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En tournant autour de la spontanéité...

EN SUPPOSITION...
A la nuit tombante, sa première nuit dans l'île, Robinson Crusoë, soudain, met son pied sur la queue d'un serpent.
Tout me porte à croire que, spontanément, il lance un juron. Mais lequel ?
II y a gros à parier, n'est-ce pas, que de la part de ce britannique des années 1720, ce n'est pas le mot de Cambronne.
Mais si pareille aventure arrive à UN de l'Hexagone, les chances seront grandes que la spontanéité du susdit fasse retentir les cieux des cinq lettres bien sonnantes.
Spontanéité pour spontanéité, ses manifestations (et le juron en est une) dépendent de bien des facteurs, dont le moindre n'est pas l'influence de l'«acquis».
Seulement, la spontanéité de Robinson n'ayant pas eu de témoin, en quoi nous intéresse-t-elle ? Car c'est là où je voudrais en venir : qui juge de notre spontanéité ? Nous ? ou les autres ?
Je ne sais pas définir mieux la spontanéité que tous ceux qui ont écrit là-dessus (cf. les multiples pages de la sérieuse revue Tables rondes du C.R.D.P. de Marseille, que Bertrand a diffusées à de nombreux camarades, et bien d'autres articles sur le sujet).
A lire tant de réactions, des enseignants, des artistes, de la presse concernant surtout la spontanéité des enfants, on comprend que c'est là un mot qui chatouille. Mais voilà : qui chatouille, ou qui gratouille ?
Et j'en viens à poser des questions non sur la spontanéité, mais sur les caractéristiques des réactions que la spontanéité suscite.
D'abord l'enthousiasme.
Je me souviens, dans la revue Art spontané des années cinquante, d'un petit dessin libre de fillette - dessin un peu simpliste - représentant un nuage rond, en forme de «rond de fumée» et à côté un article dithyrambique, grandiloquent, pâmé, de Colette, pas moins ! sur ce petit machin.
Enthousiasme des uns, mépris des autres, parfois hargne, parfois peur... Ceux qui parlent de la spontanéité des autres, ne font-il pas, par là-même, leur propre portrait ?
- Acceptent-ils la spontanéité ? Ils mar­quent ainsi leur confiance, leur optimisme envers cette spontanéité qui apporte de l'inédit dans leur vie.
- Admirent-ils cette spontanéité ? Ils souffrent peut-être de leur propre banalité ? ou de leur timidité 7 de leur propre inhibition ? ou au contraire se dédouannent-ils de leurs propres réactions ?
- Se méfient-ils ? C'est peut-être l'indice d'une impuissance à être eux-mêmes spontanés. Peut-être un réflexe de protection envers celui qui, ne mettant pas un frein immédiat à ses réactions, les inquiète ou les trouble.
C'est en tout cas un recul face à ce qu'ils prennent (à tort ou à raison) pour un aspect superficiel, non fiable, de la personnalité d'autrui.
Bien sûr, ce sont là propos simplistes, d'une non-spécialiste, mais qui ayant été toujours sur la brèche pour que l'on admette la libre expression enfantine, en a entendu «de toutes les couleurs», sur ces deux notions plus ou moins confondues.
Volontairement, je ne veux pas aborder trop d'exemples vécus : ils ne manqueront pas de pleuvoir si le sujet intéresse. Mais il faut se demander aussi de la part de qui et pourquoi tout ce remue-ménage au sujet de la spontanéité.
Car l'attitude n'est pas la même selon ce qu'on attend du partenaire : et de défenseur, on peut devenir adversaire de la spontanéité ou réciproquement.
La mère est béate devant la spontanéité de son jeune enfant, quand il se démarque du commun. Mais si elle est institutrice ou professeur, sa «béatitude» va peut-être changer d'allure envers la spontanéité de ses élèves. Tout va dépendre de la voie qu'elle a choisie quant à ses relations enseignants-enseignés.
La spontanéité, en face de soi, oblige à un réajustement constant du tir !
Jusqu'à quel point a-t-on à l'accepter ?
Cela rejoint un autre aspect des réactions (surtout des pédagogues) que j'aimerais voir de plus près.
Quand certains avouent leur méfiance à l'égard de la spontanéité (je ne la critique ni ne l'approuve), j'ai souvent l'impression qu'ils font de la spontanéité UN POINT dans l'espace et dans le temps : rien avant, rien après ! Pour eux l'enfant lui-même semble être isolé dans l'espace : rien autour de lui !
Alors, bien sûr, on a l'impression d'un éclair d'orage
- non prévisible,
 - non récupérable,
- non socialisable,
- Irrémédiable, quoi !
De quoi être surpris, de quoi s'affoler, parce que cela échappe au plan éducatif qui soutient leur action d'enseignant, n'est-ce pas ?
Mais n'oublient-ils pas que, comme pour toute réaction humaine, il y a une suite, dans le temps. Et dans l'espace, d'autres être humains : le maître, les parents, le groupe qui renvoient la balle à l'enfant.
La spontanéité n'est alors, dans un premier temps, qu'un des «accidents» qui jalonnent le parcours de la communication entre les êtres.
L'attitude envers la spontanéité des autres vaut ce que vaut l'attente, la compréhension, l'acceptation, j'allais dire «l'amour» des autres.
ALORS ? Alors à suivre : pour vous et pour moi, pour tous ceux qui se promettent un bon moment de détente à débrouiller cet écheveau.

