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Théoriciens et Pionniers de l’Education nouvelle
J.HUSSON – directeur de l’Ecole Normale de Charleville (Ardennes)

(publié auparavant dans le n°19 de l’Educateur du 1er juillet 1946)

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Avant-propos

 

Faisant une tournée de propagande en Amérique du Sud pour l'Education Nouvelle, leDr Ferrière s'entendit poser la question suivante à de multiples reprises :

 « Pourquoi avez-vous tant de méthodes différentes en Europe et aux Etats-Unis ? Montessori, Decroly, Kerschensteiner ; programmes viennois russes et turcs ; écoles du travail allemandes, communautés scolaires de Hambourg, plan d'Iéna, méthode Cousinet de travail par équipes ; aux Etats-Unis, méthode des projets de John Dewey, Plan Dalton de Miss Parkhurst, méthode de Winnetka de Carlton Washburne, sans parler des écoles de Gary, de Platoon et d'une multitude d'autres. De toutes ces méthodes plus célèbres que connues, laquelle selon vous est la meilleure ? »

 « Je répondais : « Aucune n'est la meilleure. Toutes sont des aspects partiels de l'école active. Toutes conviennent à certains types d'enfants mieux que ne leur conviennent les autres méthodes. Et surtout chacune convient le mieux... à celui ou à celle qui l'a créée ! » (1)

 (1) FERRIÈRE - L'Ecole sur mesure à la mesure du maître. 1931, Genève, chez l'auteur.

 C'est un peu la même question que pourraient proposer les lecteurs de notre Panorama d'ensemble sur les Mouvements d'Education Nouvelle. En analysant les mouvements convergents qui avaient contribué à alimenter le grand courant de I'Education Nouvelle, nous avons cité bien des noms d'éducateurs, de théoriciens et de praticiens des choses de l'éducation. Certains nous reprocheront même d'avoir cité trop d'étrangers et pas assez, de Français. L'amour-propre est chatouilleux chez certains maîtres et il est assez fréquent qu'on adresse aux partisans de l'Education Nouvelle le reproche de vouloir introduire en France des méthodes étrangères. Les défenseurs intransigeants de la pédagogie française oublient que le monde de la pensée s'universalise de plus en plus et spécialement le domaine des sciences. Les nations vont-elles se disputer pour savoir qui a inventé la T.S.F. la Pénicilline et même la bombe atomique ? Dans    la chaîne des découvertes scientifiques où tous les maillons se tiennent, les savants de divers pays ont chacun leur place marquée. De même en pédagogie ; en plein XVIIIe siècle, époque de la prépondérance française, J.J. Rousseau écrit son « Emile » qui aura encore plus de retentissement dans les pays de langue allemande qu'en France. C'est à cette source que puiseront Pastalozzi et Froebel. Les travaux de deux médecins français, Itard et Seguin, demeurent à peu près inconnus de leurs compatriotes jusqu'à ce que leur héritage soit recueilli par Mme Montessori et par Decroly. Les fameuses enquêtes Sociales de Le Play et de l'Abbé de Tourville ont largement inspiré la méthode de Survey (étude du milieu) de P. Geddes. Et inversement, l'esprit de Pestalozzi reparaît avec Freinet, la méthode de Montessori se greffe sur celle de l'école maternelle française, Demolins de l'école de la science sociale n’aperçoit toute la valeur de l'éducation nouvelle qu'après un séjour en Angleterre chez Cecil Reddie.

 N'ayons donc pas de préjugés nationalistes. Si nous tentons de classer les pionniers de l'Education Nouvelle ce n'est ni pour décerner des prix, ni pour satisfaire notre orgueil national, mais c'est pour revenir sur la diversité des points de vue en Education Nouvelle, pour magnifier le rôle des « découvreurs », limiter la portée des systèmes et mettre en évidence la part qui revient aux personnalités.

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I - Théorie et Pratique

 

Chacun a encore présentes à l'esprit les railleries dont on a souvent accablé l'auteur de « l'Emile ». Comment peut-on se mêler d'écrire un traité d'éducation après avoir mis soi-même sa progéniture aux enfants trouvés, se débarrassant ainsi d'un devoir qu'il eût été si facile et si doux de remplir quand on manifeste un tel intérêt pour la pédagogie et qu'on dogmatise, avec tant d'aisance pour donner des règles d'action à tous les précepteurs ? Pourtant ce­genre d'ironie n'a jamais fleuri que chez les publicistes et les ennemis de Rousseau, Dieu sait s'ils sont nombreux ! Rousseau figure dans tous les programmes d'études pédagogiques et l'Education Nouvelle, plus encore que l'enseignement officiel, a tenu à dire ce qu'elle devait à ce « Copernic de la pédagogie » (voir en particulier l'ouvrage de Claparède sur « l'Éducation Fonctionnelle », Delachaux éditeur, et la thèse, monumentale du P.Ravier sur « l'Education de l'Homme Nouveau », publiée chez Spes.) Pourquoi ? C'est que nous connaissons mieux aujourd'hui qu'autrefois les caractéristiques de l'éducateur et que nous sommes arrivés, à fixer la différence qui existe en éducation entre les dons théoriques et pratiques, sachant bien qu'il n'est pas donné à tous de les posséder en même temps et que, cependant, les uns et les autres sont nécessaires.

 Certes, la grande figuré de Pestalozzi rayonnera toujours dans le monde pédagogique parce qu'il sut allier en lui la vocation d'éducateur, la largeur de vues du théoricien et enfin cet art inimitable qui fit de lui le Père des communautés de Stanz et d'Yverdon l'éveilleur des enfants et des maîtres qui se pressaient autour de lui.

 Quand on cherche parmi les modernes qui lui ressemblent le plus, on ne voit que quelques noms à citer ceux du Dr Decroly et de la Doctoresse Maria Montessori tout d'abord. Mais cependant, si grand que soit notre respect pour l'un et pour l'autre, nous sentons bien qu'il leur manque encore quelque que chose. Decroly eut, certes, un grand amour de l'enfance et une généreuse bonté, il vécut au milieu des enfants à l'Ermitage, leur donna souvent des leçons ; le théoricien, toutefois, l'emportait sur le pédagogue et Decroly laissa le travail proprement scolaire à ses disciples. Il y a dans « L'enfant », une flamme, un sens psychologique et un lyrisme qui apparentent l'auteur de cet ouvrage à celui  de « Comment Gertrude instruisit ses enfants », mais Mme Montessori, elle aussi, à la Maison des enfants, agit par personnes interposées. Par contre le besoin d’être « le maître » se retrouve chez Bakulé pauvre de dons théoriques mais riche de tant de cœur ; chez lui nous retrouvons sans amoindrissement la hantise sociale du maître d'Yverdon se sacrifiant pour les Orphelins de Stanz. Il fallut toute la bonté incommensurable de l'Instituteur tchèque pour lui permettre de fondre en une communauté d'adolescents artistes, les pauvres petits des bas-fonds de Prague. Quant à ceux qui connaissent Vence et oui y ont vu, la régénération des pauvres gosses venus de la banlieue de Paris ou échappés aux horreurs de la guerre civile, espagnole, ils ne s'étonneront pas que Freinet se place sous le signe de Pestalozzi et écrive :

 « Mais l'aliment essentiel qui est à la base de nos fécondes réalisations, l'idée qui m'a guidé et qui ­reste la lumière infaillible de nos méthodes, c'est Pestalozzi, qui m'a aidé à m'en préciser la valeur et la portée pédagogique et humaine.» (L'Educateur, n° 9 du 1er février 1946, p.168).

