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la pédagogie différenciée en ZEP
Ecole Marie Curie, dans le cadre d'"Inno - Valo" / 2004 (Bobigny)
1 - Situation impositive collective :
2- Situation « interactive » :
3 :
situation de « Différenciation »
3/
L’IMPOSTURE DU DISCOURS OFFICIEL
4/
LA PROPOSITION DE LA PÉDAGOGIE FREINET
5/ MES DEBUTS : DE L’IUFM à L’ECOLE FREINET
1/ La réunion, pierre angulaire de la pédagogie de projets.
2. La naissance des projets
3/ Les projets individuels
4/ L’organisation du suivi des projets
5/ Les projets : garants du désir d’apprendre, du
respect de l’individualité et de la mise en œuvre des compétences.
6/ Naissance des ateliers
7/
POUR CONCLURE
Invariant n° 21 L'enfant
n'aime pas le travail de troupeau auquel l'individu doit se plier comme un
robot. Il aime le travail individuel ou le travail d'équipe au sein d'une
communauté coopérative Célestin
Freinet
Dans tous les secteurs de l’Education nationale, mais plus
particulièrement en ZEP , (où pourtant l’hétérogénéïté n’est pas plus
importante qu’ailleurs, au contraire, l’effet ZEP contribuant souvent à une
homogénéïsation vers la difficulté sociale et scolaire) la pédagogie différenciée
est à l’honneur partout.
A l’honneur ? Sans doute dans les textes, mais sur le
terrain en réalité, la plupart des enseignants tâtonnent sans soutien réel pour
parvenir à mettre en œuvre des organisations de différenciations pédagogiques.
Nous avons tous appris en stage, en formation à l’IUFM ou
ailleurs les postulats de Burns
1 - Il n’y a pas 2
apprenants qui progressent à la même vitesse.
2 - Il n’y a pas 2
apprenants qui soient prêts à apprendre en même temps.
3 - Il n’y a pas 2
apprenants qui utilisent les mêmes techniques d’étude. …etc
Et il est vrai qu’à la lumière de l’expérience d’enseignant,
les élèves se comportent tous de manière bien variable devant les situations
d’apprentissage. Ce qui fait que la conviction des enseignants sur la nécessité
de la pédagogie différenciée n’est pas difficile à construire. Pourtant, les
propositions institutionnelles de construction d’une activité enseignante de
différenciation se heurtent à une formidable inertie de mise en œuvre.
1 - Situation impositive collective :
Pratique pédagogique
la plus courante, c’est pourtant celle qui répond le moins à l’hétérogénéité
des élèves. Le message est diversifié le plus possible, quant au registre
utilisé, et où l’enseignant donne des consignes de codification et vérifie que
le message a été codifié. (Consigne orale pour les auditifs, écrite pour les
visuels, … suivant les travaux de La Garanderie) Mais les résultats quand à la motivation
des élèves sur les tâches à accomplir restent très superficielles, car c’est
l’enseignant qui pilote et organise l’ensemble des travaux.
2-
Situation
« interactive » :
En travaillant en
groupes, les élèves confrontent leurs représentations et construisent leur
savoir. C’est ce que Meirieu appelle le conflit « socio-cognitif ».
L’objectif n’est jamais un objectif de production, mais un objectif
d’apprentissage. L’information doit être donnée en amont : le petit groupe
n’est pas l’instance où l’on prend connaissance de l’information, mais ou
s’engage un processus de maîtrise de cette information.
Contrairement à une
opinion largement répandue, c’est une situation très directive : l’enseignant a
la responsabilité du choix et de la répartition des documents ; la tâche de
régulation des petits groupes lui incombe également.
3 : situation de
« Différenciation »
L’enseignant peut
mettre en oeuvre 3 types de différenciation :
1 - Différenciation
successive (« pédagogie variée ») : Au cours des phases
« découverte » et « évaluation », l’enseignant conserve la
maîtrise du groupe mais fait varier successivement les situations et les
outils. La présentation déductive ou inductive des savoirs est souvent
détaillée, parfois la méthode expérimentale est à l’honneur.
2 - Différenciation
simultanée : Au cours des phases « intégration » et
« remédiation », les élèves se répartissent en groupes entre
différentes activités.
3 - Situation
individualisée : L’élève travaille de façon autonome. Il est guidé vers l’objectif
à atteindre, par exemple au moyen d’une fiche de travail personnel.
