La philosophie
à lécole |
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Dans les structures de parole, instituées dans les classes
Freinet, la réflexion philosophique affleure souvent lorsque les enfants abordent en
toute liberté, des thèmes qui les touchent profondément.
Dans leur classe, des collègues ont
choisi de mettre en place des moments de philosophie, bien
distincts des autres moments de parole, convaincus du fait que les enfants
ont une capacité à questionner le monde qui lorsquelle est accompagnée, leur
permet dacquérir la faculté de penser par eux-mêmes. Les ateliers philosophiques trouvent
toute leur place à lécole, lorsquils sont en cohérence avec les autres
pratiques de la classe : respect de la parole de chacun, de la confidentialité des propos
tenus, éducation citoyenne reposant sur une pratique quotidienne de la coopération. Le
savoir-faire des enfants, acquis par la pratique des Quoi de neuf ? et des conseils permet
alors darticuler une pratique philosophique sur une pratique démocratique. |
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Le « moment philosophie »: expérimentation dans les classes Freinet Novembre
97, quelques membres du Groupe Lyonnais de lEcole Moderne se rendent à une
invitation dAgnès Pautard, Jacques Lévine et Dominique Senore. Un projet dexpérimentation
de la philo à lécole leur est présenté ainsi quun protocole dexpérimentation.
Depuis, un secteur philosophie sest mis en place. |
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Nous avons été intéressés par cette proposition car dans nos
classes, la réflexion philosophique affleurait, soit lors des moments de paroles
institués, soit lors déchanges informels. Certains dentre
nous se sont engagés dans lexpérimentation proposée, dautres ont souhaité
introduire la philo dune façon un peu plus souple et échanger sur leur
tâtonnement au sein dun groupe de travail. Les
objectifs Nous
souhaitions : -démarrer
le moment philosophique de façon naturelle (sans contrainte préalable), en tâtonnant,
avec des possibilités dévolutions, dadaptation aux réactions des enfants,
en prenant du temps ; -échanger
sur nos pratiques en comparant nos procédures : choix du sujet (part de lenfant,
lien entre sujet et vie de la classe, raisons des choix) ; durée, moment,
fréquence; intervention de ladulte ; organisa-tion spatiale ;
enregistrement ou pas ? utilisation ; rituels, règles de prise de parole ;
articulations avec les autres moments de parole ; production (dessins, textes,
traces) à lissue des discussions ou pas ? etc. -vivre
entre adultes des moments philo avec laide dun prof de philo intéressé par
la démarche ; -
réfléchir à comment se construire la pensée dans les moments philo et dans les autres
mieux de parole (conseil, quoi de neuf...) Nos
pratiques Les
rituels Ils varient
selon les groupes mais ils existent. -du lieu -des supports (cassettes, affiches, album
) -de lorigine des questions -de la distribution de la parole -du déroulement Le temps de réécoute Il permet à la discussion de progresser ; la plupart dentre
nous enregistre la discussion. Ladulte peut aussi redire à la fin le cheminement de
la discussion. Chantal, au cycle 3 utilise une grille danalyse Les enfants
la remplissent en écoutant deux fois lenregistrement initial. Ce travail danalyse
conduit à savoir dégager des idées. Il est complété : « Maintenant quest-ce que vous en diriez ? ». La conclusion est une synthèse. Sa formulation donne de la force
au débat. Remarques : les notes des enfants sont cohérentes, les enfants
ne posent pas beaucoup de questions, les sujets proposés sont de plus en plus dans le
domaine de la philosophie. Lorganisation
du temps de
philosophie à lécole Nous avons
pour la plupart dentre nous un moment programmé à lemploi du temps pour latelier
de philosophie. Il sagit de temps classe mais aussi dorganisation entre
plusieurs classes (cycle ou école). |
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Des
outils Lenregistrement des débats : - le magnétophone ; - le dictaphone ; - le micro ; - le MiniDisc. Le bâton de parole : Objet symbolique qui circule dans le
groupe et qui est tenu par celui qui prend la parole. Il est donné au suivant ou à celui
qui demande la parole quand on a fini son intervention. Le micro ou le dictaphone peuvent
tenir lieu de bâton de parole. Grille de réécoute et danalyse
dun débat ( cycle 3) 1.
