Publication Mensuelle              N° 24           Octobre 1946 

Brochures d'Éducation Nouvelle Populaire 

C. FREINET

(ET LA COMMISSION PÉDAGOGIQUE DE L'INSTITUT COOPÉRATIF DE L'ÉCOLE MODERNE)

Le milieu local

 

Editions de l'École Moderne Française

CANNES (Alp.-Mar.)

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PREMIÈRE PARTIE

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Principes et méthodologie de l'étude du milieu local

par les techniques Freinet

(Imprimerie à l'École – C.E.L.)

 

PRINCIPES

 

Méthodes actives! Etude du milieu local!

 

Deux formules qui sont aujourd'hui à la mode mais qui risquent de prendre une tournure scolastique qui ne nous satisfait que partiellement.

 

Méthodes actives!

 

Si l'on prend l'expression dans le sens que lui ont donné les pédagogues et qui les oppose aux méthodes passives traditionnelles, alors oui. Mais nous voyons autour de nous se développer, parfois jusqu'à l'exagération, la tendance au mouvement, à l'activité physique trop généralisée, au manuellisme, au travail qui se fait par les mains, par l'effort ou l'habileté du corps, ou par le truchement des machines – toutes activités qui préparent peut-être au préapprentissage mais ne forment pas forcément le travailleur social différencié, intelligent et constructeur. L'enfant qui, face à la nature qui l'émeut, écrit un poème; celui qui, en fouillant dans les livres et le fichier, prépare une conférence, pratiquent eux aussi les méthodes actives, et les meilleures des méthodes actives, qui ne seront d'ailleurs jamais totalement coupées des activités manuelles qu'ils rendront au contraire profondes, fonctionnelles et efficientes.

 

Etude du milieu local!

 

Nous ne voudrions pas qu'on croie qu'il s'agit là d'un genre spécial de leçons, nouvelle marotte passagère qui fera place, l'an prochain, à d'autres marottes scolastiques, au gré des spécialités des uns ou des tendances sociales et politiques des autres.

 

Vous pouvez, certes, - et d'aucuns au cours de ces conférences ne manqueront pas de vous le recommander – réserver dans votre programme et votre horaire une place nouvelle à une branche qui vient de surgir comme par génération spontanée: l'étude du milieu local! ... et faire au jour et à l'heure dits, selon les méthodes qu'on vous aura prônées, les leçons et exercices correspondants.

 

Nous ne vous apprendrons rien en vous affirmant que, dans cette voie, vous ne rencontrerez que désillusion, fatigue, routine, dégoût de l'effort et inefficience. Nous laissons à d'autres le soin de vous dorer la pilule. Mais nous avons le grand avantage de pouvoir vous donner aujourd'hui des conseils éprouvés, et de vous engager sur des chemins qui ne vous sont pas encore familiers, mais où vous retrouverez la vie, l'intérêt et la culture. Nous pouvons vous dire d'ailleurs sans prétention: ce n'est qu'avec nous que vous pourrez vraiment réaliser le voeu commun des pédagogues et des administrateurs de l'École Française. Pour cette étude du milieu local, nous irons puiser dans la vie véritable de l'enfant, à l'origine de ses sensations, de ses expériences et de ses découvertes, les éléments essentiels, les éléments de base - les seuls solides et définitifs - de sa formation, de son instruction et de son éducation.

 

Ce qui importe, du moins au degré primaire, ce n'est pas d'ajouter une branche nouvelle à la série des devoirs et leçons prévus au programme, mais de retourner avec toute notre intelligence et notre curiosité vers la source qui éclairera et animera toute notre activité.

 

Si l'on croit, en effet, que l'enfant peut franchir avec succès les premiers échelons de la culture par la seule vertu d'une savante explication magistrale ou grâce à la fidélité de sa propre mémoire ; si l'on pense que l'acquisition peut avoir une valeur décisive sur le comportement de l'individu, alors on peut dépersonnaliser à souhait, désensibiliser le travail scolaire pour l'intellectualiser prématurément. L'étude du milieu local ne sera alors qu'une branche de cette entreprise de désensibilisation et d'intellectualisation.

 

Nous luttons depuis vingt ans contre les dangers et l'impuissance manifeste d'une telle conception. Nous avons montré au contraire la nécessité et les avantages d'une éducation qui retrouve, d'abord, ses racines naturelles, s'installe et s'asseoit sur ce qui existe, et qui développe, par des techniques normales et humaines, l'expérience et les acquisitions que l'enfant a commencées à sa naissance et que nous devons développer, intensifier et préciser.

 

Ces racines, ce qui existe d'abord en l'enfant, c'est, nul n'en doute, le milieu local. Et il est tout simplement monstreux qu'on ait tenté pendant tant d'années d'en abstraire l'éducation de nos enfants.

 

Nous reviendrons tout simplement à une plus saine compréhension des choses. L'étude du milieu local sera désormais notre ABC pédagogique, la base première de toute culture, l'élément de vie qui va rénover notre école populaire.

 

Méthodologie générale de l'étude du milieu local

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L'axe de cette méthodologie, c'est l'expression libre et les échanges interscolaires par le journal scolaire, manuscrit, polycopié, ou, de préférence, imprimé selon les principes aujourd'hui connus de l'Imprimerie à l'École.

 

L'enfant à qui on a donné des moyens d'expression (écriture, appareil à polycopie, limographe, imprimerie à l'école) et une motivation de son travail (divulgation de ses pensées par le journal scolaire et correspondance avec des enfants éloignés) raconte, rédige, dessine, écrit, construit... Mais que raconte-t-il, que rédige-t-il, que dessine-t-il, qu'écrit-il? Forcément, les péripéties de sa vie dans son milieu. On ne saurait imaginer normalement d'autre aliment à cette expression.

