QUAND LES ADOLESCENTS DESSINENT SPONTANÉMENT VOILÀ TOUT CE QUI SORT

« Les cœurs percés de flèches avec initiales puis les dessins au feutre, hurlant de toutes leurs couleurs et souvent presqu’ aussitôt lacérés, constituèrent d’abord notre lot hebdomadaire en classe de 4°. Beaucoup de sentimentalité fleur bleue et surtout, et paradoxalement, beaucoup d’agressivité : dessins de poignards ensanglantés, de crânes explosant, de bonshommes plus ou moins amochés, décapités… »

A.Eyraud

On a beaucoup parlé de la création enfantine…

Qu’en est-il de celle des adolescents. Elle est moins facile à appréhender.

La création des adolescents est-elle expression, désir de communication, désir de… ?

Est-ce reflet de la violence du monde, retransmise par les media : guerres, hold-up, prises d'otages, accidents... films de catastrophes, de bagarres sanglantes?

Est-ce pessimisme envers le monde dans lequel ils vivent et vont avoir à vivre ?

Enquête réalisée par des adolescents en mai 76.

Question : Êtes-vous optimistes pour l'avenir - Oui: 30. Non: 32. Réaliste: 1. Pas de réponse 17
Question : Craignez-vous le chômage ? Oui : 46. Non : 24. Un peu : 6. N'y pensent pas : 4.
Question : Qu'en pensez-vous ?

C'est horrible, épouvantable, affolant, dégoûtant, moche, décourageant, inquiétant, triste, ennuyeux, grave, voulu, malheureux, bête, dangereux, honteux...

Et puis il y a l'école mal adaptée, les manifestations sociales, la pollution nucléaire ou autre, le fascisme latent...
OU BIEN... Est-ce reflet de l'anxiété de l'adolescent, face aux transformations de son corps ?
Est-ce moyen de se libérer de tensions sexuelles fortes qui ne peuvent  s'épanouir ailleurs ?
Est-ce moyen de se libérer de tensions sexuelles fortes qui ne peuvent s'épanouir ailleurs ? l'adolescent vers ces représentations macabres... dans une sorte d'appel à la beauté ?
Est-ce besoin de projeter à l'extérieur de soi le «mauvais» ?
Est-ce besoin de compenser une réalité frustrante ?...

L’adolescent aux prises avec l’angoisse constante de l’échec scolaire, face à la répression de ses désirs sexuels, face à son insécurité intérieure, ne cherche-t-il pas une possibilité de dominer ses inquiétudes ….

…. Ou est-ce simplement manque d’imagination, facilité ?

Les taches, les dégoulinures, les impressions de mains, les projections, l’abstraction lyrique ou structurée …

Est-ce pur divertissement ? est-ce facilité et/ou peur de mal faire le réel ?

Est-ce défoulement de l’agressivité ou plaisir sensuel ?

Est-ce provocation vis-à-vis du professeur et demande détournée de pouvoir faire quelque choses de beau ?

Ou bien est-ce aussi plaisir de jouer, de marier des formes abstraites sans souci de la réalité ?

c'est aussi un appel à la tendresse

à la beauté à l'amour

ENQUÊTE RÉALISÉE PAR DES ADOLESCENTS EN MAI 76

 QUESTION : Les exemples que vous avez autour de vous, vous donnent-ils envie de vous marier ? - Je n'ai que des exemples de jeunes, mais j'ai confiance.

- Non, mais je pense qu'il peut être beau, cela dépend du couple.

-Je ne me fie pas aux autres, les exemples ne me gênent pas.

- Je ne pense pas que mon mariage sera un échec.

- Si un couple s'aime, ils peuvent se marier sans crainte.

Il est sûr que la tonalité de cette première partie est plutôt sombre. Nous l'avons voulu ainsi. En effet si le désir de la beauté et l'attirance ou la crainte de l'horreur coexistent chez les adolescents, on ne montre, le plus souvent, que le côté rassurant, comme si l'on ne désirait pas voir l'autre face plus sombre, plus angoissante. Et parce que cet aspect de l'adolescent nous inquiète nous aussi, parce que nous constatons une recrudescence de la violence chez les élèves, nous avons voulu en parler. Ce numéro d'«Art Adolescent» ne prétend pas recouvrir tous les aspects de notre enseignement (certains sont heureusement plus réconfortants, plus aimables). Il est conçu plutôt comme une question, un appel vers d'autres, enseignants ou non, pour savoir si nous sommes seules, nous trois, Bernadette, Janine et moi, à faire ces constatations.

Des articles paraîtront, en même temps que cette revue, dans « L'Éducateur » n°9 et « La Brèche » n°27 et 28 qui viendront préciser ou compléter ce qui se dit ici.

ANNIE