ans et 1 mois plutôt qu’à 6 ans ?

Ce n’est là qu’un détour pour en revenir à la systématisation aride et rebutante de la syllabation.

D’autre part, on dissimule trop la lecture par le jeu. Nous ne pouvons trop nous étendre ici sur ce que l’on peut envisager par jeu chez l’enfant.

L’enfant, réserve d’ardeur et d’énergie, a une vitalité puissante et neuve qu’il ne demande qu’à prodiguer dans une activité continuelle, dans des travaux et dans des jeux, même dans ceux dont il est obligé de se contenter si l’adulte l’écarte du travail. L’enfant abandonnerait ces combinaisons et agencements savants, même éducatifs, dit-on, si on lui permettait d’assumer de véritables tâches, d’accomplir des besognes vraiment formatrices et utiles.

Nous sommes en tous cas contre cette tendance à vouloir enseigner en jouant pour aplanir les difficultés, adoucir les acquisitions rebutantes. Ce procédé tombe si nous mettons l’enfant dans la réalité, si nous possédons la presse, si nous pratiquons les échanges. La nécessité sociale de la lecture est profondément sentie, il n’est plus nécessaire d’y pousser artificiellement l’enfant.

Le mal, le grand mal, à la base de toutes ces erreurs, c’est que l’on veut aller trop vite ! Apprendre à lire est une obsession pour les instituteurs des premières années.

Nous avons obtenu des réformes bienfaisantes en enseignement : l’obligation scolaire jusqu’à 14 ans, jusqu’à 16 bientôt et l’élaboration du nouveau plan d’études belge. Il nous reste parmi d’autres choses à demander avec insistance de retarder l’apprentissage de la lecture. Personne jusqu’ici ne s’est attaqué de front à cette erreur d’apprendre à lire à 6 ans. De ci de là, dans les traités de psychologie, on a envisagé l’âge favorable pour l’acquisition de la lecture mais dans l’enseignement pratique, nous en restons toujours au même point.

 

A aucun degré de la scolarité primaire, on n’exige une acquisition parfaite des différentes branches d’enseignement, on tolère que l’enfant fasse des fautes d’orthographe, qu’il commette des erreurs en calcul, qu’il débite des bourdes en histoire et géographie mais on exige qu’il sache lire parfaitement tout et cela en l’espace d’un, de 6 à 7 ans. Tant que l’on maintiendra cette rapidité d’acquisition, on ne pourra employer la méthode globale, pure, celle qui vraiment suit le développement de l’enfant, aide à son épanouissement, à sa vraie culture.

Comment procède-t-on dans la plupart des écoles pour faire de la lecture globale en assurant une acquisition rapide de la technique ? Dans les premières phrases ou textes suggérés par l’instituteur, les mêmes mots se répètent pour que l’enfant puisse les dégager presque tout de suite. Ces mots, découverts doivent être retenus. Pour cela, chaque jour, pendant plusieurs semaines, on fait lire et relire les mêmes phrases ou textes affichés au mur de la classe pour bien en obséder la vue des enfants.

Premiers écarts de la voie naturelle : on limite l’enfant dans son expression, (car les mots du texte sont voulus par l’instituteur),  on lui impose de relire constamment ce qu’il désire dire et lire une seule fois, on l’empêche de continuer à s’épancher, car il faut retenir et reconnaître les premières phrases avant d’en lire d’autres.

Souvent aussi, le stade du mot rapidement franchi, on prépare la décomposition en syllabes. On préconise plusieurs manières pour arriver à la décomposition : les plus pures conseillent d’attendre que l’enfant lui-même certains rapprochements, découvre certaines ressemblances ; d’autres favorisent cette découverte en provoquant les rapprochements, les ressemblances ; d’autres enfin, imposent eux-mêmes la décomposition, la faisant adopter par l’enfant. Le troisième procédé est le plus couramment employé, car les suggestions de l’enfant se font attendre trop longtemps et il faut savoir lire à la fin de l’année ! L’enfant se voit de nouveau astreint à un travail limité et ennuyeux : lire, relire des mots, des morceaux de mots renfermant ressemblances et consonances. Où est la libre expression enfantine et sa réalisation ? Une avalanche de jeux détourne et entrave la véritable activité de l’enfant qui ne peut pas vivre, ni réaliser ses possibilités dynamiques en agençant force cartons. D’autre part, les éducateurs les mieux intentionnés, les plus courageux se sentent déçus. A l’idée de cette prodigieuse abondance de matériel, ils s’exclament : c’est irréalisable !

Le jeune enfant n’a aucun attrait pour la décomposition. Si vous le laissez libre, il globalise longtemps sans se soucier de mots ni de syllabes. Sa mémoire un peu prodigue et les dispositions particulières à enregistrer globalement lui permettent d’emmagasiner un grand nombre de textes et de les relire parfaitement ; il en retiendra une centaine et même plus, sans sentir la nécessité de décomposer pour lire. Il n’a qu’un souci : exprimer sa pensée, se réaliser dans ses textes qu’il sait d’ailleurs lire très facilement.

Les premières remarques concernant la décomposition se feront attendre six mois et même plus, surtout dans nos milieux populaires où l’enfant a si peu d’intérêts intellectuels et si peu de dispositions pour parler le français. Il dira parfois : « mais…, c’est comme dans maison ». Il a entrevu une ressemblance, c’est un pas, mais de là à la décomposition systématique, il y a encore beaucoup de travail si l’on veut précipiter les étapes.

Certes  il y a des enfants qui lisent très vite et qui parviennent à décomposer spontanément très tôt mais ce sont des exceptions qui se rencontrent rarement, surtout dans nos écoles populaires. Depuis plus de dix ans que nos enfants apprennent à lire par la lecture globale, nous avons vu deux cas : deux fillettes qui ont décomposé très tôt, sans aucune aide, l’une après quatre ou cinq mois et l’autre après six mois. Pour nos autres enfants, le travail de décomposition est toujours très laborieux et parfois même en deuxième année certains y sont encore rébarbatifs. Il faut attendre la troisième année pour qu’ils comprennent et acquièrent cette tactique rapide d’assemblage de syllabes pour lire un mot difficile et inconnu. (Entendez bien, rapide, difficile et surtout inconnu).

