La Littérature DES ENFANTS

RIEN QUI VIENNE DE LÀ NE LAISSE INDIFFÉRENT !

Comme nous l’avons rappelé maintes fois et en divers lieux, l’activité courante de l’École Moderne nous a condit à publier en permanence et régulièrement les textes des enfants.

Célestin FREINET, dès qu'il eut créé son journal scolaire, qu'il eut échangé avec la classe de Daniel, en Finistère, qu'il eut rassemblé et convaincu une petite équipe de camarades, n'eut qu'une envie : celle de réunir et relier des textes choisis parmi ceux du quotidien et qu'imprimaient les écoles travaillant à l'imprimerie en une Gerbe, première coorevue d'enfants.

Nous sommes alors en avril 1927. Voilà donc un demi-siècle de cela !

Quelques mois plus tard, en novembre de la même année, naissent les Enfantines : « collection de brochures écrites et illustrées par les enfants ». Bien sûr, on ne parle pas encore de « littérature enfantine ». Mais ces « brochures » contiennent les premiers textes, les premiers récits qui ne sont pas des rédactions, des compositions françaises, des devoirs dont le sujet est imposé par un adulte instituteur ou professeur. La possibilité pour les enfants d'écrire « librement » était alors complètement mise en doute : « Mon pauvre FREINET ! Si les enfants étaient capables d'écrire sans qu'on le leur impose et sans l'avoir appris, on s'en serait aperçu avant toi ! » disait-on à NICE quand FREINET présentait ses « brochures » !

Le n°1 des Enfantines racontait L'histoire d'un petit garçon dans la montagne par les élèves de Ste-MARGUERITE (Hautes-Alpes). Cette histoire avait d'ailleurs paru sous forme d'épisodes dans la Gerbe, imprimée par les enfants eux-mêmes qui en étaient les auteurs.

   

Tout au long de l'histoire du mouvement Freinet s'égrènent les numéros de La Gerbe et ceux des Enfantines. Très régulièrement, ils paraissent jusqu'à 1939 ; au moment de l'arrestation de FREINET, ils se taisent (1940).

À la Libération, chaque titre reparaît après sept ans de silence. Les Enfantines en sont au n°106 le 1er octobre 1945. La Gerbe redémarre sur 1a même lancée en octobre 1946.

Bientôt, il sera nécessaire de fondre ensemble les deux titres dans la Gerbe Enfantine en octobre 1954. Près de 190 numéros d'Enfantines avaient paru. Malheureusement, le stock des numéros qui restaient disponibles fournit l'essentiel du brasier dans l'incendie de la C.E.L. en 1961.

Cette fusion devenait possible et nécessaire parce que le nombre de nos parutions grandissaient et elles ne pouvaient multiplier sans limite. Nous pensions déjà - depuis longtemps - à une belle revue d'art des enfants. Et aussi existait déjà depuis le printemps 1950 une nouvel collection : Albums d'enfants. C'était une publication en couleur ! Parfois même avec cinq ou six couleurs, tirées en lithographie par laC.E.L. elle-même. Il avait fallu creuser le sol de l'atelier pour faire entrer la machine énorme, lourde, lente, où l'on plaçait les pierres sur lesquelles les dessins des enfants et leurs textes avaient été décalqués directement par un technicien du métier.

Cette collection vivait sous forme de souscription coopérative. Nous tirions pour le nombre de souscripteurs et chacun recevait l'album quasi au prix coûtant

C'est que les numéros étaient différents de format, de genre et en nombre de pages nous respections scrupuleusement l'album original réalisé dans une classe.

Cet exemple est unique dans l'édition Pour nos écoles c'était incomparable Mais pour les libraires, des albums format d'importance et de prix différent cela ne faisait pas une édition ni  une collection.

   

Le premier numéro fut LE PETIT NUAGE CHANTAIT lancé comme un ballon d'essai. La souscription démarra avec LE PETIT BONHOMME DÉGOURDI en mai 1950. Près de 35 titres ont paru : parmi eux, le célèbre PETIT CHAT QUI NE VEUT PAS MOURIR que la Guilde du Livre de Lausanne reprit et aussi LE CUEILLEUR D'ÉTOILES dont J. PREVERT disait qu'il ne « se consolerait jamais de ne pas l'avoir écrit ! ».