 

L'enfant raconte sa vie ;

La vie des bêtes ;

Ses travaux ;

Ses jeux ;

La vie et le travail des adultes ;

Les fêtes, les coutumes ;

Les veillées ;

Les événements sociaux et même politiques du village ;

Le temps qu'il fait ;

Les saisons.

 

L'INTERROGATION

 

J'ai lu ceci dans un almanach. Ça s'est passé dans une école.

 

Le maître appelle un garçon et lui demande :

D'où viennent les pommes ?

Du pommier.

Les poires ?

Du poirier.

Et les dattes ?

Oh ! Mais, Monsieur, cela vient du livre d'histoire !

                                                             

Ecole de Perrigny (Yonne)

 

UNE VIEILLE MESURE

 

Hier, papa a trouvé une vielle mesure dans la forge.

Nous avons cherché son nom, et nous avons trouvé que c'était un pied, il mesure 32 cm environ et est divisé en 12 parts égales qu'on appelle pouce.

Le pouce mesure 3 cm environ, il est divisé en 12 lignes, chaque lignes mesure 2 mm. Cette mesure est très vieille, elle date d'avant la Révolution.

 

                                                              Marie CATY, 12 ans, St-Loup (Jura)

 

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PAGE D'HISTOIRE LOCALE

 

Note trouvée dans un vieux registre paroissial.

La présente année 1714 dieu a affligé presque tout le Royaume, spécialement cette province surtout le plat païs et très particulièrement cette paroisse, de la mortalité des bestiaux bouvins ; la maladie y commença en peu de tems partout ; les remèdes étaient presque inutiles, elles prennoient la tête pesante, jattoient quelquefois par les yeux et par les naseaux une espèce de pus, quand on les dépeçait on ne connoissoit rien dans le corps ; on en sauva quelques unes en les tenant chaudes et leur procurant la sueur mais on ne s'aperçut pas que les autres remèdes y fissent grand chose. Il y eu ensuite un ordre de Sa Majesté de donner le dénombrement et il se trouva dans cette paroisse que de cent cinquante boeufs qu'il y avait avant la maladie, il en mourut cent quarante cinq ; et par conséquent n'en resta que cinq : de 280 vaches il en mourut 240 et n'en resta que 40. Et de cent génisses il en mourut 73, et n'en resta que 27. On acheta des chevaux pour semer.

 

                                                              Chamdieu (Loire)

 

LE VARRON DU BOEUF

 

Nous connaissons toutes ces tumeurs de la grosseur d'une noix, qui apparaissent sur l'échine des bovidés, des jeunes en particulier.

Dans chaque tumeur, loge un ver appelé varron, pouvant atteindre 3 cm de longueur.

Au cours de l'été, le varron sort de sa demeure, tombe sur le sol, s'enfonce un peu dans la terre où il se transforme en une mouche à l'aspect d'un bourdon. Cette mouche curieuse se réfugie dans une haie avoisinant un pâturage et vit là huit jours sans prendre aucune nourriture. Chaque femelle peut pondre de 400 à 500 oeufs qu'elle dépose sur les poils des jarrets, des flancs des bovidés.

De l'oeuf sort une larve qui chemine à travers les chairs, y provoquant des lésions jusqu'à la sous-muqueuse de l'oesophage.

Lorsqu'elle atteint une certaine taille, elle émigre vers l'échine. Il faut donc à tout prix lutter contre le varron qui perce la peau des bovidés, abîme le cuir et affaiblit les bêtes.

Il faut extirper les jeunes larves et les écraser aussitôt.

 

                                                                                   La classe.

                                                              St-André-sur-Vieux-Jonc (Ain).

Gisèle a apporté un autre nid qu'elle a trouvé abandonné dans une haie d'aubépine.

Il était fait de racines, de mousses, et de touffes de lichen à l'extérieur.

L'intérieur était capitonné d'un doux et épais feutrage fait de poils entremêlés et de plumes de volailles.

Nous avons compté :

93 centaines de poils ;

78 plumes ;

73 brins d'herbe sèche ;

63 brins fins et résistants comme des fils tirés d'étoffe ; 1 cocon jaune ;

6 petites toiles d'araignées ;

201 racines fines ;

3 branchettes ;

283 brins de mousse ; 262 petites touffes de lichen.

 

                                                              École de St-Plaisir (Allier)

 

UNE FERME BRESSANE

 

Chez nous, les fermes sont plus ou moins éloignées du bourg et souvent isolées au milieu de leurs champs.

Une vaste cour sépare les bâtiments : maison d'habitation, étables, granges et remises ; toute la volaille est là, picorant le fumier, grattant la terre de ci de là, autour du puits, vers la mare.

Les murs sont en pisé (mélange de terre argileuse et d'eau) aussi un large avant-toit les préserve des méfaits de la pluie, sauf au nord ; l'automne venu, le fermier y suspend une guirlande de « raisins » de maïs.

Nos fermes basses n'ont pas d'étages : partout, on retrouve la « maison », la « chambre » et l'évier ; de la cour, on pénètre dans une vaste pièce : la « maison », où on vit l'été, celle-ci communique avec la « chambre » plus chaude où on passe les veillées. Les murs sont blanchis à la chaux et les fenêtres s'ornent de géraniums et de patience.

 

                                                              La classe.