 Les articles donnés chaque quinzaine à « l'Educateur Prolétarien », puis à « l’Educateur », les ouvrages déjà parus ou à paraître sous sa signature, toute cette abondante production pédagogique inspirée par l'expérience de l'Ecole de Vence, sont la preuve que Freinet est capable d'une activité sur les deux plans théorique et pratique.

 Des exceptions comme celle-ci ne font que confirmer l'observation que Kerchensteiner formulait ainsi

 « Le type théorique et rationnel est rarement uni au type social, car ce dernier est un type irrationnel et intuitif. Celui qui éprouve le besoin d'amasser des connaissances ou d'ordonner systématiquement le contenu toujours, nouveau et toujours changeant de sa pensée, ressent comme une lourde charge les mille petits soucis qui constituent la vie de l'éducateur. De même, la préoccupation d'étudier l'enfant de façon systématique, ne se combine pas aisément avec l'attitude pédagogique. » - (H. Huguenin, « Education et culture d'après Kerschensteiner », Flammarion éditeur, p. 236).

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II - Les Théoriciens

 

C'est en dehors du monde pédagogique proprement dit que nous trouverons les théoriciens de l'éducation. Les raisons de ce fait sont extrêmement simples. Nous en donnerons deux : N'importe qui s'accordera avec nous pour constater que l'attitude pédagogique n'est pas le privilège de l'instituteur ou du professeur. Tout être humain préoccupé de la réalisation des valeurs scientifiques, morales, religieuses ou esthétique, s'attache inévitablement à la formation des personnalités et au problème de la culture. Et, d'un autre côté, tout psychologue, qui étudie les lois du développement de l'homme, les facteurs internes de son évolution et les facteurs externes qui la favorisent ou la contrarient est naturellement amené à formuler des règles pédagogiques. Le philosophe, donc, le politique et le psychologue sont par necessité forcés d'écrire des traités sur la culture, des utopies pédagogiques et des thèses de psycho-pédagogie. Et il en sera toujours ainsi, parce que la pédagogie demandera toujours à la philosophie de lui indiquer les valeurs vers lesquelles il faut conduire l'homme, à la politique et à la sociologie de lui définir l'homme social à façonner et à la psychologie les principes de la Connaissance de l’enfant et les modalités de l'activité psychique. Nous avons déjà vu, dans notre première étude, que c'était sous influence des grands courants de pensée du XIXe siècle qu'était née la Pédagogie Nouvelle. Quels sont donc les maîtres qui ont le pus contribué à cette, évolution.

 

1° Les philosophes

 

Un fait frappant et qui ne manquera pas de nous surprendre, c'est de constater à quel point, en général, les philosophes d'aujourd'hui ont peu médité sur les questions de l'éducation. Après avoir entendu l'oracle de Delphe   et poussé par son démon, Socrate était allé à la rencontre des poètes, des artisans, des marchands et des marins pour leur enseigner à quêter la vérité. Il était persuadé que l'esclave pouvait la trouver aussi bien que le plus noble des citoyens. Mais entre tous les habitants de sa, cité, il préférait encore s'adresser aux jeunes gens. Le premier sans doute il a su comprendre à la fois la beauté de l'idée et le beau vivant d'où ce noble désir de l'incarnation des valeurs dans les personnes et cet appétit du rôle de médiateur. Ce sentiment profond que nous, rencontrons chez tous les poètes-pédagogues est ce que l'on peut appeler « l'éros pédagogique ». Il est le fruit d'une aptitude toute spéciale, celle qui consiste à se sentir vivre dans un autre et à s'éléver en commun vers les hauteurs spirituelles.

 

Platon, dans ses dialogues, a dépeint magnifiquement cette forme de la sympathie et cette voie sur laquelle Socrate s'engage en même temps que Phèdre. Ces sages resteront éternellement les inspirateurs des véritables

éducateurs et spécialement de ceux qui cherchent la vie à l'encontre, de la scolastique mortelle. On trouvera, toujours chez eux l’émotion devant la révélation de l'enfance et de la juvénilité naissante, l'admiration pour la nature créatrice des belles formes et animatrice de la spiritualité ; le don généreux de la vérité chèrement acquise par l'expé­rience personnelle. La renaissance du plato­nisme au XVIe, siècle n'est certainement pas étrangère à cette floraison d'admirables écoles d'artistes dans lesquelles maîtres et élèves travaillaient ensemble en s'élevant jusqu'aux sommets de l'art (2).

 

(2) Se reporter sur ce point aux relations de Léonard de Vinci et de son élève Giovanni, telles qu'elles ont été dépeintes par Merejkowski dans Le Roman de Léonard de Vinci, Bossard, éditeur.

 

Pestalozzi, nous l'avons vu, fut un homme vivant et il sut, à travers son protestantisme, retrouver l'idéal scolastique. Il n'eut, hélas, pour l'appuyer, aucun philosophe et il est assez curieux de constater que son contemporain Kant allait à sa place régenter, la pédagogie pendant plus qu’un siècle grâce à une oeuvre froide et toute théorique. Les pédagogues allèrent au philosophe de Koenigsberg  au lieu de s'adresser à ses disciples qui comprirent mieux le problème. Fichte tout d'abord. Dans la première note de son « Edu­cation Nouvelle », Mme Angela Medici fait justement remarquer que c'est dans le « Dis­cours à la nation allemande » que nous rencontrons  pour la Première fois le terme d' « éducation nouvelle ». « L'auteur, écrit­-elle, se sert à plusieurs reprises de la for­mule éducation nouvelle pour définir, conformément à sa philosophie, un idéal qui tend à éveiller le progrès régulier de l'ac­tivité spirituelle spontanée et libre et dont la nation allemande se trouverait destinée à transmettre le message au monde). (E.N.p. 1).

 Nous savons maintenant quel danger présentent de pareilles tentatives quand les politiques s'en mêlent. Reconnaissons, toutefois, que nourris par l'universalisme français du XVIIIe siècle, d'autres philosophes allemands surent développer admirablement le concept de culture et parler de l'éducation en platoniciens. Schopenhauer, le premier, lui qui disait que « La vérité est cherchée pour elle, pour soi et pour autrui. Mais qu'il faut l’élaborer pour soi, au lieu de chercher de prime abord à la destiner à autrui » (3). Nietzsche, ensuite, qui débuta dans la philosophie par une remarquable étude, sur « Schopenhauer éducateur » qui figure dans ses « Considérations inactuelles ». Mais surtout Goethe dont les « Années d'apprentissage de Wilhem Meister », et « Les années de Voyage de W. Meister » devraient être l'un des livres de chevet de tous ceux, qui s'intéressent à la pédagogie nouvelle. La « province pédagogique » qui est si longuement décrite par Goethe en ce dernier ouvrage, est une transposition de ce que le poète avait pu observer à Hefwyl Suisse chez M. de Fellenberg. Létablissement de Hofwyl était aussi une école nouvelle, beaucoup mieux organisée qu'Yverdon, mais le Directeur était un homme froid et à principes, dépourvu de la chaleur qui animait Pestalozzi.

