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EXPO DUBUFFET

Je suis allée visiter, comme prévu, l’exposition Dubuffet (1) au Grand-Palais (du 27 septembre au 20 décembre). J’ai été « emballée ». Ce n’est pas un artiste figé, mais un créateur qui ne se limite pas à une technique qu’il améliore. C’est un chercheur, c’est en cela que nous retrouvons en lui les idées de recherches de notre Ecole Moderne. C’est une exposition immense sur trois étages qui surprend, en arrivant, tous ceux qui ne sont pas avertis, mais peu à peu on « entre » dans la conception de l’artiste, et on sort du Grand-Palais avec des idées plein la tête que l’on veut faire partager aux enfants de son école.

Il n’hésite pas à broyer ses couleurs, ) les mêler à l’huile, au sable, à la farine, au mica… Il peint du carton,  le découpe, le colle, l’organise sur des fonds colorés. Il recherche des éléments naturels, en fait des tableaux, des sculptures. Il recherche froisse, colle, peint, vernit, creuse avec son pinceau, la lame de son couteau. Il organise des chutes de gerflex, linos, des chutes de toutes sortes…

Et… l’Hourloup remplit les dernières salles, depuis les tableaux jusqu’aux immenses sculptures de polystyrène, (formes cernées sur fond noir, bleu et rouge). Jusqu’aux maquettes diverses, et en particulier celle de sa Maison Falbala.

J’ai beaucoup regretté que la présentation du Coucou Bazar soit terminée depuis le 1er décembre. C’était un spectacle étonnant où un monde de formes créait l’environnement, d’où, peu à peu s’animaient des personnages vêtus de tissus à l’Hourloup conçus comme le décor. Ceux-ci, très lentement, se déplaçaient, comme mus par une musique futuriste, créée par Dubuffet. C’est un homme qui aime travailler « la matière ». Il s’exprime dans tous les domaines : musique, peinture, sculpture, tissu (il a ouvert en 1971 un atelier de costumes).

J’attends avec impatience les réactions des enfants que je vais emmener…

En guise de conclusion je citerai quelques passages écrits en 1967 par l’artiste :

Ce que l’on attend de l’art, c’est qu’il nous dépayse, qu’il sorte les portes de leurs gonds… La fonction de l’artiste est celle d’un inventeur… Le caractère propre d’un art inventé est de ne pas sembler être de l’art… La part des usagers est très importante. Portez vos yeux, non plus sur ce qui a l’air d’être de l’art,  mais sur ce qui n’en a pas l’aire du tout, et pourtant est prêt à le devenir si vous savez le faire fonctionner.

Lucienne REUGE

 

 

Maurice Carême

Le moulin de papier

Tourne le moulin,
Chacun sa chacune.
Vois, déjà la brume
Noie les fleurs de thym.
Allons, ne crains rien !
Traversons la dune.
Entends-tu la mer
Qui chante derrière
Le haut du chemin ?
La main dans la main,
Nous n’avons besoin
Que d’un peu de lune ;
De rien, moins que rien
Pour faire fortune
En nous aimant bien.

Le Moulin de Papier a été choisi par la Bibliothèque Internationale de la Jeunesse pour figurer dans une vitrine spécialement réservée aux meilleurs livres de valeur de l’année, du monde entier, en République Fédérale Allemande. Il a été choisi par un jury spécial d’écrivains et de pédagogues…

Un critique belge écrit :

Chaque poème répond à un dessin dans une alternance de sentiments si bien harmonisés qu’ils se complètent et s’épaulent comme certaines mélodies épousent les textes et en augmentent les qualités expressives.

Maurice Carême nous a envoyé son manuscrit et nous avons inventé des dessins qui allaient avec ses poèmes.

Nous avons reproduit nos projets à l’encre de chine et nous les avons expédiés en Belgique. Maurice Carême nous a écrit : « Les dessins répondent exactement à ce que j’attendais ». Nous étions contents.

La coopérative scolaire de RAGON (L. Atl.) ;

Dans un prochain numéro, nous indiquerons dans une fiche technique comment furent réalisées le illustrations de l’œuvre de Maurice Car^me par les enfants de Ragon (encre vapo).

