Les
ateliers |
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Les classes Freinet se
reconnaissaient autrefois au premier coup d'il : des coins partout pour fabriquer,
créer, expérimenter. Aujourd'hui, la
création manuelle et technique est intégrée dans des projets et donne moins lieu à des
ateliers installés, fixes, en accès libre. La
création manuelle et technique est pourtant l'activité privilégiée pour croiser
coopération, expression, tâtonnement expérimental et travail individualisé. C'est
aussi le domaine où chaque enfant peut trouver sa place dans la classe. De la même façon, limprimerie a souvent
déserté nos classes, remplacée par les ordinateurs et les logiciels de PAO, alors
quelle était, à la fois, un formidable moyen pour permettre aux enfants
dentrer dans les savoirs par des portes multiples, et le meilleur vecteur
dorganisation coopérative du travail. Interrogations et pratiques se croisent et se
répondent dans ce dossier. |
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Quelle place pour les ateliers
manuels et techniques dans la classe ? |
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Larrivée dans nos
classes de matériels de plus en plus performants, permettant de réaliser journaux, sites
web, montages électriques ou robotiques de plus en plus sophistiqués, ne nous a
telle pas conduits à laisser de côtés des activités plus riches de sens, plus
favorables à lorganisation coopérative ; phénomène accentué par
lexplosion du nombre dactivités à mener en classe qui laissent souvent peu
de place à des travaux ou des aménagements grands consommateurs de temps et
despace ? |
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Nous avons toujours eu,
en Pédagogie Freinet, une approche originale de la création manuelle et technique par
rapport aux instructions officielles. L'éclatement des
nouveaux programmes nous montre que cette activité est transversale par excellence et
qu'elle touche de nombreux domaines (sciences, arts plastiques, mathématique, maîtrise
de la langue...). Ce qui en fait une
activité importante à nos yeux est qu'elle prend en compte les quatre grands axes de
notre pédagogie centrée sur l'enfant. L'organisation d'ateliers de création manuelle et
technique permet aux enfants par le tâtonnement expérimental d'émettre, de vérifier et
de modifier leurs propres hypothèses, menant à la construction de savoirs
personnalisés. Ces ateliers sont
l'objet d'une organisation coopérative pour la gestion du matériel, de travail, la
répartition des responsabilités et l'élaboration de règles. Ils favorisent
l'expression et la communication vers les autres. Enfin, ils permettent
la responsabilisation, l'autonomie, la socialisation dans le cadre d'un travail
individualisé où chacun peut rester maître de son projet en interaction avec ses pairs
et les adultes. Chaque
enfant, grâce à ces ateliers peut trouver sa place dans la classe par la diversité de
l'offre et par la prise en compte par le maître et le groupe de toutes les formes
d'intelligence. Denis Demarcy |
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L'imagination est plus
importante que la connaissance. Albert Einstein |
Comprendre, c'est
inventer ou reconstruire par réinvention. Et il faudra bien se plier à de telles
nécessités si l'on veut dans l'avenir façonner des individus capables de production ou
de création et non pas seulement de répétition. Jean Piaget |
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Le
travail à limprimerie scolaire |
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Nous avons peut-être trop
tendance, même au sein de l'ICEM, à trop intellectualiser la relation au savoir et aux
apprentissages. Comment des enfants, divers par leur origine, socio-culturelle, leurs
compétences, leurs centres d'intérêt, peuvent-ils se retrouver dans une école où
toute relation avec les apprentissages ne passe plus que par une phase intellectuelle ?
Limprimerie a longtemps été la pierre angulaire dune pédagogie qui se
voulait matérialiste ; son abandon au profit des ordinateurs ne signifie-t-il pas la fin
dune éducation qui associait le geste et la parole ?