Il faut dire les choses telles qu’elles sont et ne pas vouloir jeter de la poudre aux yeux en présentant la lecture globale comme un procédé sain et rapide. Oui, sain pour la personnalité et l’intelligence enfantine, pour toute l’atmosphère vivante qu’elle amène, si on l’ emploie intégralement, c’est-à-dire en suivant la voie naturelle, mais dans ce cas il ne faut pas envisager la question de rapidité, celle-ci étant très aléatoire.

Pour qu’à six ans, les enfants de nos classes populaires sachent lire en l’espace d’un an, on ne peut pas faire de la lecture globale intégrale et saine. Au contraire, il faut en arriver après un bagage de quelques textes et de quelques phrases bien emmagasinés à décomposer systématiquement et assommer les enfants en leur faisant lire plusieurs fois chaque jour des tableaux de syllabes avec les ressemblances et les rapprochements suggestifs.

C’est de nouveau l’esclavage de la lecture qui, à notre avis, ne se différencie guère de l’autre. Le procédé a certains avantages que la méthode phonétique n’a pas ; par exemple, il permet la lecture de textes, de résumés du centre d’intérêt, car l’enfant lit globalement tout ce que l’on veut. Mais quand il s’agit de savoir lire en l’espace d’un an, soyez sûr qu’il ne reste guère de temps pour les centres d’intérêts et l’observation. La classe est un endroit où l’on sent l’obsédant souci de la lecture planer au-dessus de tous et non pas une classe bourdonnante de vie et de joie dont on parle si facilement sans envisager les questions difficiles à trancher.

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Quand l’enfant sait-il lire ?

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Il faut s’attarder à cette manie de vouloir faire lire par l’enfant des mots inconnus pour lui. Il les prononce bon gré mal gré avec le système phonétique et se refuse à les lire quand il travaille avec la lecture globale.

Il est bien nécessaire de poser cette question : quand considérons-nous que l’enfant sait lire ? Est-ce quand il parvient à prononcer toutes les syllabes d’un mot qui ne représente pas plus pour lui qu’un mot écrit dans une langue étrangère ou quand, parcourant un texte, il sait rendre compte de l’essentiel qu’il contient ? Car il est évident qu’il y a pour l’enfant une grande différence à déchiffrer un texte écrit par un autre enfant ou une colonne d’un quotidien détaillant les événements politiques du moment. Lorsque la plupart des mots d’un texte, du domaine de l’enfant, peuvent être compris par lui, il saura les lire assez tôt ; au début de la deuxième année et même avant, il saura les déchiffrer.

La difficulté que l’enfant éprouve pour déchiffrer un texte dépendrait donc plutôt de la compréhension que de la décomposition des mots. Certainement, à notre avis, la compréhension influe plus que toute autre chose sur le travail de lecture. Si l’enfant comprend les mots, le sens du texte, il se contente (comme nous le faisons d’ailleurs) de lire la première ou les deux premières syllabes du mot et pour peu qu’il en reconnaisse globalement la fin, il le prononce sans s’attarder à détailler les autres syllabes co – li et ne, se trouvant devant le mot « colline », il ne se décide pas à le prononcer. Un autre connaissant très bien pou et belle ne lit pas « pobelle » ; tout simplement parce que ces mots, inconnus pour eux, ne représentent rien et n’ont leur place nulle part.

Faut-il, à force de décomposition, pousser l’enfant à lire quand même, sans comprendre ? C’est un peu ce que l’on veut quand on parle de lire couramment.

A notre avis, nos enfants savent lire quand ils lisent très bien tous les petits textes de la classe et qu’ils déchiffrent passablement ceux qu’envoient leurs correspondants. Et qu’on ne vienne pas déclarer qu’ils ne savent pas lire quand ils se refusent à déchiffrer une colonne de journal ou une page de lecture écrite par un quelconque adulte.

Trouvons-nous que nos enfants ne savent pas parler parce qu’ils ne se mettent pas à prononcer une conférence scientifique ou un meeting politique ? Alors pourquoi voulons-nous qu’ils lisent ce que leur mentalité d’enfant ne peut pas comprendre ? Laissons donc nos pauvres petits tranquilles avec cette idée fixe de la lecture courante ! Qu’ils vivent, qu’ils grandissent, ils liront toujours assez tôt les mots qui bourrent les crânes. En attendant, ils progressent parce qu’ils vivent et lisent de mieux en mieux, de plus en plus, suivant leur compréhension et leurs possibilités enfantines. Avec leur petit bagage global, une lueur de décomposition et un vif intérêt, ils sont capables de déchiffrer beaucoup de pages.

La décomposition serait donc presque une nuisance en donnant la possibilité et en cultivant l’habitude de prononcer des mots que l’on ne comprend pas. Peut-être la pauvreté du langage, du vocabulaire, est-elle venue de ce que l’on n’a pas senti la nécessité de connaître le mot pour le lire. La lecture stupide a paré à l’insuffisance du langage en donnant l’illusion de connaître parce que l’on prononçait aisément. C’est à cette lacune que nous nous heurtons en appliquant la lecture globale à l’école populaire. Les enfants de ces classes provenant d’un milieu peu cultivé et n’ayant développé à l’école ni leur langage ni  leur vocabulaire, lisent beaucoup moins vite, ce qui est naturellement en rapport avec leur langage peu évolué.

Si nous avions le vrai sens de la lecture, qui est de prononcer ce que l’on comprend, force serait de cultiver, d’enrichir l’esprit des enfants pour qu’ils lisent. Quel travail profitable, quel progrès serait réalisé si nos enfants de 9 à 10 ans n’avaient prononcé et lu que des mots qu’ils comprennent, derrière lesquels ils sentent ou pressentent une chose ou une idée. Avec pareille base, nous pourrions partir à la conquête du bagage scolaire que l’on trouve utile d’acquérir. En l’espace de 2 ou 3 ans, nos enfants trouveront largement le temps de l’emmagasiner. Nous pensons même qu’à côté de cela, ils trouveraient encore bien le temps de vivre, alors que maintenant, au sortir de l’école primaire, ils sont loin de posséder la matière proposée et ce qui est plus grave, ils ont perdu ces élans de vie qui maintiennent le goût et l’ardeur au travail.