Si vous désirez acquérir ce recueil de poésies, envoyez votre commande à Coopérative « C. Freinet », Ecole de Ragon 44400 Rezé qui la transmettra à Maurice Carême.

Prix du recueil : 21 F.

 

Je veux apprendre aux enfants l’alphabet de l’image par Yacoov AGAM

* Les théoriciens de l’art moderne et l’éducation (artistique) par Jacques DEPOUILLY

Il s’agit pour le premier titre d’un article paru dans REALITES N° 334 de nov. 73 et pour le second d’un article paru dans Le Monde du 16-17 déc. 73, page 19.

AGAM, 45 ans, est un artiste, chef de file du « cinétisme ». Il s’intéresse passionnément à la simultanéité, le contrepoint et la mobilité intérieure (reliés) à l’architecture, l’urbanisme, la littérature, la musique.

Parmi ses dernières réalisations : un « environnement » au palais de l’Elysée.

Jacques DEPOUILLY est conservateur du musée municipal de Soissons et il s’intéresse lus particulièrement aux travaux d’Arno Stern.

AGAM , grand clerc de l’art moderne, veut, aussi bien à Tel Aviv que dans les universités françaises (à Paris, à Dijon) enseigner l’art et alphabétiser les enfants du haut de sa chaire…

De quoi s’agit-il ?

Une simple ligne est chargée de sens : celle du haut, utilisant l’angle droit, exprime une construction réfléchie. Elle évoque la silhouette d’une ville. Celle du centre, en dents de scie, est chargée d’agressivité. Celle du bas, en rondeur, fait penser à une émotion agréable. Elle peut représenter la mer, une chevelure.

Au départ, l’initiative nous paraît bonne et l’analyse est juste :

Prenez un tout jeune enfant. En lui, les deux univers – verbal et visuel – se balancent . Il voit, il regarde beaucoup. Il imagine. Il dessine énormément, dès qu’il le peut. Mais bien avant, déjà il est sensible aux couleurs, aux formes, aux mouvements. Bref, il communique avec ce monde. Il vit en osmose avec les formes, il s’exprime en leur sein. C’est un moyen de langage. Ca lui appartient en propre.

Et puis brutalement, la coupure. Quelle est la mission actuelle de notre enseignement ? Injecter le maximum d’informations verbales, enfermer l’élève dans ce mode de communication, à l’exclusion de tout autre. Entre les deux langages, l’équilibre est rompu. C’est un véritable coup d’arrêt, le début d’une sclérose. L’enfant perd toute initiative, sa créativité, sa sensibilité s’atrophient. On ne lui donne à « voir » qu’avec les oreilles :   dans nos écoles, une chose n’existe que définie, désignée par des mots.

Mon propos n’est pas ici de former des « artistes ». C’est de donner à tous les rudiments de cet autre langage où l’enfant s’exprime d’instinct, mais au sujet duquel on lui refuse les moyens du savoir. Ce langage, je l’ai découvert paradoxalement en étant frustré d’images dès mon plus jeune âge. Mon rabbin de père m’empêchait de dessiner. A cause du premier commandement de la loi mosaïque, vous savez, qui dit : « tu ne te feras aucune image sculptée, rien qui ressemble  ce qui est dans les cieux, là-haut, ou sur la Terre, ici-bas, ou dans les eaux au-dessous de la terre… » Remarquons bien que c’est là le premier commandement, l’interdiction de tuer vient seulement au cinquième rang. C’est donc qu’on touche ici à quelque chose de tout à fait fondamental. Voilà une tradition religieuse qui semble dire : la forme, c’est encore plus important que la vie ou la mort. Cette forme, on m’interdisait de la reproduire pour une raison simple : si on cherche à traduire la réalité par une image, on déforme la réalité. On la défigure. Car la réalité, dit le judaïsme, est en constant devenir. Une bulle de savon l’exprime mieux qu’une pyramide.

J’ai donc été « interdit de dessin ». Cette conception judaïque avait pourtant un double avantage : elle privilégiait le temps, elle l’introduisait dans l’univers des formes. Cette fleur, par exemple, n’est pas simplement celle que vous voyez ici et maintenant, mais une chose en mouvement qui s’ouvre le jour et se ferme la nuit, qui s’épanouit et se fane. Ma conception cinétique de l’art correspond à cette idée. En même temps, j’ai été encouragé très tôt à rejeter le « décoratif », à mépriser la vanité ornementale, à percer l’enveloppe des formes pour aller à l’essentiel : ce jeu de forces primaires qui les sous-tend.