                                                              St-André-sur-Vieux-Jonc (Ain)

 

LE POT-AU-FEU DANS LA CULOTTE

 

Un samedi, je m'en allais à la boucherie. En passant devant chez Mme Lefrère, j'entends que l'on m'appelle :

- Marie-Thérèse ! Marie-Thérèse ! Veux-tu me rapporter ma viande ?

- Oui, Madame.

- Tu vas me prendre un pot-au-feu dans la culotte.

Dans la culotte ! Jamais je n'avais entendu cela. Je suis bien gênée !

Chez le boucher, j'attends anxieusement mon tour, car j'ai honte de demander un pot-au-feu dans la culotte.

Enfin, mon tour arrive. Il faut bien que je me décide. Je demande à voix basse pour que personne ne m'entende :

- Je voudrais un pot-au-feu dans la culotte.

- Quoi ?... Parle plus fort me dit le boucher.

Toute rouge de confusion, je répète un peu plus fort. Tout le monde se met à rire. J'aurais voulu être à cent pieds sous terre pour cacher ma honte.

 

                                                              Marie-Thérèse DUVAL, 13 ans.

 

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ON RÉCOLTE LE BLÉ EN...

 

JANVIER : Nouvelle-Zélande, Chili.

FÉVRIER : Haute-Égypte, Inde Orientale.

MARS : Indes.

AVRIL : Asie Mineure, Mexique.

MAI : Maroc, Algérie, Perse, Chine, Japon.

JUIN : États du Sud des États-Unis.

JUILLET : Europe.

AOÛT : Europe.

SEPTEMBRE : Écosse, Suède, Norvège.

NOVEMBRE : Afrique du Sud.

DÉCEMBRE : Argentine et Australie.

 

                                                              Ollé (Eure-et-Loir).

 

LA LUNE ROUSSE

 

Nous avons posé des questions à nos grands-parents, au sujet des prix des denrées alimentaires dans leur jeunesse.

Nous avons constaté que depuis cinquante ans environ, les prix ont été multipliés par :

100 pour une vache ;           100 pour le beurre ;

100 pour un veau ;              140 pour les oeufs ;

20 pour un mouton ;            240 pour le vin ;

800 pour un porc ;               12 pour le pain ;

200 pour un poulet ;             40 pour le sucre.

 

                                                              C.M. 1Ère A, Benevent-l'Abbaye (Creuse).

 

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Tous nos journaux scolaires - et nous venons d'en donner quelques exemples typiques - sont le reflet sensible du milieu local et de la vie enfantine dans ce milieu.

 

Par l'expression libre et le journal scolaire, nous ouvrons une première étape de l'étude rationnelle du milieu.

 

Pour étudier le milieu local, il est indispensable de savoir d'abord ce que l'enfant connaît déjà de ce milieu, comment il réagit ou s'y intègre, de connaître soi-même ce milieu qui peut être différent de celui où nous avons nous-mêmes baignés.

 

Or, il n'y a pas de plus fidèle miroir du milieu où vivent les enfants que les pages de nos journaux scolaires. Il suffit de lire la collection de journaux d'une classe pour être imprégné d'une atmosphère, pour deviner profondément les éléments qu'une étude géographique ou scientifique ne nous aurait point donnés, pour assister à ce film qui n'attend que la pellicule pour compléter l'expression suggestive et sensible.

 

Quand vous aurez revivifié ainsi votre école, vous aurez réalisé la même besogne essentielle que le photographe qui a sensibilisé sa plaque avant de partir en campagne.

 

Vous aurez trouvé les fondements éternels et définitifs de toute pédagogie.

 

Mais nous voulons - en une deuxième étape - aller plus loin et plus haut.

 

L'École institutionnelle arrachait le poisson de l'eau qui lui était vitale pour le placer dans un aquarium spécial où l'on pourrait à loisir étudier, guider, orienter son comportement et ses réactions. Le poisson s'adaptait tant bien que mal et réagissait comme il pouvait - il en mouurait parfois!

 

Quelles merveilles ne peut-on pas réussir avec un poisson dans un aquarium! Hélas! Après l'avoir soigneusement et scientifiquement éduqué en vase clos, vous le replacez un jour dans l'eau libre. Il en est d'abord tellement surpris qu'il risque de sombrer avant de s'être réadapté. Et il se réadapte non pas en fonction de ce que vous lui aurez appris – qui n'est valable que pour l'aquarium – mais selon les nécessités vitales dont il retrouve le souvenir dans son comportement d'avant l'aquarium.

 

De toute façon, le passage en aquarium peut sembler donner un résultat pour celui qui ne voit que le poisson en aquarium. Mais pour qui considère la vie d'ingéniosité et de lutte du poisson à l'eau libre, le passage en aquarium n'est qu'un hiatus dangereux dans le processus de formation et de préparation à la vie.

 

Nous supprimons l'aquarium. Ou plutôt, nous nous arrangeons pour diriger vers l'École un bras de rivière qui ne sera point coupé du courant vivifiant, où la vie ne sera pas toujours simple et facile, que les vagues du large viendront battre encore, que des ennemis viendront visiter, d'où l'on retournera d'ailleurs le plus souvent possible, dans le courant normal pour y mesurer la portée des acquisitions faites dans le havre. Notre éducation alors ne sera plus un accident mais le ferment qui rend plus efficientes les réactions de l'individu dans son milieu.