En plus il faut caler l’ensemble dans les déclinaisons
séquentielles officielles de type :
1
- Découverte collective :
exercices de sensibilisation, très largement inductifs et articulés aux
représentations et préoccupations des élèves ; situation impositive collective.
2
- Intégration individualisée :
chaque élève est mis en situation de recherche afin de s’approprier
véritablement l’objectif par des exercices d’application. situation plus ou
moins interactive
3
- Evaluation :
Généralement sommative et collective, même si elle est notifiée sous forme de
tableau de compétences.
4
- Remédiation :
travaux de reprise sur les points mal assimilés.
3/
L’IMPOSTURE DU DISCOURS OFFICIEL
Comme cela, à lire sur le papier, c’est merveilleux !
L’enseignant qui a absolument tout préparé, tout prévu aussi bien les outils de
chaque groupe, les travaux, les évaluations, l’organisation de la remédiation
(et le matériel nécessaire aux auditifs, aux visuels, et aux kinestésiques…)
tout en conservant dans sa classe le calme et la sérénité indispensable aux
progrès de tous. Tous les enfants sont en situation de recherche et on entend
ramper les acariens dans la classe…
C’est
Superman, il a la maîtrise de tout ce qui se passe. Il écrit une fiche de
travail par élève et par matière et ne dort jamais.
C’est
aussi Batman, car il voit tout ce qui se passe dans la classe, même lorsqu’il
manipule avec un groupe de 6 élèves.
C’est
sans doute aussi Staline, car nul n’ose désobéïr à ses consignes….
Un exemple :
Voici ce qu’écrit
Sabine Laurent (Maître de conférence en sciences de l’éducation )
Qu’est-ce
qu’un dispositif de pédagogie différenciée ?
L’enseignant, ou l’équipe
d’enseignants :
repère un objectif à atteindre pour l’ensemble du
groupe d’élèves,
choisit une grille d’analyse des difficultés des
élèves,
élabore
des stratégies
pédagogiques en fonction de ces difficultés,
organise sur une ou plusieurs classes les activités
en regroupant les élèves par type de stratégies (4).
Là
encore, ce sont les enseignants qui sont dans la maîtrise du passé
(évaluation), du présent (stratégie pédagogique) et de l’avenir des élèves
(objectifs à atteindre). Les élèves restent objets de l’élaboration et de l’organisation.
On se demande même avec quelle motivation ils vont entrer
dans ce dispositif.
Et, à juste titre, les enseignants de base sollicités pour
mettre en œuvre la « pédagogie différenciée » présentée de cette
manière, ne se sentent pas d’y passer jours et nuits….
Ce d’autant plus qu’après quelques jours seulement de classe,
il est facile de remarquer que contrairement à ce qui est expliqué dans les
« fiches pédagogiques » des revues professionnelles, les élèves
n’entrent pas dans les dispositifs concoctés par autrui aussi facilement…
J’ai une fiche pédagogique du JDI d’avril 2001 sur la
pédagogie différenciée. La fiche est excellente, et elle explique comment
manipuler avec des CP les groupements par 10 et par 100. Je cite simplement le
début : « La classe est divisée en deux groupes : L’enseignant travaille avec 7 élèves. Le
reste de la classe est en autonomie. »
Oui, mais voilà, ce qui n’est pas dit, c’est comment
l’enseignant s’y est pris, préalablement pour que les élèves restent en autonomie.
Parce que dans un CP normal, sur les 18 élèves qui sont en autonomie, 2 veulent
aller aux toilettes, 1 renverse le pot de colle, 1 bavarde en permanence, 2
gigotent et se lèvent, pendant que la rapporteuse de service couine d’une voix
stridente « Madame, Jérémie, il se lève ! », à ce moment-là, les
deux auditifs s’intéressent à tout ce vacarme et l’un d’entre eux fait tomber
sa trousse et l’enseignant se retrouve submergé par la gestion de son groupe
classe, au détriment de la belle construction pédagogique qu’il avait mis en
place et qui marchait très bien : sur le papier.
Généralement découragé après quelques tentatives,
l’enseignant se contentera ensuite de prévoir quelques différenciations
successives (avec l’aide de l’enseignant du poste d’adaptation éventuellement)
et quelques remédiations pour les élèves les plus motivés.
Il n’y a pas une proposition, mais des pistes à décliner dans
une recherche/action sans cesse renouvelée au sein des réunions du groupe.