Ce chemin que j’ai accompli seul, il faut permettre aux enfants de le parcourir très vite. Dans toutes les choses de ce monde, des formes essentielles s’imbriquent étroitement. On peut apprendre à les décomposer en leurs éléments principaux, à les analyser, à identifier le jeu des couleurs, des lignes, des volumes, à se constituer ainsi un « vocabulaire ». A l’aide d’une syntaxe qui relie et systématise ce « vocabulaire » ; nous serions capables de mémoriser et emmagasiner sans efforts des informations visuelles, au lieu de nous borner au langage des mots.

Mais hélas à partir d’une réflexion née de l’expérience vécue, AGAM chute dans la plus pure scolastique. Il crée un alphabet. Il crée un code qui paralyse et qui va, croyons-nous, à l’encontre de ce dynamisme voulu, de son cinétisme. La vie pour lui c’est du cinéma !

Avec un alphabet très réduit (horizontales, verticales, obliques, courbes, quelques points) une phrase est construite, éveillant dans le cerveau qui la perçoit la signification « village ».

Avec deux lignes, l’une horizontale, l’autre verticale, un enfant peut jouer pendant des heures et, si on l’y incite, trouver des choses très belles.

Comme nous sommes loin de notre pédagogie !

Jacques Depouilly s’insurge dans Le Monde contre cette initiative d’alphabétisation. Mais à travers  la Revue Pédagogique et à travers Réalités il s’en prend également à Paul Klee et à ses « Esquisses pédagogiques »…

L’objet de cette note de lecture n’est pas d’exposer les thèses en présence et ensuite d’apporter un jugement.

Nous voudrions surtout vous inviter à retrouver dans la bibliothèque la trace de ces deux articles et les lire.

Pourtant Jacques Depouilly lance une réflexion issue de son expérience et de sa propre éducation :

J’ai personnellement participé à l’expérience d’André Lhote, et je garde une grande admiration pour ce maître qui parlait si intelligemment, et si humainement aussi, de la peinture. Mais il faut bien reconnaître que, malgré le libéralisme qu’il affichait très sincèrement, nous ne faisions guère en son atelier que tenter laborieusement s’appliquer ses théories que nos camarades, élèves de Léger, s’employaient à démolir. La plus grande leçon que l’on puisse tirer de telles expériences, dont je ne nie certes nullement la noblesse, c’est que l’art moderne vaut essentiellement par la contradiction qu’il apporte à l’enseignement de l’art, et que, par définition, il ne peut donc pas le rénover.

A la vérité, création et réflexion ne sont peut-être pas totalement exclusives l’une de l’autre, à condition que priorité soit donnée à la création.

Il semble que là nous tentons de nous acheminer vers une conclusion utile. Mais elle deviendra vraiment « pratique » - je veux dire, elle sera vraiment utile – quand elle débouchera sur une pratique éducative réelle, c’est-à-dire quand on aura cerné de plus près les qualités de cette fameuse « création ».

Et nous ne sommes pas d’accord, très précisément, avec la création en ateliers clos, telle qu’on la pratique selon les théories d’Arno Stern.

Nous préférons une création, mêlée d’expériences et d’expressions, liée intimement à la vie de celui qui crée mais dans le milieu où il vit et surtout aussi au contact d’autres expressions et au contact notamment d’un art moderne qui malgré ses égarements passagers, ses snobismes, sa vie commerciale, est le meilleur reflet du monde où vivent nos enfants et nos adolescents.

Quoi qu’il en soit, il y a lieu, je le pense, de nous féliciter de voir la presse, et les journalistes, s’intéresser d’abord aux problèmes de l’éducation mais surtout à l’aspect sensible, littéraire, artistique de cette éducation. Allons ! l’ordinateur et la mathématique – même dite moderne – n’ont pas encore anesthésié totalement nos sensations !