 

Mais même quand nous aurons remplacé notre aquarium par le bras de rivière, que nous aurons redonné un fondement vital à notre École, il faut bien penser que nos enfants ne sont pas destinés à rester paisiblement dans leur bras de rivière. Ils voudront très tôt gagner le large et, comme le poisson de la fable, visiter des pays nouveaux.

 

Nous organisons techniquement la possibilité pour nos élèves de déborder le milieu vivant qu'est notre école afin d'approfondir leurs connaissances et d'élargir leur expérience.

 

Nous y parvenons par la correspondance interscolaire organisée sur la base des techniques Freinet du journal scolaire et de l'Imprimerie à l'École.

 

Nous faisons plus que d'échanger des lettres banales ou de publier des articles littéraires à la mode des grands journaux périodiques. Ce que nos écoles s'offrent mutuellement, c'est le film de leur vie, dont les éléments ont été consignés, par le texte libre, dans les journaux scolaires et, éventuellement, sur la bande du film ou sur la cire du disque.

 

Il est un principe général : je n'apprécie et ne comprends vraiment le travail du jardinier, du maçon ou du chauffeur que si je ne me suis pas contenté d'étudier du dehors ces professions, mais si je les ai vécues.

 

Nos enfants sentiront et comprendront d'autant mieux le film de la vie de leurs correspondants qu'ils ont au préalable vécu et réalisé eux-mêmes, dans leur milieu, un film analogue. Ils comparent spontanément leur village, leur climat, leurs maisons, leurs travaux, aux jeux et aux cultures de leurs correspondants répartis un peu partout en France. C'est cette comparaison vivante et permanente qui enrichit l'esprit, cultive le bon sens, forme la personnalité. L'instruction et l'éducation perdent leur forme scolastique pour accéder à la dignité de la culture humaine.

 

Ajoutons que cet échange interscolaire est doublé et complété par :

l'échange de lettres personnelles ou de photos ;

l'échange de colis et de documents divers ;

l'échange, aux vacances, des enfants eux-mêmes.

 

Nous insistons sur le fait que l'usage de nos techniques, la pratique du texte libre, la rédaction du journal scolaire manuscrit, polycopié ou imprimé, les échanges interscolaires au sein des équipes diversifiées que nous constituons sont décisifs pour engager les instituteurs dans l'étude instructive du milieu local, sans exercice formel ni scolastique.

 

D'autres, nous le savons, vous prendront par la main pour vous mener dans des chemins qu'ils disent efficients et où vous ne trouverez que routine et mort. La pédagogie nouvelle ne se construit pas avec du verbiage. Nous vous offrons des techniques éprouvées, du matériel et des ouitls, une expérience et une organisation coopérative qui vous conduiront avec certitude vers cette vie dont la pédagogie - même officielle - commence à comprendre l'inéluctable nécessité.

 

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Troisième étape de notre travail

 

Nous vous avons révélé les bases ; nous vous avons indiqué le moyen de diriger vers l'école le bras de rivière où les poissons pourront évoluer dans des conditions normales et où votre action pédagogique sera alors d'une éminente portée.

 

Mais, même dans ce milieu normal, il est des techniques qui vous aideront à mieux parvenir à vos fins de culture. Nous ne nous contentons pas d'enregistrer des documents, des scènes de vie du film local. Au cours de nos travaux communs, des questions surgissent, des besoins de connaissances s'affirment, des intérêts nouveaux naissent des correspondances. Nous y répondrons par :

 

1° Les enquêtes dans le milieu

 

a) Menées par toute la classe et groupées autour d'un centre d'intérêt fonctionnel ;

b) Ou par des équipes accidentelles ou permanentes :

qui vont visiter sur place chantiers, artisans, usines, champs ;

qui amènent parfois - forme nouvelle de l'interprétation de l'École et du milieu - dans la classe même paysans, ouvriers, artistes, artisans, voyageurs...

 

L'enquête vivante est une des caractéristiques de l'École Moderne. Par elle, l'École plonge toujours plus profondément dans le milieu.

 

Ces enquêtes aboutissent, dans la plupart des écoles, à des monographies du plus haut intérêt, éditées, imprimées et diffusées par les coopératives scolaires.

 

2° Les enquêtes par correspondance

 

Les enfants prennent l'habitude d'écrire, lorsque le sujet l'exige, à des directeurs de service ou de musées, à des administrateurs de firmes diverses qui, en général, sont tout à la fois étonnés et fiers du recours qu'ils reçoivent ainsi d'enfants qui étaient jusqu'à ce jour confinés, loin des choses sérieuses, dans les jeux et les devoirs.

 

3° Les enquêtes à travers les livres et les fiches

 

Même quand l'enquête sur place, menée comme il est indiqué ci-dessus, est particulièrement éfficiente, il est nécessaire de l'élargir et de l'approfondir encore par l'appel aux oeuvres graphiques des générations qui nous ont précédés. Mais encore faut-il que ces oeuvres graphiques soient à la portée des enfants.

 

C'est ce souci d'adaptation qui nous a poussés à la réalisation de notre Encyclopédie scolaire coopérative, Bibliothèque de Travail, Fichier scolaire coopératif, Fiches à projection fixe et animée, Disques.

 

Bibliothèque de travail ou Fichier Scolaire Coopératif sont aujourd'hui suffisamment connus. Il n'y aura bientôt plus d'écoles françaises qui n'en soient pourvues.

 

4° Tableaux de synthèse

 

Il est bon que les enfants s'habituent à grouper en un tableau de synthèse l'essentiel des études complexes qu'ils auront ainsi menées sur un sujet donné.

 

La mobilité de nos fiches permet la réalisation rapide, et à peu de frais, de ces tableaux de synthèse.

