Feuille de bord en
maths : un texte libre ?
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Nous
tentons de favoriser sans cesse lexpression libre de nos élèves, même dans les
disciplines qui paraissent les plus éloignées de cette préoccupation. Il nous semble,
en effet, nécessaire que les adolescents interrogent leurs émotions et les expriment,
pour être pris en compte par ladulte ou le groupe, et se sentir concernés par ce quils vivent.
Luc Comeau-Montasse, professeur de mathématiques au collège, présente une pratique qui
favorise cette libération de lexpression des adolescents. Sa technique nest,
bien sûr, pas complètement un « texte libre » qui suppose liberté du
moment, du thème, et du destinataire, mais il lui ressemble, par la « liberté de
la parole, de lexpression, de la pensée ».
Les
élèves de mes classes remplissent quelques lignes avec les rubriques :
- date
-thème du
travail du jour (pas le titre au tableau, mais quelque chose de plus précis)
- ce que
j'ai appris ou réappris (un savoir-faire précis avec si possible un exemple)
-mon
commentaire du jour.
Cette
quatrième rubrique est d'une certaine manière une forme de texte libre, pas au sens
réel bien sûr, puisque le moment est imposé et que d'autres critères du "texte
libre" ne sont pas respectés. Mais lélève y écrit quelque chose de
personnel qui s'est passé pendant le cours : quelque chose de réel ou de rêvé,
voire pire.
L'an
dernier, j'étais parti sur l'idée d'un écrit appartenant à l'élève qui le produit et
donc sur lequel je n'avais aucun droit. Je n'avais pas trop détaillé les critères de
cette production, car je craignais d'imposer une forme trop contraignante ou des modèles
parasites. Cette année, je m'y suis pris un peu différemment. D'abord, parce que le recul d'une année de fonctionnement me permet de
voir la nécessité d'une petite période de mise en route où, avec la classe, nous
mettons (surtout moi au début) les choses en place, évitant les contresens inutiles (par
exemple sur les mots « thème » ou « commentaires »).
Ainsi, je me permets de demander ce qui est
écrit (je ne lis pas moi-même), et de faire quelques remarques orales :
« Le
prof, il est gentil.
- Non,
Karim, ce nest pas un commentaire du jour pour la feuille de bord.
- Djamel, y ma fait rire tout le temps.
Pourquoi il ta fait rire, Djamel ? Tu ne te souviens déjà plus ? Ce que tu écris doit être « un peu »
unique, c'est quelque chose qui ne se passe pas à tous les cours. Djamel, il te fera toujours rire. Qu'est-ce qu'il
t'a dit de particulièrement drôle aujourd'hui ? Si ne sais déjà plus, le reste du
cours de maths doit aussi être très loin. En te souvenant d'une remarque précise, tu
pourras peut-être, te rappeler de la priorité de la multiplication sur l'addition en
te disant on a fait ça le jour où Djamel m'a dit ... »
Mon
objectif est, bien sûr, la production d'un écrit vers la « liberté de la parole,
de l'expression, de la pensée ». Mais il s'agit
surtout d'un essai d'ancrage de « ce que j'ai appris ou réappris » dans le
vécu et le senti personnel de l'élève pour aider à la mémorisation. L'an passé, ce
travail m'a surtout servi avec les élèves en grande difficulté. Pour certains, il a
servi de bouée de sauvetage : en faisant émerger du cours un seul point (même si
plusieurs éléments avaient été abordés), en l'écrivant avec des mots plus simples,
et de la façon la plus opérationnelle possible (mode d'emploi) certains élèves en sont
venu a mieux « saisir » des éléments du cours et par la suite à participer
davantage aux activités de recherches que l'on fait en classe pour introduire les
différentes notions. |
Cette année, j'ai donc été un peu plus
directif en proposant une période d'aide à la rédaction. Deux semaines, pendant
lesquelles je participe à l'émergence collective du thème et aide un peu ceux qui le
demandent à mettre en forme leur « ce que j'ai appris (ou
réappris) ».
Cette pratique de la feuille de bord est un
peu isolée, pourtant, je n'ai eu aucune remarque négative cette année (quelques-unes
l'an passée) de la part des élèves. Au contraire, ce moment est vraiment intégré à
l'heure de classe, et réclamé lorsque vient son temps (très peu d'excès de la part de
ceux qui voudraient éventuellement accélérer la fin de l'heure).
J'attends avec impatience le moment où
(après un mois de cours) je les laisserai plus libre dans leur rédaction (liberté qui
pour l'instant n'est totale que dans le commentaire), parce que je pourrais alors, moi
aussi rédiger ma feuille de bord sur laquelle la rubrique « ce que j'ai
appris (ou réappris) » de ma classe me donne l'occasion, à moi aussi, de
noter ce qui, sans ce petit moment suspendu, serait à jamais perdu, des petites choses
comme :
« J'ai appris que Teddy (qui
n'écrit pratiquement jamais rien sur son cahier) a de réelles connaissances sur la
civilisation égyptienne, qu'Océane, après plusieurs cours, évaluations... sur les
nombres décimaux, croit encore que si on entend mille, le chiffre cité devant est celui
des milliers (elle a alors raison, ex : 3000) ou des millièmes (la plupart du temps
elle se trompe alors, ex : 0, 3541).
Luc
Comeau-Montasse
Collège
des Hauts de Blémont
57070 Metz
Borny
Extrait de
Second Degré Liaisons,
Revue du
secteur second degré
de
lICEM