La collection Albums d'enfants a sombré victime de la technique graphique : la litho n'a pas pu résister à l'avènement de l'offset. Les albums du Père Castor avec de vraies belles photos d'un prix de vente imbattable étaient une concurrence insoutenable.

Cette longue histoire de titres disparus n’a peut-être guère d'intérêt sinon celui de prouver notre entêtement. Celui de porter témoignage de l'existence d'une littérature des enfants. Longtemps niée (comme si longtemps également niée la littérature des femmes...) cette expression n'est toujours pas reconnue...

Car où sont-ils les livres écrits, illustrés par les enfants ? Voilà quelques mois que quelques livres - pas plus de cinq ou six ! - ont paru et déjà depuis dix ans et plus on entend dire que les livres des enfants n'intéressent pas davantage les enfants ! Cela nous rappelle la campagne contre la méthode globale, « cette galeuse » responsable toute entière de la crise de l'orthographe alors qu'on dénombre à peine les classes où elle est pratiquée avec sérieux et compétence. Au contraire, depuis la co-édition existant avec LA NORIA, nous avons des résultats d'enquêtes qui concluent que voilà « une collection qui fait, ô miracle, l'unanimité chez les enfants et chez les adultes, pour le dessin, les couleurs et le texte.

Les enfants y retrouvent un univers qui leur est familier, proche, et les adultes y reconnaissent leurs enfants. La variété des dessins fait que chaque enfant est représenté : celui au trait fin, au dessin fouillé, minutieux et celui qui utilise les larges masses colorées.

Quant au texte, certaines trouvailles sont typiquement enfantines ; pour preuve : la fin de l'histoire de l'ours dans Vire-vire ; je n'ai jamais entendu qu'un enfant, pour résoudre le délicat problème des parentés profondes de l'esprit au-delà de l'épreuve initiatique, ait trouvé tout simplement une parenté de sang, au-delà de toute vérité étroite.

Des enfants (isolés ou en groupe à la maternelle) à qui on avait donné le choix d'un livre parmi une certaine masse, ont choisi des livres de cette collection.

La reconnaissance de leur univers si riche s'est faite d'instinct. »

   

C'est ce que nous appelons : le respect de l'Enfance ! Ce respect inclut pour nous un égal respect pour les oeuvres d'adultes que ceux-ci offrent aux enfants ! Un égal respect des poètes, des auteurs de bandes dessinées. Mais qu'on nous accorde aussi le respect des oeuvres des enfants et des adolescents !

« Ils sont beaux ! » ont dit les enfants.

Et depuis leur arrivée dans la classe, pas un jour ils n'ont été rangés dans la bibliothèque.

Ils circulent : on les regarde, on les lit, on les commente. A première vue, c'est le succès.

« C'est quand même bien de voir des dessins d'enfants dans des livres pour enfants. Les illustrateurs essaient de représenter la réalité de l'histoire. Les enfants, eux, dessinent ce qu'ils voient dans leur tête. Ils dessinent aussi les choses comme ils voudraient qu'elles soient... »

L'histoire préférée est celle de L'Arbre-sorcier :

« Parce qu'elle raconte beaucoup d'aventures comme la fuite de Jérôme et de sa tortue, la traversée de la mer, le pays des médailleux et la fleur à graines à musique. Mais elle finit bien, comme L'histoire du grand soleil de la vie. Il faudrait écrire parfois des histoires qui finissent mal.

C'est l'idée d'Isabelle, mais tous ne partagent pas son avis !

Histoires du Vire-Vire ne fait pas l'unanimité non plus car ce n'est pas une histoire complète mais plusieurs histoires « trop petites ».