 

5° Conférences

 

Tout comme l'adulte qui se passionne pour un travail spécial et aime à communiquer les résultats de son travail, soit dans un rapport, ou dans un livre, soit dans un exposé, nos enfants font des conférences.

 

Comme pour les adultes, ces conférences supposent d'abord enquêtes dans le milieu, chez les correspondants, par lettres à diverses personnalités ; par la documentation ensuite dans le Fichier scolaire Coopératif et la Bibliothèque de Travail. Elle s'accompagne d'exposition préalable de documents et se termine par une séance de critique.

 

Mais, encore une fois, ne comptez pas réussir dans ce domaine si vous ne possédez le matériel indispensable et si vous ne connaissez le mode d'emploi optimum de ce matériel tel que nous permet de vous le préparer notre longue expérience.

 

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Comme on le voit, nous ne nous contentons pas d'affirmations théoriques plus ou moins logiques et sûres. Nous montrons expérime,ntalement les voies pratiques qui permettent aux éducateurs, avec certitude, de s'orienter vers une culture axée sur le milieu local d'abord, élargie ensuite à la connaissance d'autres milieux similaires.

 

La science physique et chimique s'acquiert exclusivement par expérimentation (enquêtes), comparaison des résultats obtenus avec ceux d'enquêtes similaires menées ailleurs, synthèse des résultats obtenus.

 

La science pédagogique agira de même par enquêtes dans le milieu immédiat et dans les milieux éloignés, par comparaison des connaissances nées de ces enquêtes et synthèse générale.

 

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Voici, replacée dans un cadre pédagogique dont vous sentez la solidité et l'harmonie, la grave question de l'étude du milieu local.

 

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DEUXIÈME PARTIE

 

CONSEILS PRATIQUES POUR CHACUNE DES DISCIPLINES

 

I. HISTOIRE LOCALE

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Certains départements auront plus spécialement à étudier dans leurs conférences pédagogiques: Les méthodes actives dans l'étude du milieu local pour l'enseignement de l'histoire.

 

Ce que nous venons de dire suffirait presque pour aiguiller les éducateurs. Cependant, pour encourager les débutants, et pour convaincre les sceptiques, nous allons donner ici quelques renseignements complémentaires.

 

Si les pédagogues connaissaient vraiment les principes fondamentaux de la pédagogie, ils se seraient aperçus depuis longtemps de la monstruosité des méthodes qui prétendent devancer ou dépasser le processus normal de la conception historique.

 

Le monde de l'enfant est d'abord limité à sa maison, puis à sa rue, à son village, à sa vallée. À mesure qu'il se développe et que s'enrichit son expérience, il veut connaître toujours plus loin, par delà le fleuve ou la montagne.

 

Sur un plan à peine différent, il faut considérer que l'enfant vit dans le présent et dans le proche avenir, mais que le passé est pour lui sans profondeur. Cette profondeur est fonction de l'expression vivante.

 

Vouloir donner à un enfant qui n'a encore aucun sens du déroulement des ans et des siècles, des connaissances historiques précises, est tout simplement une hérésie. Nous pourrions donner ici tout un livre édifiant sur les erreurs cocasses - et pas seulement chez les tout-petits - nées de cette hérésie.

 

Tous les éducateurs comprennent certainement avec nous que l'enseignement prématuré de l'histoire est toujours inefficient, donc dangereux. Et, jusqu'à ce jour, l'enseignement de l'histoire à l'École primaire a toujours été scandaleusement prématurée.

 

Voici ce que doit être - et ce que peut être selon nos techniques - l'enseignement de l'histoire:

 

PLAN GÉNÉRAL D'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE BASÉE SUR L'ÉTUDE DU MILIEU

 

1°ÉTUDE DU MILIEU LOCAL

 

(selon notre méthodologie générale: par texte libre, centres d'intérêt, par enquêtes, conférences, etc...)

 

a) La vie ambiante selon les saisons ;

b) Comparaison d'une année à l'autre ;

c) Comparaison entre les générations : la vie des parents, la vie des grands-parents, les vieux du village ;

d) Étude du passé plus lointain tel qu'il reste inscrit de façon sensible :

- dans la mémoire des hommes (contes, devinettes, légendes, etc...) ;

- dans les coutumes ;

- dans les archives ou les vieux papiers ;

- dans les constructions, dans le bois et dans les pierres ;

- dans les monuments.

 

Par nos techniques, nous prospectons méthodologiquement ce milieu. Nous publions le résultat des enquêtes, les documents particulièrement révélateurs.

 

Et ainsi, par une méthode sensible, sans aucune scolastique, l'enfant approfondit sans cesse, avec sûreté, son sens historique sans que s'émousse, au contraire, cette curiosité historique qui est si naturelle à la nature humaine et dont l'atrophie ou la disparition sont une des graves condamnations de l'enseignement traditionnel.

 

2° Étude d'autres milieux locaux

(selon la technique décrite dans notre partie générale)

 

Des comparaisons se font spontanément dans l'esprit de l'enfant avec ce qu'il a constaté autour de lui: différences dans les coutumes ou les légendes, dans l'architecture, dans les modes de vie aux diverses époques. C'est cette différenciation qui sera décisive pour la naissance, dans l'esprit de l'enfant, de ces plans échelonnés qui jalonneront avec sûreté le passé historique.

 

3° Technique d'approfondissement systématique de l'étude de l'histoire

 

A) Histoire générale.

