Gravure sur zinc

GRAVER un zinc, cela est devenu dans la classe aussi courant que peindre, dessiner aux crayons de couleurs, à la plume,

à la craie ou au stylobille.

Comment cette activité a-t-elle eu droit de cité ?Très simplement : nous cherchions pour l'illustration de nos albums, de nos journaux scolaires une technique facile à réaliser par les enfants de 4 à 6 ans et qui puisse entrer dans nos classes chargées et toujours trop petites. Car il faut tellement de « coins » dans nos classes : celui de la peinture, celui de l'imprimerie, le coin de la musique avec l'électrophone et le poste de radio, le coin des activités ménagères, le coin des plantes, le coin des choses trouvées (feuilles mortes, cailloux, insectes, etc...), le coin des correspondants, etc... Nous devons organiser notre travail de façon telle que les déplacements fréquents et continuels soient évités dans la mesure du possible : outre le bruit et la perte de temps que ces perpétuelles promenades entraînent, elles perturbent l'atmosphère de la communauté-classe, contribuent à l'émiettement du travail et sèment la nervosité. C'est alors que le soir venu, l'éducatrice déçue et survoltée elle aussi, ne trouvant rien de palpable dans tout ce qui s'est fait tout au long de la journée, envisage sans joie le lendemain. Et si nous ne découvrons cette joie, là où elle se trouve, si nous ne permettons pas à l'enfant de nous l'offrir, qui nous donnera, ce lendemain venu, le courage d'ouvrir la porte de la classe ?

Or, il est des moments où il n'est guère possible de soutenir efficacement dans leur effort les quelques huit ou dix enfants qui peignent à la gouache parce que trente ou trente‑cinq autres ont eux aussi besoin de nous. Nous avons pu nous rendre compte que la gravure permettait aux enfants de travailler presque seuls, aussi aisément qu'ils dessinent au crayon gris.

Pourquoi le zinc gravé, alors qu'il est tant de procédés d'illustration : limographe, monotypes, lino, texticroche, cartons découpés... Loin de contester la valeur éducative de la gravure sur lino et ses qualités plastiques, force nous a été cependant de reconnaître que c'est une expression où nos enfants des écoles maternelles réussissent difficilement par le simple fait du maniement des gouges qui demande à la fois : force dans la main et souplesse dans le poignet.

   

Les blessures ont été fréquentes et quelques accidents survenus en cours de travail (d'ailleurs les adultes « avertis » ne se blessent-ils pas aussi ?) nous ont fait abandonner cette technique, qui reste cependant très intéressante pour des enfants plus âgés.

Les monotypes, toutes nos collègues savent en faire réaliser dans leurs classes. Ils permettent tant de variétés : au trait, au pinceau, en noir, en couleurs, ils peuvent illustrer de façon très intéressante : albums, journaux scolaires, envois aux correspondants ou prendre place sous un verre lors des ventes de travaux. Nous reprenons cette technique facile, mise en chantier il y a quelques années déjà, lorsque l'effectif de la classe le permet car les enfants qui réalisent ces monotypes réclament davantage notre présence : les petites mains sont vite maculées, les encres sont à renouveler fréquemment et surtout, le tirage doit se faire dans l'immédiat.

Avec la gravure sur zinc, l'enfant est moins dépendant de l'éducatrice et c'est, avec l'assurance de la réussite et le plaisir que trouvent les enfants en gravant, une des raisons pour lesquelles nous l'avons adoptée.

Ce qu'il faut pour cela ? Peu de chose.
Il suffit d'acheter :

   


- une plaque de zinc : on la trouve chez le quincaillier. On la prend assez grande, d'épaisseur moyenne (0,5 mm au maximum) ;
- un pot de vernis pour métaux séchant rapidement et noir de préférence. Si le vernis est incolore, on a toujours le loisir de le teinter avec du noir de fumée ;
- un litre d'acide muriatique, chez le droguiste.

Il suffit de trouver (si on ne les possède déjà…)

- une brosse à tableaux en soie pour passer le vernis ;
- un vieux pinceau à aquarelle pour étendre l’acide ;
- une bouteille d'essence minérale ;
- une cuvette ;
- une bobine à fil ne servant plus ou une vieille presse à copie (chez les chiffonniers), mais ce n'est pas indispensable : la bobine fait très bien le travail ;
- le matériel à imprimer : plaques à encrer, rouleaux, tubes d'encres de différentes couleurs et papiers.

   

LA PART DU MAITRE.

Découper la feuille de zinc en rectangles de différentes grandeurs afin d'avoir un petit stock à l'avance. Cela se fait aisément à la cisaille ; après quoi on a soin de limer les bords qui, devenus coupants fendraient le papier lors de l'impression. On frotte une face entière au papier de verre ou au tampon Jex, jusqu'à ce qu'elle brille, ceci pour enlever les rugosités qui se trahiraient à l’impression. Puis on passe le vernis en couche pas trop fine. On laisse sécher en moyenne 24 heures.

