Des enfants d'IME rédacteurs
d'un journal sur l'actualité
grâce à l'outil Makaton
L'Institut
Médico-Educatif des Terres Noires accueille, à La Roche sur Yon en Vendée, des enfants
présentant des déficiences mentales moyennes à profondes. Ils réalisent un journal en
Makaton, outil de communication qui associe textes, signes et pictogrammes. Par ailleurs,
un partenariat avec lécole dAizenay a permis la réalisation dun Cdrom,
utilisant le même langage.
Un atelier journal à l'IME
Dans ma
classe, en septembre 2000 j'ai mis en place avec un groupe de 7 élèves, un
atelier journal.
En effet,
à l'heure où on parle beaucoup de l'intégration des enfants handicapés, il est
important de les aider à mieux comprendre le monde qui les entoure. Beaucoup
s'intéressent à l'actualité à travers ce que disent les adultes autour d'eux ou ce
qu'ils voient à la télévision, mais, à ma connaissance, il n'existe pas de journaux
écrits qui soient adaptés.
Parmi les
enfants de ce groupe classe, seuls trois peuvent lire des textes simples mais grâce aux
pictogrammes Makaton, tous les sept peuvent créer et lire les articles du journal.
Déroulement
de l'activité
L'atelier
journal a lieu tous les mercredis matins.
Il faut
environ 3 semaines pour faire un nouveau numéro.
Au début de chaque séance, on note l'ordre du jour au tableau, avec les pictogrammes pour que chacun puisse se repérer au cours de la matinée. Les pictogrammes sont facilement reproductibles et, autant que possible, ce sont les enfants qui les écrivent.
On
commence la séance par un temps d'échange :
un par un, les enfants parlent de ce qu'ils souhaitent écrire dans le journal : une
information entendue à la maison, une sortie avec le groupe éducatif
Je note ce
que les enfants disent, cela pourra servir au moment de faire les textes. Tout ne sera pas
dans le journal, il faudra choisir.
Les
échangent sont nombreux entre les enfants, ils se regardent, s'écoutent, se posent des
questions
On va
dans la bibliothèque pour visionner le journal télévisé du matin.
Pour
comprendre, il faut arrêter l'image, revenir en arrière, écouter plusieurs fois
On apprend
à tirer des informations :
-à partir
des images (d'après les vêtements des gens, les lieux, etc.)
-à partir
des écrits (les pancartes, les logos
)
-à partir
de ce que dit le présentateur du journal, mais il parle tellement vite.
Après
la récréation, chacun écrit ce qu'il se rappelle avoir vu à la télévision.
Les enfants
écrivent avec des phrases, des mots ou des pictogrammes selon ce qu'ils connaissent. Ils
peuvent s'aider avec un petit répertoire constitué de mots et de pictogrammes ; ils
cherchent le pictogramme et recopient le mot qui est écrit dessous.
A partir de
ce travail, les sujets sont choisis et les articles sont rédigés au brouillon avec mon
aide. Les enfants travaillent seuls ou en binôme sur un sujet.
Chaque
enfant copie son article à l'ordinateur. Quand le mot est bien orthographié, le
pictogramme apparaît à l'écran, sinon, il faut effacer et recommencer.
L'utilisation
à l'ordinateur du programme "Writing with symbols" avec les pictogrammes
Makaton permet aux enfants de travailler en
autonomie.
La
semaine suivante, chacun relit son texte aux autres avant la mise en page finale. Il
faut aussi trouver les illustrations, découper des photographies dans la presse,
dessiner.
Quand le
journal est terminé, chacun en emporte un exemplaire à la maison. On en met un à la
bibliothèque de l'école et on en envoie aussi un exemplaire aux enfants du groupe
scolaire Louis Buton d'Aizenay en échange de leur journal scolaire.
Un bilan
très positif
Une
douzaine de numéros a été réalisée depuis septembre 2000. Le bilan de cette
expérience est très positif ; l'intérêt que les enfants portent à l'actualité
grandit et ce qu'ils peuvent en comprendre augmente avec leurs connaissances.