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La salle de classe Freinet
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Actuellement, dans beaucoup de classes Freinet, limprimerie a perdu son importance didactique. Elle nest plus le centre organisateur de la coopération en classe. Pour les enfants, ainsi que pour la plupart dentre nous, la composition manuelle du texte libre est un modèle dépassé. Dans certaines écoles, ainsi que dans des régions entières, les imprimeries ne sutilisent plus depuis déjà des années. Les casses et les presses à bras ont été rejetées et remplacées par une nouvelle génération déquipements bureautiques. La classe freinet a perdu son identité datelier : lunité évidente entre lexpression libre et la main pensante. Même pour lacquisition du langage écrit, les cadres de composition et les rouleaux encreurs ne sont plus utilisés : trop de travail ! Pourtant,
il existe depuis peu de temps, de la part de la didactique du langage écrit, une
étonnante discussion qui se mène sans rapport à la pédagogie Freinet. Largument
principal est la nécessité de former tôt, dès le début de la scolarisation, une
conscience du langage écrit. Cette discussion actuelle réclame à grands cris diverses
possibilités de pouvoir « prendre le langage dans les mains » : examiner
linventaire des lettres, découvrir les limites des mots, tourner les lettres et les
inverser, épeler les mots de droite à gauche identifier les voyelles qui apparaissent
souvent, etc. Autrement dit : si limprimerie nexistait pas encore comme
moyen de travail, il faudrait linventer maintenant. Au moins en début de
scolarisation, le travail avec limprimerie manuelle paraît avoir de nouveau un
sens, si lon prend au sérieux cette discussion didactique. Avons-nous banni trop tôt les casses et les presses à bras de lenseignement ? Au moins à
lécole primaire, ne devrait-elle pas conserver son caractère datelier ? Sommes-nous
tombés dans la tentative dhabituer trop tôt les enfants au travail
bureautique ? |
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La privation de latelier |
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La salle de classe comme bureau : voici la tentative la plus raffinée de lécole, jusquà présent, pour apprendre aux enfants à penser sans les mains. Dans certains endroits, donner la parole aux enfants ne signifie plus que mettre à leur disposition des stations de commandes digitales, à travers lesquelles il leur est permis de communiquer. Loris Malaguzzi objecte que lenfant a cent langages et cent mains, mais que « lécole et lenvironnement lui ont séparé depuis longtemps la tête du corps 99 mains sont volées ». On sait (et on le trouve souvent dans les écrits dElise et Célestin Freinet) que le vieille « école du livre », cérébrale, na pas accordé lespace nécessaire suffisant au développement de la « formation de la main ». Alors faut-il que les enseignants Freinet, pionniers dans la création des coopératives pédagogiques, soient en tête de ligne dans la programmation du cerveau et trompent la main de lenfant. Pourtant la main est, avec le langage, lorgane le plus important pour lexpression libre. | |||||||||
Ne privons-nous pas lenfant, en supprimant un travail
« fatigant » de possibilités dexpressions variées ? Pourquoi
cela ne nous rend-il pas méfiants, que lenseignement par le livre, dhier,
nait été quéchangé par des logiciels aujourdhui ? Une erreur
historique ne se répéterait-elle pas ainsi ? |
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Les enfants démystifient lordinateur |
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Le temps de
reconnaître notre erreur sécoule ; chaque mois, on jette des imprimeries
scolaires. Une étude récente, réalisée auprès denseignantes et
denseignants sur les perspectives de limprimerie scolaire, a révélé des
résultats inattendus et surprenants, concernant les pour et les contre des ateliers
dimprimerie, et qui avaient été ignorés jusquà présent. Des enfants, qui
sur un long espace de temps, avaient appris à apprécier limprimerie comme moyen
dexpression, refusaient énergiquement lidée déchanger les
possibilités de limprimerie contre les nouveaux médias. Ils voulaient conserver
les presses à bras. Apparemment les enfants et les adolescents développent facilement
une sensibilité pour déceler la magie trompeuse du logiciel, alors que nous adultes y
succombons si vite, de nos jours. Ils vont bientôt deviner les particularités des modes
de travail digitaux et découvrir les pièges des nouvelles structures de la
communication : -Le piège de lamusement : les nouveaux médias promettent une facilité, un plaisir et une distraction ludique, comme si apprendre nétait plus supportable quen tant quactivité amusante. Lapprentissage en atelier se base en première ligne sur une pédagogie du travail qui ne veut renoncer, ni à leffort, ni à la peine, ni même à lépuisement. -Le piège de la rapidité : les programmes, par
