Débuts

MARC : C'était ma première année d'instituteur dans une classe. Quand j'étais enfant, je ne dessinais pas. Je croyais que je n'aimais pas ça. Il me semble que c'était à cause de tous les interdits qui m'étaient imposés.

J'ai voulu que mes élèves soient 1e plus libre possible, dans leur façon de s'exprimer et de s'organiser. J'avais appris qu'il était plus facile pour certains enfants de s'exprimer par le dessin et la peinture. J'ai permis à mes élèves de conquérir leur liberté, c'est-à-dire de choisir leur style.

ARMELLE : C'était ma deuxième année d'institutrice dans une classe enfantine, avec les mêmes enfants. Après une première année de travail avec eux, pour la peinture et le dessin, j'ai voulu essayer d'aider chacun en respectant son style et sa personnalité.

J'ai compris que chaque enfant avait des besoins particuliers.

ART ENFANTIN : Nous sommes sûrs que les témoignages de Marc et d'Armelle et de leurs enfants, deviendront une aide pour nous aussi.

I.MARC, classe de perfectionnement à Pinon (Aisne), 1975-76

DELPHINE : Je ne savais pas ce que j'avais le droit de faire...

   

MARC : Les enfants avaient le droit d'utiliser tous les outils qu'ils voulaient pour peindre ce qu'ils voulaient. Mais le savaient-ils ?

J'avais rangé les rouleaux à peindre dans le coin peinture...

OSCAR : J'ai fait d'abord des fonds, puis j'en ai eu « marre » ... j'ai fait des routes. Quand les routes ressemblaient à des têtes, j'arrangeais les têtes. Quand les routes ressemblaient à des routes je faisais la couleur des champs ...

MARC : Comme sur le dessin de la page 11 en haut ?

OSCAR : Ce sont les champs de Monsieur RAVERDY.

   
MARC : certains ont eu l’audace d’aller chercher l’éponge du tableau pour peindre. Je voulais qu’ils aient le droit mais qu’ils le trouvent tout seuls.
   

PATRICIA : Au début j'ai voulu faire des routes. Pour faire mes routes, j'ai pris un rouleau de scotch vide. J'ai mis de la peinture dessus. J'ai poussé le rouleau en faisant des virages...

Quand j'ai voulu peindre à l'intérieur pour faire mes champs, j'ai reconnu une tête. J'ai arrangé pour que ce soit une tête de girafe. Corinne m'a aidée.

CORINNE : Quand j'ai vu que la tête était belle, j'ai eu l'idée de faire une girafe entière.

MARC : Les enfants pouvaient choisir le format de papier qu'ils voulaient. Ce format n'était pas une barrière pour eux. Ils pouvaient dessiner petit sur un grand papier ou grand sur un petit papier... en essayant toutefois de ne pas gaspiller.

Ils pouvaient aller à 1a peinture autant de fois qu'ils le désiraient pour réaliser autant de dessins qu'ils souhaitaient. Ils trouvaient leur liberté dans le nombre et dans le temps. Ils pouvaient demander des conseils aux autres enfants ou au maître.

J'essayais de leur enseigner plusieurs techniques pour leur donner le choix. Quand je ne voyais qu'une seule technique possible, je prétendais que je ne savais pas, de façon à ne pas trop orienter l'expression. Souvent, plusieurs techniques étaient employées en même temps.

Les techniques doivent être mises au service de l'expression. Le maître devrait posséder beaucoup de techniques pour aider et mettre en valeur l'expression des enfants.

LES TECHNIQUES QUE J’APPORTE, CE SONT DES BARRIÈRES QUE J’ENLÈVE. J’APPORTE LA LIBERTÉ.

   

En donnant aux enfants de la peinture, pour qu'ils s'expriment, je savais que je ne pouvais guère LES aider. Moi, en art, je n’y connaissais rien. J'ai donc tout laissé faire. Pour la mise en valeur, j'ai demandé les conseils d'un copain au début. Après j'ai essayé de faire seul. Je me cachais sous le prétexte de ne rien y connaître pour que mes valeurs personnelles n'influencent pas les enfants. Et cela a réussi : les OEUVRES des enfants devenaient pour moi un étonnement et une découverte de TOUS les jours.

Cela m'a donné envie d'essayer sur moi-même certaines techniques de déblocage. Je commence à dessiner. J'espère par là mieux comprendre les dessins des enfants pour les aider en respectant leur style.