Ce qui est commun, ce qui est certain pour nous tous, c’est
que l’enseignant ne doit plus être au centre de la classe et que les
dispositifs pédagogiques doivent être organisés avec les élèves, avec leurs
projets, avec leurs désirs.
C’est aussi que de cette organisation claire et lisible (avec
des lois, des règles de fonctionnement, avec des tutorats et des aides
différenciées) repose sur une régulation démocratique du groupe qui évite à
l’enseignant une place de « sur-puissance ».
C’est que de cette coopération naît le désir d’apprendre et
de grandir alors que dans bien des classes l’énergie des élèves est consommée
par les stratégies qu’ils mettent en place pour éviter d’entrer dans les
dispositifs pédagogiques qui les manipulent.
A l’école Marie Curie, les enseignants ont cherché en équipe
à mettre en place des fonctionnements et des projets qui permettent aux élèves
de s’exprimer et d’apprendre pour progresser dans le cadre de cette expression.
Nous
avons notamment travaillé cette année plus particulièrement sur :
L’organisation
du travail individualisé
L’organisation
du projet personnel
Voici l’expérience de Christine Kabbech, racontée par
elle-même : c’est la « débutante » de l’équipe, arrivée par
hasard dans l’école à sa sortie de l’IUFM cette année. Elle a un CE2 de 18
élèves. Son texte est un miroir vivant de celui d’Odette Bassis, présidente du
GFEN :
« Si la transmission
des savoirs est à interroger, re-interroger, dans le sens d’une plus grande
réussite des élèves et d’un plus grand nombre d’élèves à réussir, alors sont à
interroger elles-mêmes les pratiques de transmission vécues par les futurs
enseignants, et particulièrement dans le temps de leur formation. C’est
pourquoi, dans une perspective d’intégration réciproque théorie - pratique, ne
peuvent être séparés le temps de l’acquisition des contenus et le temps de
l’apprentissage à une méthodologie de leur transmission. Car une telle
séparation relève d’un cloisonnement contenus - méthodes qui disqualifie et les
contenus et les méthodes parce que réduits à leurs aboutissements formels et
procéduraux et non à leur raison d’être conceptuelle, culturelle. Les contenus
étant ramenés à des apprentissages cloisonnés, sans enjeu conceptuel et les
méthodes elles-mêmes étant réduites à des procédures formelles ou seulement
fonctionnelles sans réinvestissements efficaces. »
5/ MES DEBUTS : DE L’IUFM à UNE ECOLE
« FREINET »
La pédagogie différenciée, c’est ce que l’on vous reprochera de ne pas avoir
mis en place dans votre classe lorsque vous aurez été en stage PE2. Parce que
tous les élèves sont différents, forcément cette pédagogie est indispensable,
mais l’enseigne-t-on vraiment dans les IUFM ?
Je ne peux pas affirmer qu’elle n’est jamais enseignée, puisque l’organisation
de la formation est telle qu’au maximum 25 PE2 auront reçu une formation
identique. Alors, pour être la plus honnête possible je ne parlerai que de ma
formation. Mais oui, on m’en en a parlé de cette pédagogie différenciée : on
m’a cité les noms de certains auteurs, dont il m’était vivement recommandé de
lire les ouvrages ! Mais oui, soyez rassuré, j’ai observé dans de vraies
classes, des pratiques de cette pédagogie. Lors d’un stage d’observation dans
un CP, les élèves lisaient ensemble un texte commun, écrit sur une affiche, puis
la maîtresse donnait un travail autonome sur feuille à certains élèves alors
qu’elle prenait en charge le groupe de lecteurs le plus faible. Finalement,
elle a donné à ce groupe une partie du travail autonome sur feuille afin
qu’elle puisse s’occuper du premier groupe.
Je pourrai dire que ce genre de pratiques s’inspire de
l’organisation d’une classe à double niveau, où forcément, la pédagogie
différenciée y est un pilier incontournable. Lors d’un autre stage
d’observation, dans un CM2, la maîtresse, dans une séance de mathématiques, a
donné 2 exercices à résoudre pour certains élèves alors que d’autres en avaient
le double ou le triple. Une autre fois, c’est un exercice présentant le même
énoncé qui a été donné aux élèves mais il présentait des niveaux de difficultés
différentes (nombres à 2 chiffres, ou nombres à 3 chiffres).