Ils peuvent
participer à des conversations sur des sujets d'actualité (la maladie de la vache folle,
les élections, les attentats de New York
). Je ne m'attendais pas au départ à
pouvoir aborder tant de sujets avec mes élèves.
Les enfants
viennent de plus en plus souvent en classe le mercredi avec déjà une idée de thème à
traiter dans le journal, signe qu'ils se sont
approprié l'activité.
Choisir les
articles qui paraîtront dans le prochain numéro nécessite que les enfants se mettent un
instant à la place des lecteurs pour juger si le thème est intéressant ou non. Par
exemple, est-ce que cela intéressera les enfants de l'école d'Aizenay de savoir que j'ai
dormi chez mamie pendant les vacances ? Se
mettre à la place d'autrui, prendre de la distance par rapport à ses intérêts
personnels et changer de perspective est un exercice très difficile pour les enfants,
mais que certains commencent à comprendre et à mettre en pratique spontanément.
Un autre
effet positif est apparu lors des attentats de New York, dont les enfants ont beaucoup
entendu parler autour d'eux : pour certains, la perspective d'écrire, le mercredi, sur ce
sujet leur a permis de le "mettre de côté" quand l'inquiétude envahissait
trop le reste.
Bien sûr
certaines informations restent incomprises car trop complexes et tous les enfants du
groupe ne participent pas à tous les sujets d'actualité. Mais le journal permet à tous
de rendre compte par écrit au moins d'une activité qu'ils ont faite ou d'un événement
qui s'est passé à l'I.M.E
Cette
expérience, qui n'est possible que grâce à l'usage des pictogrammes Makaton puisque
certains élèves n'ont pas accès à la lecture, permet de travailler la construction de
phrases et la lecture de textes porteurs de sens, ce qui a certainement un effet dans
l'organisation cognitive et donc une influence positive dans leur construction de phrases
à l'oral.
Nolwenn
Lejeau
IME des
Terres Noires
Le Makaton :
un outil de communication pour des personnes handicapées Depuis quelque temps le principe
d'intégration semble faire son chemin. Mais les applications pratiques se heurtent encore
à bien des obstacles. Que ce soit pour intégrer un enfant trisomique dans une classe
ordinaire ou proposer des heures de scolarisation à un jeune dans un IME, les
professionnels manquent parfois d'outils efficaces. Le makaton pourrait être une des
réponses. Le Makaton
est un programme de langage qui offre un moyen de communication de base et favorise le
développement de la parole pour des personnes souffrant de troubles sévères de la
communication. Il a été conçu dans les années 70, par Mme Walker, logopède et
professeur à lhôpital Saint Georges de la faculté de médecine de Londres.
Initialement il a été conçu pour aider une population adulte vivant dans un hôpital et
souffrant à la fois du handicap de surdité et de troubles sévères des apprentissages. Cet outil
de communication comprend un vocabulaire de 450 mots environ, sélectionnés avec soin,
gradués en complexité en tenant compte des recherches et des observations linguistiques.