Marc GUILLAUME

   

II. ARMELLE, classe enfantine d'Autreville (Aisne), 1975-76

Romain a conquis plusieurs domaines : la peinture, les graphismes, encres, craies... Il a dépassé les premiers tâtonnements pour s'engager dans une expression vraiment personnelle. Il n'a pas trouvé ses modèles dans la classe. Il a cherché à créer en dépassant les stéréotypes qui s'imposent ordinairement aux enfants de son âge.

Il a su être original. Il en avait besoin.

Il ne peint pas seulement pour lui mais aussi pour moi, poux les enfants de la classe.

Il est aimé de tous ses camarades avec qui il échange de bonnes relations. Il est apprécié à cause de toute 1a richesse dont il fait preuve. Cela le rend sûr de lui.

Armelle

   

ARMELLE : Avec Romain, il s'est passé quelque chose entre la première et la deuxième année. La première année, il avait l'âge des petits mais il suivait avec les moyens parce qu'il avait déjà suivi le cours des petits avec une autre maîtresse. Je ne l’avais pas bien remarqué. Il faut dire que c'était ma première année d'enseignement et que je travaillais surtout avec les grands qui me demandaient plus... à l'imprimerie par exemple.

Il ne fallait pas 1e bousculer... Il était lent... Il ne cherchait pas à se faire remarquer... Peut-être se sentait-il trop faible parmi les grands ?

Après les grandes vacances, j'ai été surprise de le voir si changé. Il avait envie de tout faire. Il avait sûrement progressé en silence. Envie de lire, de dessiner, d'imprimer, de faire de la musique, de parler, de chanter, d'écrire, de danser.

Pour un petit enfant, il peut naître une grande envie de faire comme les grands et de réussir !

Il faut voir comment les enfants de son âge se passionnent pour l'imprimerie !

Pipo s’amuse avec mon écureuil

C’est mon écureuil
            Mais pas
            Mon nez-cureuil
            Eh maîtresse !
            Dans kinou et kinette
On entend ki   ki
                        Romain                     

ROMAIN : Je vais dessiner.

ARMELLE. : Qu'est-ce que tu vas faire ?

ROMAIN : Quelque chose de « drôle » !

ARMELLE: : Et ses yeux étaient câlins et moqueurs et vifs !

Et quand nous nous réunissions sur le tapis, dans la grappe d'enfants qui s'accrochaient à moi, il y avait toujours Romain.

ROMAIN : Moi, je t'aime bien, La Maîtresse !

   

ARMELLE . Jimmy avait commencé son dessin.

JIMMY : Je suis fatigué, je finirai demain.

ARMELLE : j'avais compris que Jimmy avait besoin de se sentir à l'aise dans l'atelier de peinture. Je voulais l'aider à réussir une première fois afin qu'il ait confiance en lui. Le jour des lapins, c'était le bon jour.

ARMELLE :Tu ne vas pas quand même pas laisser ces lapins tout seuls, tout tristes au milieu de la page blanche ?

JIMMY: Ben non! ... Je sais pas quoi faire autour de mes lapins.

ARMELLE : fais un fond. … en mélangeant les peintures comme tu as fait à l’intérieur de tes lapins … (Plus tard) On va montrer ton dessin à la classe. Ca te plaït Jimmy ?

JIMMY : Oui, je suis content, je suis content !

CARINE : Moi, je sais faire mon dessin toute scille, j'ai pas besoin de toi.

   

ARMELLE : Géraldine peint pour elle, pour son plaisir. Elle connaît les mélanges et les utilise au mieux dans ses peintures ; pour les autres, les enfants de la classe, ses amis (les correspondants).

Elle connaît sa valeur, et les autres aussi, puisqu'ils vont lui demander des conseils. Sa danseuse a été vite tracée.

Elle aurait été abandonnée si je ne lui avais pas dit :

- Eh ! Dis-donc ! Tu ne vas pas la laisser comme ça ? Tu pourrais la rendre plus jolie !

GÉRALDINE : Oui, je vais remettre un peu de couleur... après j'irai danser.

   

Laurent cherche le matériau qu'il préfère, qui lui permette de s'exprimer plus facilement.

Il veut se trouver à l'aise avec l'outil de son choix. Il essaie, il tâtonne, il cherche son style, Il s'exprime..

Pour chaque enfant, la peinture est un travail, il y a effort consenti parce que motivé.

Les enfants se trouvent dans une situation relationnelle ouverte, une sécurité affective.

Les motivations à l'expression sont différentes pour chacun : faire plaisir, s'affirmer, communiquer, donner à...

Après une période de tâtonnement, je veux aider l'enfant à aller plus loin dans son expression, dans la voie qu'il a choisie : couleur, graphisme, abstraction...

Armelle DE MOOR

   

Télécharger ce texte en RTF

Retour au sommaire