Ainsi, puisque l’on vous a donné des références bibliographiques et que vous
avez pu observer des pratiques lors de vos stages, tout PE2 devrait être en
mesure de mettre en place, dans sa classe, une telle pédagogie! Cela revient
à dire que la connaissance de ce qui m’a semblé être, jusqu’à
aujourd’hui, comme quelque chose de complexe, à savoir la pédagogie
différenciée et sa mise en place, devait passer du livresque à sa pratique,
instantanément.
Hélas, pour moi, cela n’a pas été le cas! J’avais plutôt
l’impression d’être une très mauvaise jongleuse en essayant la méthode de la
gestion d’une classe à double-niveau. Car, dans la réalité du stage, j’ai bien
senti bien qu’il y avait 3 voir 4 niveaux, et j’ai bien vu que certains des
élèves mis en autonomie avaient, eux aussi, besoin de mon aide. Mais, je pense
qu’avec beaucoup plus de temps, j’aurai pu devenir une bonne jongleuse. Je me
suis aussi essayée à donner plus ou moins de travail aux élèves, ou des
exercices à difficultés croissantes. Dans la durée d’un stage je n’ai pu le
faire que pour un seul domaine, les mathématiques, et cela a commencé à
relativement bien fonctionner vers la fin de mon stage lorsque j’arrivais à bien
cibler le niveau des élèves!
Cette année, je suis dans une école Freinet, et là j’ai pu poser des questions
sur les pratiques de chacun, notamment en ce qui concerne la mise en place de
plages de TI « travail individualisé ». Il m’a fallu une période pour
poser des questions et savoir si, moi, je serai capable de mettre en place ce
genre de travail, et surtout sur quoi. Bien entendu, je n’ai pas compris, tout
de suite, les tenants et les aboutissants de cette pratique, mais j’ai tout de
suite senti qu’il y avait un rapport avec les pratiques de la pédagogie
différenciée. Je suis plutôt le genre de maîtresse qui doit mettre les mains
dans le cambouis pour comprendre les choses. Alors, lors de la deuxième
période, je me suis lancée, tout timidement, avec une plage de TI de 30 minutes
chaque jour, avec 4 types de travaux individualisés.
Christine KABBECH
Voici l’expérience d’une enseignante parmi les plus anciennes
de l’équipe, Bérangère Labalette, qui a découvert la pédagogie Freinet il y a 4
ans, mais qui enseigne depuis 9 ans. (ce qui -chez nous- est une ancienneté
canonique….)
Je travaille en ZEP depuis 9 ans et à l’école Marie Curie
depuis 4 ans.
Le quartier Karl Marx se situe en zone urbaine sensible avec
au cœur de cette cité, l’école Marie Curie : 13 classes, un poste
supplémentaire, un maître E et une classe d’adaptation cycle 3 à mi-temps.
Cette année ( 2003/2004), j’ai un CP avec 22 élèves.
Depuis la lecture de l’ouvrage de Bernard Collot, enseignant
du 3ème type dans une
classe rurale unique : Une
pédagogie de la mouche, j’ai compris l’enjeu de la pédagogie du projet
personnel de l’enfant dans la mise en œuvre de sa réalisation en tant qu’élève,
acteur de ses apprentissages.
Alors, dès le mois de décembre 2003, j’ai modifié mon emploi
du temps et ai timidement commencé une véritable pédagogie de projets
personnalisés ayant pour catalyseur et régulateur : la réunion .
1/ La réunion, pierre angulaire de la pédagogie de projets.
Dans un premier temps, j’ai institué une réunion quotidienne
de 40 mns, outil d’initiation et de régulation indispensable de ces projets.
Cette réunion commence vers 10h, est suspendue à 10h20 à
cause de la récréation , reprend à 10h45 et se termine aux alentours de 11h05.
Cette réunion a un rôle double : elle gère les conflits,
met en œuvre des procédures coopératives , initie, officialise et régule les
projets collectifs et individuels.
Les enfants choisissent un projet que j’écris sur une grande
affiche avec une date-butoir choisie par l’enfant. Certains enfants n’ont pas
d’idée ou pas d’envie. Chaque jour, les projets sont suivis par le groupe et
ceux qui sont achevés sont présentés ou non par les enfants. Je ne contrains
aucun enfant à présenter son projet ; je respecte sa personnalité même si,
bien sûr, je l’incite à le faire et ce d’autant plus que l’avenir m’a montré
que des enfants que je croyais passifs et désintéressés investissaient les
apprentissages d’une autre façon. Le fait de ne pas vouloir présenter ne
reflétait pas une absence d’intérêt, mais simplement une réserve.
