Un lion dans la chambre

par Sarah Si Ahmed (9 ans) - Juin 1999

Chapitre 1

Ce mercredi- là, j'étais peinard en train de jouer à mon nouveau jeu "Tower of Ghosts " sur Nintendo 160. Mais un rugissement me fit perdre 40 points de bonus et 20 anneaux magiques. J'étais sûr que ça ne venait pas du jeu, car il n'y a pas de lion dans les jeux comme ça, il n'y a que des fantômes, des momies en marche et d'autres trucs de ce genre-là. Machinalement, j'allumai la radio. Ce que j’entendis me donna des frissons dans le dos :

Un lion vient de s’échapper du zoo de Tignassy sur Marne (C’était le nom de mon village). Il semble se diriger vers l’allée des trèfles (C’était le nom de ma rue), plus précisément vers le 8, allée des trèfles (C’était l’adresse de ma maison !) . Et maintenant passons au bulletin météo, bla bla...-clic !

Immédiatement, j’ai couru à la fenêtre.

Tiens, il n’y avait rien. Alors, soulagé, j’ouvris la porte pour aller goûter. Aaaah ! ! Le lion était derrière ma porte. Aussi vite que l’éclair, je fonçai sous le lit. Mon boa apprivoisé, Nessy siffla de bonheur en le voyant, car c’était un compatriote africain.

A ma grande surprise le lion parla :

- Bonjour Max. N’aie pas peur, je ne vais pas te manger, je déteste la viande humaine.

- Wow ! Les copains vont jamais me croire », dis-je.

- Dis-leur si tu veux, mais je ne parlerai pas en leur présence, je me contenterai de rugir.

- Mais pourquoi ?

- Parce que tes copains vont le dire à leur mère, qui vont le dire à leurs amies, leurs maris, etc… et si ce secret venait à tomber entre les mains d'un directeur de cirque, je ne serai plus en liberté. Tu comprends, Max ?

- Oui, je comprends. Mais comment sais-tu mon nom ?

- L'instinct animal, Max, l'instinct animal.

- J'ignorais qu'il était si développé.

- Il ne faut jamais sous-estimer les choses.

- C'est une phrase sage.

- Je sais, et c'est toujours l'instinct

- Mais, au fait, qui va te garder ? Si tu retournes dans la rue on te capturera, c’est sûr !

- J'allais venir à ce point ; je voulais te demander un service : de me garder chez toi et je… »

Il fut interrompu par un bruit étrange, un bruit que je connaissais bien… Ah non, c’était les pompiers !

« Vite, cache-toi là, sous le lit !

- Mais pourqu…

- Pas l'temps de poser des questions, cache-toi ! ! »

Il s’était caché juste à temps, car les pompiers ouvrirent violemment la porte. Sans frapper ! Pourtant j’avais mis un panneau «Frapper avant d'entrer SVP» ! Ils savaient pas lire ou quoi ! ? En tout cas, ils étaient bel et bien entrés dans ma chambre :

«  Salut p'tit ! , dit l’un.

- On vient pour exterminer un certain lion. Tu ne l'as pas vu ? , dit un autre.

- Euh… quel lion ? … y'a pas de lion ici ?

- Bon, on va chercher dans le salon. Au revoir, p'tit !

- R'voir, fis-je. »

 

Dès qu’ils eurent le dos tourné, je fis signe au lion de «remonter à la surface » :

«  Allez, relève-toi !

- Dis, il est plutôt sympathique, ton serpent.

- C'est un boa, il s’appelle Nessy. Mais au fait, si je veux te garder, il faut te donner un nom ?

- Au zoo, on m'appelait Léontin.

- Je sais, m’exclamais-je, je vais t'appeler Léo ! »

Chapitre 2

Le lendemain, comme c’était jeudi, je partis à l’école, sans oublier de faire des recommandations à Léo :

« Tu ne bouges pas d’ici. Un lion en ville, ce n’est pas banal ! Ah, j'avais oublié de te le dire, le zoo a déménagé !

- Comment ça ?

- Oui, le zoo était situé en plein centre- ville, et la pollution était mauvaise pour tous les animaux. Tu ne crains plus rien maintenant !

- Génial ! »

Je partis donc à l’école, laissant seuls Léo et Nessy. Trois heures, ils s’amusèrent avec mes Super Flash et mes Ultra Man. Deux heures, ils jouèrent au Monopoly, 1 heure et demie ils regardèrent les billes, pour voir « comment qu'ça fait à l’intérieur » mais le reste de la journée, ils allaient le passer à s’ennuyer.