exemple dans le domaine du graphisme, offrent un gain de temps et promettent le chemin le
plus court, alors que le travail en atelier se définit justement par le fait que
lon peut ralentir les processus dapprentissage ; des discussions peuvent
surgir pendant le processus dorganisation, elles prennent du temps, mais elles
permettent à chacun dapprofondir, de grandir. -Le piège de la perfection : les nouveaux médias
proposent toujours des résultats parfaits, chaque fois plus raffinés et toujours
propres. Le travail en atelier conserve une certaine note personnelle, la petite erreur,
la « trace biographique », la différence obstinée. Cest
lesthétique de limparfait qui fait lattrait du travail en atelier. -Le piège des services : les nouveaux médias
mettent à disposition une sur-offre de choix, de fonctions et dordres. Même les
programmes les plus simples proposent des centaines de polices (le dernier cri étant sa
propre écriture, proposée par un producteur de logiciel de Düsseldorf). Ils proposent
des milliers de couleur dont les gradations sont à peine perceptibles par lil
humain. Latelier dimprimerie ne peut pas offrir cela il ne la
jamais pu et ne le veut pas non plus. Avons-nous suffisamment de résistance esthétique, de conscience et de sensibilité politiques pour reconnaître les intérêts de lindustrie du jouet et du matériel denseignement, des trusts de rattrapage et des secteurs de publicité et ainsi, éviter leurs pièges ? Ou bien sagit-il de tout autre chose : ignorerions-nous complètement limprimerie scolaire, tout simplement parce que cela donne moins de travail ? Herbert
Hagstedt Mouvement
Freinet allemand Ce
texte, présenté lors de la Rencontre internationale des Educateurs Freinet (RIDEF)
dYsper en Autriche (juillet 2000), a été publié dans la Multilettre de la
Fédération Internationale des Mouvements dEcole Moderne. |
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L'imprimerie est-elle ringarde
? Telle est
la question qu'un co-lisiter de la liste Freinet se posait, nous posait. Si les nouvelles
technologies envahissent peu à peu l'école, la question se pose toujours aujourd'hui,
peut-être même de manière plus forte, de la place de l'imprimerie dans les techniques
Freinet. L'imprimerie n'a peut-être plus la même fonction que du temps où nous n'avions
pas d'ordinateurs, de matériel de reproduction de qualité et d'un coût relativement peu
élevé. On peut cependant s'interroger sur la place de l'imprimerie, comme sur celle de
la création manuelle et technique dans une société de l'image et des technologies de la
communication. Nous avons
peut-être trop tendance, même au sein de l'ICEM, à trop intellectualiser la relation au
savoir et aux apprentissages. Comment des enfants, divers par leur origine,
socio-culturelle, leurs compétences, leurs centres d'intérêt, peuvent-ils se retrouver
dans une école où toute relation avec les apprentissages ne passe plus que par une phase
intellectuelle ? Comment des enfants, qui ont des difficultés à entrer dans
l'abstraction, peuvent-ils trouver leur place dans un univers scolastique totalement
intellectualisé ? Il ne
s'agit pas de dire qu'on ne doit pas essayer de les aider à accéder à un stade
d'abstraction plus élaboré. Il s'agit plutôt de permettre à chacun de pouvoir exister
dans la classe, avec ses compétences, de quelque ordre qu'elle puisse être. Dans ma
classe (un CP d'adaptation) j'utilisais la PAO, les nouvelles technologies, Internet
conjointement avec l'imprimerie. Qu'ai-je observé avec les enfants qui utilisaient
l'imprimerie ? Tout d'abord un attrait, un intérêt suscité par la technique elle même
et par les résultats obtenus, par le fonctionnement induit. Même si au premier abord,
l'imprimerie, semble nécessiter un temps de travail plus long, plus important, le texte
qui sort en est magnifié (par les illustrations en technique d'impression, les tirages
couleur...). Elle permet
l'élaboration d'une coopération par la nécessaire organisation des tirages, de
l'utilisation et de la « maintenance » du matériel. Les
théories de Leroy-Gourhan (« Le geste et la parole ») montrent l'importance
de la fonction kinesthésique dans le développement de l'intelligence, et je me dis que
cette fonction dans l'éducation est fortement minorée dans notre société. Parce que
nombre des enfants de la classe avaient besoin de passer par une phase de manipulation,
l'imprimerie me semble un indispensable complément des nouvelles technologies. Composer
son texte, passer par une manipulation matériellement palpable des mots, des lettres, des
lignes et des phrases facilite la construction des représentations, la fixation par une
mémoire « physique » d'un certain fonctionnement de l'écrit. Donc, non !