 

Lorsque l'enfant a ainsi pris conscience de l'échelonnement de ces plans historiques, il s'agit de l'aider à donner à chacun de ces plans la figure juste qu'ils doivent avoir.

 

Il faut que nous parvenions à ce que l'enfant à qui on parle de Henri IV, par exemple, puisse situer dans leur plan véritable les événements correspondants ; qu'il voit se lever dans son esprit, en une fresque complexe le mode de vie des habitants de cette époque, leur habillement, leurs moyens de communication, leurs techniques de travail et leur culture.

 

Pour aider à cette reconstitution, nous avons entrepris coopérativement la réalisation d'une collection Bibliothèque de Travail : Chariots et carosses, Diligences et Malles-Postes, derniers progrès, Les anciennes mesures, Histoire du Livre, Histoire du Pain, Histoire de la Navigation, Histoire de l'Aviation, de l'Habitation, de l'Éclairage, de l'Automobile, de l'École...

 

Nous continuerons cette série et nous préparons notamment une importante histoire des métiers et des outils de travail pour laquelle nous mobiliserons des milliers d'Écoles françaises.

 

Les documents ainsi publiés, ceux recueillis ou copiés par la prospection des élèves eux-mêmes seront collés sur fiches de notre Fichier Scolaire Coopératif et s'en iront reprendre leur place normale dans l'histoire des siècles où nous les retrouverons quand nous en aurons besoin.

 

Les fêtes folkloriques, les reconstitutions historiques, les chants du folklore, le théâtre, - éventuellement le Cinéma et la Radio, - complèteront mensuellement ces techniques s'ils apportent à la conception des plans historiques des précisions artistiques ou sensibles de la plus grande valeur éducative.

 

B) Histoire événements et dates.

 

Nous n'en sous-estimons pas l'importance, qui ne saurait être cependant la première, qu'on lui a donnée jusqu'à ce jour. Pour la raison pratique et de bon sens que voici : nous pouvons, à n'importe quel moment, dans des livres ou dans des dictionnaires, retrouver dates et faits précis dont nous avons besoin alors que nul ne nous donnera le sens historique, la conception essentielle des plans de vie sur lesquels nous pourrions échelonner les événements. Sans sens historique, il ne saurait y avoir d'acquisition historique logique et durable.

 

4° Synthèse

 

À partir d'un certain âge d'ailleurs

- aux environs de la treizième année

- lorsqu'on est en mesure de sentir et d'appécier le lent et profond déroulement des siècles, l'histoire événements et dates s'imposera presque comme ces bornes qu'on pose le long des routes pour en sérier, en marquer et en distinguer l'uniforme ruban.

 

Pour ce travail-là, nous recommandons notre Chronologie d'Histoire de France, série de fiches où les siècles ont été partagés en échelons de vingt-cinq années, sur lesquels on inscrit les événements correspondants au fur et à mesure qu'ils s'imposent à notre connaissance.

 

Ces événements joueront alors vraiment, dans le déroulement historique, le rôle des bornes sur les routes : à la fois connaissance et repères.

 

L'Histoire ainsi comprise :

Est conforme au processus de conception historique de l'enfant ;

Elle a des assises dans la vie même, dans la vie familière, dans la vie du milieu, dans les souvenirs inscrits dans l'oeuvre des hommes ou les accidents naturels et sociaux ;

Elle ne descendra plus d'en haut, de la conception trop savante d'hommes de science qui, oubliant leur propre histoire, prennent à rebours l'initiation nécessaire. Notre histoire montera d'en bas, du berceau, de la famille, de la rue, du village, de la ville, jusqu'à la conception générale de l'histoire nationale et internationale.

 

Inutile de dire qu'elle sera efficiente ;

 

Mais surtout elle cultive le sens historique au lieu de l'annihiler. Les enfants que nous aurons ainsi formés ne sauront certes pas tout en quittant l'école, mais ils possèderont et le cadre sûr et définitif à garnir, et le goût, et l'enthousiasme pour les choses historiques.

 

Nos enfants seront des historiens. Je crois que nous ne pouvons pas imaginer en ce domaine, de plus définitive conquête.

 

On lira avec profit pour ce chapitre :

FONTANIER : L'histoire vivante (brochure d'Éd. Nouvelle Populaire, 10 fr).

Toutes nos fiches d'histoire de notre F.S.C. Seront également d'un grand secours pour l'organisation du travail selon les directives que nous venons de donner.

 

Les brochures Enfantines suivantes : Quenouilles et Fuseaux, La bête aux sept têtes, Histoire du chanvre, La famille Loiseau-Loiseau, L'École autrefois, Houillos ou la découverte de la houille.

                    

II. – GÉOGRAPHIE

 

Tout ce que nous avons dit de l'enseignement de l'Histoire est intégralement vrai et valable pour l'enseignement de la géographie.

 

Plan d'Études

 

A) Étude du milieu local.

 

La première étape de l'enseignement géographique est nécessairement et naturellement l'étude du milieu local, du village, de son ruisseau, de ses montagnes, de ses collines, de ses fontaines, de sa végétation, de ses habitutations.

 

C'est l'ABC, semble-t-il, de tout enseignement historique. Et, comme pour l'histoire, on peut s'étonner de l'aveuglement séculaire des pédagogues qui se sont obstinés à prendre l'enseignement par l'autre bout et à s’épuiser à des explications théoriques ou intellectuelles qu'un simple examen des phénomènes naturels proches de l'École aurait fait comprendre lumineusement.