 

(3) SCHOPENHAUER : Le monde comme volonté de représentation, Préface.

 

Hélas, il est plus facile de comprendre les systèmes que les pédagogies vivantes.

 En France, le philosophe Maine de Biran été considérablement intéressé par la méthode de Pestalozzi. Il entreprit de cor­respondre avec lui puis, avec un disciple envoyé par le maître, il fonda une école pestalozienne à Bergerac en 1808. Maine de Biran ne fit le voyage de Suisse qu'en 1822 ; à cette date, l'Institut d'Yverdon avait fortement décliné... Maine de Biran fut forcé de le constater et après une visite à Hofwyl, il nota dans son journal : « M. de Fellenberg m’offre presque la réalisation de mon idéal » (4). Quel dommage que la rencontre se soit effectuée trop tard, le psychologue de l'effort sous les incitations de Pestalozzi eut certainement été amené à appliquer à  la pédagogie sa théorie de l'intelligence puissance et énergie active. Un siècle avant Dewey, Biran aurait développé tout au long cette idée que le but de l'instruction n'est pas tant de donner une certaine somme de connaissance que d'éveiller les facultés et enseigner à l'élève l'usage de son propre esprit. N'a-t-il pas écrit :

 « Les systèmes d'éducation les plus ordinaires, tendent à alimenter une imagination précoce en lui offrant l'espèce d'idées et de fantômes les plus propres à la séduire ; et en s'attachant surtout à développer la mémoire des signes, ils font contracter des habitudes mécaniques. On réussit bien ainsi, il est vrai à grossir le magasin des images et des mots, mais aux dépens de ces facultés essentielles d'attention et de réflexion qui sont comme les nerfs ou les agents de la vie intellectuelle. 

 

(4) GUILLAUME : Pestalozzi, p. 245, 246.

 

Si l'on donnait, au contraire, une importance première au développement des facultés, on arriverait à des résultats tout différents. On ne se bornerait plus à orner, pour ainsi dire, la surface de l'esprit, on en cultiverait le fond. De la sorte, on n'y verrait plus naître, il est vrai, de fleurs précoces, mais le terrain serait bien préparé, il serait disposé à recevoir toutes les semences, de productions utiles, elles y pousseraient des jets forts et vivaces » (5).

 

(5) Maine de Biran et le problème de l'éducation-communication de Paul Duproix au Congrès de Philosophie de 1904. Recueil des travaux du Congrès.

 

A notre époque, nous ne pouvons que regretter également que Bergson, après avoir écrit « Les deux sources de la morale et de la religion », ne se soit pas penché sur le problème de l'éducation. Plusieurs pages de « La pensée et le mouvant » - (p. 105 à 109), à propos du travail manuel, nous permettent de deviner avec quelle rare pénétration leur auteur aurait pu conduire ses investigations dans notre domaine. Bergson est passé sans donner une théorie de la pédagogie « ouverte » qu'il aurait opposée aux pédagogies « closes », mais sa pensée a nourri les hommes de sa génération.

 Quand un Ferrière écrit « Le progrès spirituel », il se réfère sans cesse à l'auteur de « l'énergie spirituelle » et de « L'évolution créatrice ». N'oubliez pas non plus que Romain Rolland est un frère de Bergson ; « Jean Christophe » et « L’âme enchantée » sont des épopées spirituelles, le grand roman « pédagogue » de notre temps, dont on commence à peine à entrevoir l’immense portée.

 Sans développer longuement ce qui mériterait de l'être, disons simplement que cette philosophie bergsonienne a dégelé la pédagogie embourbée dans le kantisme et dans le cartésianisme. L'erreur de Descartes qui, au début de son « Discours sur la méthode », se propose de corriger toutes les erreurs de l'éducation scolastique qu'il avait reçue, a été de croire à la toute puissance de la méthode, donc d'une règle impersonnelle. Son exemple est admirable parce qu'il, fut un grand esprit vivant mais la recette, dont s'est emparé le cartésianisme inspirateur de toutes les méthodes d'enseignement scientifique, s'est révélée impuissante à construire des hommes. Contre cela, la réaction bergsonnienne vient à temps :

 « Pourtant, si encyclopédique que soit le programme, ce que l'élève pourra s'assimiler de science toute faite se réduira à peu de chose, et sera souvent étudié sans goût, et toujours oublié. Nul doute que chacun des résultats acquis par l'humanité ne soit précieux ; mais, c'est là du savoir adulte, et l'adulte le trouvera quand, il en aura besoin, s'il a simplement appris, à le chercher. Cultivons plutôt chez l'enfant un savoir enfantin, et gardons-nous d'étouffer sous une accumulation de branches et de feuilles sèches, produit des végétations anciennes, la plante neuve qui ne demande qu'à pousser » (6).

 

(6) BERG EON : La pensée et le mouvant,  Alcan, p. 107.

 

2° Les réformateurs sociaux

 

Tout auteur d'une utopie politique est presque inévitablement amené à concevoir un nouveau système d'éducation capable de rendre les hommes sociables et vertueux. Rousseau, en un sens, fut l'un de ces utopistes et « l'Emile » est une conséquence naturelle des réflexions du « Discours sur l'origine de l'inégalité ». Son roman pédagogique constitue une oeuvre compensatrice par laquelle il cherche à améliorer le sort de l'humanité. L'autre volet est constitué par le « Contrat social ». Ce qui fait la valeur d'une telle utqpie, c'est son messianisme, sa puissance d'action mythique qui, pour un temps, polarisera l'attention de l'humanité dans un certain sens.

 Il fallait cette «révélation» pour que les hommes adultes apprennent à voir l’en­fant sans déformations, tel qu'il est vérita­blement. Certes, le temps n'est plus des « rêveries » sur l'éducation à la Rousseau mais nous ne pouvons pas méconnaître tout ce que la pédagogie doit à leurs géniales intuitions. Mais enfin ce sont des intuitions et nous avons précisé dans notre première étude que l'intérêt pour  l'enfant s'était mué en une véritable recherche scientifique, entreprise à la fois par la psychologie et la pédagogie expérimentales. C'est là que nous allons trouver (en y mettant les réserves indiquées par Mme Montessori) les colla­borateurs indispensables de l'Education Nou­velle. Leur espèce fera-t-elle disparaître complètement la postérité de Rousseau ? Cela n'est pas sûr et n'est pas même souhaitable car elle contribue à donner de l'élan au mou­vement, à l'engager dans des voies neuves et à agir puissamment sur les éducateurs eux-mêmes. Nous citerons ici deux continua­teurs de Rousseau qui ont eu le grand mérite d'ouvrir des écoles, nouvelles. Le comte Léon Tolstoï fut l'un de ces « mystiques » de la pédagogie. Il fonda une école en 1849 dans sa maison de Iasnaïa Poliana et prit souvent Plaisir à y enseigner.