Question : problématique 2.
Quelle est la première idée ? 3.
Les questions 4.
Les idées 5.
Ma conclusion |
Le
cahier de philosophie (cycle 3)
Pour chaque sujet il regroupe
1.
La séance 2.
La question 3.
Le compte rendu de discussion 4.
Les citations 5.
La trace personnelle. Cette dernière peut être une reprise de
ce quils ont dit, un dessin, une phrase qui résume la discussion , des ressentis
personnels. Lalbum de philosophie
(Grande- section) Pour chaque sujet sont classés dans
un album de classe 1.
La question formulée
: Quest- ce que ... 2.
La transcription écrite des discussions 3.
Les dessins individuels avec transcription de la parole de lenfant La photocopie de la couverture de lalbum
lu en liaison avec le sujet |
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Dans les classes Le
moment philo chez Véronique et Michèle en CM1-CM2 La philo
est inscrite à lemploi du temps, pour une durée hebdomadaire de 15 min. Au cours de la première séance de lannée,
nous avons tenté de répondre à la question :
« Quest-ce que la philo ? ».
Ce qui a abouti à « cest se poser des questions ». les enfants ont alors formulé
diverses questions qui ont été classées en 2 colonnes philo/non philo. De ce classement
proposé par les adultes a découlé une conclusion : Quand on fait de la philo, on se
pose des questions sur la vie, sur la mort
et on pense. » Un vote
permet de dégager la question qui sera discutée à la prochaine séance : « Pourquoi
lhomme doit-il mourir ? » La
deuxième séance est consacrée aux échanges sur ce sujet. Le micro circule comme un
bâton de parole, chacun parle quand il le reçoit, sil le désire. La séance est
enregistrée. Pour la
troisième séance chacun reçoit, la veille, le texte transcrit de la discussion
précédente. Chaque enfant la relu et a surligné les points sur lesquels il
souhaitait intervenir à nouveau. Le micro est donné à celui qui demande la parole, on
échange sur un point tant quil y a matière à, puis on passe à un autre. Pour la
quatrième séance deux citations de philosophes sont affichées dès le matin, les
élèves en prennent connaissance sils le désirent. Au cours de la séance de
philosophie, on leur demande de réagir par rapport à ces écrits. Moment de Délice ! Et
oui les enfants de ZEP pensent ! Ce moment
de philo est attendu de façon intense par tous. Il y a des échanges réels entre les
enfants qui se questionnent les uns les autres. Ce travail
a été reconduit la deuxième année. La troisième année Véronique a ajouté un cahier
personnel qui regroupe les traces des séances. Chez
Patrick La philo se
déroule à raison dune séance hebdomadaire de radio, en direct, présentée par
les cycles 3. Deux représentants par classe peuvent y participer. Cela représente six à
douze enfants maximum. Certains enfants deviennent des habitués de la séance de
philosophie. Le débat est animé par un enseignant de lécole. Le sujet est
proposé par un ou des adultes (ça philosophe dur dans la salle des maîtres !) Entre
adultes, à la récré, il y a systématiquement des échanges sur le sujet philo.