LA PART DE L'ENFANT.

Le lendemain l'enfant dessine avec une pointe. Jusqu'ici ce qui a le mieux réussi chez nous ce sont les antiques poinçons de piquetage. L'enfant se sert de ce poinçon comme d'un crayon et dessine sur la plaque, ce qui a pour effet de découvrir le zinc aux endroits grattés. Ce sont ces parties découvertes qui vont être rongées par l'acide et ainsi inscrire profondément le dessin dans la plaque.

Plusieurs démarches sont possibles :

- ou l'enfant laisse libre cours à son imagination et dessine sur la plaque comme sur la feuille de papier où il fait chaque jour son dessin libre ;

- ou l'éducatrice lui demande de s'inspirer d'un dessin trouvé dans le dossier des dessins libres, ou dans le Livre de Vie ou dans le cahier. Ce n'est jamais identique à l'original mais avec l'assise d'un dessin déjà fait l'enfant sait mieux où il va et se rend mieux compte de ce qu'on attend de lui. L'important n'est pas de faire « pareil », de reproduire exactement un dessin qui a jailli spontanément, d'un premier jet (c'est chose impossible, même à un adulte). L'important c'est que l'esprit - comme en toute chose - soit respecté. A cela, l'enfant parvient aisément pour peu que l'adulte ait confiance en lui ; certains détails affectionnés particulièrement sur le dessin choisi seront escamotés : l'éducateur doit accepter et comprendre que c'est aussi bien ainsi. Il y aura à nouveau le « miracle » de la réussite et tous les bonheurs qui s'en suivent pour l'enfant... et pour nous à la condition expresse que ce petit d'homme promu créateur se sente aussi libre en gravant qu'en dessinant.

Bien sûr cela suppose une collaboration étroite entre lui et nous :

- Madame,j'ai p'u' d'place pour faire l'oiseau !

- Eh bien, n'en mets pas...

- Madame, là en bas, j'peux faire une petite plante ?

- Mais oui, pourquoi pas...

- Et dans le toit, je mettrai des détails ?

- Si tu veux...

Ou bien alors, l'éducatrice prend l'initiative :

- Tu vois, sur ton dessin, c'était mieux rempli. Sur le zinc, tu as fait beaucoup plus petit et maintenant il y a des trous. Tu pourrais mettre quelque chose ici ou bien là...

« Mettre quelque chose » ... quoi ? nous, ne le savons pas, mais l'enfant dont l'imagination est si fertile, trouvera bien, lui, ce quelque chose et finalement le résultat sera toujours intéressant.

Mais le travail n'est pas fini. Le zinc est gravé, il faut maintenant le faire mordre par l'acide. Cela, dans les classes de petits, c'est nécessaire ment un travail d'adulte. A l'aide d'un pinceau assez gros, on couvre la plaque d'acide. On laisse la réaction se faire pendant quelques secondes puis, lorsque l'ébullition s'atténue, on trempe la plaque dans le récipient plein d'eau préparé à l'avance. On vérifie si tous les traits sont bien mordus (sinon, on remet de l'acide et on baigne à nouveau) puis on enlève le vernis à l'aide d'un chiffon imbibé d'essence : cela s'en va d'autant plus facilement que le vernis est plus frais.

Il n'y a plus qu'à imprimer. La petite plaque de zinc s'encre comme un lino. Une fois encrée, on pose une feuille blanche dessus - en faisant attention de bien cadrer - puis on frotte à l'aide d'une des faces de la bobine (celle qui a le bord arrondi). Celle-ci va se lustrer après quelques tirages et glissera d'autant mieux sur le papier. De temps à autre on peut soulever un coin de la feuille pour vérifier si l'impression se fait régulièrement. Si on a pu trouver une presse à papier, on pose dans la presse le zinc encré recouvert de la feuille du tirage, on charge une épaisseur de papier (vieux journaux ou livre broché) et on descend la vis pour faire pression. Il reste à retirer la feuille bien imprimée. Mais on arrive à des tirages aussi rapides avec la bobine pour peu qu'on attrape du « métier ».

On décore ainsi la première page du journal, on illustre l'un ou l'autre texte ou des albums réalisés en commun, ou encore on réunit tous les tirages d'une année pour les relier en un superbe album que l'on montre à l'exposition de fin d'année.

Enfin, si vous avez de l'argent (la coopérative est quelquefois riche...) vous pouvez confier vos zincs à un imprimeur spécialisé et lui demander de faire un tirage d'eaux-fortes (à ce moment le trait apparaît noir sur fond blanc, le papier allant chercher l'encre dans les creux du zinc) et vous serez fières de votre collection d'eaux fortes originales.

Jeannette DEBIEVE-MARTINOLI,

École Maternelle du Stade - Maubeuge (Nord).

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