 Tolstoï est comme J. J. Rousseau un ennemi de la civilisation et un admirateur de la bonté originelle qui ne se retrouve que dans l'enfant. Il dénonce nos prétentions à vouloir lui imposer un idéal de beauté, de bonté et de vérité alors qu'il porte en lui-même l'harmonie de cette beauté, de cette bonté et de cette vérité. Le grand principe de l'éducation devient donc : laisser agir la nature, permettre un libre développement. L'enfant est laissé libre d'apprendre ou de ne pas apprendre, aucune sanction n'est jamais infligée. L'Ecole de Iasnaïa Poliana a fonctionné jusqu'à la mort de Tolstoï qui eut tout le loisir pendant plus d'un demi-siècle de corriger par l'expérience ses théories trop absolues, d'y étudier avec soin un très beau programme d'activités manuelles et artistiques et enfin de tenter des expériences qui annoncent déjà celles de Freinet : « La grammaire sera pure affaire d'enseignement mutuel, les petits camarades épiant, tandis qu'il écrit, celui des leurs qui rédige une phrase, en s'empressant de signaler ses lapsus au passage et de proposer leurs corrections » (7).

 

(7) BALDENSPERGER : Tolstoï maître d'école. revue péclagogique, 1911, p.9.

 

Si l'influence de Tolstoï semble s'être limitée aux frontières de son domaine patriarcal, il n'en est pas de même de celle d'un polémiste allemand vigoureux qui exalta la jeunesse et condamna avec des formules violentes l'éducation traditionnelle et la famille. Ce disciple de Hegel, Wyneken voulait orienter « l'école sur l'absolu et non sur les nécessités de la vie traditionnelle ». L'école libertaire qu'il fonda à Wickersdorf sombra après une courte période brillante, mais Wyneken resta, pour la jeunesse allemande d'avant la guerre 1914-1918, un guide auréolé d'un très grand prestige. Il joua sans contredit le rôle le plus important dans la fondation de la Jugendbewegung et son esprit ne fut pas étranger à la formation et à la direction des libres communautés scolaires de Hambourg (8).

 

(8) SCHMIDT : Le maître camarade et la pédagogie libertaire, Delachaux.

 

 

3° Psychologues

 

En introduisant à la suite des philosophes et des réformateurs, sociaux les noms de quelques psychologues, nous ne prétendons pas faire une revue complète de tous ceux qui ont étudié l'enfant et ont pensé en même temps servir directement la cause de la pédagogie. Dans le cadre étroit de cette étude, nous ne pouvons que citer les plus grands : Stanley Hall aux Etats-Unis, auteur d'innombrables enquêtes sur l'adolescence, résumées dans un ouvrage classique non encore traduit en français. C'est lui qui fonda en 1893 la « National Association for the study of Children » et dirigea le « Pedagogical Seminary ». Un effort semblable au sien, mais dans un esprit tout différent, est celui d'Éduard Spranger qui, en 1924, a donné un ouvrage de tout premier ordre sur la « Psychologie des Jugendsalters ».

 Un jeune professeur de Suisse Romande, Jean Piaget, est sans doute celui qui a apporté la plus forte contribution à l'étude de l'enfant. Depuis 1924 se sont succédé sans interruption de nombreux ouvrages tels que « Le jugement et le raisonnement chez l'enfant », « La représentation du monde chez l'enfant », « La causalité physique chez l'enfant », « Le jugement moral chez l'enfant », « L'idée de nombre chez l'enfant », « Le langage et la pensée chez l'enfant » qui constituent une somme d’observations d'une importance considérable. J. Piaget, qui est aujourd'hui professeur à l'Université de Genève, avait été précédé à ce poste par Claparède, dont la « Psychologie de l'enfant », quoiqu'ancienne, reste classique et dont « L'éducation fonctionnelle » est la meilleure des productions.

 L'école viennoise de psychologie a apporté une contribution importante à la connaissance du jeune âge. Ne mentionnons ici que les noms d'Adler, de Charles et de Charlotte Bühler, auxquels il faudrait tout au moins associer le nom de Stern pour les pays de langue allemande.

 Le mouvement n'est pas moins riche en France, mais dominant tous les noms des Simon, Wallon, Pierron, Guillaume, Bourjade, etc., Alfred Binet apparaît comme le plus remarquable de nos psychologues tant par le souci qu'il a eu de fonder la pédagogie expérimentale en France (Laboratoire annexé à l'école de la Grande aux Belles) que par la création de la méthode des tests qui donne Ces éléments précis et objectifs pour l'exploration de la psychologie des enfants.

 Parmi les psychologues que nous venons de citer, plus d'un a eu non seulement le souci d'étudier l'enfant en général, mais aussi celui de prendre contact avec le milieu scolaire soit afin d'obtenir la collaboration des éducateurs, soit pour avoir un plus large terrain d'investigation, soit enfin pour vérifier expérimentalement des hypothèses et trouver, des applications aux théories. L'exemple de Binet, principal fondateur de la Société libre pour l'étude psychologique de l'enfant grâce à l'appui de F. Buisson. (Cette société créée en 1900 est devenue, depuis, la société A. Binet), a pour pendants La National Association for the Study of Children (1893) déjà citée, la Child Study Assoéiation anglaise et la Verein für Kinder Psychologie de Stumpf, fondée en 1899. A ces sociétés fut réservé le travail de propagande auprès des éducateurs et des parents.

 Dans les Instituts se fit la recherche : Ecole expérimentale annexée en 1896 par Dewey à l'Université de Chicago, institut Rousseau, dit des Sciences de l'Education d'études psychologiques et de pédagogie expérimentale à Leipzig, (1906), Institut J. J. à Genève (1912), Ecole pratique de psychologie et de pédagogie annexée à l'Université de Lyon depuis 1945. La plus célèbre de, toutes ces institutions est sans conteste l'Institut des sciences de l'Education rattaché à l'Université de Genève.

 Des psychologues et des pédagogues de grande  valeur, formant équipe, ont contribué à sa renommée : P. Bovet, Claparède, J. Piaget, Dottrens. Une Maison des Petits annexée à l'institut permet aux élèves les stages pratiques, l'enseignement et l'observation de l'enfant travaillant en liberté. Nombreux sont les directeurs et directrices d'écoles, les assistants de laboratoire, les éducateurs d'anormaux, les orienteurs professionnels, les jardinières d'enfants qui, instruits par les cours et les stages de l'Institut J.J. Rousseau ont contribué à répandre, dans le monde l'esprit et les méthodes de la nouvelle éducation scientifique. Cet enseignement universitaire nouveau représente une tendance générale de la science contemporaine qui éprouve le besoin de passer de la théorie, à la pratique et à la technique...