 

C'est l'histoire – hélas! pas ancienne - d'enfants qui étudient par coeur, dans les manuels encore en usage, la définition d'un golfe, d'un cap, d'une presqu'île ou d'une île (un golfe est un morceau de mer qui s'avance dans les terres... une île est un morceau de terre entourée d'eau de toutes parts). Alors qu'il suffirait de mener les enfants sur le pas de la porte pour leur faire contempler un golfe ou une île ; ou que, à défaut, il serait si simple d'extraire du fichier 10, 20 documents photographiques de golfes, de presqu'îles ou d'îles pour faire comprendre et sentir, bien mieux que par l'explication verbale, ce que nous devons enseigner à nos enfants.

 

L'étude, donc indispensable, de la géographie locale, se fera :

 

Spontanément, par les textes libres ;

 

Plus méthodiquement, par enquêtes, sorties, visites, pour répondre aux nombreuses questions que posent les correspondants.

 

C'est ainsi que, dans tous les journaux scolaires, se trouve au début de l'année une étude géographique plus ou moins développée du village et de la région - étude qui constitue la présentation aux correspondants du milieu vivant autour de l'École.

 

B) Deuxième étape.

 

Étude de la région géographique de nos correspondants en partant des documents vivants que notre correspondance nous apporte : textes libres, photos, cartes, enquêtes, réponses aux questions.

 

C) Troisième étape.

 

Approfondissement méthodique de cette initiation géograhique par : expériences, tableaux de synthèse, cartes, plans, graphiques.

 

Nous utilisons avec profit pour ce travail :

 

Nos brochures Bibliothèque de Travail : Dans les Alpages, La Forêt, La Hollande, Le Zuyderzée.

Des centaines de brochures B.T. De géographie sont en préparation dans le cadre de notre Institut. Leur publication se fera au fur et à mesure de l'achèvement.

Nos brochures Enfantines, toutes consultées et lues avec grand intérêt par les enfants : À la pointe de Trévignon, Yves le petit mousse, Émigrants, Un déménagement compliqué, Histoire d'un petit garçon dans la montagne, Au pays des neiges, Sur le Rhône, Pâtre en Auvergne, Saute-Rocher, Diou Sambou, enfant du Sénégal, etc...

Notre Fichier Scolaire Coopératif.

 

S'il est un domaine où cet instrument moderne est pratique et efficient, c'est bien celui de la géographie.

Tout devient éducatif : recherche de documents, collage, classification, abondante documentation sur tous les sujets.

Grâce à nos réalisations, les leçons de géographie deviennent inutiles. La vie, la documentation, la recherche enrichiront nos élèves plus que les plus minutieuses des méthodes pédagogiques.

 

D) Cet enseignement sera encore enrichi par : la photo, les cartes postales, le film à projection fixe (voir notre catalogue), le film animé, les voyages entre écoles correspondantes.

 

E) Tout travail vivant selon nos techniques est l'occasion d'une initiation plus ou moins profonde. À ce sujet, nous recommandons la pratique suivante : les enfants ramassent, collectionnent et amènent à l'École toutes les étiquettes qu'ils peuvent se procurer. On étudie alors, collectivement ou par équipe, les produits essentiels à notre approvisionnement ainsi que le chemin parcouru par chacun d'eux.

 

Comme pour l'histoire, nous terminerons en disant : c'est par de tels procédés qu'on forme les vrais géographes, ceux qui, avec toute leur curiosité native et tout leur enthousiasme, ont appris à lire dans la nature, à lire sur les cartes, à raisonner droit et juste, et donc à savoir mieux s'orienter dans un monde que les moyens techniques raccourcissent tous les jours.

 

III. - SCIENCES

 

L'enseignement des sciences supporte moins encore peut-être que celui de l'Histoire et de la Géographie, le verbiage traditionnel.

 

Il nous serait facile de rappeler, en puisant dans l'oeuvre des grands hommes de sciences, qu'il ne saurait y avoir de sciences autrement qu'expérimentales. Et l'expérimentation suppose en tout premier lieu la connaissance intime, vitale, des éléments de l'expérimentation.

 

Notre plan d'enseignement des sciences ressemblera à ceux que nous avons établis pour l'histoire et la géographie dans les chapitres précédents.

 

Plan de Sciences

 

1° Étude du milieu local :

Connaissance parfaite du milieu, des phénomènes physiques, chimiques et naturels qui nous entourent et qui seront les éléments premiers de l'expérimentation subséquente.

 

Le processus est toujours le même :

a) Étude suggestive et sensible du milieu par le texte libre.

b) Observation plus méthodique des phénomènes ambiants : enquêtes, questions, études individuelles et par équipes, conférences, tableaux de synthèse.

c) Expériences élémentaires :

 

Nous avons donné pour ce travail conseils et directives dans les brochures de Puget : La classe exploration, Technique d'étude du milieu local.

 

Nous commençons ce mois-ci la publication de fiches établies par nos amis Faure et Guillard pour une Technique Moderne de Travail scientifique.

 

Ces fiches apporteront des indications méthodologiques précises basées justement sur l'étude élémentaire du milieu local.

 

2° Connaissance d'autres milieux et d'expériences faites dans d'uatres écoles, avec des éléments différents, par la correspondance interscolaire nationale et internationale.

 

3° Documentation par les livres, les fiches de notre F.S.C.

 

Nous avons publié déjà un certain nombre de brochures B.T. Utilisables pour cette discipline : Les abeilles, Le sel, L'or, Ce que nous voyons au microscope.

 

Plusieurs centaines de brochures semblables sont en préparation dans notre Institut et constitueront sous peu le plus splendide instrument de travail qu'on puisse imaginer.

