ACTUALITES

NOS EXPOSITIONS

DÉMARRER L'ANNÉE AVEC L'ART ENFANTIN

L'idée m'en est venue en lisant un article de Barré. Oui, pourquoi pas ? Ces « petits jours » de rentrée pourraient bien être l'occasion de rencontres dans nos écoles. Aussi, en juin, alors que chacun était encore si ardent au travail, dans ces ultimes journées d'avant la sortie où l'on dirait que tous ont comme le regret de s'en aller si vite, pendant ces journées-là, j en avais parlé aux enfants.

Une exposition juste à la rentrée ? Oui, on pourrait faire ça ! Alors, voilà que sous les doigts d'André, de Françoise, de Manuela, de Régine, voilà que fleurissent des affiches colorées comme des bouquets d'automne.

Nous préparons l'invitation : un beau dessin au trait accompagne le texte :

Les enfants de l'école publique Saint-Gabriel, Avignon, reçoivent dans leur classe, le vendredi 11 septembre 1970 de 10 à 19 heures.

Dès les premiers jours de septembre j’envoie ces invitations aux collègues dans plusieurs écoles de la ville, aux amis de l'école, au délégué cantonal, aux parents d'élèves, aux voisins. Je porte aussi des affiches dans des groupes scolaires et au C.E.S. de notre quartier.

Une affiche à la porte de notre école invite à entrer. Dans la classe, pas de tralala ni de mise en scène.

Intentionnellement j'avais écarté les réalisations difficiles comme les gouaches, les monotypes peints, ou coûteuses comme les céramiques, les peintures à l'huile, les tapisseries. je voulais montrer des travaux modestes, sortis des ateliers de tous les jours, des choses que tout le monde a la possibilité d'avoir dans sa classe sans beaucoup de moyens financiers et sans beaucoup de moyens tout court, du moment que l'enfant confiant et heureux crée à sa mesure.

Nous avons montré des albums : les uns avec des dessins au crayon gris, beaucoup de crayons gris que nous avions tirés des dossiers personnels. D'autres albums présentaient des encres de Chine à la plume sur papier petit format ; d'autres encore avec des dessins au feutre, au crayon de couleur ; des zincs gravés aussi.

Pour les travaux manuels nous avions des tissus imprimés avec l'aide de stencils, oui les petits stencils 13,5 x 21 de la C.E.L. qui nous avaient permis de décorer foulards, nappes, sets de table, tentures et même un rideau de voile.

Au mur, quelques craies, quelques dessins grand format mis sous verre ; sur les rayonnages, de grands alus repoussés et des modelages.

Mais d'autre part, j'avais conservé l'organisation habituelle de la classe : la table d'imprimerie avec la presse, les casses, les rouleaux ; les rayonnages garnis de papiers tous formats, de boîtes de crayons, de pastels, de pots d'encre, de fichiers. Il y avait aussi les dossiers de dessins de chaque enfant de la classe recélant le travail de cette année et des années précédentes. Sur une table, avec des livres de vie, quelques‑uns de nos journaux scolaires ; au mur, dans leurs boîtes respectives, ceux de nos correspondants.

J'avais réservé une place pour les éditions de l'I.C.E.M. : « L'Enfant artiste » d'Elise Freinet, des revues « Art Enfantin », des « Educateur ». Et puis aussi d'autres publications : « L'Art n'est pas un luxe » (des Cahiers Pédagogiques), des écrits de Luquet, d'Arno Stern sur les dessins d'enfants.

Nous avons eu beaucoup, beaucoup de visites - bien plus qu'à nos expositions de juin.

Les collègues, et aussi notre inspecteur, ont posé de nombreuses questions, s'intéressant à toutes les réalisations. Les voisins, touchés par la sincérité des dessins, disaient leur étonnement. Des enfants étaient venus, m'aidant à répondre à tant de choses diverses. Et les parents, eux, se retrouvaient tout fiers de leurs petits.

Cette journée m'a permis de rencontrer des collègues dans une atmosphère de simplicité et d'amitié, d'accueillir aussi des professeurs du second degré avec qui nous avons pu discuter. Echanges riches qui auront, je le souhaite, des prolongements solides.