 Le cas le plus typique est certainement celui de John Dewey : qu'à dessein nous n'avons pas voulu ranger parmi les philosophes. La philosophie intéresse peu Dewey qui ne discute pas les idées dominantes de son siècle ni les prétentions de la civilisation américaine. La caractéristique essentielle de son oeuvre est celle d'une psychologie orientée vers l'éducation. On trouve chez lui une croyance bien ancrée en la toute puissance de l'éducation destinée à faire de libres citoyens dans une démocratie libre. Le concept de culture est tout à fait étranger à Dewey. Il faut donc d'abord que l'école crée une ambiance sociale. Il faut, en, outre, que l'école organise la liberté des élèves et leur permette, par l'effort intelligent, d'apprendre à penser. Elle peut y arriver par la création de l'ambiance et en donnant l'autonomie aux écoliers. Il est à remarquer que Dewey ne dit presque jamais rien de l'éducateur. Son attention se porte sur les écoles bien aménagées, les ateliers outillés d'une façon moderne, les laboratoires pour enfants, les techniques éducatives précises comme celles de Winnetka. Sa méthode, au fond, vise à influencer la vie de l'enfant d'une manière extérieure et toute scientifique. Certes, l'Education Nouvelle doit beaucoup à ses ouvrages « Comment nous pensons », « Les écoles de demain », « L'Ecole et l'enfant », mais enfin il faut demeurer en garde, le milieu n'est pas tout, la technique non plus. Dewey est tout près des behavioristes dont le rêve est de bâtir tout un système éducatif basé sur un dressage infiniment subtil, des comportements montés de l'extérieur. Nous ne sommes pas loin d'une autre utopie. Huxley en a fait le procès dans son attachant roman d'anticipations « Le meilleur des mondes ». 

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III     - Les véritables éducateurs

 

 

1° Les systématiques

 

A. - DE LA THEORIE A LA PRATIQUE

Jusqu'ici nous avons trouvé constamment les études théoriques séparées de la pratique éducative. Dans deux cas célèbres seulement d’éminents psychologues, mûs par un puissant intérêt social suffisamment puissant, ont créé des écoles, les ont fait vivre­et y ont consacré une part très importante de leur activité. Ce n'est pas tant dans le cabinet ou dans le laboratoire qu'il faut les imaginer au milieu des enfants et leur consacrant leur puissance d'amour. Rien ne nous paraît plus significatif que cet hommage rendu à Decroly le jour de sa mort :

« C'est ici qu'il a accueilli tous ceux qui étaient en peine ! Il a été pitoyable aux autres ! Il a tant aimé ! Il a tant consolé le coeur des mères ! C'est ici qu'il a tant donné, tout, toute sa vie.

Il a aimé l'enfant pour en faire un homme de bien.

Il n'a voulu que la paix de toute la force de sa belle âme !

Pour lui, et par son si beau souvenir, aimons aussi la paix qui doit régner entre les hommes. » (9).

 

(9) Mlle HAMAIDE : La méthode Decroly, Delachaux éditeur, préface.

 

On pourrait établir un beau parallèle entre la carrière du pédagogue belge et celle de la doctoresse italienne, Maria Montessori. Tous deux sont partis de l'étude des anormaux continuant la tradition des deux vieux maîtres français, Itard et Seguin, et tous deux ont d'abord consacré leurs recherches au fonctionnement d'Instituts de rééducation. Ensuite, l'un et l'autre ont eu l'idée d'appliquer aux normaux les méthodes qui réussissaient si bien avec les déficients.

 

L'école de l’Ermitage d'Uccle répond à la première « Maison des enfants ». La gloire des deux maîtres grandit à mesure qu'ils développent leur expérience et la vulgarisent par le livre. Des disciples enthousiastes viennent de toutes parts. Des écoles nouvelles surgissent ici et là pendant que le système s'enrichit. Enfin vient la consécration officielle, d'abord nationale, puis mondiale. La Belgique, adopte l'école Decroly comme l'Italie les Maisons d'enfants. Les expériences des autres nations s'enrichissent de tout ce que Decroly et Montessori ont apporté de nouveau : l’Angleterre, l'Amérique et les Pays-Bas voient se multiplier les écoles montessoriennes ; Decroly est le conseiller scolaire de la Turquie, de la Russie et de la Colombie. Tous deux, en somme, représentent les psychologues qui sont allés de la théorie jusqu'au bout de la pratique. Découvrant le caractère global des représentations enfantines, Decroly remet en honneur une méthode analytique de lecture. Ayant étudié de près le développement du langage et compris l'intérêt que l'enfant porte à l'exercice de la parole, il ­lie indissolublement l'apprentissage de la lecture à la pratique du langage. Decroly se rencontre avec Dewey sur l'importance qu'il faut accorder à l'exercice de l'intelligence, aussitôt il préconise l'étude du milieu basée sur l'observation, l'association et l'expression. Grand spécialiste enfin de l'étude de l'affectivité chez l'enfant, Decroly met à la base de ses programmes les centres d'intérêt choisis en fonction des besoins de l'enfant.

 

Mme Montessori, à première vue, semble avoir adopté un, terrain d'observation beaucoup moins vaste ; elle est surtout connue pour sa méthode d'éducation sensorielle par l'utilisation dun matériel auto-correcteur. C'est là son système. On oublie un peu trop qu'elle à su révéler des aspects essentiels de la psychologie enfantine : le goût de l'ordre, le besoin d'harmonie et celui de création, la puissance d'invention et de concentration, les périodes d'extrême sensibilité. Partant de là, elle a recommandé aux institutrices une attitude difficile à acquérir parce qu'elle exige qu'elles sachent observer l'enfant, se mettre à son école, le respecter, lui créer une ambiance d'harmonie et de beauté. Toutes choses qui ne se codifient pas et qui, cependant sont essentielles à la pédagogie montessorienne.

 

B. DE LA VOCATION AU SYSTEME

Decroly et Mme Montessori ont mérité une audience universelle, mais, à côté d'eux, d'autres éducateurs ont eu des vues originales qui ne le cèdent guère en importance et en nouveauté à celles de ces deux grands maîtres. Nous les rangerons à part parce qu'ils ne sont pas venus des horizons de la science pour s'annexer le domaine, de­l'éducation. Suivant une marche inverse, ils ont, voulu couronner par la science, leur oeuvre pédagogique. Ils ont été professeurs avant d'être psychologues ou philosophes, ce n'est qu'après avoir exercé pendant des années qu'ils se sont décidés à codifier leur expérience.

 

Rien de plus typique à cet égard que la biographie de Kerschensteiner. Kerschensteiner semblait destiné à devenir un modeste maître d'école, après avoir fait, dans un séminaire allemand, ses études pédagogiques. Curieux et intelligent, il sentit, après deux ans d'exercice, le besoin de parfaire sa culture ; il fit donc deux années de gymnase (Lycée), puis il étudia les mathématiques à l'Université de Leipzig. En 1893, il devient professeur de mathématiques ; deux ans après, il enseigne les sciences naturelles ce qui est l'occasion pour lui de repasser encore une fois la porte de l'Université afin d'y étudier la physiologie. Kerschensteiner sera toujours à la fois étudiant, pro­fesseur et chercheur, car il réfléchit sur les méthodes d'enseignement, transforme sa classe et proteste courageusement contre la routine scolaire. A 40 ans, devenu conseiller scolaire de la Ville de Munich, il rénove l'enseignement professionnel en l'établissant sur la base du travail pratique, puis élargissant sa conception, il se fait l'apôtre de l'Arbeits-schule ou école du travail. Il s’agit en fait d'école active et sociale. L'expérience de Kerschensteiner, bien que menée par d'autres voies, rejoint celle de Dewey. Nourrie par l'étude et la méditation, de la philosophie contemporaine, elle s'exprime, à partir de 1900 et jusqu'à la mort de Kerschensteiner, en 1932, dans une série d'oeuvres puissantes et neuves, très nombreuses qui constituent l'un des monuments pédagogique de notre temps.