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Technique

 Toutes ces conditions envisagées, nous restons perplexes.

Faut-il faire de la lecture globale dans ces conditions ?

Bien sûr !

Il faut faire ce que nous faisons : pratiquer la lecture globale avec l’imprimerie, se soumettre, puisqu’il le faut, aux exigences des programmes, en se rapprochant le plus possible de la voie naturelle et ce qui est plus important, lutter comme nous, pour faire transformer ces programmes, montrer  les dangers de l’acquisition de la lecture en perroquet, crier et répéter que notre société branlante peut branler longtemps encore et même s’écrouler si nous continuons à former la jeunesse ainsi.

Voici comment nous appliquons la lecture globale dans notre école de campagne avec 4 divisions et 25 élèves. Nous avons souvent débuté avec 8 élèves en première année et 6 ou 7 en deuxième. D’autres camarades travaillent dans le même sens avec une première année de 30 élèves et même plus. Suivant nos conseils ils ont formé des groupes de travail et ils nous écrivent qu’ils sont très satisfaits du travail de leur classe.

Nous commençons donc notre première journée de travail scolaire.

Souvent, en entrant en classe le matin, une même idée, un même sujet de conversation, un même vent agite nos enfants. A nous de saisir le fil et de laisser parler notre petit monde. Un texte court, une phrase au tableau enregistrera ce que l’on pense. S’il n’y a rien de général, l’un ou l’autre racontera bien quelque chose qui l’intéresse et accrochera tout le monde à son idée.

Nos petits avaient trouvé :

Aujourd’hui
tout le monde
est venu.

J’écris la phrase manuscrite au tableau.

Nous la lisons.

Remarquez tout de suite la disposition : une idée par ligne, afin que chaque bandelette découpées plus tard ait un sens complet à elle seule.

Nous voulons en faire une page de notre livre de vie et nous l’imprimons…

On pourrait aussi à ce moment écrire et illustrer le texte dans le cahier, mais ordinairement l’enfant préfère imprimer d’abord.

J’écris la phrase en imprimé, sur une feuille, un enfant (l’auteur du texte) numérote les lignes qui formeront chacune un composteur. Il découpe la feuille et partage les lignes de texte entre ses camarades. A ce moment, c’est la leçon de calcul, surtout quand le texte est plus long et aussi si la ligne de texte est trop longue pour le composteur. Il faut compter les caractères et les blancs et s’arranger suivant ce que peut contenir le composteur.

 

Les enfants sont prêts à composer, leurs petites bandelettes en mains. Je dis :

Regardez, on tient son composteur comme ceci, la vis dans la main gauche.

On commence par là (à droite).

Et l’on cherche dans la casse la même chose que cela (je montre la première lettre du texte). Dans les casses maternelles les caractères sont juxtaposées dans les rainures de façon à ce que chacun soit bien visible.

Vous voyez, au caractère il y a une encoche, il faut toujours la placer en dessous, vers soi (ceci varie d’une police à l’autre).

Commencez maintenant.

Et chacun travaille.

………………………….

Les petits ont terminé la composition. Presque toujours c’est réussi. Peut-être quelques petites fautes que je corrige moi-même en disant : tu as oublié ceci, regarde (montrant sur la bandelette), ou bien, ce n’est pas cela, c’est ceci. Je m’abstiens de toute remarque pour les p, q, b, d, è. J’y viendrai plus tard quand l’enfant maniera facilement tout le reste ; d’ailleurs, les enfants éveillés y arrivent d’eux-mêmes.

La composition et la correction terminées, il faut mettre le tout sur la presse.

Le responsable du travail, (ordinairement l’auteur du texte), appelle chaque enfant avec son composteur par numéro :

Apportez-moi le numéro 1, il met le composteur sur la presse et dispose la bandelette correspondante à côté sur la table. Puis le numéro 2, etc…

Après avoir rappelé chaque camarade, le texte est reconstitué dans la presse et sur la table avec les bandelettes. Un dernier coup d’œil pour comparer et l’on peut placer les interlignes, égaliser et caler les composteurs.

Le responsable distribue les tâches : toi, tu presses ; toi, tu encres ; toi, tu retires les feuilles, etc… (nouveaux calculs, compte de feuilles et de cartons).

Et l’on presse la première feuille, l’épreuve que je corrige. Il faut voir les visages s’éclairer, les yeux grandir quand on retire la première feuille ; c’est beau, c’est parfait, c’est comme dans les livres et les journaux et c’est nous qui le réalisons.

Le travail d’impression continue alors automatiquement sans mon intervention. On imprime une feuille et un carton pour chaque élève.

Après l’impression, on décompose, on range le matériel et on se lave soigneusement les mains (savon vert et pierre ponce sont nécessaires).

Les enfants écrivent alors dans leur cahier, relisent le texte et l’illustrent. Ils écrivent directement à l’encre sur du papier non ligné avec une plume spéciale à gros bout rond. J’ai moi-même écrit le texte sur la page de gauche du cahier.

Le lendemain matin, les feuilles et les cartons bien séchés sont distribués. On range sa feuille dans sa farde classeur, on la lit, on l’illustre. On découpe son carton en bandelettes que l’on mélange et reclasse ensuite pour reconstituer le texte. Déjà les mots importants se détachent.

Les enfants ont senti ce que leur permet l’imprimerie : s’épancher, ouvrir son cœur, se soulager ; vous aurez des textes, des histoires, comme ils disent, à profusion.

Et, chaque matin, nous racontons (petits centres d’intérêt), nous lisons, reconstituons textes et bandelettes.

L’enfant numérote lui-même les pages du livre qu’il se constitue.