2. La naissance des projets
Les enfants ont très souvent le désir de présenter des objets
ou de parler de leur existence . Les
projets naissent de ce désir de partager.
Ainsi peuvent naître des
projets collectifs :
A l’occasion de l’écoute d’une chanson africaine, les enfants
ont eu envie de fabriquer des maracas comme ils l’avaient déjà fait en
maternelle ( je précise que j’ai rebondi sur le souvenir de cette fabrication
en leur proposant d’en fabriquer de nouveaux sans toutefois leur forcer la
main).
Cette envie a mis en oeuvre des apprentissages et permis
d’épanouir des langages :
réfléchir à la fabrication des maracas : quel
matériel ? quelle organisation ?
(
résolution de problèmes)
acheter les ingrédients : où ? à quels
rayons ? ( résolution de problèmes)
lire le ticket de caisse et comparer les prix ( lecture, numération)
décorer les maracas : quel matériel ? quelle
organisation ? ( arts plastiques,
géométrie, résolution de problèmes)
peser les différents ingrédients et comparer leurs masses ( mesure, numération)
rythmer la chanson africaine ( musique)
calculer le nombre de pots de yaourts nécessaires pour
boucher les maracas
(
résolution de problèmes )
Chacun choisit son atelier mais le retour au groupe est
primordial pour établir le bilan et remédier aux problèmes : c’est à ce
moment-là qu’est véritablement sollicitée l’intelligence de l’enfant.
D’autres projets collectifs sont générés par ma seule
initiative et je m’interroge encore sur leur pertinence :
Ainsi, lors de la visite à l’espace 3-5 ans de la Cité des
Sciences à Paris, j’ai pris des photos et leur ai demandé ce qu’ils voulaient
faire de ces photos : exposition, album photo ? Je les ai orientés
vers l’album-photo qu’ils ont légendés ( travail obligatoire), puis montrés à
tour de rôle à leurs familles.
N’aurais-je pas mieux fait de solliciter les
volontaires ? Oui, mais les autres ?
Je suis sûre qu’en cherchant avec les enfants, d’autres
solutions de travail auraient été trouvées.
Peur de manquer de temps, de ne pas stimuler les enfants en
difficulté ?
3/ Les projets individuels peuvent aussi naître naturellement, ou être
incités par le groupe ou par moi :
Ainsi, les enfants décident de fabriquer des albums ayant trait
aux sorcières, aux princesses, à Tom et Jerry, aux fantômes, à Superman ou à
Jackstone, certains ont choisi de réécrire un conte à leur manière ou de créer
un poème, d’autres ont préféré réaliser des documentaires sur les serpents, les
dinosaures, Gustave Eiffel et ses réalisations, sur les animaux, d’autres
encore de faire un exposé sur le système solaire, de fabriquer une boîte aux
lettres à partir de gabarits de cube ou de pavés droits, d’écrire des lettres
etc…. et c’est ainsi que se posent une multitudes de problèmes qui génèrent une
myriade de questions qui entraînent une pléïade de solutions élaborées à partir
d’autant de stratégies que d’enfants…
Quand plusieurs enfants ont commencé à présenter pendant la
réunion leurs albums et documentaires, quel plaisir et soulagement de constater
que certains parmi ceux qui n’avaient pas de projet se sont mis à en
avoir ! ! ! Et à s’y mettre de tout leur
cœur ! ! !
4/ L’organisation du suivi des projets
Chaque matin, de 8h50 à 9h, les enfants arrivent en classe de
façon échelonnée et s’attèlent à leur projet.
S’ils n’en ont pas ( ce qui est rare), je leur impose un
travail : écrire sur le cahier de graphisme, faire des fiches de lecture
PEMF, lire les Histoire de Lire et compléter le cahier d’exercices ( ODILON) de
calculer dans leur cahier de calcul ( PEMF) ou de passer des brevets (
évaluation des compétences).
Bien entendu, ces travaux sont individualisés et sont adaptés
au rythme de l’enfant.
