Cette revue vient à son heure

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ORKI disait : « L'homme, cela sonne fier ».

Cela sonne fier déjà dans l'enfant qui prenant conscience de ses pouvoirs, signe bravement dans l'élan de tout son être, d'un coup de pinceau prodigue, la conquête de lui-même et de ce milieu où il s'insère progressivement.

Cependant, si aucune éducatrice ne peut rester insensible devant cette libération des pouvoirs enfantins, devant cet éclatement heureux des sensibilités, il n'en reste pas moins vrai que beaucoup d'entre elles s'épouvantent de cette conquête sans lenteur et sans méthode, « dans le désordre de la vie ». Ces réticences devant lesquelles je me suis si souvent trouvée proviennent, me semble-t-il, d'une méconnaissance de base.

Méconnaissance de l'enfant et du pouvoir des émotions qui sont les premiers leviers de sa vie mentale, méconnaissance surtout de cet élan vital, qui le porte sans cesse à se dépasser et à chercher de nouveaux terrains d'expérience, méconnaissance enfin de la puissance de l'élan affectif qui rend ses contacts avec le monde plus chaleureux, plus vivants que les nôtres.

Méconnaissance aussi des nombreuses expériences auxquelles s'est déjà livré l'enfant dans son milieu naturel et social avant son entrée à l'école, même s'il s'agit d'un bébé de deux ans.

Méconnaissance également de la manière dont l'enfant se construit par expérience tâtonnée, en une progression qui procède par bonds, enfouissements, flèches, retours et qu'on ne peut aider de l'extérieur par des contraintes répondant à l'esprit logique de l'adulte, mais par l'aménagement d'un milieu riche et souple, permettant à l'enfant de faire toutes les expériences dans le domaine pictural, comme dans tous les autres domaines.

Mariette Cabanes, 4 ans (École des Costes-Gozon, Aveyron)

NATURE MORTE, école de Peynier (B.-du-Rhône)

Cette aide de l'éducatrice est conditionnée, cela va de soi, par le climat de confiance et d'accueil fait à l'expression enfantine. L'enfant doit trouver autour de lui et en elle, « ce crédit sans borne qui donne un sens à tout ». Pour cela, il faudra que l'éducatrice résiste à la tentation d'enseigner le dessin à l'enfant, qu'elle renonce à croire en une savante progression allant du point à la ligne, de la ligne à l'objet ; qu'elle ne s'évertue pas à apprendre au bébé de deux ans comment on tient un pinceau, mais qu'elle lui permette, en mettant à sa disposition tous les matériaux nécessaires, de faire dans le domaine pictural et graphique, le plus grand nombre possible d'expériences, C'est dans ces seules conditions que nos petits nous révèleront leur étonnante prodigalité.

Cette revue vient à son heure pour non seulement légitimer l'expression libre de l'enfant, mais surtout pour en exalter les vertus et les pouvoirs, dans un domaine qui n'est pas seulement pédagogique, mais déjà culturel, sans cesse soucieux d'acquis et de dépassements.

Madeleine PORQUET,

Inspectrice des Ecoles Maternelles,

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