Ecole de Neublans, Jura

OTRE classe des petits serait certainement une classe idéale - par tout ce qu'apportent des enfants spontanés, ouverts à la vie et heureux de vivre - si ce n'était le voisinage immédiat de l'usine.

Toute la journée, nous sommes assommés de bruits : bruit des cloches et des sirènes sonnant à intervalles réguliers, bruit des klaxons, bruit permanent de ferraille, de vrombissements de moteurs, de chocs soudains qui nous ébranlent dangereusement.

Comment des enfants peuvent-ils supporter pareil enfer sans une détérioration apparente de leur personnalité ? Pour si inattendu que cela puisse paraître, l'usine qui les domine de sa présence tumultueuse n'entre jamais dans leurs propos.

Les petits et grands événements de la classe, les visages des saisons, les faits divers de la rue apportent chaque jour aliment à leur pensée. Ils ont ce pouvoir étonnant de rester présents à eux-mêmes, de continuer à vivre en intensité, centrés sur le foyer de vie qu'est l'émotion du moment. Tout au long de la journée, ils racontent, questionnent, écoutent, se prodiguent sans compter, soucieux d'élever la voix pour se faire entendre, ou de s'approcher un peu plus près de la maîtresse pour faire aboutir leur démarche.

Et ils restent ainsi des enfants spontanés, inventifs, riches d'un monde imaginé, qui s'exprime en textes originaux, en contes fantastiques, en poèmes fabuleux, en dessins et peintures d'une étonnante sûreté.

Cependant, l'usine est bien présente à leur vie, présente à leur destinée. Comme des correspondants faisaient l'inventaire des richesses de leur terroir, un gamin s'exclama :

- Oh ! ils n'ont même pas d'usine ?

Et un autre d'ajouter :

- Mais qu'est-ce qu'ils font donc, là-bas ?

Il faut comprendre que l'usine est là, impérieuse, comme une nécessité première de la vie qui dispense le gagne-pain des familles, le travail du père et « où il travaillerait sans l'usine ? », la régularité d'horloge de leur journée. Le côté inhumain de la technique ne les inquiète point encore, L'usine est nécessaire. Cela suffit pour qu'ils l'acceptent.

Ecole maternelle de Val d'Eybens, Isère

Prodigieux pouvoir des jeunes âmes qui ont encore le recours de se soustraire à l'implacable dureté du destin, pour s'émerveiller du paradis intérieur que chaque enfant porte en lui.

Que d'enseignements à tirer de cette simple constatation quotidienne !

Edith LALLEMAND

Ecole Enfantine de Flohimont, Ardennes

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