Les enfants les plus en difficulté sont souvent ceux qui
n’ont pas de projet, mais pas toujours ; j’ai donc proposé lors de la réunion
des tutorats de lecture ( basés sur le volontariat ) l’objectif étant de faire
des jeux de lecture à l’aide d’étiquettes dans le couloir afin de fixer le
capital – mots de l’album en cours. Cet
atelier est très stimulant et s’auto-régule très bien. Un bilan est toujours
réalisé pendant la réunion.
Un atelier maths sera bientôt proposé avec pour matériel des
barquettes pourvues d’étiquettes-nombres individualisées et étiquetées au nom
de chaque enfant tutoré.
Les enfants ont toute latitude pour venir me demander de
l’aide à mon bureau.
A cet âge-là, et surtout dans une zone sensible où les
enfants ne sont pas autonomes, mon aide est indispensable et le tutorat me
semble difficile entre enfants de CP concernant des notions abstraites. Par
contre, pour certains projets, il est indispensable et sain : aider pour
dessiner, aider à repérer des mots sur des affiches ou des nombres sur une
frise numérique, aider à se repérer dans le classeur-ressources, aider à se
servir d’un gabarit, aider à mesurer des côtés….
La difficulté réside dans la gestion de la file qui entoure
mon bureau.
J’ai imposé le silence absolu ( code rouge) autour du bureau
ce qui a pour effet bénéfique de travailler sans bruit et d’attirer l’attention
des autres enfants ( mais pas de tous) sur le problème précis de l’enfant que
je suis en train d’aider, d’où peut découler un désir d’apprendre ( émulation)
ou d’aider ( valorisation).
Si les enfants ne respectent pas le silence, ils sont
immédiatement sanctionnés par un avertissement sur le permis de classe.
Ce permis donne des droits et des devoirs aux enfants :
droit de travailler à 2, de rester dans la classe pendant la récréation ou de
faire des ateliers avec les CM.
Au bout de 4 avertissements, le permis est perdu pour 2 jours
( cycle de 10 fois 2 jours), puis une semaine ( cycle de 10 fois une semaine).
Au retour des vacances de printemps et suite à de longue et passionnantes
discussions sur la mise en œuvre et les conséquences du tutorat, nous avons
décidé de le mettre en œuvre. Je me suis aperçue que les réticences de certains
enfants résultaient de l’absence de confiance en eux. Cette constatation m’
éclairée sur mon fonctionnement : je n’avais pas établi un climat de confiance
avec les élèves. Voulant tout régenter, j’étais devenue la seule référente
autorisée de la classe.
Le début de ce tutorat est encore hésitant, mais semble
prometteur. Mon assistance est cependant encore indispensable pour relancer les
enfants et les sécuriser. Elle est la condition sine qua non de la viabilité
des projets.
Ainsi se perpétuent les projets et de nouveaux apparaissent
très régulièrement.
Les boîtes aux lettres communes aux classes de cycle 2, les
échanges entre classes et surtout la grande disponibilité des enseignants
ouvrant grand la porte de leur classe et acceptant les irruptions
pluri-quotidiennes des élèves de l’école sont les facteurs de réussite de ces
projets.
Les boîtes aux lettres sont un des outils essentiels
de la mise en œuvre du désir de réaliser des projets. Chaque enseignant du
cycle 2 a une boîte aux lettres et les enfants s’échangent du courrier, des
invitations sont transmises pour une exposition, pour découvrir un animal dans
une classe, des lettres sont adressées pour poser des questions ou faire des
commentaires sur du courrier reçu, des dessins légendés, des albums, des
documentaires sont échangés…
Les échanges commencent doucement, le courrier afflue dans
notre boîte aux lettres et nous le dépouillons tous les vendredis matins.
Il faudrait à présent que cette pratique se généralise à
toutes les classes de cycle 2 afin que cette correspondance entre les classes
insuffle un courant inépuisable de projets
5/ Les projets : garants du désir d’apprendre, du
respect de l’individualité et de la mise en œuvre des compétences.
Les progrès des enfants, générés par leur désir d’apprendre
et de communiquer, sont indéniables même si de rares enfants restent encore en
dehors.
L’aide personnalisée que j’apporte aux enfants me permet
d’avoir une vision plus aigue de leurs difficultés, de leur démarches et de
leurs compétences, ce qui me permet de remédier dans l’instant et de manière
personnalisée.
Les enfants ne s’ennuient jamais ( ils le disent eux-mêmes)
puisqu’ils suivent leur propre rythme d’apprentissage et travaillent le
matériau qui les intéressent.