Il conserve ses bandelettes dans une boîte. Quand il a réuni les bandelettes de 10 textes, cela devient encombrant. Nous gardons alors une seule série de ces dix textes découpés dans une boîte pour toute la classe  chacun vide sa boîte et se débarrasse de ses petits cartons (on peut les conserver dans un coin pour remplacer les mots perdus). On recommence alors à remplir sa boîte avec les nouvelles histoires de chaque jour.

Les séries de bandelettes conservées pour toute la classe servent à reconstituer les premiers textes de temps en temps. Les enfants font cela tous ensemble réunis autour d’une grande table.

Nous n’attachons pas trop d’importance à ce que l’enfant connaisse bien le texte avant d’en lire un autre. Les mêmes expressions se présentent si souvent et puis, s’il les a oubliées à ce moment, il les rencontrera plus tard et les réapprendra.

Combien faut-il imprimer de textes par semaine ? Un chaque jour, si vous n’avez qu’une première année et si votre nombre d’élèves vous permet d’approfondir suffisamment le texte. Sinon, deux ou trois par semaine.

Quelle longueur faut-il donner au texte ? Nous ne sommes pas maître de la longueur du texte. C’est l’enfant qui  parle. Au début, ils ne seront pas longs, l’enfant s’essaye dans ce genre nouveau et se limite de lui-même. On peut aussi, de temps en temps, se payer la fantaisie d’un long texte si le thème est vraiment intéressant. On l’imprime en plus petits caractères et on ne prépare pas de bandelettes pour celui-là.

***

Et nos journées de classe se passent à vivre ensemble en formant sans hâte notre livre de vie et sans nous soucier de lire plus qu’il ne faut.

Vers Pâques, nous proposons d’échanger nos feuilles imprimées avec une autre première anne. L’accueil est toujours enthousiaste ; on enviait les échanges des aînés depuis si longtemps. La lecture, à partir de ce moment, tient un peu plus de place et demande plus d’effort, mais le travail est accueilli avec joie et impatience. Le facteur apporte le premier échange. Enfin ! Car chaque jour depuis les propositions, on attend son arrivée et on questionne. Le paquet de feuilles est lestement déficelé. Voici les feuillets perforés, distribués et à présent maintenus par deux mains un tantinet crispées. Et d’entendre : « …hier, je suis allé chez le … et après ?… qu’est-ce que c’est ce mot-là ? … coiffeur !… mon papa m’a dit … et après ? … lisez avec moi, madame, non, avec moi, non c’est moi … j’étais le premier. »

Et souvent il faut lire avec tous les quelques premiers feuillets qui arrivent, de peur de mécontenter l’un ou l’autre. Les enfants les relisent après avec un camarade et puis à la maison et ils attendent impatiemment le premier échange.

A chaque arrivage, nous déchiffrons avec chaque enfant son feuillet (dans une classe plus peuplée, prendre par groupe). Et c’est le moment de l’encourager à découvrir des ressemblances de mots pour déchiffrer ceux qu’il ne connaît pas. Ainsi à pied d’œuvre, elles sont vite trouvées et retenues, les ressemblances !

Si les circonstances nous obligent encore à faire du forçage, à certains moments, quand nous n’avons pas de travail urgent et que nous avons un peu le temps de flâner, nous groupons les enfants et nous proposons : « qui veut lire des morceaux de mots pour apprendre à mieux lire ses échanges ?… moi ! … moi ! » … et nous commençons : partant de mots bien connus, nous formons des séries de syllabes que nous écrivons pêle-mêle sur une ardoise ou un petit tableau, les enfants lisant en chœur. Il n’y a nulle obligation pour personne ; c’est comme un petit amusement qui achève d’initier ceux qui sont prêts à la décomposition et qui éveille l’idée chez les autres. Cette lecture n’a rien de rigide et a lieu très rarement, débordés que nous sommes par notre travail intéressant d’échanges, de correspondances.

C’est tout cela notre procédé de lecture : écrire, lire notre vie, l’envoyer à d’autres camarades, recevoir la leur, la lire, la sentir, la dessiner.

Après la première année, les enfants n’impriment plus de cartons, ils se contentent de feuillets pour leur livre et ne découpent plus les textes.

Nous commençons alors les petits exercices d’orthographe dont nous parlerons plus loin.

Quand nos enfants savent-ils ? A notre avis, ils savent lire dès le début déjà puisqu’ils lisent tout ce qui s’écrit dans leur petite sphère de travail.

Quand déchiffrent-ils seuls les textes des correspondants un peu longs et considérés comme difficiles ?

Ordinairement, on peut compter que les enfants doués déchiffrent vers Noël de la 2ème année, les autres s’échelonnent dans le restant de la 2ème année. (Ceci s’entend sans aucune préparation à la lecture avant six ans).

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Textes d’enfants et échanges

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Lorsque nous parlons de textes d’enfants, on nous regarde parfois, un sourire ironique au coin des lèvres. On obtient si difficilement une rédaction avec du fond et une forme moins que passables, et nous parlons de textes et de livres d’enfants ! Allons donc !

Tous les instituteurs imprimeurs proclament cependant qu’avec l’imprimerie à l’école (naturellement il fallait une technique à la base), les textes d’enfants abondent dans les classes, et quels textes ! On ne peut leur reprocher le manque de fond ; c’est ce qu’ils ont de plus riche. Quant à la forme, elle n’a pas moins de valeur, c’est du langage enfantin sain et naïf, quelques incorrections à redresser et c’est savoureux comme tout ce que produit l’enfant.

Il faut seulement assez de doigté pour ne pas contrarier l’expansion de l’enfant. Le mieux est de ne pas trop s’en mêler au début, après avoir écouté et regardé quelque temps les enfants s’épancher, peut-être se sentira-t-on capable d’intervenir et de participer aux œuvres. En tout cas, il vaut mieux les laisser faire complètement seuls que de vouloir intervenir en maître et tout gâcher. Il est triste que cette  prétention de corriger l’enfant soit si répandue. Pourquoi redresser son style et pour cela enlever à ce qu’il écrit toute saveur, toute fraîcheur enfantine ? Guidons-le de loin, laissons-le vivre ; à vingt ans, il aura évolué et écrira comme un adulte. En attendant, qu’il conserve sa façon enfantine de s’exprimer.