Exemples de sujet : le rêve et la réalité ; ce qui est vrai et ce qui est souhaité
Certaines
classes préparent le sujet avant la séance, dautres en parlent après. Lors de lémission
de radio, les élèves échangent dabord librement, puis à mi-chemin, lenseignant
pose une question qui relance le débat. En fin démission, il propose que deux ou
trois enfants concluent. Dans la
classe de Patrick il y a trois temps : -avant lémission, une petite discussion -écoute de lémission -discussion après lémission. Ce troisième temps peut
être très riche. |
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« Le moment de philosophie
vise dabord à ce que lenfant sentende émettre une pensée sur des
sujets importants concernant lHumain ; entende aussi les idées des autres et ce
dans le cadre dune classe communauté qui sinstaure en communauté de
penseurs. » Jacques Lévine |
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En maternelle Valérie
intervient anime un atelier de philosophie avec environ 15 enfants de grande section. La
séance se fait en trois temps : -deux tours systématiques du bâton de parole pour se lancer
dans la discussion. Ladulte nintervient pas. -le bâton de parole va à celui qui le demande. Ladulte
peut recentrer, remettre lidée dun enfant sur le tapis, reformuler (question
ou propos) et même éventuellement, proposer une façon de répondre (non définitive,
bien sûr.) -dessin et phrase de conclusion. Ladulte repose la question
initiale et note la réponse de lenfant. |
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Un projet langage de lécole permet à Yvette (poste
REP) danimer un atelier philosophie. Je
travaille avec la grande section sur un projet d'école autour du langage. L'objectif
est de faire parler les enfants afin qu'ils maîtrisent davantage le langage. Dans chaque
classe les enfants sont partagés en quatre groupes en fonction de leur capacité à
prendre la parole dans le groupe classe. On a donc des groupes de grands parleurs,
parleurs, moyens parleurs et faibles parleurs ; cela ne correspond pas forcément à leur
niveau de langage. Nous avons donc ainsi des groupes de 6, 7, 8 enfants qui présentent
une homogénéité uniquement sur cette capacité et chacun à la possibilité de
s'exprimer sans en être empêché par de plus bavards. Les séances sont de 30 minutes et
ont lieu une fois par semaine. Avec la
grande section j'ai choisi d'aborder des sujets de la vie où l'enfant est entraîné à
exprimer sa pensée. Ce sont les entretiens philosophiques où la parole de chacun est
respectée. Après
quelques mois de travail je constate une évolution. Si au début on avait la plupart du
temps des répétitions (l'enfant répète ce qu'il vient d'entendre) ou des
juxtapositions (lenfant parle sans écouter les autres) et des soucis de conformité
avec ce que l'adulte est supposé souhaiter, maintenant il y a de petits débats qui
s'inscrivent dans ce qui ressemble davantage à une discussion. Nous avons une mémoire
collective et dans la discussion certains rappellent ce qu'ils ont dit une fois
précédente. Des enfants anticipent et
proposent des sujets pour une séance suivante. Lors de
l'atelier Philosophie, les enfants s'installent avec
moi autour d'une table ronde dans la petite bibliothèque de l'école. La séance
commence par un court échange qui me permet de sentir le groupe et de saisir des
préoccupations actuelles personnelles des enfants pour en tenir compte dans mes
propositions de discussion. Ainsi les sujets discutés peuvent venir des enfants ou de mon
initiative. Je formule
clairement le sujet retenu. A partir de ce moment j'interviens dès qu'il y a digression.
Après un tour de parole complet je reformule tout ce qui a été dit (je note rapidement
ce qui est dit), puis il y a un nouveau tour de parole systématique avant de redonner la
parole à ceux qui la demande.