Une brimade, ces journées obligatoires d'avant la rentrée ? Pas pour nous !

Jeannette DEBIÈVE École publique St-Gabriel, Avignon

0

Du 20 novembre au 5 décembre, s'est tenue à l'Hôtel de Ville de Chauny, dans l'Aisne, une exposition d'art enfantin.

NOTRE CHANTIER

BIBLIOTHÈQUE DE TRAVAIL

PROJETS B.T. EN COURS ET SE RAPPORTANT A L'ART :

1. La B.T. sur Matisse, par Jeanne Vrillon, est prête et nous allons tenter de réaliser la même opération que pour Van Gogh, c'est‑à‑dire une brochure contenant un grand nombre de quadrichromies. Nous pouvons le faire grâce à l'aide obligeante des éditions Hazan.

2. Projets en cours de réalisation :

- 24 oiseaux vus par des artistes, par Jacques Caux ;

- Le Vitrail, par la classe de Lecanu

- Des Sculptures dans la ville. Il s'agit d'un reportage effectué par des enfants dans le quartier neuf de l'Europe à Reims où de nombreuses sculptures modernes ont été exposées dans les rues et aux carrefours.

- L'Art baroque. Guy-Jean Michel vient de nous envoyer le tome II.

3. Nous aimerions avoir des nouvelles du projet de B.T. sur Paul Klee par Le Charlès.

DANS LES REVUES

* Dans Jardin des Arts n°191 d'octobre.

A propos de l'Exposition Goya à l'Orangerie à Paris (assez décevante selon certains...) un article de Raymond Charmet : Dans la maison du sourd, Goya hurle sa confession.

Il s'agit des peintures murales que Goya a effectuées sur les murs de la Quinta del Sordo dans la banlieue de Madrid: les peintures noires. Avant la destruction de la maison, elles ont été détachées des murs. Fragiles, maintenant elles sont intransportables.

Cet article, largement illustré, complète magnifiquement l'exposition de Paris.

A noter encore un « essai photographique » de Roland et Sabrina Michaud intitulé Pérennité de l'Inde.

Par le rapprochement entre des photos des scènes sculptées dans la pierre ou peintes sur les miniatures et d'autres de la vie quotidienne contemporaine, il est tenté de montrer que la tradition se continue.

Ces deux aspects de la vie indienne sont aussi beaux et aussi attirants.

* Chroniques de l'Art vivant n°14, octobre 70.

Dans ce numéro est évoqué à nouveau Kienholz, ce constructeur « d'environnements ». Ce sont des « tableaux » dans lesquels, comme dans des décors, on entre et on s'installe...

Mais retenons principalement aux pages 18‑19 l'article de José‑Guilherme Melquior l'Art anti-oeuvre selon Robert Klein. Au fur et à mesure que s'égrenaient les étapes de mon périple « art enfantin » afin de mieux prendre contact avec des groupes de travail, se précisaient les problèmes que notre publication et nos expositions de réalisations artistiques d'enfants imposent.

Et puisque nous sommes, en tout lieu, encore loin de l'idéal ‑ pédagogique et artistique ‑ s'est posée souvent la question aberrante : « Mais que faut‑il faire ? Comment faut‑il le faire ? ».

« Mais qu'est‑ce qui doit être retenu ? Que faut‑il envoyer à la revue ? ou dans les « belles » expositions ? Qu'est‑ce qui est beau ? ». Ainsi est posée la question du critère ; la question du choix ; la question du jury. Celle aussi du pouvoir-de-décider-de-ce-qui-est-bel-et-bon !

Toutes questions qui pouvaient paraître urgentes et importantes.

Mais s'imposait à moi cet article de Art vivant où Robert Klein, à propos de son ouvrage posthume paru chez Gallimard : La forme et l'intelligible, proclame l'annonce de l'apparition d'une « esthétique anti-œuvre ».

