Cependant, deux principes nous guidaient : - le travail de l'enfant doit être le plus important dans tout ouvrage qui demande la collaboration de l'adulte. Il faut que l'adulte ne donne que le coup de pouce indispensable. - la famille, comme l'école, doivent profiter du travail de l'enfant. Mais c'est en réalité pour la famille que l'objet doit être créé. Il prendra place dans la maison, mêlé aux humbles meubles et s'il a quelque valeur, il apportera sa note claire et son message. Alors, peut-être, un peu plus de beauté sera recherchée et la création enfantine aura joué son rôle. Pour réussir, il nous faudra donc être modestes dans nos projets : - prévoir des objets simples, d'une exécution facile, des formes frustes, nettes, qui ont une beauté directe. - faire que les objets soient utiles, de façon qu'ils entrent dans le circuit de la vie quotidienne pour la faciliter ou l'embellir. Nous nous sommes mis au travail avec grand enthousiasme et les enfants apportaient toujours un élan et une joie qui nous étaient garants de réussite. Nous ne voulons pas dire que nos créations étaient toujours marquées de grandes qualités artistiques. Nous nous placions surtout sur le plan de la sincérité et de l'authenticité, à l'écart des modèles qui si malencontreusement influencent les travaux d'art et leur donnent une tournure spéciale. Voici donc quelques travaux réalisés pour notre « Maison de l'Enfant » à l'école, dans nos congrès puis dans la famille. Le tabouret a été le plus simple de nos travaux et celui qui nous a donné de suite le sentiment de la réussite. Sur la photo qui représente un coin de la « Maison de l'Enfant » de notre Congrès d'Ecole Moderne de Chalon-sur-Saône en 1954, on aperçoit, à demi escamoté par la photo, le plus simple de nos tabourets : « le sellou » qu'utilisent nos bergers pour la traite. Trois ou quatre pieds de bois dur, du buis dans la majorité des cas, simplement écorcés, poncés et une chute de plateau en noyer ou platane. Les pieds entrent « juste » en forçant un peu dans les trous pratiqués dans le plateau aimablement donné par le menuisier du village qui a tôt fait de donner quelques coups de varlope et qui toujours, avec la même gentillesse, nous laisse choisir les tombées de bois dans ses résidus de travaux. Il se dégage de notre premier tabouret une impression de maladresse comme loyale qui à nos yeux, ne manque pas de valeur, car nous avons vécu cet instant émouvant où le matériau brut devient objet nécessaire. Alors, la fantaisie entre à son tour en branle, pour pousser jusqu'à la plus grande perfection le travail premier. Le tabouret mis sur pied est poncé avec énergie, ciré pour que les veines du beau bois apparaissent sur la surface brillante. Sur le plateau, une tapisserie de laine bouclette réalisée à l'autobrodeur par les filles donne un ensemble agréable par les couleurs, le moelleux de la laine (photo 1). Nous avons réalisé d'autres tabourets et surtout le vrai « sellou » qui en réalité est beaucoup plus chic car le siège en est recouvert d'une peau d'agneau tannée à la maison. La petite table pliante avec dessus mobile pyrogravé, les pieds s'encastrant simplement dans le cadre léger est un ensemble agréable avec des effets divers de brou de noix en camaïeu. Cette table se transforme en travailleuse par l'adjonction d'un sac en étoffe de teintes vives tendu entre les quatre pieds. Les meubles divers dont on voit sans peine qu'ils ne sortent pas de chez Levitan, ont demandé néanmoins pas mal de travail. Les dimensions décidées, le bois prêt, les enfants s'en vont chez le menuisier qui rabotte et « dresse » les planches.
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