Etre, une fois, le premier... C'EST avec Jacques que tout a commencé. Qui pouvait penser lorsqu'il entra en classe en pleurant que ce bambin de quatre ans apportait avec lui tant de joies en puissance ? C'était un bon gros joufflu, d'une sensibilité extrême qui, pour un oui pour un non, passait du rire aux larmes. Un enfant particulièrement sensible à la couleur. Lorsqu'il était en présence de gravures « Je vois beaucoup de rouge, je vois du bleu oh ! qu'il est joli ce vert ! » disait-il, Et dans ses dessins il faisait chanter ces rouges, ces bleus, ces verts au gré de sa sensibilité, sans tenir compte la plupart du temps de mes remarques ou suggestions (ce qui impressionna fort trente instituteurs à une réunion des Coopératives scolaires où je présentais un atelier de peinture), Je pris donc pour habitude d'attendre qu'il m'appelle. Ses camarades aussi étaient en admiration devant ses travaux. Ce fut comme si toute la classe n'attendait que lui pour s'ouvrir. De tous côtés, dans la section enfantine (la section de Jacques) tout d'abord, puis du C.P., du C.E. jaillirent des dessins, des couleurs qui faisaient dire à Catherine, une fillette de la grande classe, appuyant la main sur son coeur : « C'est beau parce que ça me fait quelque chose là ». Rares étaient les dessins que l'on sentait inachevés. Comme par la magie de ce bout d'homme, la petite classe avait découvert la beauté.
|
|