Certains « maîtres » poussent plus loin encore l’incompréhension et parviennent à faire exprimer à l’enfant les phrase qu’ils ont préparées la veille au soir !

Il ne faut pas que l’enfant sente la comédie de l’étude, ce sont ces manies de faire travailler pour « apprendre » qui brisent les élans. Il doit au contraire sentir qu’il se réalise et que ce qu’il produit est réellement utile.

Si, en arrivant à l’école, à 5 ou 6 ans, l’enfant raconte ce qu’il a vu, ou fait, ou senti, c’est parce qu’il sent en lui un urgent besoin de s’épancher, de faire participer les autres à ses états d’âme. (Nous sentons tous d’ailleurs si bien cela : lorsque nous pouvons les raconter, nos joies grandissent et nos souffrances s’atténuent.) Les pages du livre de vie que l’enfant réunit sont lues par tous ses camarades, par tous les parents et lui-même s’y retrouve en les relisant. N’est-il pas profondément humain de diffuser sa pensée, de la faire partager ? C’est seulement dans ces conditions qu’il est utile de la dire, de l’écrire. Plus tard, les échanges élargissent l’horizon ; la pensée de l’enfant dépasse l’école et la famille ; d’autres camarades éloignés, d’autres parents la liront. La valeur en est du coup centuplée et l’auteur se sent la poitrine gonflée de fierté. Raconter, écrire pour être lu, discuté, critiqué, c’était la grande motivation à trouver, l’imprimerie et les échanges la réalisent à merveille.

Quand l’enfant a senti que vous lui laissez la liberté de s’exprimer d’une part et que d’autre part la presse peut matérialiser sa pensée pour la répandre, c’est l’abondance de textes et d’histoires. Ne craignez au début de la lecture ni la longueur des textes, ni leur complication, ne cherchez surtout pas à faire dire certains mots qui vous semblent plus accommodants pour lire. L’enfant a senti son texte, il le lira, le retiendra.

Nous avons montré dans la technique comment nous laissions les enfants s’exprimer pour donner des textes de lecture. C’est le récit d’un événement qui s’est passé à l’école ou à la maison, c’est le résultat d’observations, c’est le reflet d’une pensée qui préoccupe le hameau, c’est l’expression de l’intérêt d’un seul qui a su accrocher tous les camarades ou c’est encore une participation au centre d’intérêt des grands de la classe.

 Voici des exemples de ces textes d’enfants :

   Dimanche soir, ma soeur Lucienne a été dans l'écurie
chercher la brosse. Quand elle a eu éclairé, elle a vu un
rat sur les harnais du cheval. Elle avait peur. Elle criait :
"hou ! hou !". Mon papa est allé voir, le rat avait disparu.
Le lendemain Kiki l'a croqué.

CEORGES, 8 ans.

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Et ce sont ces textes qui forment nos livres de vie, nos albums, car chez les plus petits nous imprimons sur des feuilles format double fiche ; ils ont ainsi plus de place pour illustrer leur texte. L’illustration des textes et le dessin libre sont une autre manière de s’exprimer combien précieuse pour lui qui sent là ses possibilités moins limitées et pour nous, qui pouvons y  voir, y lire des révélations curieuses.

Nous avons parlé, en exposant la technique, d’échanger ces textes lorsque l’enfant reconnaît quelques mots et a pressenti le mécanisme de la lecture. C’est souvent après les vacances de Pâques que nous commençons. Nous imprimons alors 7 ou 8 feuilles pour nous et 10 à 20 pour nos correspondants suivant le nombre d’élèves de la classe avec laquelle nous échangeons.

Nous n’imprimons pas chaque jour, l’organisation du travail dans note petite classe avec les 1ère, 2ème, 3ème années et le jardin d’enfants ne nous permet pas de laisser passer, chaque jour, chaque groupe à l’imprimerie, car dans ces premières années, les enfants en sont à des stades trop différents pour se grouper à l’imprimerie ; les uns ne savent pas lire du tout, d’autres savent lire à peu près seuls et les grands lisent tout. Après quelque temps nous réunissons les deux derniers groupes.

Avec le premier groupe (6 à 7 ans) qui apprend à lire, nous imprimons souvent trois fois par semaine. Nous expédions chaque fois un paquet de ces feuilles à nos correspondants et nous leur demandons de nous envoyer également leurs feuillets imprimés trois fois par semaine si nous ne correspondons qu’avec une classe, car il se peut que nous trouvions plusieurs classes de notre niveau alors c’est un arrangement à prendre avec ces classes pour recevoir régulièrement nos échanges.

Avec le 2ème et le 3ème groupe (7 à 8 ans et 8 à 9 ans), nous imprimons ordinairement deux fois par semaine et nous échangeons à ce rythme.

On peut envisager également les échanges journaliers de feuillets ; c’est-à-dire imprimer chaque jour un texte et l’expédier chaque jour aux correspondants. Nous n’avons pas expérimenté ce travail mais les collègues titulaires de classe à une ou deux divisions peuvent le réaliser.

Voici comment nos enfants préparent leurs échanges. Celui qui a créé le texte effectue l’envoi (ils peuvent être plusieurs). Le matin, après la distribution du travail, il rassemble les feuilles imprimées la veille et les groupe en feuilles pour la revue, feuilles pour la classe et feuilles pour l’échange. Le premier paquet est mis sous élastique et rangé  dans le casier. Le deuxième paquet est perforé et distribué aux enfants de la classe. Le troisième est réparti entre les différentes écoles correspondantes : 16 feuilles pour M.X…, 20 pour M. Y…, 6 pour Melle Z…, etc. L’enfant entoure les feuillets d’un papier gris, écrit l’adresse, (nous avons des fiches modèles avec les adresses), demande de l’argent au gérant de la coopérative de la classe, achète des timbres chez les grands, affranchit les paquets, u appose les cachets et les porte à la boîte aux lettres. C’est tout un travail où se groupent le calcul, l’écriture, la lecture et une certaine initiative . Dès 6 ans ½, les enfants s’en tirent presque seul pour préparer les échanges ; c’est pour eux une grosse occupation qui tient les plus petits plus d’une heure en haleine, les grands font cela plus vite et avec une certaine importance.