« Ah, l’ennui ... dit Léo

- J’ai une idée, si on sortait ? dit Nessy en langage serpent.

- C’est justement ce qu’on ne doit pas faire !

- Mais tu vas t’engourdir si tu restes toute la journée entre quatre murs ! Moi, je sors, par la fenêtre.

- Bon, d’accord. Mais j’emporte cet engin appelé «montre », comme ça on saura quand Max rentre. C’est vers 4h20 mn. Et puis je vais lui faire un mot.

Quand je rentrai, je trouvai ce mot sur mon bureau, (truffé de fautes)

Pfu ! J’avais les mains en compote à force de souligner les fautes !

Bon, comment faire pour les retrouver ; la ville est grande ! Soudain, j’eus une idée : il fallait chercher au magasin «Africa Jim », un magasin «spécial Afrique ». Je courus chez mon ami Jim. Je le trouvai vert de peur, sur une statue africaine. Je criai :

« Léo, couché !

- Ouf ! Un peu plus et je me faisais manger par ce lion.

- Mais il est à toi ?

- Oui, en quelque sorte.

- AAAH ! Mais il va te manger !

- Euh... Ce n’est pas un lion ordinaire...

- Comment ça, «pas ordinaire » ? Toi, tu me caches quelque chose !  On est amis, non ?

- Alors tu promets de ne rien dire.

- Promis.

- A personne ?

- Je te jure !

- Bon, je vais te raconter. »

Je lui racontai l’histoire. A la fin, il dit :

« Ca alors ! »

Puis, il se tourna vers Léo :

« Montre-moi que tu sais parler. !

Là dessus, il ouvrit grand la bouche et répéta :

- Je sais parler, et en voici la preuve. »

« Ca alors ! Ca me rappelle un voyage au lac très connu, le Loch Ness. Je...

- Nessy, où es-tu ? Ah ! te voilà ! »

Je le trouvai enroulé autour d’une statue de serpent.

« Ssss..., fit-il. »

Tous les trois, on partit d’un sourire, qui se transforma en une avalanche de rires joyeux. Nessy, lui, avait l’air de se poser des questions. Je dis au revoir à Jim, puis, Léo, Nessy et moi, nous rentrâmes à la maison. Zut ! , on avait oublié que les pompiers fouillaient encore le salon. Bon, puisqu’on était obligés de monter par la fenêtre, on monterait par la fenêtre. Nessy s’enroula donc autour de ma tête, et moi, je montai sur le dos de Léo en disant :

« Evite de rugir.

- D’accord. »

Il sauta sans bruit dans ma chambre, à pattes de velours, sous mes bravos et sous le sifflement habituel de Nessy. Ouf !
 
 

Chapitre 3

Le lendemain matin, il faisait très beau. Je dis à Léo et Nessy avec un sourire satisfait :

« Cette fois, vous ne vous sauverez pas : Jim va venir vous surveiller, c'est son jour de congé.

- Oh, non ! dit Léo.

- Oh, si ! dis-je. »

Ils soupirèrent en chœur, mais quand je leur dis que Jim ne faisait jamais la sieste, ils double-soupirèrent en chœur.

Ils se tinrent tranquilles toute la journée. Moi, à l’école, je ne pensais qu’à eux. En dessin, je faisais des croquis de lions, de serpents, de petits garçons à casquettes rouges et blanches comme la mienne, et d'africains grands comme des perches (c’était des « Jim »). Enfin, quand je rentrai chez moi, Jim me dit :

- Ils ont été très sages. Pourquoi te méfies-tu ?

- Ah ! Tu ne te souviens déjà plus d’hier,

- Oh ! dit-il en se frappant le front, j’avais oublié. Bon, je dois partir. Au revoir !

- Au revoir ! »

Pourtant, quand Jim partit, il ne put s’empêcher de dire mon secret à son cousin, Tim, directeur de cirque. Tim pensa :

« Je vais gagner une fortune avec ce lion ! Il faut que je l’aie ! Je vais le voler à ce Max. »

Cette nuit- là, ce bougre de Tim réussit à me voler Léo. Comment ? Avec du matériel ultra-méga-maxi-perfectionné. Il commença par faire un trou dans la fenêtre avec une perceuse silencieuse, il souleva Léo avec une élévatrice- voiture miniature, et disparut par la fenêtre avec l’échelle qui termine à la poubelle (ça c’était pas au point, mais il tomba quand même dans les peaux de bananes et les os de poulet. Bien fait ! ).