 

Les brochures Enfantines vous seront, elles aussi précieuses : Au pays de la soierie, Les charbonniers, Les petits pêcheurs, Au pays de l'antimoine, Ânes et mulets, Les Deux Perdreaux, Christophe, Porsogne, Les enfants de Coco, Biquette, Les têtards des Bérudières, etc...

 

Les fiches du F.S.C. :

Il suffira de lire dans notre brochure Le Fichier Scolaire Coopératif la liste des fiches parues pour se rendre compte de l'abondante et précieuse documentation scientifique qu'elles apportent dans nos écoles.

 

4° Expérimentation complexe grâce au matériel scientifique dont la C.E.L. prépare la réalisation.

 

Car, dans ce domaine, plus encore que dans les autres, les mots, si éloquents soient-ils, sont impuissants à apporter aux élèves dans nos écoles, les possibilités d'expérimentation scientifique et complexe sans laquelle il n'y a pas de véritable enseignement scientifique.

 

La C.E.L. travaille méthodiquement à la préparation de ce matériel. Nous allons tout de suite mettre à la portée des écoles une partie importante de ce matériel par la mobilisation scientifique de toutes les coopératives scolaires qui, sous notre direction, produiront le matériel de base qui enrichira nos musées et nos laboratoires.

 

Les perspectives d'un tel enseignement sont enthousiasmantes. Nous faisons appel aux éducateurs pour nous aider à parfaire matériel et technique. Nous aurons plus fait ainsi, par nos réalisations techniques, que les plus ingénieux des théoriciens scolastiques.

 

 

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Doit-il avoir un ordre formel d'acquisition ?

 

Comment satisfaire aux programmes ?

 

Nous connaissons d'avance quelques-uns des griefs qu'on va faire à notre documentation.

 

D'autres, direz-vous, nous présentent des directives précises où rien n'est oublié, des emplois du temps, des plans-types de leçons. Vous nous avez donné des indications pour un travail que nous croyons en effet efficient ; mais cette vie, cet intérêt que vous nous demandez de conserver, d'entretenir, d'exciter chez l'enfant, sera-t-il suffisant pour nous permettre de passer en revue, pendant les quelques mois de l'année, toutes les questions du programme ?

 

Nous pouvons aujourd'hui rassurer nos lecteurs.

 

Vous êtes le médecin inquiet en face d'un enfant qu'on lui amène parce qu'il a perdu l'appétit et maigrit. Le médecin édicte avec une précision savante et minutieuse le détail des mets à offrir, et à imposer s'il le faut, au malade, leur poids, leur présentation, leur mode d'emploi, la façon scientifique de régler la diversité et l'équilibre que la nature de l'enfant semble impuissante à retrouver.

 

On connaît les résultats décevants de ces pratiques.

 

Pendant ce temps, d'autres thérapeutes usent de techniques qui ménagent et stimulent en l'enfant l'appétit naturel vital. Et l'enfant mange au gré des saisons les fruits et les aliments variés qui répondent à ses besoins. Et lorsqu'on mesure cette diversité, on s'aperçoit qu'elle est tout aussi scientifique, sinon plus que la diversité artificielle et tyrannique des autres médecins.

 

Nous donnons de l'appétit. Ou plutôt nous maintenons et stimulons cet appétit. Nous le satisfaisons par le courant souverain d'une vie que nous avons faite au maximum complexe, riche et diverse. Quand, à la fin de l'année, nous analysons notre travail, que nous le résumons en tableaux et statistiques, nous nous apercevons avec étonnement qu'il répond à peu près parfaitement à nos besoins essentiels d'acquisition tels que les ont prévus la pédagogie nouvelle et les programmes officiels.

 

S'il se trouve que certains chapitres ont été insuffisamment étudiés et approfondis au gré des instructions et des inspecteurs qui sont chargés de les faire respecter, de deux choses l'une :

 

Ou bien vous estimez qu'il n'y a rien là de catastrophique puisque vous avez réussi l'essentiel : vos enfants sont devenus des historiens curieux, des géographes sensés, des hommes de sciences ingénieux... Ils ont envie de travailler, ils éprouvent le besoin de travailler. La vie est longue encore devant eux. Ils sauront parer aux faiblesses momentanées d'une instruction que nous avons le tort de vouloir trop tôt encyclopédique. Ou bien, pour des raisons non spécifiquement pédagogiques, ces acquisitions vous paraissent indispensables : pour un examen, pour les Inspecteurs ou pour les parents. Vous expliquerez aux enfants cette nécessité, qu'ils comprennent mieux que vous ne croyez. Et ils étudieront d'eux-mêmes, sous votre direction, par les anciennes méthodes du verbalisme scolastique, les questions pour lesquelles un trou se serait creusé dans votre enseignement. Nous appelons ce genre de leçon : Bouche-trou.

 

Vous pouvez être assuré que le résultat de ces leçons bouche-trou ne sera en tous cas pas plus mauvais que celui de l'ensemble des leçons que vous faites d'octobre à juillet dans vos classes. Et vos enfants n'y auront été soumis qu'accidentellement.

 

Par nos pratiques, complétées par l'utilisation vivante de nos Plans de Travail, nous apporterons aux instituteurs une technique précise et méthodique qui nous permettra de réaliser enfin l'École par la vie, pour la vie, dont le grand Decroly avait jeté les bases et qui est en passe de modifier, par un renouveau pédagogique sans précédent, l'École Moderne Française.

 

 

C. FREINET.

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