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Ecriture et orthographe

L’écriture et l’orthographe sont trop liées à la lecture, surtout chez les petits, pour que nous puissions nous passer d’en parler. Nous travaillons pour cela dans le même sens que pour la lecture. Nous avons abandonné l’acquisition méthodique et graduée par élément pour l’acquisition globale.

Quand nos petits arrivent en classe, ils impriment leurs textes et les écrivent aussi (nous les voyons cependant moins attirés par l’écriture que par le dessin et l’imprimerie). Nous ne compliquons pas leur travail en exigeant la reproduction plus ou moins parfaite de lettres entre des lignes limites. Avec des outils qui facilitent le travail : un cahier non ligné et une plume à gros bout rond, nous leur demandons d’écrire leurs petites histoires que nous avons nous-même écrites sur la page d’en face (modèle en écriture bien formée et assez grande, près de 1 cm de haut). Il est nécessaire au début, d’écrire le modèle dans le cahier de chaque enfant, le tableau pour tous ne suffit pas : il est trop éloigné de l’enfant qui doit imiter chaque ligne, chaque courbe et relever continuellement la tête. Du tableau au cahier son attention se disperse, il éprouve plus de difficultés à copier et fait plus de fautes. L’enfant réussit plus ou moins bien la copie du modèle, il nous présente une écriture parfois déjà lisible ou un griffonnage. De toute façon, nous acceptons le travail avec une bonne appréciation.

Pourquoi un cahier non-ligné ? Parce que la réglure du cahier n’aide pas l’enfant ; au contraire, elle lui demande un effort supplémentaire, alors que débutant il se concentre sur la tenue de son porte-plume et sur le mot qu’il doit écrire, elle exige un nouvel effort en imposant des limites à ses élans. Plus tard, quand il aura acquis la coordination de mouvements et la souplesse nécessaires et que la forme des lettres lui sera devenue habituelle, nous pourrons lui demander d’écrire en suivant une ligne. Avant cela d’ailleurs, il aura acquis spontanément l’habitude d’écrire bien horizontalement.

Pourquoi une plume à gros bout rond : parce qu’il faut éviter les outils qui occasionnent la pression et la lourdeur de la main, deux grands obstacles dans l’apprentissage de l’écriture. Nous donnons à l’enfant une plume qui court facilement sur le papier et qui laisse un trait bien visible en la posant seulement légèrement sur le cahier comme ces plumes mousses à gros bout. Débuter avec la touche ou le crayon, c’est apprendre à appuyer, ce que nous devrons combattre avec l’emploi du porte-plume.

Et c’est là toute notre méthode d’apprentissage de l’écriture : des outils et un modèle le plus parfaits possible. Il faut être très méticuleux pour le modèle, car la moindre boucle ou ligne fantaisiste est reproduite et parfois même exagérée par l’enfant.

Quand l’enfant reproduit facilement ses textes et surtout quand il commence à les écrire spontanément, il nous arrive d’isoler une lettre que l’enfant trace vraiment mal et de lui montrer la façon de bien l’écrire.

Nous faisons le moins possible de l’écriture pour apprendre à écrire. Le vrai travail d’écriture est largement motivé par les préparations de textes que l’enfant crée. Il doit les relire lui-même pour les faire accepter par ses condisciples ou c’est l’instituteur qui doit les présenter au suffrage des autres enfants, de toute façon on doit pouvoir les lire et en déchiffrer aisément l’écriture.

A cela vient s’ajouter notre correspondance manuscrite qui motive l’écriture et surtout l’écriture propre et lisible.

Des collègues nous demandent quand nous donnons des cahiers lignés aux enfants. De toue façon nous proscrivons le cahier à deux ou plusieurs lignes. Nous n’utilisons que les cahiers à simples lignes distancées de 18 mm au début. Quant à citer une date à laquelle nous commençons, nous ne pourrions le faire.

Souvent, nous conservons le cahier non ligné pendant toute la première année et ne donnons le cahier ligné qu’en commençant la 2ème année. Il arrive cependant que l’enfant écrive sur des feuilles ou dans un cahier ligné ; nous ne nous y attardons pas trop, comme lui d’ailleurs qui quitte la ligne quand bon lui semble.

Nous avons parlé d’une plume à gros bout rond. Nous employons la Soenneken n° 21 en 1ère A. ; nous donnons la plume un peu moins grosse le n° 20 en 2ème A. ; en 3ème A., le n° 5. De toute façon nous délaissons la plume fine qui habitue l’enfant à appuyer et qui éraille le papier avec une pluie de tâches sous la pression de ses droits maladroits. Nous ne nous occupons ni de pleins ni de déliés, préoccupation qui serait ridicule au siècle du stylo. Nous demandons seulement une écriture propre et lisible. A quoi bon perdre du temps à exiger ces formes scolastiques qu’on s’empresse de perdre en quittant l’école ? A part quelques remarques au sujet de lettres vraiment mal formées, ou du soin, nous laissons à l’enfant son écriture personnelle. Celle-ci ne dépend d’ailleurs pas uniquement de son apprentissage mais de nombreux facteurs d’ordre physique et psychique entrent en cause dans la formation de l’écriture.

Ecrire lisiblement, c’est bien, écrire sans fautes serait plus apprécié encore. La question de l’orthographe inquiète tant de collègues et le plus inquiété reste encore malheureusement l’enfant à qui l’on répète toujours les mêmes phrases : « Ne fais pas de fautes ! – Comme tu as fait des fautes ! – C’est criblé de fautes d’orthographe ! etc… » Pour lui, l’orthographe doit avoir figure de monstre inaccessible. Ce dernier mot n’est d’ailleurs pas exagéré ; notre orthographe est bien inaccessible à l’enfant, il ne peut concevoir ce fatras d’irrégularités et d’accords. Devenons donc raisonnables, admettons que l’enfant fasse des fautes, patiemment attendons qu’ils soit mûr pour assimiler nos explications et nos remarques. En attendant, préoccupons-nous surtout des idées que l’enfant veut exprimer. Cela reste l’essentiel en dépit de l’importance que l’on a l’habitude d’accorder à l’orthographe.