Le lendemain matin, quand je me levai, je dis :

« Ouaahh ! (bâillement) j’ai bien dormi. Pas toi, Léo ?

- …

- Léo ? »

Je me levai du lit et je cherchai Léo des yeux ; même sous le lit, je ne vis rien. Je m’affalai sur la chaise de mon bureau et je vis ce mot posé dessus :

Bonjour le vocabulaire ! Mais comment a-t-il deviné mon secret ? et qui était ce Tim Africa ? En réfléchissant, je parvins à tout découvrir. Comme d’habitude, j’allai chercher le courrier. Je trouvai, par chance, ceci dans la boîte aux lettres :

« Coup de veine », pensai-je ! Maintenant que je connaissais le traître qui avait dévoilé mon secret, je fonçai pour lui passer un savon.

Jim s’excusa

« Pardon, pardon et mille fois pardon ; je ne pouvais pas m'en empêcher.

- Ca, je le savais déjà !

- Pour me faire pardonner, je vais t’aider à le délivrer.

- On n’a qu’une journée, alors il faut en profiter. »

Nous avions établi un plan et un plan de secours, on ne sait jamais. Cette nuit là, soit je dormais en faisant des cauchemars, soit je ne dormais pas du tout. Le lendemain, je courus au 28, Allée du Vieux Chêne, lieu où nous avions rendez-vous, Jim et moi, à 3 h du matin. Nous nous glissâmes sous le chapiteau… avant d’être expulsés d’un coup de pied au derrière. Heureusement que nous avions un plan B de secours. Nous nous fîmes engager. Tim était l’assistant et moi le dompteur. Ce soir là, on joua la comédie : d’abord, on fit quelques numéros, juste pour s’amuser.

« Eeeet, regardez mon assistant ! »

Jim mettait sa tête dans la gueule de Léo, le faisait sauter dans des cerceaux enflammés, etc… bref, il jouait la comédie, quoi ! Enfin, je dis :

« Et voici le clou du numéro… »

Puis soudain, j’annonçai :

« Heu, excusez-le, il veut faire ses besoins, hem… »

Nous profitâmes de la crédulité du public pour filer en douce. Pfu ! ! »

Chapitre 4

Quand nous rentrâmes – avec Jim- j’annonçai à Léo :

« Tu risques trop de malheurs en ville, il faut que tu ailles en Afrique.

- Oh, non !

- Désolé »

Jim prit la parole.

« J’ai un oncle en Afrique, il s’appelle Sam et il est muet.

- Génial ! Il ne pourra pas dévoiler le secret !

- J’allai le dire.

- Il y a un avion de marchandises qui part pour l’Afrique.

- Quand ?

- Aujourd’hui, vers trois heures de l’après-midi. »

Donc, cet après-midi, Léo se dissimula parmi les caisses de l’avion. Je lui dis :

« Au revoir, peut-être adieu…

- Tiens, dit-il en me tendant une corne d’antilope.

- Merci. Enfin, tu seras mieux chez les tiens.

- Peut-être, mais tu me manqueras. »

Ce furent les derniers mots qu’il dit avant de disparaître. L’avion décolla. Le voyage se passa sans encombre. Quand Léo fit connaissance avec Sam, il espérait vivre heureux et en paix.

Mais l’histoire ne se termine pas là.
 

 

Léo s’était trompé. Sam avait d’autres lions – eux ne parlaient pas, bien sûr- et Léo ne parlait pas Lion. Les autres ne le comprenaient pas. Léo alla donc voir Sam et lui expliqua la situation :

" az erty fdsxs vcxw ,;:lkk" "

Comme vous le voyez, c’est très compréhensible. La solution de secours était le langage des signes. Léo finit par comprendre et il l’écrivit sur un bout de papier.

" Aller trouver le sage sorcier aux 1000 sortilèges qui vit dans le désert du Sahara. Puis répondre à son énigme."

Le voyage fut long, très long et le pauvre Léo ne mangeait que des insectes. Enfin, quand il arriva, le sage lui dit :

« J’ai 4 pattes le matin, 2 à midi et 3 le soir. Qui suis-je ?

- Fastoche, dit Léo, c’est l’énigme du sphinx. La réponse est : l’homme.

- Je t’enlèverai la parole, puisque tu le veux. »

Il revint chez Sam sans dire un mot, seulement en rugissant. Il s’entendit enfin avec les autres lions, il eut même des enfants à qui il raconta cette histoire.

Quant à moi, je ne l’ai plus revu, mais je sais qu’il est heureux chez les siens.

 

VOILA TOUT !