ANS la grande école - 7 classes, 240 élèves - dont l'immense toit pointu, vieux de 60 ans déjà, domine de ses ardoises bleues toutes les maisons d'alentour, nous sommes là, nous, les C.M.2,

Les C.M.2, ce sont les apprentis-adolescents, encore enfants et simplets, déjà volontaires et intrépides comme de petits hommes.

Les C.M.2 de la classe Ecole Moderne, ce sont aussi les illuminés, un peu farfelus, qui entendent des choeurs de voix dans le vent du large et savent que les chouettes ou les tortues aiment et pleurent comme des enfants.

Les C.M.2 sont les joyeux saltimbanques qui, chaque jour, donnent la comédie, car la comédie est partout là où l'originalité des coeurs exigeants fait sa glane et lance sa chanson. Une chanson un peu âpre comme Plérin, le bourg gris sur le vaste plateau battu des vents et qui domine la mer à l'Ouest en abruptes falaises où les rocs gris, dorés de lichens, voisinent, suivant les saisons, avec les fougères vertes et rousses, les lumineux genêts et les bruyères roses, les digitales de pourpre et les longues marguerites blanches...

Elle est là, la mer. Son souffle caresse nos visages ; on sent sur les mains sa moiteur salée.

Elle est là, et pourtant, les quatre kilomètres qui nous en séparent la font lointaine et comme inaccessible...

Elle est là, toujours, et quand elle nous parle aux jours de tumulte, sa voix a quelque chose de chuchoté et de tendre qui nous envoûte et nous retient, et son haleine, chargée d'embruns, réveille en nous le goût des départs, des aventures, des renouvellements enrichissants.

Et nous partons, moi, la grande, et eux, les enfants, vers un au-delà de la réalité immédiate, vers ce monde de rêve, d'où nous ramenons dessins, contes et poèmes qui sont notre pain quotidien.

 

Si un psychologue soucieux de prospections intimes, nous demandait :

- Pourquoi avez-vous ainsi ce penchant étrange pour la chose rêvée, ce goût de transposition des choses visibles ?... Le choeur des enfants battrait des ailes, et, prenant le large comme la mouette qui dessine dans le ciel des cercles invisibles et comme enchantés, voici ce qu'il offrirait à l'enquêteur étonné : une simple page de notre livre de vie, un instant de recueillement et de prière dans un monde recréé et qui s'offre à nous, exaltant, comme un beau paysage, au regard.

Mme AUVRAY.

« Sur le Plateau ».

École de Plérin-Bourg, Côtes-du-Nord

 

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