Nous pensons qu’avant de retenir l’orthographe d’un mot, l’enfant doit d’abord avoir acquis une certaine habileté pour écrire, c’est-à-dire qu’il en soit arrivé à écrire facilement, en formant bien toutes les lettres, les petits textes qu’il veut copier.

Nous ne commençons donc pas par les exercices d’orthographe en même temps que la lecture… Nous ne pouvons même pas citer une date à laquelle  nous commençons. Cela dépend de l’habileté de l’enfant pour écrire. Il faut naturellement travailler avec la moyenne de la classe.

Au début, les exercices d’orthographe sont peu sévères et ne revêtent en tous cas jamais l’aspect d’une dictée avec ses fautes punissables, les enfants aiment essayer à retenir l’orthographe d’un mot et s’y attachent parfois spontanément.

Nous ne procédons pas tout à fait de cette façon qui consiste à laisser regarder x minutes un mot, à le cacher, puis à le faire écrire. C’est sûrement un bon procédé, mais qui ne réussit pas bien avec certains enfants, car ils n’assimilent pas tous à la même vitesse et ne peuvent pas tous se concentrer juste au même moment sur le travail que nous leur désignons.

Il vaut mieux travailler plus individuellement si la population et l’organisation de la classe le permettent.

Nous procédons comme ceci : nous convenons avec les enfants d’essayer « d’écrire sans regarder » une phrase d’un de leurs textes, très courte au début (ex. : jeudi je suis allé au bois). Chacun s’y met de son côté. Comment l’enfant procède, le temps qu’il met pour retenir l’orthographe de cette phrase, nous ne pouvons le dire au juste. Chacun travaille à son rythme. Ordinairement il s’y applique très sérieusement, car il est impatient de déclarer : « moi, je sais ! ». Le petit contrôle commence à ce moment, l’enfant écrit de mémoire, sous nos yeux, la phrase dans un cahier. Il y collectionne tout simplement les phrases qu’il sait écrire correctement. Cela lui sert à les revoir, à les réécrire à la maison ou en classe.

Plus tard, en 2ème ou 3ème année, nous leur demandons de se préparer à la maison pour écrire sous notre dictée telle ou telles partie d’un de leurs textes.

La dictée perd de plus en plus ses droits comme exercice efficace d’orthographe. On l’a considérée d’abord comme le seul moyen puis on l’a rabaissée au niveau d’exercice de contrôle. Nous pensons qu’en fait de contrôle, c’est encore peu sûr. Nous avons des enfants qui parviennent à écrire leur dictée sans ou avec très peu de fautes. S’ils écrivent un texte libre ou une lettre, on pourrait dire : cela en est criblé.

Que faut-il penser de cela ?

La vraie orthographe, à notre avis, est celle que l’on écrit couramment, sans trop réfléchir, en créant un texte ou en écrivant une lettre. Les meilleurs exercices sont donc d’écrire textes et lettres. Avec notre technique d’imprimerie et les échanges de lettres manuscrites, les enfants y sont amenés presque chaque jour.

Quand les enfants écrivent librement, ils se servent de leur livre de vie pour y retrouver les mots qu’ils ont oubliés. Si le mot est nouveau, ils demandent qu’on leur écrie celui-ci. Ils retiennent d’ailleurs très vite les expressions dont ils se servent souvent : je suis allée – nous avons – j’ai joué – maman a dit – etc..

Nous corrigeons individuellement le texte ou la lettre avec l’enfant sans lui formuler de règles rigoureuses ou d’analyses, mais d’une façon un peu empirique : « Tu vois à : je faisais, c’est toujours s comme à : j’allais, je pesais, je mesurais, etc. » Si la classe est trop peuplée, on peut travailler par groupes et corriger chaque jour une rédaction choisie ou votée d’un groupe au tableau avec tous les enfants ou avec le groupe.

Nous avons essayé de faire faire aux enfants ce genre d’exercices par écrit : rechercher diverses expressions, dans lesquelles se retrouve la même forme d’orthographe.

Par exemple :

maman a acheté des oranges,

papa a arraché des pommes de terre

papa a rentré le foin.

L’exercice est parfaitement réussi. Le lendemain la difficulté se présente  de nouveau, l’enfant commet la même faute. Si jeune, l’orthographe le préoccupe si peu.

Il faut cependant bien se rendre à l’évidence et ne pas s’illusionner en continuant à croire efficaces ces exercices si bien agencés pour donner des résultats, mais qui laissent nos enfants indifférents.

L’esprit de nos petits nos échappe si souvent. A notre avis, avec eux jusqu’en 3ème A. et peut-être en 4èmeA., il faut se contenter d’exercices de reproduction, de textes, de lettres que l’on corrige patiemment, le plus individuellement possible. Les autres exercices abrutissent et sont pures pertes de temps.

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Atmosphère de nos classes

Vous venez de suivre comment nous concevons l’acquisition plus logique et plus naturelle des connaissances et des techniques chez l’enfant (il faudrait y ajouter le calcul). Pour mieux faire sentir notre façon de travailler, il faut nécessairement parler de l’atmosphère dans laquelle nos enfants vivent et travaillent.

Nous sommes parvenus (on y arrive insensiblement en pratiquant les techniques nouvelles) à supprimer dans notre classe cette idée de maître et d’élèves, de dominant et de soumis, de commandement et d’obéissance, d’enfants intelligents et de cancres, d’enfants sages et difficiles et surtout cette habitude de travailler pour la places, les points ou la récompense.