L'imprimerie n'est pas « ringarde » . Patrick
Carpentier, Maître E, GD 80 |
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Question du temps |
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Informatique, cours de
langues, décloisonnement, intervenants en tout genre, le temps de lélève se
morcelle de plus en plus. Quelle place reste til alors pour les activités dans
lesquelles les enfants peuvent expérimenter, tâtonner, gérer leurs propres projets ? |
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Denis Demarcy (cycle 3
de lEcole de Bonnay dans la Somme) répond sur ce sujet à Patrick Carpentier du
Nouvel Éducateur (NE). |
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NE : Denis, tu
as moins d'ateliers de créations manuelles et techniques dans ta classe. Denis : C'est
vrai. J'en ai eu jusqu'à une dizaine, sans compter l'imprimerie qui me prenait tout le
couloir avec huit casses et deux presses. Le problème, c'est le temps. Par exemple, nous
avions un journal quotidien depuis 1987. Nous avons dû l'arrêter pour en faire un
hebdomadaire : nous n'étions plus assez souvent en classe ! NE : Pourquoi ce
manque de temps ? Quelles sont vos nouvelles activités ? Denis : Des
activités régulières (et très intéressantes) sont venues occuper plusieurs plages de
notre emploi du temps : les cours de langue, les ateliers décloisonnés (un des volets de
notre Projet d'école), l'activité piscine. NE : Les cours
de langue, c'est juste deux fois quarante cinq minutes ? Denis : Nous
avons un professeur du collège qui vient. Alors si je veux faire du lien avec la vie de
classe, si je veux vraiment coopérer avec cet intervenant, ça prend un peu de temps
supplémentaire. Nous faisons chaque jour de petites séquences de révision du cours de
langue précédent sous forme de jeu et nous préparons des sketchs pour le cours suivant,
une surprise pour le professeur.
Denis : Oui,
mais je crois que je dois mieux m'organiser pour profiter du temps qu'il me reste en
classe avec mes élèves. La pression extérieure de l'IEN, des I.O., des parents, des
médias et les « comptes à rendre » aux parents, aux collègues (par le
livret scolaire) ont tendance à trop nous fixer sur la recherche d'acquisition de
nouvelles compétences, sur la recherche de moyens efficaces pour une acquisition rapide
de ces compétences. On est poussé à chercher la performance. NE : Comment s'y
prendre autrement ? Denis : Les
enfants ont besoin dans la classe, entre les activités collectives, d'ateliers de
« respiration », d'ateliers libres où ils peuvent aller à leur rythme, sans
le maître derrière leur dos. Ce sont des ateliers où ils peuvent gérer leurs propres
projets, où ils peuvent se construire, se servir de compétences acquises ou en voie
d'acquisition pour tâtonner, expérimenter. NE : Et tu
penses que ces ateliers disparaissent des classes ? Denis : Par
manque de temps mais aussi par manque de place. Il a fallu au cours des années trouver de
la place pour la B.C.D., le matériel informatique et bien souvent la taille des classes
n'a pas changé depuis Jules Ferry !
NE : En quoi
l'organisation du RPI a eu des répercutions sur la vie de ta classe ? Denis : J'avais
depuis 1984, quatre cours. Il est extrêmement intéressant dans une telle classe d'avoir
des ateliers tampons entre les activités. Cela permet une bonne gestion du temps pour les
élèves et le maître. Depuis quelques années
la composition de ma classe change. J'ai parfois tout le cycle 3, parfois 2 cours et
certaines fois un seul niveau. Je passe alors beaucoup de temps à rendre les élèves
autonomes et j'ai remarqué qu'un trop large éventail de propositions d'ateliers a
souvent été un handicap pour ces élèves que je ne gardais qu'un an. Un déséquilibre
se produisait dans la classe, les enfants privilégiant ces ateliers mais en voulant tout
faire, en papillonnant. Ils ne comprenaient pas l'articulation avec les moments collectifs
et n'auraient voulu passer leur temps que dans ces ateliers qui devenaient
« occupationnel » et se coupaient de tout objectif de coopération. Alors que
dans ma classe à plusieurs cours ils engendraient naturellement de la coopération entre
les différents niveaux. NE : Comment
as-tu remédié à cela ? Denis : J'ai
commencé à proposer moins d'ateliers et je les ai davantage relié aux besoins de la
classe. J'ai aussi opté pour
des ateliers qui proposent des activités courtes. NE : Quels sont
tes ateliers actuellement ? Denis : J'ai un
atelier techno avec légos, capsellas, mécanos, matériel électrique, un atelier
« jeux », un atelier créations géométriques, un atelier dessin et un
atelier informatique. Les enfants ayant moins de temps dans la classe, ces ateliers libres
ont glissé vers le temps d'accueil, les temps libres avant et après la cantine surtout
les temps de récréation. Ce sont les enfants eux-mêmes qui sont allés vers ces
ateliers spontanément à ces moments là. Ce qui m'a montré que le besoin d'effectuer
des activités libres, sans contraintes, de manière désintéressée (et non en vue d'une
compétence déjà ciblée) était très présent et très fort chez les enfants.