Paulette QUARANTE 3 septembre 1976

RÉACTIONS DE MES ÉLÈVES A L'ÉCOUTE DU
Disque I.C.E.M. «Les chevaux»
Il s'agit d'une classe de C.M.1 de 30 enfants, première année de pédagogie moderne, première année de musique libre.
FACE 1 : Chants libres de l'école de Marseille.
- On applaudit ; on dit  «c'est chouette» !
- C'est tous des Marseillais ! Ils ont un accent.
- C'est très rigolo.
- La fin, c'est mal enregistré.
- II y a des phrases, ce n'est pas français.
- Bien sûr, c'est marseillais !
 - C'est bien pour des petits.
Nous avons écouté la face 1 d'un seul tenant ; la face 2, nous nous sommes arrêtés à chaque plage.

FACE 2 : Le manège.
- Oh ! C'est bien fait !
- C'est très joli. On peut danser.
- Y'a plus d'instruments que nous.
- On dirait un cheval qui marche.
- Les musiciens jouent ensemble. Pas chacun pour soi.
- On dirait que ce n'est pas eux qui ont fait la musique, parce que c'est bien fait.
- On dirait la musique d'un manège. (Je n'avais pas dit le titre avant.)
Le petit cheval tout noir :
- Ça ne va pas ensemble. Ça ressemble à l'autre face.
- On entend des gens qui lui soufflent.
- Ça nous endormirait.
Le petit cheval blanc :
- Ce serait bien pour notre comédie musicale
- C'est des gens qui nous emmènent, des lumières qui nous aveuglent.
- C'est une dame qui est perdue dans la tempête.
- On dirait un squelette qui se lève
- Des feux follets qui attrapent le cheval blanc. D'un seul coup, ils éclairent la tempête, et le cheval blanc se met à hurler.
- C'est drôlement bien fait.
On avait arrêté le disque avant les explications qui suivent ce morceau.
Le tiercé :
- Applaudissements.
- II y en a qui miment le jockey pendant la course.
Je remarque le peu d'intérêt pour la première face de chants libres, qui personnellement m'a beaucoup plu, et l'émotion qu'ils ont ressentie à l'écoute au petit cheval blanc. C'est le premier disque  de musique libre que ces enfants écoutent  : ils attendent le prochain.