Par contre Noël à Marseille plaît à tous, car « ça, ce n'est pas un Noël comme on en raconte toujours ! On voudrait bien que ça nous arrive à Sartrouville. Comme on serait heureux si toutes les bêtes de la campagne venaient nous chercher pour nous emmener avec elles, rien qu'un jour seulement ! »

 

Une comparaison est faite avec Paris raconté et illustré par les enfanta (Édit. La Noria). Yvon explique qu'il trouve ce livre « plus joli » parce qu'il ne contient qu'une histoire. Les autres albums comprennent aussi des photos, des poèmes. Cela rappelle trop « Art enfantin ».

Lorsque je demande comment ils envisagent les prochains albums à paraître :

- « Il faudrait une seule histoire qui remplisse toutes les pages du livre. » (Et de proposer d'en inventer une nous-mêmes l'an prochain. Déjà des idées fusaient !)

- « Il faudrait un album avec seulement des poèmes. Juste un album, une fois. »

- « Il faudrait seulement des dessins d'enfants et pas de photos. »

- « Il faudrait que les dessins « se ressemblent », que ce soient seulement des peintures, seulement des encres de Chine, etc., dans tout le livre. » (Qu'il y ait une unité, quoi. Ils y ont été très sensibles en feuilletant Paris raconté et illustré par des enfants.)

On aimerait savoir ce que pensent d'autres enfants, d'autres classes, de ces trois premiers albums.

D'autres vont suivre. Ils sont attendus chez nous avec intérêt. Qu'en est-il ailleurs ?

Pensez-vous que les gens vont acheter ces livres réalisés par les enfants ?

Pendant longtemps, les éditeurs nous ont opposé cet argument... Ce que fait l'Enfant n'a pas de valeur (puisqu'il ne sait pas et qu'il est tout instinct !) et bien sûr aucune valeur marchande.

Les Enfants sont vraiment les parias de notre culture et de notre société !

Ainsi donc, vous allez continuer à enfermer les enfants dans leur Enfance !

Nous venons d'affirmer le contraire ! Nous réclamons une juste part et pas davantage. Notre propos n'est pas de remplacer le livre pour enfants par le livre des enfants ! Comment pourrions-nous y prétendre ? Nous sommes des éducateurs. Nous pratiquons une pédagogie fondée sur les valeurs de l'Enfance. Nous appliquons des techniques qui accordent à l'Enfance un droit absolu d'expression, qui facilitent cette expression en lui offrant des moyens, des outils facilitant la communication (le journal scolaire, l'imprimerie, la correspondance, la diffusion de la pensée, l'expérience et la recherche, etc.).

De ce fait, des enfants se révèlent différents, pas seulement bourrés de classiques ou matraqués de B.D. ou conditionnés par la T.V., sans doute moins dociles (c'est ce qu'affirme une enquête sur les enfants nés de 1968) mais davantage autonomes, riches d'expériences et de personnalité. Certains vont même jusqu'à affirmer qu'il existe un « style FREINET » mais nous aimerions en savoir plus !

C'est donc plus qu'une édition et une tentative commerciale : c'est une lutte militante ?

Même si nous n'en avions pas eu l'intention, la rogne et la hargne de ceux qui attaquent cette production ou plus simplement le silence résolu qu'on nous oppose - même un critique préfère recommander ce qui se vendra ! - nous conduisent à accompagner le lancement de cette nouvelle collection d'un indispensable combat militant : il nous faut sans cesse expliquer, redresser les fausses assertions, accompagner nos démonstrations de témoignages et surtout affirmer le caractère populaire de cette littérature des enfants : populaire en ce sens qu'elle n'est pas issue d'une expression privilégiée, d'une école vivant grâce à des conditions particulièrement favorables et ne rassemblant que deux dizaines d'enfants ; et populaire aussi parce que tout homme, toute femme se sent attiré, pour le moins intéressé par une oeuvre provenant en droite ligne de l'Enfance - ou de l'Adolescence -. Rien de ce qui vient de là ne laisse indifférent.

MEB

 

Richard, 10 ans

École d Ecaquelon (Eure)

Les poissons diaboliques

Dans la rivière du diable les poissons font la course. Celui qui va gagner, le diable l'emmènera faire un tour en fusée, sur la planète Mars...