 

En parallèle avec l'oeuvre de Kerschensteiner, nous pourrions mettre celle de Lombardo-Radice, qui fut instituteur lui aussi, puis théoricien de la pédagogie et qui, finalement, eut entre les mains encore plus de moyens d'action que le pédagogue allemand quand le philosophe Gentile l'appela pour prendre la direction de l'enseignement primaire au Ministère de l'éducation italienne. Mais l'oeuvre de Lombardo Radice est déjà beaucoup moins riche que celles de Kerschensteiner, sa philosophie moins puissante. Il fut moins tenté par les aspects théoriques de la pédagogie et on lui doit d'avoir été plutôt le pionnier luttant pour les doctrines nouvelles.

 

Le Dr Ferrière nous pose un autre cas, celui de la conversion du pédagogue en représentant attitré de la doctrine de I'Education Nouvelle.

 

Il commença sa carrière pédagogique auprès de Lietz à Ilsenburg en 1900. Pendant deux ans, tant à Ilsenburg qu'à Haubinda, il fut le collaborateur zélé de Lietz, qui en était à sa période héroïque de fondation des premières écoles nouvelles à la campagne. En 1902, Ferrière s'en vint fonder Glarisseg, en Suisse, avec la collaboration de Frei et Zuberbühler. Mais il n'y resta pas longtemps. Comme l'avait fait Kerschensteiner, il consacra 6 années à l'étude de la philosophie, de la morale et de la religion. Il ne revint pas à la pédagogie sauf, plus tard, de 1913 à 1920, période pendant laquelle il s'intéressa au Foyer scolaire de Blonay avant de diriger l'école nouvelle de Bex, de 1920 à 1921. Animé d'un très large esprit de tolérance, curieux de toutes les réformes, ayant un pouvoir inépuisable de sympathie en même temps que le don d'attirer la sympathie sur les autres, Ferrière est devenu le vulgarisateur de toutes les tentatives novatrices en même temps que le théoricien le plus écouté de l'école active. Au centre de sa production, nous mettrons « Le progrès spirituel »,« La pratique de l'école active », « La liberté de l'enfant à l'école active », «Trois pionniers de l'éducation nouvelle », et « l'Autonomie des écoliers ». Les pédagogues ont reconnu les services éminents rendus par Ferrière à la cause de l'Education Nouvelle ; ils lui ont confié des postes importants à la tête de la Ligue internationale pour l'Education Nouvelle et du Bureau international d'Education. Il a présidé de nombreux congrès internationaux. Telle est donc cette belle oeuvre qui   a été un facteur d'unité pour le mouvement de l'Education Nouvelle, oeuvre essentiellement génevoise qui, comme toutes celles qui naissent sur les bords du Lac Léman sert à la fois la paix et le rassemblement des hommes de bonne volonté.

 

C. - DANGERS DE LA POSITION SYSTEMATIQUE

Quand on considère uniquement l'œuvre de Decroly ou de Mme Montessori, on hé­site à parler de système, pour l'un comme pour l’autre, il s'agissait de créations vivantes, se développant certes d'une manière logique, cherchant des normes et des prin­cipes d'une validité universelle mais toujours soumises au contrôle de l'expérience, prêtes à être assouplies, modifiées au cours de l'action, subissant des révisions continuel­les, suscitant la critique des disciples. Mais hélas, les disciples ont souvent ceci de pro­pre qu'ils s'agenouillent devant les maîtres, sclérosent les pédagogies vivantes, les immo­bilisent en durcissant les cadres. Le nombre des montessoriennes conformes à l'idéal de l'auteur de « La Maison des enfants » est relativement faible ; on attend toujours d'elles une continuation de la méthode au-delà du cours élémentaire et des observations vécues qui corrigeraient la systématique des psychologues de laboratoire. Decroly a été adopté officiellement en Belgique ; les decrolyens véritables s'insurgent aujourd'hui contre la généralisation abusive de la méthode des centres d'intérêts et le respect outrancier des plans de travail rédigés pour l'école de l'Ermitage. Il y a là un phénomène en quelque sorte inévitable, celui de la dégradation objective. L'oeuvre que les grands créateurs ont jetée dans le monde toute brûlante encore du feu de l'esprit, perd sa flamme quand elle passe en des mains étrangères ; avec le temps, elle devient souvent un corps inerte et le bloc de lave refroidie ne laisse pas soupçonner qu'autrefois il fut une coulée dor incandescent.

 

Le danger est encore bien plus grand quand on considère les « purs systèmes » ou techniques ainsi que les méthodes particulières. Les maîtres risquent alors de limi­ter leurs efforts, de s'enfermer dans une voie unique et étroite, de prendre l'instru­ment pour l'activité de l'esprit qui doit s'en servir. Les Etats-Unis surtout nous offrent des « systèmes ». Des équipes d'instituteurs,  réunis autour de pédagogues compétents ont collaboré avec eux, à l'édification de techniques qui  s'appellent :

          La méthode des projets de Dewey de Kilpatrick.

            Le plan Dalton de Miss Parkhurts.

          Le système de Winnetka de Carlton Washburne.

En France, nous pourrions leur comparer :

          la méthode du travail par équipes de Cousinet

             les coopératives scolaires de Profit.

 

A part Carlton Washburne, dont le système s'est efforcé d'être une synthèse, les autres pédagogues cités nont présenté que des points de vue sur l'éducation, points de vue suggestifs certes, mais ce n'est pas en partant d'eux que l'on peut construire toute entière la véritable, éducation nouvelle.

 

2° Les intuitifs et les artistes

 

Il nous reste à étudier une dernière classe de pédagogues : ceux du type intuitif, les artistes. Ils ne cherchent pas à s'enfermer dans des formules, à codifier leur manière de faire, à se justifier dans des livres. Leur école leur suffit et l'atmosphère de création favorisée par la liberté du maître et celle des élèves. On pourrait les appeler les « in­dépendants de la pédagogie ». Ils sont sus­pects à l'école officielle et surtout aux autorités. La  vie de quelques-uns d'entre eux a été un long combat. Il leur faut arracher la consécration du monde et même quand elle leur est donnée, en les tient encore un peu à l'écart comme s'ils disposaient d'une véritable puissance démoniaque (au sens socratique du mot. Socrate ne fut-il pas d'ailleurs le véritable maître en ce sens ?) Leur action est entièrement fondée sur la puissance de l'ère pédagogique. Ils tiennent de près aux mystiques dont nous avons parlé plus haut. Deux d'entre eux nous présentent d'ailleurs un cas curieux. Ils se destinaient aux études théologiques et ils conquirent les plus hauts grades dans les facultés de théologie protestante, et anglicane.