Signalons encore dans POMME D’API la revue pour enfants de la Maison d’Edition Catholique Bayard Presse, dans le numéro 94 de Noël 73, un article-enquête intitulé « Tous les enfants ont droit à la peinture ». On s’y réfère à « L’enfance de l’art » animé par sœur René Benjamin, mais on y offre un questionnaire adressé aux parents et dont nous serions très curieux et très attentifs à connaître les résultats…

Je fais des livres d’enfants pas comme les autres par François RUY-VIDAL

Réalités n° 335, décembre 73, page 43.
F. Ruy-Vidal, instituteur, animateur de théâtre, puis éditeur, fut l’initiateur et l’artisan, en collaboration avec Harlin Quist, des éditions de L’Ecole des Loisirs. (Ces éditions viennent de disparaître ; F. Ruy-Vidal dirige aujourd’hui le département « Jeunesse » chez Grasset.)
L’Ecole des Loisirs, c’est trente livres édités durant six ans, tirés entre 3 000 et 8 000 exemplaires – entre 20 000 et 50 000 en coédition internationale.
Nombreux sont nos camarades qui apprécient cette édition et qui la recommandent. Non moins nombreux sont ceux qui en sont choqués et qui la regrettent.
Avant d’aller plus loin dans l’analyse de cette « expérience » qui a vécu, il serait bon que nous ayons, grâce à nos échanges coopératifs, de nombreux témoignages, émanant des enfants de nos classes, relatifs à la lecture de ces livres. Pouvez-vous nous écrire et nous transmettre ces réflexions ?
Dans son article, F. Ruy-Vidal emploie des formules qui pour nous restent vagues et idéales : épanouir mes élèves, les dynamiser, leur ouvrir l’esprit sur le monde, je voulais qu’ils apprennent à penser et à juger par eux-mêmes. Bref, tout ce qu’on lit dans les instructions officielles…
Son analyse et son image de la vie des enfants sont plus précises : « Leur vie affective est aussi complexe que celle des adultes : ils connaissent – avec une violence parfois singulière – les mêmes passions : amour, jalousie, besoin de justice, etc. Ils ont peur de la mort, comme des adultes, même si cela n’affleure pas toujours au niveau du conscient. Ils ne sont pas aussi protégés qu’on veut bien le dire. Avec une intuition très aiguë, une sorte de tête chercheuse très efficace, ils sont à l’écoute « totale » du monde qui les entoure, frappés, agressés par l’image – affiches, films, télévision – mais aussi par le comportement des adultes qui les plongent dans leurs propres problèmes sans même s’en apercevoir.
On aimerait en savoir davantage sur cette vite souterraine des enfants : même si cela n’affleure pas toujours au niveau du conscient… sans même s’en apercevoir ? … surtout quand il s’agit d’éditer ensuite des livres qui conviennent aux enfants !
Pour moi, dit encore F. Ruy-Vidal, il n’y a pas de littérature pour enfants, il y a la littérature.
J’applaudis très fort à cette affirmation. C’est là un invariant qu’il faut répéter et faire absolument admettre partout !
Il me semble important qu’un éditeur offre enfin aux enfants des livres qui véhiculent des situations transmutées du réel par le biais intellectuel, artistique et esthétique, et que ce soit des situations aussi riches, aussi subtiles comme celles de la vie. L’enfant les approche exactement comme celles de la vie.
Oui tout à fait d’accord, encore une fois !!!

PAROLES Plaquette issue du journal scolaire NOTRE MOULIN

Avec le numéro 8-9 de L’Educateur consacré surtout à l’imprimerie et au compte rendu du congrès des imprimeurs de journaux scolaires (Soissons 1-2-3- novembre 1973) et avec le premier numéro de la nouvelle collection B.T.R. (Bibliothèque de Travail et deRecherche) intitulé « Vers une méthode naturelle d’imprimerie… » paraît le fac-similé d’une plaquette de textes issus du journal scolaire Notre moulin de la S.E.S. du C.E.S. J. Perrin à Béziers. Cette édition fac-similé est un document et une œuvre que chacun se doit de posséder, de lire et de diffuser à son tour.

Si nous n’avions pas, avec l’Educateur, autant d’abonnés communs, nous aurions servi dans Art Enfantin et Créations cette édition à nos lecteurs.

Que ceux qui ne sont pas abonnés à L’Educateur et qui n’ont donc pas eu le plaisir de recevoir « Paroles » écrivent à la C.E.L. pour réclamer cette édition en joignant 3 F en timbres.

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