Les premiers niveaux introduisent le vocabulaire nécessaire pour exprimer des idées de
base, alors que des concepts plus complexes sont introduits aux niveaux ultérieurs. Un vocabulaire complémentaire de 7000 mots
environ, est associé au vocabulaire de base pour permettre à ceux qui ont davantage de
possibilités, une communication plus large, et de meilleures compétences langagières. Le
programme Makaton a comme objectif premier de développer une communication
de base mais peut également être très utile pour lapprentissage de la
lecture/écriture. Le Makaton
est un outil de communication augmentée ; cest une approche multi-modale de la
communication. Il est généralement enseigné avec paroles, signes (gestes) et
pictogrammes. Les
signes, dans notre pays, sont dérivés de la LSF (Langue des Signes Française). Les
mots-clés seulement sont signés, et ce dans lordre du langage parlé. Linformation
visuelle, et kinesthésique du signe permet à lapprenant de mieux comprendre le
message car sa mémoire est ainsi mieux activée. Progressivement, en fonction de leurs
possibilités, certains enfants sapproprient les gestes, expriment leurs besoins,
leurs désirs
Lexpérience prouve que lusage du signe stimule et
encourage le développement de la parole. Les pictogrammes ont
été adaptés au vocabulaire de base ; ils sont simples, faciles à reproduire à la
main. Ils offrent un moyen de communication augmentatif pour des personnes ayant un handicap physique qui les empêche de signer et de parler. Elles peuvent montrer les pictogrammes et ainsi se faire comprendre. Les pictogrammes se sont avérés également intéressants lorsquils sont combinés avec parole et signes, pour installer des connaissances syntaxiques et développer des compétences de pré-lecture et de lecture. Le programme Makaton a déjà été
introduit dans de nombreux pays étrangers (Nouvelle-Zélande, Australie, États-Unis,
Japon, Pakistan
). En France le premier stage de formation a eu lieu en 95 à Paris
grâce à lassociation AAD (Association Avenir Dysphasie). Depuis, quatre pôles se
sont développés pour uvrer à son implantation :
Paris, Grenoble, La Roche sur
Yon et récemment Bergerac. |
Les
enfants d'une classe de cycle 3 du groupe scolaire Louis Buton d'Aizenay s'associent à
des enfants handicapés de l'association Communic'Actions pour créer un cédérom
utilisant le vocabulaire Makaton.
Pour la
fête du livre jeunesse d'Aizenay 2001, l'association Communic'Actions a été retenue
comme partenaire de l'école. Il s'agissait de faire connaître cette jeune association en
lui proposant un stand sur l'espace de la fête du livre.
Le
partenariat a été bien au-delà de ce projet initial puisqu'il a abouti à la création
en commun d'un cédérom.
Pourquoi créer
Les
cédéroms du marché qui correspondraient aux centres d'intérêt des enfants handicapés
sont souvent trop complexes pour eux (masse
trop importante dinformations et navigation complexe). Quant aux cédéroms qui leur sont accessibles, leur contenu
est infantilisant.
C'est en
consultant un cédérom de type dictionnaire, que l'idée
d'en créer un, permettant aux enfants de Communic'Actions de l'utiliser de
façon autonome, est venue à Liliane Bouvron, membre de l'association. Deux enseignants
d'Aizenay, Guy Batiot du CE2/CM1 et Noëlle Ducasse du CP ont accepté d'y travailler avec
leur classe. Quant à moi, enseignante spécialisée au sein du réseau d'aides, j'ai
servi de liens entre les différents partenaires et veillé au bon déroulement du projet.
Liliane
Bouvron est donc venue présenter le projet aux élèves d'Aizenay.
Quand elle
leur a parlé des enfants de lassociation CommunicActions, elle a souligné
leurs difficultés de communication nécessitant l'utilisation du Makaton.
Les enfants
dAizenay ont montré un vif intérêt pour découvrir ce langage et les enfants qui le pratiquaient. Ils ont proposé
de les rencontrer et bien sûr ont souhaité réaliser le cédérom.
Ce
cédérom utilisant le langage Makaton et donc accessible aux enfants déficients
fréquentant l'association Communic'Actions, pourra être proposé à dautres
enfants, par exemple à des enfants trisomiques actuellement à lécole maternelle.
Des
rencontres et des échanges très enrichissants pour les 2 groupes d'enfants ont ponctué
l'année scolaire 2000/2001.
-Tenue
d'un classeur de suivi du projet : le courrier, les réalisations de la classe
-Les
CM ont sélectionné les mots des 2 premiers niveaux du vocabulaire Makaton et construit
des phrases pour les définir de façon adaptée aux enfants concernés.
-Utilisation
du logiciel Néobook pour écrire, et enregistrer oralement les mots et les phrases.
-Les élèves de la classe de CP ont fait les dessins des
mots pour lesquels les enfants de CM ont établi
des fiches.
-Les enfant
de Communic'Actions ont fait les photos illustrant les mots.