Chaque enfant se sent à sa place, dans un milieu favorable, chez lui enfin, avec sa part de responsabilité. Et nous travaillons tous parce qu’il le faut, parce que la vie de la clase exige pour se continuer, des calculs, de la lecture, de l’écriture ; il faut que la caisse coopérative se maintienne, il faut que les relations avec les camarades continent, il faut que nos bêtes soient bien et que le jardin produise. En même temps que nous satisfaisons ces exigences de notre milieu, nous laissons à chacun manifester sa vie, car la vie ne demande qu’à s’épanouir dans les êtres. Les enfants entraînés par sa poussée irrésistible observent, regardent, cherchent à savoir plus et mieux. Il n’y a là rien de neuf à trouver, c’est la logique de l’évolution.

Et notre pauvre classe (pauvre comme local et matériel) offre l’aspect d’une grande pièce d’habitation où tous les enfants d’une même famille seraient réunis. Nos enfants sont même plus calmes ici qu’en famille, car ils sont mieux compris et moins contrariés dans leur activité. Des groupes s’occupent à des travaux différents : observation libre, fiches de calcul – imprimerie – dessins – lecture – travaux manuels – envoi d’échanges – vente à la coopérative, etc.

Chaque matin, nous organisons ensemble en essayant de maintenir notre petite communauté en harmonie de travail et de satisfaction. Personne ne passe son temps à des exercices ennuyeux. La vie de la classe exige parfois des mises au point, des travaux ennuyeux pour tous, mais les enfants sentent ce que nous sentons dans notre de chaque jour, « il faut le faire ! »

Ne sentez-vous pas qu’ils sont ainsi dans la réalité de l’existence : se réaliser au maximum en faisant vivre la communauté et en subissant les exigences de son entourage.

Nous pensons avoir réalisé dans notre petite école officielle le maximum de ce que l’on peut réaliser pour libérer l’individu en restant attaché à l’enseignement public.

Chacun peut faire quelque chose dans ce sens, nous sentons notre travail de classe si simple, si facile et si agréable à accomplir. Un seul pas décisif demande un effort peut-être dur à réaliser : c’est le fait de balancer  par-dessus la haie les idées et les manuels poussiéreux et d’installer dans sa classe ces techniques nouvelles de travail. Ce changement accompli, la vie scolaire s’organise presque d’elle-même, car les enfants ont heureusement avec leur logique et leur bon sens tout fraîchement conçus beaucoup de souplesse pour s’adapter. C’est en cela d’ailleurs que réside la valeur et l’intelligence de l’individu.

La classe devient une organisation sévère avec un règlement conçu et appliqué par les enfants, la discipline y est d’autant plus stricte et plus ferme qu’elle est consentie par chacun d’eux. Chacun connaît ce qui peut ou ne peut pas être fait et le rappelle à son voisin oublieux ; plus aucune faute ou faiblesse possible. Chacun veille pour tous.

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Objections

Il y en a sûrement très peu si on les envisage en profondeur. Souvent, il suffit d’un mot ou d’un geste pour réfuter la plupart d’entre elles et nous sommes en peine d’en trouver quelques-unes qui vaillent d’être posées ici.

Voici cependant une objection qui fut souvent émise en Belgique, pays de decrolyens globalistes : en imprimant, les enfants analysent  et ce travail n’est plus conforme à la globalisation. Disons tout de suite que ces remarques proviennent de gens qui n’impriment pas et qui ne connaissent rien au maniement de l’imprimerie à l’école. Ils envisagent cela avec leur esprit d’adulte qui connaît chaque caractère et qui, bien consciemment, les juxtapose pour former un mot.

Chez l’enfant, ce travail est tout à fait différent. Il compose sa phrase en faisant un exercice d’identification ; tout comme il place la chaise rouge portant une balle jaune sur la même image, il place dans son composteur un s qui est pour lui comme un crochet parce que c’est la lettre correspondante à son modèle. Mais il ne lui vient pas à l’idée que chacun de ces caractères a un nom qu’il va prononcer en lisant le mot. Pour lui, imprimer est une chose et lire en est une autre. Quand il compose son texte, il fait un travail manuel ; quand il lit, il exprime son idée intellectualisée sans songer à sa réalisation matérielle. Nos enfants, préoccupés de retrouver dans les textes leurs idées si vivantes, ne passent pas leur temps à vouloir lire des caractères sans signification pour eux.

Presque tous mes élèves, sachant lire à la fin de la deuxième année, ignorent encore le nom de nombreuses lettres. J’en connais d’autres, pratiquant la lecture globale sans imprimerie, qui connaissent déjà, dans  le courant de la 1ère année, toutes les lettres et qui épellent les mots qu’ils veulent orthographier. C’est loin d’être du global, sans l’imprimerie cependant. Il ne faut pas trop faire intervenir notre esprit adulte, l’enfant a une tout autre conception et interprétation des choses.

Une réponse convaincante jaillit d’ailleurs de l’école Decroly elle-même qui a introduit l’imprimerie en 1ère A. pour l’apprentissage de la lecture.

Et nous cherchons vainement quelque autre opposition raisonnable que l’on puisse faire à l’introduction de nos techniques de travail dans les petites classes.

Peut-être, au fond des cœurs de nos adversaires et des indifférents, y a-t-il une très grande objection, source obscure des critiques mesquines. C’est que nos techniques, tout en diminuant les préparations de clase et les corrections après la classe, besognes machinales et abrutissantes, demandent pendant les heures de travail avec les enfants, des maîtres énergiques, éveillés, entièrement accaparés par le travail commun et faisant preuve d’initiative surtout.   Réalisant ce don de soi et d’amour tant prôné et gaspillé dans les discours, l’instituteur introduisant les techniques nouvelles confond sa vie avec celle des enfants et s’il aide ceux-ci à se réaliser, lui, s’efface et oublie ses propres tendances personnelles, qu’il est toujours dur d’abandonner à la communauté en égoïstes que nous sommes. Pauvre conception ! Car dans les productions de ce travail en commun, nous retrouvons les idées de chacun grandies et idéalisées ayant atteint leur véritable épanouissement au souffle de la communauté.

                                                                                                                                        L. MAWET.

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