 Hermann Lietz (1868-1919) et Sanderson (1857-1922) se destinaient tous deux à être pasteurs. L'un et l'autre, leurs études ache­vées, comprenant le divorce profond qui sépare l'idéal religieux de la vie véritable, des aspirations de leur époque et spéciale­ment des classes populaires et actives, em­brassent la vie pathétique de fondateurs d'é­coles et de réformateurs de l'éducation. Tous deux s'attachent à l'adolescence. Her­mann Lietz fonde les écoles de Ilsenbourg (1898), Haubinda (1901), et Bierberstein (1904); Sanderson, à partir de 1890, réforme profondément le Collège d'Oundle. Ces deux grands pédagogues eurent encore ceci de commun qu'ils allèrent à la jeunesse sans préjugés, qu'ils lui accordèrent une entière confiance et qu'ils lui donnèrent l'adminis­tration de l'école et même, en partie, le choix et l'organisation des études. Le Direc­teur n'était que le premier dans ces commu­nautés de jeunes gens, l'âme ardente qui rayonnait sur tous, le « pasteur » encore qui montrait la voie, enflammant le zèle des jeunes et leur ouvrant les profonds horizons de la vie intérieure par des entretiens exal­tants (les conférences de Sanderson et l'heure dite de « chapelle » à Haubinda). Ils furent donc, au plein sens du mot, des maîtres de culture noble et désintéressé

 « Cherchez à pénétrer la pensée des grands maîtres du monde, disait Sanderson. Créez-vous une bibliothèoue, quelque humble qu'elle soit et apprenez à l'aimer... Vous n'ignorez pas le nom que Ruskin donnait aux livres : il les appelait « un trésor de roi ». Purifiez votre coeur, développez votre intelligence, consumez tout ce qu'il y a en vous de vil, préparez-vous à entrer clans ce palais - palais d'un monde nouveau, qui ne s'ouvre que devant le travail et devant le mérite. Nulle richesse ne peut corrompre, nul artifice ne peut tromper le gardien du ­palais des nobles pensées... » (10).

 

(10) WELLS : Un grand éducuteur moderne, Sanderson, Alcan, édit., p.169.

 

Hermann Lietz, de son côté, fit réellement vivre ses jeunes gens dans l'ambiance du romantisme allemand. Goethe et Schiller lui servaient constamment pour révéler aux jeunes gens les voies ascensionnelles de la culture et le miracle de l'épanouissement des personnalités. La sagesse de Lietz comme celle de Sanderson, offrait un perpétuel modèle de vie héroïque et contagieuse. Blessé profondément, Sanderson, par la mort de son fils aîné tué à la bataille des Flandres, Lietz par un incendie qui détruisit Haubinda après Bieberstein et consuma toute son oeuvre écrite, ils trouvent des paroles admirables pour continuer à exalter devant leurs jeunes gens la vie et l'effort.

 Le parallèle s'arrête seulement quand on compare les modèles de culture qui furent   proposés à Oundle et à Haubinda. Lietz était davantage tourné vers le passé et la grande culture classique, Sanderson vers le progrès et la poésie de la science. Mais ces deux cultures avaient une égale valeur aristocratique parce qu'elles étaient soutenues par la conviction du pur de la personne humaine et de son génie créateur. Qu'elles fussent uniquement applicables à une élite, il faut en convenir. L'entreprise n'allait pas sans risques d'ailleurs. Lietz trouva toujours le moyen de s'entourer de ­collaborateurs admirables et de recruter son personnel parmi ses élèves. Ses écoles étaient un foyer de vie abondante. Quand la communauté devenait trop riche elle essaimait comme le font les ruches. Ce fut là, la forme de rayonnement d'Haubinda qui fut concurrencée par la suite par l'école de l’Odenwald et par celle de Wisersdorf dans lesquelles Paul Gehheb et Wyneken développèrent leur génie propre.

 Il ne faudrait pas croire que, seule, la bourgeoisie éclairée de notre temps a pu bénéficier d'entreprises aussi hardies.Deux représentants de la culture populaire s'élèvent à la même hauteur que ceux que nous venons de citer. Instituteurs du peuple, formés par l'enseignement primaire, ils ont mis toutes leurs ressources au service des enfants pauvres et déshérités.

 L'un est Tchèque et s'appelle Bakulé ; l'autre est Français et nous le connaissons bien, puisque c'est Freinet, tous deux modernes Pestalozzi. Il n'y a pas de méthode Bakulé, mais un Institut Bakulé, un groupe d'enfants qui est sorti de la plus affreuse misère intellectuelle et morale et qui, embrasé par la force d'amour de l'instituteur, s'est élevé jusqu'aux sommets de l’art musical et de l'art plastique. La république d'enfants constituée par de tels prodiges est allée s'agrandissant sans cesse. Avant la guerre de 1939, elle n'avait pas d'autre ambition que de s'étendre de plus en plus loin pour faire régner partout les joies de l'art et les béatitudes de la paix.

 Vence fut aussi un asile. Les gosses des faubourgs parisiens, empoisonnés par les toxines de la ville moderne, les orphelins espagnols chassés de leur pays par la guerre civile, les fils des fusillés de Marseille y ont trouvé des moyens de guérison et puis, après cela, des moyens d'expression. Freinet, lui aussi, se défend d'avoir une méthode, il recommande simplement des techniques de libération, la collaboration confiante du maitre et des enfants. Fils de la Provence, il sait que le peuple porte en lui de vraies richesses, que la civilisation les annihile, mais qu'on peut très vite susciter chez lui, par le travail, la joie de la création qui sera bien vite embellie par les grâces de l'imagination.

 Certes, depuis vingt ans, Freinet écrit sans cesse mais, pour le découvrir, il faut l'entendre lire les « Enfantines » qui sont sorties de son école, modeste et effacé derrière des écrits d'enfants à qui il attribue tous les mérites. Son rayonnement a pris une autre forme que celui de Bakulé. Lentement autour de,lui s'est organisée une coopérative d'Instituteurs (la C.E.L.), rapprochés par les échanges interscolaires, actifs et, désintéressés, préfigure d'un Institut de l'Ecole moderne française, lequel travaille inlassablement à nous doter d'une grande pédagogie populaire.

 Bakulé, en tant qu'éducateur, est un isolé et un solitaire. Freinet est un rassembleur d'hommes. Au-delà des partis politiques et des groupes syndicalistes, il a cherché à grouper les instituteurs décidés à trouver honnêtement et patiemment des solutions aux graves problèmes que les progrès techniques et la décadence capitalistes posent à la vie de l'école. La coopérative d'éducateurs qu'il a fondée, ne perd jamais de vue que la libération de l'enfant n'est que l'un des aspects de la libération humaine. Plus que les groupements d'Education Nouvelle officiels, qui ne s'appuient que trop sur des expériences réalisées en milieu bourgeois, avec des moyens financiers extraordinaires, elle est soucieuse de rechercher dans quelle mesure et par quels moyens l'Education Nouvelle peut obtenir des résultats dans les milieux populaires où, précisément, sévissent la loi de l'exploitation et les conséquences désastreuses de la misère.

