Crouy-sur-Cosson (Loir et Cher)
Madame Vrillon

Les chemins de la vie

« Chaque fleur est pleine de bonheur ».

(M. Claude - 800).

L’ÉMERVEILLEMENT des enfants devant notre pêcher en fleur, la certitude de me trouver prête à recueillir chaque jolie phrase, le désir de me plaire en ouvrant les yeux et en laissant couler sincèrement les mots comme ils viennent, brusques, hésitants ou tendres font que chaque promenade amène sa gerbe de fleurs sauvages. Fleurs simples, modestes, mais parfumées de senteurs solognotes.

Il faudra faire le bouquet, ce sera notre travail en classe.

Et devant l'impossibilité de tout mettre, il faudra choisir, couper. « Nous sommes trop riches », dit M.Jack navré de laisser quelques brins. Oui. C'est souvent ainsi.

Riches d'idées, riches de trouvailles, riches parce que le monde est plein de choses intéressantes, que le jeune enfant aime tout ce qui est beau et le dit ou le dessine pour peu qu'on s'y intéresse.

   

C'est ainsi que la poésie rejoint l'art pictural et que ces deux modes de libre expression font la joie de l'enfant dans nos classes.

Nous avions, jeudi, pour nos camarades de l'Indre sorti toutes nos merveilles : la grande salle vibrait de nos tapisseries, de nos dessins, de nos albums, de nos céramiques. Je n'aurai plus que quelques occasions de tout réunir ainsi, pour notre joie à tous. (Et au plaisir se mêle pour moi un peu de regret).

Chaque enfant cherche son oeuvre, mais tous sont fiers de l'ensemble.

Et les visiteurs ? Les uns sont surpris, tous sont intéressés et beaucoup questionnent.

La réponse ? Voir les enfants travailler : Christiane (1406) qui, rapide peint son ultime portrait (elle est revenue ce soir-là, bien qu'ayant définitivement quitté l'école depuis un mois) ; Gislaine (803) muette et souriante dessine ses jolies fleurs ; Bruno (604) fait un monotype tandis que Céliane (1107) finit une toile au Colorie, tous s'affairent, heureux de l'attention générale.

Et nos fresques ? L'une peinte orne la façade de la classe des petits, l'autre réalisée en petits cailloux blancs, rouges et noirs incrustés dans le ciment, affirme le domaine des enfants dans le mur de la cantine.

Puisse le « choc psychologique » créé par cette visite déterminer une orientation nouvelle chez ceux qui hésitent encore ou qui cherchent.

« Notre » école... nous avons vraiment l'impression qu'elle est à nous. Depuis si longtemps nous travaillons à l'améliorer ! Et qu'il y a loin de la classe première rétrécie par une cour fermée de murs croulants.

Maintenant les deux classes, réunies et prolongées d'une grande salle de récréation ouvrent sur un vaste terrain bordé de thuyas et regardent, d'Est et de Sud, l'horizon vert de nos prés, de nos pépinières et de nos forêts.

Mais l'atmosphère vivante de l'école, la fièvre de création qui nous habite et nos réussites en peinture, en poésie, nous les devons aux techniques Freinet et à Elise.

On a dit : « L'enfant qui peint est un enfant heureux ».

Et la part du maître ?

L'émotion des éclosions, la joie des travaux entrepris dans l'enthousiasme, le plaisir des récoltes... qui dira les satisfactions profondes du maître quand, pris comme ses élèves, il voit s'ouvrir larges et clairs, « les chemins de la vie ».

Jeanne VRILLON.

Crouy-sur-Cosson (Loir-et-Cher).

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