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Quelques précisions sur la
notion de « chercheurs philosophes » pour poursuivre notre travail. 1 - Notre
recherche est une recherche ouverte, qui débouche sur une recherche de compréhension et
non sur une connaissance clôturée, un enseignement. On défend une expérience où lenfant
sujet peut approcher le sens de la condition humaine, en tant quinterlocuteur
valable au sein dune communauté où tous participent. Il sagirait, pour être
au plus près des mots, dune « préparation à la pensée
philosophique » par le questionnement commun (chacun repart à zéro pour pouvoir
expliquer avec un regard neuf, en débanalisant le banal). 2 - Cest
une recherche ouverte main néanmoins suffisamment cadrée et centrée sur un problème à
résoudre pour ouvrir la possibilité à chacun dune pensée groupale et individuelle. La rigueur du protocole
(durée, périodicité, enregistrement...) est une base sur laquelle lenseignant sappuie
pour proposer une expérience de développement de la pensée qui porte sur le long terme. 3 - Nos
« ateliers de préparation à la pensée philosophique » sont des lieux de
parole bien sûr, mais différents des autres lieux de parole puisque lenseignant y
est très présent mais dans son silence. Lenjeu pour les enfants est hors lefficacité
évaluable « scolairement ». Ce temps na rien à voir, aussi, avec le
« quoi de neuf ? », le conseil ou des moments dexpression
spontanée. 4 - La
démarche démocratique est-elle lun des enjeux des ateliers ? Le mode ou la
gestion que nous proposons fait que chaque enfant apprend à prendre place tout en
respectant celle de lautre, ceci non pas par devoir de respecter lautre, mais
par plaisir de se montrer capable de participer à un groupe qui fait avancer la pensée. Jacques Lévine, Agnès Pautard, Dominique Sénore |
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À la rencontre dAlbert Jacquard Lécole
Anatole France de Vaulx en Velin a été conviée à participer à une rencontre publique
avec Albert Jacquard, invité à loccasion de la sortie de son dernier livre A
toi qui nes pas encore né(e) . Une expérience mémorable dans la
pratique de la philo au CM2. Ravie
de laubaine, jai proposé à une dizaine délèves volontaires du CM2 de
préparer cette rencontre qui a eu lieu dans une des bibliothèques municipales. Ces
élèves ont pratiqué la philo depuis 3 ans et je leur ai fréquemment lu des extraits de
livres dAlbert Jacquard pour illustrer des thèmes abordés. Dautre
part, dans latelier sciences, ils ont eu aussi loccasion dentendre
parler de lui, pour ses travaux en génétique. Jai
demandé à chaque enfant de poser par écrit toutes les questions qui lui venaient. Puis
nous avons regroupé ces questions, les avons classées par thème et transmises aux
bibliothécaires. Nous avons ensuite eu trois débats à partir des citations
suivantes : - Il ny a pas de démocratie sans partage du
savoir. - Lhomme : une erreur dans lévolution
des espèces. - Deux et deux ne font pas quatre. Deux éléments
différents sassocient pour en créer un troisième qui, jusque là nexistait
pas. Le jour J,
chacun sest vu remettre un petit livret dans lequel les bibliothécaires avaient
regroupé les questions (les nôtres et quelques-uns unes déposées par des lecteurs). La
rencontre fut magique. Les enfants ont posé les questions chacun à leur tour, et
écouté les réponses, sous le charme, captivés par cet homme qui sadressait à
leur intelligence et à leur capacité à sémouvoir, pour expliquer simplement des
affaires compliquées. Chacun est
reparti avec son livret autographé et, dans la tête, des phrases fortes que je devais
entendre dans leurs conversations un peu plus tard. Chantal Nay |
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Questions pour Albert Jacquard 1ère série Vous avez choisi de faire deux
métiers : scientifique et écrivain. Pourquoi ? ( Audrey et Mériem) Quand vous étiez petit, vouliez-vous
déjà faire ces métiers ? (Johnny) Depuis quand faites vous ces
métiers ? (Marylène) Est-ce que vous les aimez ? (Toihir) En quelle année avez-vous écrit
votre premier livre ? (Toihir) Quel âge aviez-vous ? (Mériem) Quel était son titre ? (Lénina) 2ème série Que voulez-vous nous dire à travers
vos livres ? (Solène) Est ce que vous vous sentez seul en
les écrivant ? (Solène) Combien en avez-vous écrit ? (Lénina) Lequel préférez-vous ? (Mériem) 3ème série Pourquoi avez-vous appelé votre
dernier livre comme ça ? (Hatem) Pourquoi avez-vous voulu écrire sur
le futur ? (Mériem-Audrey) 4ème série Que pensez-vous sur la lutte des
femmes ? (Solène ) Pourquoi on vit, et après on
meurt ? (Hatem) Pourquoi dites-vous quon ne
pourra plus se nourrir sil y a trop de monde sur terre ? (Antoine) 5ème série Pensez-vous que tout le monde aime ce
que vous faites ? (Solène) Est-ce que cela vous plaît de
répondre aux questions des enfants ? (Marylène) À quel âge comptez-vous vous
arrêter ? (Mériem) |
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La philo en
classe dintégration scolaire Isabelle Perreau, lors de sa formation C.AP.S.A.I.S.