Qu'est‑ce donc que l'art anti-œuvre ? C'est d'abord l'art qui renonce à la référence, c'est‑à‑dire à toute figuration, quelle qu'elle soit ‑ à tout modèle préalable au produit artistique ‑ et, plus généralement, à la représentation de toute « vérité » « exprimée » par l'oeuvre. Après la chute des normes classiques, de la « loi du genre », de l'expression romantique, du dogme de l'imitation de la nature, etc. voici l'art se passant de tout paradigme, ne se mesurant qu'à soi‑même. Mais l'effacement de la référence a entraîné aussi celui de la croyance à l'oeuvre « per se », à cette entité unique et précieuse. L'aspect « fini » de l'oeuvre « belle » n'est plus recherché par l'artiste ; les principaux créateurs « fignolent », de moins en moins, et Klein, adoptant le mépris sartrien de la « beauté » des choses, indice de la possessivité bourgeoise, voit dans cette indifférence à l'oeuvre unique le signe salutaire d'une attitude radicalement moderne : la « répugnance devant la valeur incarnée. » Tout cela est dit de telle façon qu'il faut le traduire en clair.

Pourtant, d'emblée, il me semble, il s'agit là tout simplement de « notre » art enfantin.

Nous n'avons pas de référence, pas de modèle et le plus dangereux serait que la revue Art enfantin et son contenu en deviennent un ! Nous veillerons fermement à éviter ce danger !

Le sens des oeuvres présentées dans toutes nos manifestations n'est autre que celui de « leur présence pure ». Dès lors « comment juger ? » est une question aberrante, sans propos.

En effet, comment juger des oeuvres qui rejettent a priori toutes les valeurs du bien fait, de l'achevé, et qui, de toute façon, ne renvoient plus à aucun critère permettant de mesurer leur réussite technique et formelle ? La réponse de Klein consiste à faire remarquer que l'oeuvre moderne, tout en ne se présentant plus comme un but de la création, signale quand même une « coupure » dans le processus producteur ‑ d'où l'appel à cette intervention du hasard si caractéristique des styles modernes, depuis le surréalisme jusqu'au tachisme et à la musique stochastique, le rôle de l'imprévu attestant la substitution de l'œuvre-brute par l’oeuvre‑coupure. Or, celle‑ci n'est qu'une valeur de‑position, un degré dans la série des recherches d'un artiste déterminé. La sérialité est ainsi inhérente à l'art anti‑oeuvre, et c'est elle qui, « historicisant » ses produits fournit une base à la comparaison et: par là, au jugement critique.

Le critère de profusion pourrait en effet être retenu chez nous. Et si les pages de la revue ne présentent jamais qu'une oeuvre de chaque enfant ou de chaque école, c'est par manque de place, ou pour faire place à un autre genre de profusion ! Oui, mais, direz‑vous encore, c'est donc le « n'importe quoi » qui l'emporte ! Ne faut‑il pas, quand même, que ce soit joli, beau, de bon goût ?

Cette question du beau et du bon goût a été magistralement réglée par Elise Freinet, dans L'Enfant Artiste aux pages 46 à 50 ! (C'est l'occasion de les relire ces pages ! L'Enfant Artiste par Elise Freinet est en vente à la C.E.L. à Cannes 47 F.).

Si nous avons une règle d'or c'est celle de la sensibilité. Celle de la liberté. L'enfant est là pour nous imposer les dimensions de l'une et de l'autre.

Une preuve nouvelle jaillit, toujours sous la même plume, celle d'Elise Freinet quand elle adresse le 27 juillet dernier à nos camarades d'Avignon cette lettre

Chers camarades, je vous félicite d'avoir introduit votre exposition d'Art Enfantin, dans l'événement toujours surprenant du Festival d'Avignon.

L'Homme s'y cherche loyalement sans toujours s'y trouver et il est nécessaire que l'enfant lui ouvre les voies salutaires de la pleine liberté.

Voilà qui doit rassurer vos vocations enseignantes et vous donner chaud au coeur.

Très fraternellement : Elise Freinet.

Nous ne pouvons pas chercher ailleurs que dans ces généreux témoignages de liberté, livrés à profusion, les raisons d'être d'un art enfantin, d'une revue à lui consacrée et de toutes les manifestations si nombreuses qui s'y rattachent.

P.S. : réclamez au groupe Vauclusien de l'Ecole Moderne son dossier n°3 consacré à l'Art Enfantin.