Par contre, il est vrai que les enfants peu autonomes se
déconcentrent très vite dans ces moments d’auto-gestion. La seule parade
trouvée pour l’instant est de les faire venir très souvent à mon bureau afin de
suivre de très près leurs réalisations.
Mais malheureusement, cette « méthode » ne
fonctionne pas pour tous les enfants et à tous les instants.
Bien sûr, tous leurs progrès ne sont pas seulement dépendants
de la pédagogie de projets personnalisés.
La lecture collective d’albums, les jeux de calcul mental et
les fichiers sont une des autres voies de la stimulation du désir de l’enfant.
Il est, en outre, intéressant de constater que des projets
d’ateliers peuvent naître de ces activités imposées collectives.
Je livrerai 2 exemples probants :
6/ Naissance des ateliers
Naissance de l’atelier sciences :
Depuis l’abandon de la pédagogie
« traditionnelle », je ruminai de ne pas trouver un moyen efficace et
motivant d’enseigner les sciences.
Au cours d’un temps de projet, je constatai ( à ma grande
colère !) que certains en profitaient pour jouer avec des aimants au lieu
de s’atteler à leur projet ou autre activité prévue.
Après mûre réflexion, je décidai que c’était l’occasion de lancer
l’atelier sciences.
Ainsi, au cours de la réunion qui a suivi, j’ai proposé aux
enfants un atelier sciences dans un coin de la classe avec pour matériel une
grande table, une boîte de feuilles vierges pour les schémas de leurs
expériences et une barquette vide pour les y déposer.
Les inscriptions se font pendant la réunion, par groupes de
2. Une fois l’expérience terminée, ils dessinent, puis présenteront
l’expérience à la réunion du lendemain au cours de laquelle les autres enfants
commenteront leurs schémas ou expériences.
Naissance de l’atelier maths :
Au cours d’une séance collective sur la numération décimale ,
j’ai fait un exercice à l’aide d’un matériel magnétique ( cubes, barres de 10,
plaques de 100).
Un enfant m’ayant demandé s’il pourrait l’utiliser sur le
temps de projets, j’ai suivi la même procédure que pour l’atelier sciences.
Bérangère Labalette
Il y a une très grande différence entre ces deux
pratiques : la première est liée
évidemment à l’expérience et la
maîtrise que donnent plusieurs années de métier.
Mais aussi, une réflexion : Christine n’a pas reçu
d’expérience concrète de la pédagogie différenciée à l’IUFM : on en parle,
mais personne ne semble utiliser la pédagogie différenciée avec les étudiants.
Du coup cela semble un challenge impossible pour lequel il faudrait
« savoir jongler ».
Bérangère, a l’expérience concrète de la situation des
classes de ZEP avec non seulement des « niveaux », mais encore des
situations de motivation scolaire très différentes d’un élève à l’autre. Il y a
donc l’expression d’une recherche pour être au plus près des possibilités
d’apprentissage des enfants, mais aussi pour permettre aux enfants de
s’exprimer, de gérer, d’organiser leurs projets comme moteur des apprentissages.
Notre choix d’équipe,
à l’école, outre les réunions d’équipe où nous pouvons parler ensemble des
difficultés que nous rencontrons c’est de former les gens par la voie des
« échanges », c’est à dire en permettant à chaque enseignant de
l’école de passer une 1/2 journée dans la classe d’un collègue.
Nous participons
également aux réunions du groupe GEPEM qui ont lieu un mercredi par mois dans
la classe d’un collègue de la région (77/93) Comme dirait Christine, pour
permettre d’apprendre « les mains dans le cambouis » parce que
notre métier n’est pas seulement l’expression d’un savoir livresque, mais aussi
de techniques d’organisation et de gestion courantes qui concourent à un
but : ce qui est important c’est de bien choisir ce but : formater
des adultes soumis et passifs ou former des citoyens actifs et créatifs.
Ce qui est certain,
c’est que les techniques mises en œuvre en disent parfois plus long que les
discours d’affichage.
Tout le monde parle de la pédagogie différenciée, tout le
monde dit l’approuver, mais comme personne ne met en œuvre quelque chose qui ne
ressemble pas à la multiplication insensée du travail de préparation et
d’évaluation, tout cela reste des intentions d’affichage.
La pédagogie Freinet, elle , s’attelle à la construction du
sens, mais aussi et en même temps à la construction collective de moyens simples qui, au jour le jour, permettent
d’avancer.