(enseignement spécialisé) a fait son stage dans la classe de Patrick Chrétien. Elle
avait choisi comme thème de mémoire : la pratique de la réflexion philosophique
avec des enfants présentant un handicap mental dans une Cl.I.S., dont nous présentons
quelques extraits. |
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Au début de lannée, lI.U.F.M. a proposé une
réunion dinformation sur la pratique de la philosophie de la maternelle au
collège. Il ma alors semblé que la philosophie pouvait tout à fait répondre
à ma problématique. En effet, cette discipline ne propose pas de réponses toutes
faites, mais invite à réfléchir sur des problèmes existentiels, à sinterroger
sur soi-même, à mettre en doute les certitudes. Echanger,
communiquer, apprendre
à partager, agir
ensemble Exercer
sa liberté dans une société
Lhomme
ne vit pas seul. Lhomme est un parmi dautres dans une société, il se
construit grâce aux autres, même sil doit aussi sen distinguer. Il lui faut
donc apprendre à vivre avec ses semblables. Lécole
nest pas une communauté, elle est une société. Les individus qui la
constituent ne se sont pas choisis pour réaliser une tâche commune, chacun poursuit des
buts personnels. Il nous faut donc vivre ensemble, travailler ensemble, coopérer sans
forcément saimer. Comme le souligne Bernard DEFRANCE, lenjeu de léducation
à la citoyenneté est donc dapprendre à vivre, à coopérer avec dautres,
avec lesquels on na pas choisi de vivre(1). Les Instructions Officielles
rappellent limportance de lapprentissage du vivre ensemble dans léducation
à la citoyenneté. |
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Pour que vivre ensemble soit possible, il faut que nos
divergences puissent sexprimer autrement que par la violence. Celle-ci, donc, sous
toutes ses formes, doit être interdite. Linterdit de la violence
ne se discute pas démocratiquement, il est ce par quoi une discussion démocratique
devient possible (1). Mais une condition nécessaire est davoir la
parole, car interdire la violence sans proposer dautres possibilités dexpression
est une violence bien plus grande encore. Pour que léchange
dans un groupe soit possible, il est indispensable que les personnes qui le constituent
puissent être reconnues par les autres afin de pouvoir exister chacune et co-construire
ensemble. Francis IMBERT rappelle que la tâche principale de lenseignant
est d interposer les dispositifs qui obligent à léchange, qui
mettent en situation de se séparer des images aliénantes (...). Léducation se
développe à travers linscription dinterdits, de médiation dont la visée
est dinterpeller parole et désir(2). Pour répondre à cela, le moment philosophie nécessite la mise en place dun cadre et des
attitudes spécifiques. Mais avant tout, il me semble que pour quune telle
activité prenne tout son sens, elle doit être en cohérence avec les
autres pratiques de la classe. |
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Dans la classe, on parlait déjà... Dans la
Cl.I.S. de Patrick, les enfants apprennent à vivre ensemble. La vie de la classe sorganise
autour de lois et de règles de vie précises connues des enfants. Dans une
Cl.I.S., plus quailleurs, les enfants ne se sont pas choisis. Ils ne
viennent pas forcément du même quartier, ils ont des niveaux scolaires et des âges
différents. Et surtout, ce qui les rassemble dans cette classe, cest ce qui les a
exclus des autres classes. Pourtant,
le groupe existe et fonctionne : on accepte de faire des passes au foot à ceux qui ne
savent pas bien jouer, on organise spontanément une petite fête pour un départ, on
laisse du temps à ceux qui ont des difficultés pour sexprimer... Même si parfois,
cest un coup de poing qui part, une insulte qui jaillit
Ici, dans
la classe, la parole de lenfant trouve toute sa place. Il y a des moments institués à cet effet : les temps de parole de la classe comme le Quoi de