0

* Zoom, magazine de l'image, n°4 de septembre 70.

Personnellement, par inclination et par goût, j'ai toujours regretté que dans la publication des travaux d'enfants on ne fasse pas davantage intervenir le dessin : le dessin à la plume, le dessin au simple crayon noir ‑ que malheureusement le bic et la pointe feutre ont éliminé, provisoirement j'espère. Voir nos pages 8 à 11.

Quand, dans Zoom, j'ai découvert que chaque numéro présenterait un dessinateur contemporain, j'ai été aussitôt attaché.

0

Naturellement, je pense la même chose de la photographie. Car Zoom est aussi et surtout une revue pour la photo, réalisée par des photographes : Michel Ascher, Michel Caen et Joël Laroche. Malheureusement, la photographie est tributaire de l'objectif, de l'obturateur, de la pellicule, de la lumière. Et l'on ne se résout toujours pas à confier aux enfants des appareils de qualité, des caméras qui ne soient pas des jouets. Malheureusement on a fait de la photographie une activité intellectuelle davantage que sensible, une activité de reconstruction, de structure et l'on s'est ainsi éloigné de la vue sensible et directe que les enfants et les adolescents surtout pourraient avoir si on leur en offrait les moyens.

Peut‑être quelques espérances naissent du côté de la « photo pop », des photos comme dit Eva Masson, simples, simples et elles sont de « mauvaise qualité ».

Oui elles sont d'une très mauvaise qualité technique, mais c'est ce qu'il y a de bon dans la photo... C'est un effet !

Et croyez‑moi, cet effet‑là vaut largement tous les autres solarisation, triturage de laboratoire qui me laissent parfaitement froid.

Nous publierons dans Art Enfantin et créations toutes les photos qui donneront du monde cet effet « simple, simple » comme l'enfant et l'adolescent peuvent nous l'offrir !

0

Mais revenons au dessin et aux dessinateurs de notre temps.

Zoom a présenté dans le n°1 de janvier 70 : Raymond Bertrand (dont un livre a paru chez Losfeld) qui dessine des femmes, presque uniquement des femmes, avec « les rigueurs de la passion » pour la raison essentielle de vivre, de dessiner aussi ; ...j'ai d'ailleurs l'impression, dit‑il de m'adresser à un public de femmes quand je dessine. C'est un problème physique, par osmose en fin de compte. La femme ressent par mes dessins ce que moi je voudrais lui faire ressentir.

Dans le n°2 de mars‑avril 70, c'est de Gérard Gachet qu'il s'agit. Un prof de dessin dont le « rêve serait de faire uniquement des illustrations de textes fantastiques. » Je crois que ce que je fais est assez apparenté au fantastique et au romantisme allemand.

Dans le n°3 de juin 70 :Didier Moreau dont on dit : dans le graphisme de Moreau, j'aime la force tranquille du désir qui est toujours là, à fleur de peau.

Enfin dans le n°4 de septembre 70 un autre univers fantastique : celui de Philippe Mohlitz : Macabre, Obscur, Halluciné, Lunaire, Irréel, Ténébreux, Zoopsique, sept adjectifs qui suggèrent un autre univers, celui de l'étrange, du merveilleux... Mais il y a aussi, c'est vrai, chez Mohlitz la fécondité d'un Rabelais jouant sur une page entière avec l'accumulation des mots.

A propos du dessin, nous pourrions évoquer la bande dessinée. Nous y reviendrons. Le sujet en vaut la peine et il mérite davantage d'attention.

0

En plus de la présentation d'oeuvres et de photos des maîtres ès l'art, Zooirn aborde le reportage et le témoignage photographié de notre époque et, surtout, de nos guerres. Dans ce numéro Larry Burrows s'écrie : J'ai toujours peur de faire du fric avec la souffrance des autres ! Mais il ajoute : J'ai beaucoup hésité. Puis j'ai pensé qu'il fallait que ces photos soient vues, que ceux qui sont indifférents voient ce qu'est la guerre... Et ses photos sont terribles.

MEB.

Télécharger ce texte en RTF

Retour au sommaire