NE : Quels
avantages pédagogiques y trouves-tu ? Denis : La
création manuelle et technique est souvent mise à contribution pour un projet. Son rôle
y est alors précisément défini. Exemple, dans un projet de défilé carnavalesque, on
doit construire des chapeaux. C'est un projet collectif. Ce qui me semble très
intéressant dans les ateliers libres de création manuelle et technique c'est que
n'importe quel enfant de la classe peut se lancer dans son projet propre puisqu'il va
présenter son projet, chercher de l'aide, négocier éventuellement des achats, se servir
des compétences du groupe pour arriver à produire son objet. Les projets de classe
sont souvent très intellectualisés et des enfants en difficulté, loin de ces enjeux
risquent de ne pas participer. Avec les ateliers ouverts, des enfants en difficulté dans
d'autres disciplines peuvent y réussir, prendre confiance en eux et entamer des processus
de socialisation dans le groupe où ils vont trouver leur place. Donner sa place à chacun
c'est un des axes importants de notre pédagogie populaire. N'oublions pas la
spécificité de la Pédagogie Freinet, la pédagogie matérialiste. Toutes les formes
d'intelligence doivent trouver leur place dans l'école. Notre richesse c'est d'offrir une
grande diversité de moyen dans nos classes pour permettre à chacun de s'épanouir. |
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Maurice Choquet Toute une génération
d'écoliers a fréquenté la classe de Maurice Choquet, instituteur à Allonville de 1954
à 1977. Une collection de plusieurs centaines d'uvres émane d'une pédagogie
originale qui avait placé la création artistique au cur de l'enseignement
élémentaire. Présentes
dans la mémoire de ses anciens élèves qui les ont réalisées et de ceux qui les ont un
jour découvertes, ces uvres, qu'il caressait de ses mains robustes, témoignent
aujourd'hui de la passion d'un maître pour son métier. Voir l'objet,
« l'uvre », sortir en quelque sorte de l'informe, par une alchimie à
laquelle le maître et l'élève avaient contribué, les élevant au-dessus d'eux-mêmes
sans que l'on puisse identifier la part de chacun, était un moment d'émotion contenue et
fierté partagée. Sublimer les capacités de l'élève, Maurice Choquet s'en était fait
une philosophie. Tout ce que le village proposait comme matériau était utilisé,
jusqu'aux objets de récupération : terre, charbon, craie, sable, tôles ondulées ou
plates, affiches déchirées, goudron, carton, bouchons, toiles, plumes, poils, crin, on
faisait flèche de tout bois. Il embrasait l'imagination en s'appuyant sur le tréfonds
d'une culture rurale authentique, l'avivait par des images palpables de la vie
quotidienne. Il rendait ainsi accessible l'abstrait et les sentiments les plus subtils. La
création artistique devenait ainsi la voie de la connaissance, les élèves la percevant
avec beaucoup plus de réalité et de force que dans une leçon ordinaire. Il pensait sans
aucun doute que la beauté servait la pensée. J. M . Gaudefroy |
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Création manuelle et
technique |
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Promouvoir une
« pédagogie du concret », responsabilisante et donnant du sens à la recherche, en
proposant aux enfants une activité technique simple, facile à mettre en place, même
lorsque les conditions matérielles sont limitées, telle est lidée lancée par le
secteur « création manuelle et technique » de lICEM et expérimentée
par de nombreux collègues. |
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«Autrefois, lécole était essentiellement rurale et il
lui revenait de communiquer le sens de labstraction. » constatait
Pierre-Gilles de Gennes, interpellé à Europe 1 sur la créativité des Français. «La
situation étant aujourdhui inversée, il lui faudrait redonner le goût du
concret. » Et, peut-on
ajouter, avec la standardisation des modes de vie, lomniprésence de la télé, des
jeux vidéo et des mondes virtuels, autant aux jeunes ruraux quaux jeunes urbains. Or,
lespace disponible pour la simple fabrication manuelle, si indispensable au
développement et à léquilibre de chacun est aujourdhui, y compris dans le
secondaire, réduit quasiment à rien au niveau des programmes. Lexpérience
le prouve pourtant constamment, les enfants, individuellement comme en groupes, sont
parfaitement capables de construire ou de créer dans le domaine manuel et technique
autant que dans un autre. Il suffit de leur en donner le goût, loccasion et les
moyens. Le
problème, tel quil nous apparaît aujourdhui se résume donc à essayer de
promouvoir une pédagogie du concret technique : -recentrée
sur des productions en vraie grandeur, -responsabilisant
par une démarche de projets décidés, pris en charge et gérés de façon coopérative, -donnant
goût et sens de la recherche à travers un tâtonnement expérimental décomplexé, -développant
lesprit dinitiative individuel et collectif en privilégiant les situations
dexploration et de créativité. En
Septembre 86 déjà, la présente revue
évoquait une technique qui fut ensuite expérimentée à différents niveaux par nombre
de camarades.