Voici le poisson au béret, il s'enrhume facilement, alors il met toujours son béret. Avec sa queue noire et jaune, il trouble tout le monde, sauf le vieux pépère qui met des lunettes.

Celui-là, c'est le vieux pépère. II a des yeux à la pupille violette, il dribble tout le monde pour essayer de gagner.

Le poisson hélicoptère fait la course en sens inverse.

Le poisson arrosoir asperge tous les autres poissons.

La « poissonne » à ressorts fait des bonds dans l'eau, elle a commencé la course en retard mais elle va peut-être tous les dépasser.

Le poisson vipère qui fait peur é tout le monde, il n'est pas très dangereux, il a des crochets sur (des bords» mais pas dans la gueule.

Le plus terrible, c'est le poisson scie : comme il veut gagner, il scie tout le monde. II y a des poissons qui ont peur et qui le laissent passer... mais gare à ceux qui lui passent sous le nez. II les pique et après il les coupe en morceaux... mais le « vieux pépère » a la peau trop dure et il va bien vite pour son âge.

C'est la « polissonne crâneuse », c'est une petite demoiselle qui se promène mais elle ne sait pas qu'il y a une course.

Le poisson marin donne des ordres à quelques poissons.

Le poisson pêcheur, il faut s'en méfier, il attrape les poissons plus petits que lui et il se régale pendant la course.

Lui, c'est le poisson en tranches, c'est le plus courageux, le poisson scie l'a coupé en morceaux et il continue la course quand même.

Le poisson au nez retroussé fait la course à bicyclette mais ses deux pneus sont crevés.

Le poisson mouton, il faut s'en méfier, il a l'air tout doux, il mange des herbes... mais, pas n'importe quelles herbes, il mange surtout des herbes de sorcellerie.

Le poisson â la queue pointue est très dangereux, il est armé jusqu'aux dents... sa queue a trois armes, sa bouche a deux armes et par son crochet sur le dessus de la tête, il crache du venin.

La fin de l’histoire…

PERSONNE NE SAIT qui a gagné la course

À moins que tu l’imagines toi-même !

 
   

Petite Pomme

d'après une idée de FLORENCE CE 1 École C. Freinet, SOYAUX (Charente)

IL ÉTAIT UNE FOIS une belle pomme rouge. Elle possédait une belle queue marron.

Au-dessus d'elle pendaient de belles feuilles vertes.

Un jour comme on était en automne le vent souffla très fort.

La pomme fut secouée et  tomba de son arbre .Elle tomba  sur l'herbe heureusement !

Elle rebondit sur l'herbe. Elle croyait qu'elle remontait dans son arbre.

Mais non, elle retomba par terre ...

Elle s’ennuyait …

Elle pleura beaucoup beaucoup.

Elle avait de grosses larmes.

Un monsieur passa et demanda :

Qu'est-ce que tu fais là?

-Je suis tombée de mon arbre et je voudrais bien remonter, mais  je suis trop petite. Voulez-vous m'aider?

- Oui ! dit le monsieur.

Le monsieur, fit tout son possible ; il se mit sur la pointe des pieds mais rien à faire ! Lui aussi était trop petit !

Il eut l'idée d'aller chercher une échelle. L'échelle n'était pas assez haute.

Mais sur l'arbre il y avait une balançoire

Le monsieur monta sur la balançoire. Il monta de plus en plus haut et il put attraper la branche !

Il déposa la pomme dans un nid recouvert de feuilles. Il la posa délicatement.

La pomme riait dans son nid.

Les oiseaux chantaient pour elle; de temps en temps, ils lui donnaient des petits coups de bec et elle riait parce que ça la chatouillait.

Elle riait tellement qu'en sautant elle retombe du nid et la voilà à nouveau par terre !

Elle voulait remonter dans son arbre.

Mais elle ne pouvait pas. Elle se soulevait bien sur sa queue, mais elle n'était pas assez grande et l'arbre était trop haut.

Vite,les oiseaux allèrent la chercher et ils la remirent dans son nid.

Mais tout ça n'était qu'un rêve

La pomme  était encore accrochée à la branche et rêvait !

 
   

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