 Freinet rappelle sans cesse à. ses collaborateurs le point de vue de l'organisation sociale et leur pose les questions essentielles : dans quelle mesure et par quels moyens précis, par quelles méthodes et selon quelles techniques l'Education Nouvelle peut-elle hâter la venue d'un monde nouveau dans lequel l'organisation sociale, aussi bien que l'organisation scolaire, répondront au maximum aux besoins pédagogiques de la masse des enfants de même qu'aux nécessités vitales de la  masse du peuple ?

 Mme Montessori pose, elle aussi, le problème de la paix humaine obtenue par l'éducation nouvelle, mais elle le fait en termes empruntés à J. J. Rousseau et en vertu d'une idéologie utopique. Profondément influencé par le marxisme, Freinet le formule, en « matérialiste » : Quelles transformations, est-il possible de faire subir au milieu : locaux, matériel et techniques, pour réaliser pratiquement les rêves généreux des pédagogues ? Jusqu'où vont les possibilités de travail de la moyenne des instituteurs pour faire passer dans la réalité quotidienne les vues des Decroly, Montessori, Dewey et autres ? Quelles sont les bases matérielles, les normes de travail qui assurent la libération des enfants et qui, comme il le dit, au lieu de tuer l'esprit exalteront les possibilités vitales, artistiques et sociales des jeunes ? L'heure semble être arrivée où, parti des soucis des instituteurs, servi dans ses expériences, par son tempérament original, resté toujours en contact avec les membres de guildes de travail, n'ayant jamais perdu, ni le sens des grands besoins sociaux de notre époque, ni la perception des réalités essentielles, Freinet est à même de mettre au point le grand plan d'éducation populaire auquel il travaille depuis 20 ans et de dresser sur pied l'Institut de I'Ecole Moderne Française.

 On comprend maintenant pourquoi nous avons opposé les systèmes aux pédagogies vivantes. Elles sont des oeuvres de chair et de sang, des dons faits aux hommes. Lietz, Sanderson, Bakulé, Freinet vont à leur but par la souffrance au lieu de la science. Derrière Lietz, il faut toujours apercevoir le rouge incendie d'Haubinda, les feuillets calcinés de l'oeuvre qui s'envolé au vent. Il faut se représenter la fuite dans la neige de Bakulé entouré de ses enfants chassés de leur premier foyer et entendre le choeur pur des chanteurs qui, de leurs peines, font de la joie. On doit se souvenir de Freinet, assiégé dans son école à l'époque de ses débuts héroïques quand les parents s'alarmaient de la libération de leurs enfants.

 Impossible de comprendre Sanderson si on ne l'entend pas prononcer son « sermon » après avoir vécu une crise de doute terrible : « Nous sommes appelés à un service large et abondant. Dans un passage bien connu, saint Luc nous parle « d'une bonne mesure pressée, secouée et débordante ». Ce sera là notre règle de conduite... C'est dans ce qui est en surplus, dans ce qui est ajouté par le zèle, par l'amour, par l'enthousiasme - et aussi par l'esprit de gratitude - que réside la force vivifiante, l'inspiration, l'énergie qui se communique à ce qu'il y a de plus noble dans l'âme et se transmet au monde extérieur. C'est de la profusion que viennent les révélations nouvelles ». (11) Ce sont ceux-là qui transmettent « la flamme immortelle » (12) qui sont les véritables procréateurs en pédagogie et qui ont une filiation. 

A côté de ces expériences traversées d'ora ges, dues à des miracles de la volonté, combien paraissent paisibles et harmonieuses les créations de quelques maîtresses d'élite italiennes : la baronne Alice Franchetti, Mme Povegliano Lorenzetto, Mme Boschetti Alberti, d'Agno dans le Tessin. On a donné le nom d' « école sereine » à telle de Mme Boschetti-Alberti. Nulle expression ne sembe mieux convenir. Il semble que cette fois la pédagogie ait fait alliance avec la poésie pour créer une oeuvre d'harmonie. Là encore nous sommes devant l'exceptionnel et Ferrière avait raison d'écrire : 

« Quant au summum, l'Ecole sereine d'Agno, avec sa liberté de choix des matières sur la base d'un programme minimum et sa liberté de choix du moment, elle réunit tous les avantages sauf un, sa réalisation est à la portée de bien peu d'entre nous » (13.) 

 Une grande et belle leçon se dégage de tous ces exemples, notamment pour les jeunes. L'important pour commencer n'est pas pour eux de se pencher sur les systèmes, de les étudier, de les comparer et d'essayer de choisir, ils n'y verraient que des contradictions ou de les accorder la synthèse s'avérerait impossible. Ils doivent tourner leurs regards vers les pionniers, vers les modèles des éducateurs. Ils se rendront compte alors qu'il ne faut pas chercher ailleurs pour copier, mais qu'il est nécessaire d’être, d'exister. Ils comprendront que les formules les plus révolutionnaires ne sont rien en pédagogie, sans une vie ; qu'il est bon de se régler non sur ceux­qui sont en avant mais sur ceux qui sont au-dessus. Alors l'oeuvre devient possible et la culture produit tous ses fruits : averti par la psychologie, éclairé par la philosophie, dynamisé par l'élan social élevé par la vocation, l'Instituteur devient capable d'être cet homme nouveau qui sera à l'avant-garde sur le front de l'Education Nouvelle,

 

J. HUSSON.

NB : les notes 11, 12 et 13 ne figurent pas dans l’édition

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BIBLIOGRAPHIE 

 

Les oeuvres essentielles qu'il faut lire pour se familiariser avec la pensée des grands pionniers de l'Education Nouvelle

 

PESTALOZZI : La voix de Pestalozzi, textes tirés de ses oeuvres, choisis et groupés par OTTO MULLER et traduits par ANDRÉ TANNER, Editions Delachaux et Niestlé, Genève, Paris, 1945.

 

MONTESSORI : L'Enfant, traduit de l'italien par GEORGETTE BERNARD, Paris, Desclée et de Brouwer, 1936.

       Pédagogie scientifique : 1. La maison des Enfants ; II.

 

       Education élémentaire, traduction de Mlle R. CROMWELL, Paris, Larousse, s. d. 2 vol.

 

A. FERRIÈRE : Trois pionniers de l'Education Nouvelle Hermann Lietz, Giuseppe Lombardo-Radice, Frantisek Bakulé ; Paris, E. Flammarion, s. d.

 

       Le progrès spirituel, Genève, édition Forum, 192.7.

 

                   L'école active, Genève,  édition Forum, 3e édit., 1926.

 

                   La pratique de l'école active, Genève, édition Forum, 1924.

 

E. HUGUENIN : Education et culture selon Kerschensteiner, Paris, E. Flammarion. 

 

H.-G. WELLS : Un grand éducateur moderne, Sanderson, directeur du Collège d'Oundle. Paris, Félix Alcan, 1929.

 

FREINET : L'Ecole Moderne Française, éditions Ophrys, Vence, 1945.

 

Des références plus nombreuses seront données dans les monographies que       nous consacrerons à chacun des grands pédagogues modernes.

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