Une
technique simplissime... Une
technique qui, dabord, ne nécessite pas dinterminables apprentissages pour le
maniement de tel ou tel outil. Pour ne déboucher au bout du compte quà la
fabrication par tous, à lidentique, du modèle imposé par le professeur ! On a
simplement à mesurer (mètre), scier des lattes à 45° ou 90° avec une boîte à
onglets, à parfois les percer (vrille), les assembler (équerre) et coller (colle à
bois, pinceaux et serre-joints), les poncer (cale à poncer et papier de verre) et les
cirer. Ici et là un peu de quincaillerie (crochets, charnières, pitons
) et
cest bien tout.
mais quasi universelle Une
technique surtout qui permette pratiquement tout projet de fabrication qui puisse vous
passer par la tête. A condition
de rester dans le cadre dun objet en bois et de ne pas dépasser certain volume
tout, ou à peu près, est envisageable. Aussi bien
le jouet que lobjet utilitaire : ustensile de cuisine ou de bureau par exemple.
Voire décoratif : cadres, mobiles ou stabiles. Aussi bien les boucles
doreilles que le garde-manger à fromages, la boîte à crayons, la corbeille à
fruits, le dérouleur à papier W.C. ou la cage à grillon. Au gré de lhumeur, du
goût, du plaisir ou du besoin de chacun. Un objet
original que les parents nachètent pas pour faire plaisir ou aider
létablissement. Quils désirent dabord, bien sûr, parce que cest
louvrage propre à leur gosse, mais aussi parce quil trouvera sa place dans la
maison, vu quil est aussi fonctionnel questhétique ! Nettement
plus que le tableau de nouilles collées en primaire ou le cadre à photo en
plastique au collège ! Une
technique qui permette dacquérir confiance en soi autant quen ses
copains ! Un exemple
de réalisation collective en avait été donné avec le projet maison de
poupées également présenté sur FR3. De
multiples autres en sont en tous cas disponibles dans le fichier que lon peut se
procurer auprès du secteur Création Manuelle et Technique
de lI.C.E.M. ou télécharger à partir du site internet du secteur. Contraintes
et créativité Au début
ma position fut plus « directive » quelle ne le devint sur la fin. En ce
sens que les premières projets sont autant sur « sujet » que sur
« matériau » imposés ! Mes
élèves du Collège Barbey, quartier de la gare à Bordeaux, comme mes premiers
collégiens de Vergt, en Dordogne, se virent en effet uniquement proposer de réaliser des
dessous de plats, uniquement avec du carrelet de 14 (autrement dit de la latte à section
carrée de 14 mm). Ce qui
nempêcha nullement les enfants de prendre plaisir à pareille réalisation. Et
cest vrai que je dois avoir, dans trois classeurs, conservé près de mille dessins,
tous différents, desdits dessous de plats. Difficile
de ce fait dimaginer les hésitations à nen plus finir lorsque jen suis
venu à dire : « Vous disposez de cette soixantaine de lattes diverses pour
créer lobjet de votre choix » Langoisse de la page blanche,
pourrait-on dire ! Mais les
choses se présentent parfois différemment : témoin Nathalie et sa moto. En début
dannée ils avaient donc à peu près un mois pour décider de lobjet que
chacun entendait dessiner avant fabrication. Chaque semaine je leur rappelais la chose. « -
Alors, quest-ce que tu as choisi de fabriquer ? - Une
moto. -En
lattes de bois ? Ca ne va pas être évident, tu sais : pas facile à dessiner
et le résultat risque de ne pas être terrible Bouderie
prolongée. La semaine suivante : «Alors
quest-ce que tu décides ? - Une
moto. - Si tu
veux, mais je taurai prévenue : ça risque dêtre long et décevant. Tu
nas vraiment pas envie de faire autre chose ? Bouderie
renforcée. « Alors ?