 Jacques CHARBONNIER

Précisions

Au sein du comité de la revue, Jeannette LE BOHEC est plus spécialement intéressée par les productions des enfants de 6 à 9 ans (C.P.-C.E.) et l'évolution des maîtres face à l'art et à l'art enfantin.

Depuis quatre ans, les équipes de six compagnies dramatiques permanentes professionnelles pour le jeune public poursuivent en commun leurs travaux de réflexion et leurs actions revendicatives pour que soit enfin définie une politique culturelle reconnaissant le Théâtre pour l'Enfance et la Jeunesse comme une activité prioritaire.
Cette lutte unie et obstinée qui remonte au colloque de Royaumont (mai 72) a conduit en juillet 76 le Secrétariat d'État à la Culture à augmenter la décentralisation dramatique de six «CENTRES DRAMATIQUES NATIONAUX POUR L ENFANCE ET LA JEUNESSE» (en préfiguration) à travers lesquels et pour la première fois dans notre pays s'est trouvée reconnue une idée : celle du THEATRE POUR LE JEUNE PUBLIC.
Or, aujourd'hui, trois mois après la décision ministérielle établissant ces préfigurations (lettre de mission du 13 juillet 1976), les six compagnies se trouvent menacées d'asphyxie par le gel de leurs subventions et le refus du nouveau Secrétaire d'État de s'engager à respecter les paliers financiers acceptés par son prédécesseur et devant mener à la création officielle et définitive, le 1er juillet 1978, de six «CENTRES DRAMATIQUES NATIONAUX POUR L'ENFANCE ET LA JEUNESSE».
Au-delà de la lutte engagée pour le maintien et le développement de ces six centres, c'est tout le problème de l'absence de politique culturelle générale en direction de l'Enfance et de la Jeunesse qui se trouve à nouveau posé face aux besoins de 13 millions de jeunes spectateurs ainsi maintenus par l'État dans une situation de sous-développement culturel.
COMPAGNIE BAZILIER (Daniel Bazilier), Saint-Denis - région parisienne.
LA POMME VERTE (Catherine Dasté), Sartrouville - région parisienne,
COMÉDIE DE LORRAINE (Henri De­goutin), Nancy - Lorraine.
LE GROS CAILLOU (Yves Graffey), Caen - Normandie.
THÉÂTRE LA FONTAINE (René Pillot), Lille - Nord Pas-de-Calais.
THÉÂTRE DES JEUNES ANNÉES (Maurice Yendt), Lyon - région Rhône-Alpes.

Nouvelles du chantier du «film réalisé à l'école»
Comme il avait été annoncé après le congrès de Clermond-Ferrand, le chantier du «FILM RÉALISÉ A L'ÉCOLE» tient à la disposition de tous ceux qui veulent commencer, ou se perfectionner, dans cette technique d'art enfantin, une série de quatre-vingts fiches environ, présentant divers aspects pédagogiques et techniques de cette activité. Elles peuvent vous être livrées contre 10 F (en chèques bancaire ou postal) adressés à Jean DUBROCA, 1, allée Leconte-de-Lisle, 33120 Arcachon. Regroupées en huit grandes parties (créations, décodage, documentation générale, matériel, péda­gogie, technique image, technique son, vie du chantier), ces fiches, conçues pour être mises continuellement à jour, sont en fait une espèce de cahier de roulement ouvert à tous.
D'autre part, au congrès de Rouen, se tiendra le III° FESTIVAL DU FILM RÉALISÉ A L'ÉCOLE. Comme les autres années, il accueillera toutes les productions cinématographiques faites dans le cadre scolaire. Envoyez vos films, ou des renseignements sur eux, à Jean DUBROCA (voir adresse ci-dessus). Avec plus de soixante-dix films répertoriés à ce jour, le cinéma de l'école commence à prendre une place intéressante dans l'expression artistique des enfants et des adolescents. Technique éminemment moderne, le cinéma, plus que jamais, doit être compris et aimé par les jeunes. Là, comme ailleurs, la création reste le chemin idéal vers le septième art.

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