Plusieurs
rencontres ont eu lieu :
-Accueil
2 fois dans l'année des enfants de CommunicActions dans les ateliers décloisonnés
de lécole. Chacun était parrainé par 1 ou 2 enfants de lécole dans les
ateliers informatique, terre, journal, pâte à sel, peinture. Lassociation Communicaction
a proposé en échange de mener les ateliers Makaton signé et « histoires cousues
mains ». (à noter que les ateliers du vendredi
se sont déroulés de façon parfaitement satisfaisante pour tous les
participants)
-Accueil
fin mars des enfants de CommunicActions sur lespace de la Fête du livre
jeunesse d'Aizenay. Lassociation était invitée à tenir un stand pour présenter
ses actions, ses productions en langage Makaton. Lors de cette rencontre un groupe denfants
dAizenay a pu travailler avec Liliane Bouvron.
Ils se sont
familiarisés avec le logiciel Néobook (logiciel qui
permet la création du cédérom).
-Atelier
"histoires cousues mains", à noter, lintérêt particulier porté par des
enfants dAizenay, eux-mêmes en difficultés avec lécrit et loral ; ils
ont découvert et fait lapprentissage réussi et efficace dune nouvelle forme
de communication.
Que pensent les enfants de cette rencontre ? Les
enfants d'Aizenay : "Quand
on les regarde, on ne voit pas que les enfants ont des problèmes, on le voit seulement
quand ils font des choses et c'est dur quand on ne comprend pas ce qu'ils veulent nous
dire". "J'étais
contente parce qu'on pouvait les aider en leur permettant de faire les mêmes choses que
nous". "Je
voudrais connaître tous les signes pour comprendre les enfants de Communic'Actions". Les
enfants de Communic'Actions : Ils ont
exprimé leur contentement d'être allés dans une école, d'avoir participé aux
ateliers, d'avoir réalisé des objets
|
Les
« histoires cousues mains » : il sagit dune animation
présentée chaque année par des élèves pendant la fête du livre dAizenay.
- choix de l'histoire en fonction du thème retenu
pour la Fête du Livre
-
fabrication des éléments permettant la mise en scène
-
mémorisation du texte
- recherche
de la meilleure mise en scène
- et
présentation aux visiteurs de la fête du livre
Cette
année, un groupe denfants de CommunicActions sest associé à un groupe
de la classe des CM dAizenay pour présenter une histoire en la doublant en langage
Makaton.
Les enfants
de Communic'Actions ont été familiarisés, dès le début de l'année scolaire, aux
histoires "matérialisées" par des découpages en particulier, et ont appris à déplacer les éléments suivant le
déroulement de l'histoire. Ils ont également appris à le "signer".
Les adultes
ont réécrit le livre en Makaton".
Dans le
cadre de l'atelier "histoires cousues mains" les enfants de Communic'Actions ont appris au groupe d'élèves d'Aizenay concernés
par cet atelier, à "signer" les premières phrases de l'histoire.
Lucette
Lejeau
Groupe
départemental de Vendée
Communic'Actions
L'association
vendéenne Communic'Actions a pour but de venir en aide aux enfants présentant des
troubles du langage entravant la communication et les apprentissages. Elle réunit des
familles, des professionnels et des sympathisants pour proposer des activités
culturelles, de loisirs ou sportives aux enfants déficients. Ce type d'activité ne leur
est pas accessible au sein des structures ordinaires. Le temps
libre peut constituer un temps de valorisation de lenfant qui renforce la confiance
en soi et facilite linsertion sociale. Cest aussi un temps qui peut favoriser
lapprentissage de lautonomie et de la citoyenneté. Il est à
souligner que
les enfants concernés bénéficient
dans un cadre actuellement restreint (la famille et quelques actions ponctuelles dans la
structure qui les accueille) de laide dun programme de langage : le
Makaton. Pour quun tel programme ait sa
pleine efficience et pertinence, il est nécessaire quil soit utilisé dans un bain
continuel. Il est donc important que ces enfants puissent avoir des moments de rencontre
au cours desquels ils pourront échanger, communiquer et sexprimer entre eux et avec
d'autres afin de les aider à sortir de leur isolement
. |