- Une
moto ! » En fait, je
naurais jamais cru que lon puisse réaliser une moto aussi chouette avec des
lattes de bois. Jai dû finalement le reconnaître et même la féliciter pour son
entêtement. Une copie
de ladite moto fut même réalisée pour voisiner, dans le garage de la maison de poupée
avec un vieux tacot, lui-même assez réussi. Autre
réalisation remarquable, celle de Lionel, infirme moteur cérébral en fauteuil roulant
qui dessina un petit billard japonais, avec billes qui, une fois propulsées par tirette
reliée à un élastique, après avoir emprunté une des quatre ouvertures rondes,
descendaient la pente ménagée en dessous. Et pouvaient être récupérées dans la
gouttière ménagée en bas, à lavant. Il fut bien
sûr aidé pour la fabrication par deux fidèles camarades et put partir avec, sur les
genoux, son étonnante réalisation. En fait,
outre ceux des dessous de plat, cest une douzaine de classeurs de dessins
dobjets divers, tous différents eux aussi, imaginés par les jeunes, que jai
conservés. Lesprit
gestionnaire Autre chose
que cette technique peut apprendre : le sens de la valeur des choses. Par exemple le
réflexe, lorsquon a besoin de 15 cm de latte de tel type, plutôt que se
précipiter sur une latte neuve, daller dabord voir sil nen reste
pas un bout provenant dune déjà entamée. Donc prendre lhabitude de ranger
ces lattes par catégories. Apprendre
à calculer le coût dun objet : par exemple 15 cm de telle latte vendue telle
somme les 180 cm plus telle longueur de telle autre, vendue elle à tel prix. Plus 20%
pour la colle et lamortissement de loutillage. Excellent pour apprendre la
règle de trois ! Total
doublé pour en tirer bénéfice pour dautres projets de la coopé si, ce nest
pas son inventeur qui achète ce quil a fabriqué. « Mais
comment diable, ai-je aussi parfois entendu, peut-on soccuper en même temps de tant
denfants poursuivant des activités si délibérément diverses? » Javoue
éprouver quant à moi la même perplexité à lidée dune même réalisation
voulue au même rythme pour chaque élève alors que certains ont pu être absents une
fois, dautres deux, dautres trois
et bien sûr jamais en même
temps ! Ce qui est
certain cest quavec tant de lattes différentes et tant dobjets en
chantier non moins différents, il nous fallait veiller au grain pour ne pas nous
retrouver en manque de telle ou telle latte. Une fois par semaine, parfois deux, il me
fallait me rendre au magasin de bricolage le plus proche pour réapprovisionner
latelier. Une
technique adaptable à lécole primaire Cette
technique, des camarades du Mouvement Freinet lont expérimenté avec des enfants
plus jeunes. Les premiers en classe unique : Daniel Cheville dabord,
cheville ouvrière (!) des fiches éditées par le secteur
Création Manuelle et Technique de lI.C.E.M. « Les
lattes de bois ont bien marché dans ma classe. Deux raisons principales :
fabrication simple et rapide, motivation pour préparer une visite chez les correspondants
qui étaient venus avec des cadeaux. » Christine
Charles ensuite : « Latelier lattes est coopératif par excellence.
Les plus habiles y forment les non initiés. La classe unique permet en outre une réelle
coopération entre tranches dâge. Si certaines réalisations demeurent
individuelles dautres sont loccasion dun véritable travail
déquipe. « Un
village a ainsi été entièrement réalisé, du plan à la finition - ponçage au papier
de verre par un CP et une CM2 sans aucun heurt ni prise de pouvoir. La fille de
CM2, maintenant au collège, ne manque pas de montrer cette réalisation aux visiteurs de
passage sans jamais oublier de présenter son collaborateur, maintenant au CM1, qui a fait
depuis quelques restaurations. « Les
objets créés : voitures, locomotives, bulldozers, petits véhicules de toutes
sortes, maisonnettes, mobilier, dessous de plat, boîtes, jeux de société
sont des
supports importants pour des jeux libres. « Les
réalisations ont été offertes aux correspondants ou aux parents, certaines ont été
fabriquées dans un but utilitaire, boîtes de rangement par exemple. « Mon
rôle denseignante, nintervenant ensuite quà la demande, aura été
damener le matériel et de proposer des exemples de ce qui pouvait être réalisé. » Serge
Durrieux les proposa à ses CE2 : « Avec des enfants de 8 à 9 ans, je
mattendais à des difficultés. Ma surprise a été de voir une grande variété
dobjets conçus et fabriqués par les enfants : plusieurs modèles de voitures,
de camions, dautobus, de tracteurs, de motos, de scooters mais aussi une armoire de
poupée, des boîtes à bijoux ou des coffrets de rangement de cassettes. « Ma
seconde surprise a été de voir que tous les projets ont abouti, grâce, il est vrai à
beaucoup daide de ma part mais aussi de lentraide de ceux qui avaient acquis
des savoir-faire. Magie de voir leur esquisse sur papier se transformer petit à petit en
un objet qui est beau et qui fonctionne. « Cest
vraiment une activité complète et très riche de recherche, de création et de
réalisation technique faisant appel à de multiples savoir-faire : imaginer un objet
en volume, copier un modèle, mesurer, découper, poncer, coller, assembler, calculer (le
prix de revient par exemple) mais aussi : sentraider, expliquer,
guider
»
Voire en
maternelle ! Cest
Dominique Marchal qui est allée le plus loin en le proposant en atelier à ses élèves
de moyenne section ! « On
croit trop souvent les petits incapables de trop de choses. Bien à tort la plupart du
temps : il suffit de leur faire confiance ! » écrivait-elle. Elle a,
bien sûr, bien préparé le travail des enfants en mettant dabord à leur
disposition une série de morceaux de différents types de lattes préalablement coupés
par elle. Des chûtes récupérées dautres réalisations auraient aussi pu faire
laffaire. Elle a
distribué, comme déclencheur, des photocopies du recto dune fiche élaborée avec
Daniel Cheville sur de mutiples automobiles imaginables à partir de semblables chûtes.
