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L’homme
sans frontières
Nous
avons dit : « L'Art Enfantin n'a aucune prétention si ce n'est celle de faire
la preuve qu'il existe ».
Mais
exister suppose une volonté de vivre. Celle-ci venue en toute innocence
et simplicité comme les démarches fondamentales de la vie, quand elles
vont, sûres d'elles et de leurs buts, portées parleur vérité. On s'aperçoit
alors que toute chose vraie est rayonnante ; qu'elle va - plus loin
que sa figuration du moment - vers des intégrations indéfinies qui sont,
comme les hormones, nécessaires à l'équilibre d'un organisme.
Ainsi
en est-il des oeuvres vraies de nos enfants. Tout d'abord leurs dessins
nous ont retenus parce que, marqués du signe de la spontanéité, ils nous
soumettaient comme de force aux lois de la sincérité, de la profusion,
de la richesse. Mais, à y regarder de près, nous y avons découvert une
sorte de conscience féerique qui ouvrait, devant nous, les portes de la
poésie, du drame, de la musique, de la fabulation dans l'ordre et le désordre.
L'enfant dessine et peint avec amour, c'est vrai, mais se laissant emporter
par la joie du créateur, il chante en même temps son oeuvre, il la commente,
la poétise, la dramatise, en un mot, l'explicite par tous ses moyens de
dire et de communiquer. Si bien que, parlant du dessin d'enfant, il faudrait
y inclure sa charge poétique et musicale, son sens dramatique, son pouvoir
d'invention en un symbolisme sans frontières.
Il
est regrettable que dans les limites de notre ART ENFANTIN de vingt-quatre
pages, nous ne puissions faire une part plus grande à ces aspects si émouvants
des sens clairs de l'enfance. Devons-nous leur accorder plus de place
au détriment de cette part du maître, véritable méthode naturelle de dessin,
exposée par nos camarades, au coeur de leur classe, dans les limitations
et aussi les noblesses du terroir ?
Madeleine Porquet semble ici
nous ouvrir toutes grandes les fenêtres sur la vie et nous inviter au
départ. Un départ toujours orienté vers ce sens global de l'art qui ignore
les soucis du Beau pour aller plus loin vers l’humain toujours revalorisé
par la joie de vivre.
Oui,
il nous faut partir ; enrichir toujours de tout ce que propose l'enfant.
Aller avec lui vers l’avenir dans le sentiment d’une vocation de même
essence que la sienne, avec la certitude déjà d’honorer l’homme dans l'enfant.
Elise
Freinet
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