Qui servit aussi de logo illustratif pour désigner latelier. Les roues
font souvent problème : diverses solutions ont été envisagées au niveau de leur
fabrication ou de leur fixation. Elles ont dailleurs été montrées dans des fiches
SBTJ. Dominique sen tira en les simulant à laide de quarts de rond ou de
diverses sortes de rondelles. Ses
élèves nont pas eu à percer ou à couper. Simplement à assembler des chûtes de
lattes pour figurer corps du véhicule, cabine, roues, etc
avant de proposer un
projet non collé à la maîtresse. Il leur fallait donc, pour réaliser ce quils
avaient en tête, choisir dabord les morceaux, réfléchir, essayer, les bouger pour
tester où et comment les coller
Certains
ont même proposé des objets non prévus sur la feuille
« déclencheur » : camions, bus, tanks, bateaux
Ils ont eu
ensuite à poncer tous les morceaux à la main, ce quils faisaient avec sérieux et
application. Ils ponçaient debout, ils ponçaient assis mais toujours dans la bonne
humeur. Parfois pourtant ça ne marchait pas : encore fallait il utiliser le bon
côté du papier ! Et frotter dur : « faut que ce soit bien lisse pour
quon puisse coller ! » Ils avaient
dabord tendance à ne pas mettre assez de colle, puis trop. Ce qui les obligeait à
enlever ce qui débordait avec un chiffon. On mettait de la colle partout
même sur
les doigts. Heureusement ce nétait que de la colle blanche, de la colle à bois.
Parfaitement sans danger même si indiqué à prise rapide. Ici le
serrage nétait pas indispensable : on posait un morceau sur lautre, on
appuyait un petit moment après avoir essuyé la colle ayant débordé. Mais il
savérait dur dattendre que ce soit sec. Les objets
sont restés à lécole pour lexpo de fin dannée. Les enfants ont
plaisir à les montrer. Alex
LAFOSSE Secteur création manuelle et technique Site de
téléchargement des fiches |
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Aline et Marie France,
collégiennes à Vergt ont présenté cet atelier, cette année là sur FR3 Limoges. Marie-France :
« Pour fabriquer des objets en lattes, il faut dabord, bien sûr, des
lattes. On en trouve de très nombreuses sortes dans les magasins de bricolage : des
rondes, grandes ou petites, des ½ rondes, des ¼ de rond, des carrées de diverses
sections, des rectangulaires plates ou épaisses. Aline :
« On en trouve aussi de, disons : « biscornues » parmi
lesquelles une qui sert assez souvent : la « langue de chat » ou latte à
2 bords ronds. Marie
France : « La première des choses est sans doute de dessiner ce quon
a en tête de faire Aline :
« Pour couper ces lattes, il faudra une boîte de coupe et une scie à dos (gros
plans) Marie
France : « Pour les assembler vous utiliserez une colle blanche appelée
aussi colle vinylique, vendue en différents pots dans les magasins de bricolage. Aline :
« Attention : il faudra enlever soigneusement les bavures de colle avant de
laisser sécher les assemblages, maintenus le temps du séchage entre des élastiques ou
des serre-joints. Marie-France : « Mais
attention aussi à ne pas blesser le bois avec le métal des serre-joints :
interposer des cales en bois ou du carton épais » |
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