neuf ? ou le conseil. Les enfants
ont lhabitude de se réunir, des
règles claires permettent au groupe de fonctionner : on lève la main pour demander la parole ; on ne coupe pas la parole ; on dit : « je suis daccord »
ou « je ne suis pas daccord » pour se situer par rapport à ce qui vient
dêtre dit ; on ne se moque pas ; un enfant qui perturbe le groupe est gêneur une
fois, la deuxième fois, il est exclu du groupe. Bien sûr,
on parle aussi en dehors de ces temps de parole, mais pas nimporte comment, pas nimporte
quand en fonction du désir de chacun. Le maître peut surseoir à une réponse, renvoyer
celui qui linterroge à une règle ou à un autre enfant et il sait aussi se taire. Chacun sait
quil est reconnu et que sa parole est respectée. Il y a cette
assurance que lon pourra dire et que lon sera entendu même si ce nest
pas tout de suite, pas forcément par le maître, même si on naura peut-être pas
gain de cause. On a aussi le droit de se taire, mais
tous, le devoir découter. Ladulte
aussi sexprime, il na pas toujours raison même sil reste le
garant des règles, de la Loi. On peut avoir un avis différent du sien et lui
peut exprimer un point de vue différent. Il bouscule parfois lenfant qui croit quil
faut être de lavis du maître. Il surprend, décontenance pour libérer lenfant
dune domination ; la sécurité dépend de cette déstabilisation nécessaire. Dans ce
cadre précis, connu et souple, lenfant peut sexprimer sans crainte et
apprend à écouter lautre.
Le
moment philosophie : un
temps, un lien, un cadre Le moment philosophie a lieu en général deux fois par semaine, les mardi et jeudi
matin après la récréation. Il dure entre 30 minutes et 1 heure. Nous sommes
assis sur des petites chaises autour dune table ovale. Ce sont les petites chaises
du Quoi de neuf ? et il faut dabord aller les chercher. Au centre de la table, se
trouve un micro pour enregistrer nos discussions. Les cassettes sont à notre disposition
; on peut les écouter dans le coin bibliothèque. La table
est dans un coin de latelier, près dun tableau sur lequel sont écrites,
depuis le mois de janvier, une dizaine de questions philosophiques remises à jour
régulièrement. Je les propose aux enfants mais ils peuvent le faire aussi. Avant de
commencer, nous choisissons celle qui nous intéresse en mettant une croix à côté. Il y a
aussi une grande affiche, la carte », sur laquelle on colle une gommette quand on a
fini. A côté, on écrit la date avec le tampon encreur et la question qui a été
traitée. Les règles
sont les mêmes que pour les autres moments de parole. Je distribue la parole. A la fin du
moment philosophie, chacun peut, sil en a envie, écrire quelque chose sur sa feuille de route ; je note ce que les
enfants ou le maître me dictent. |
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Depuis la fin janvier, le mardi on réfléchit à une question,
et le jeudi on écoute tous ensemble une cassette. Au début, les enfants ne le faisaient
pas deux-mêmes mais depuis, cela arrive. Lécoute en groupe permet de
poursuivre la réflexion. Tout le
monde peut parler, dire ce quil pense, même les adultes. Cela semble normal aux enfants. Au début, nous ne
disions rien et cest Etienne qui nous a demandé pourquoi. Jai
proposé régulièrement aux enfants des bilans du moment philosophie pour leur permettre de se situer dans lactivité. Cela se
présentait sous forme de fiches quils pouvaient faire seuls ou avec moi.
Jen reparlais ensuite individuellement
avec chacun. |
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Des attitudes requises et
développées Le moment philosophie est un moment déchange. Il requiert donc des attitudes
qui rendront possible la communication. En même temps, la pratique de la réflexion
philosophique en groupe va aussi développer ces attitudes relatives au
vivre ensemble. Pour les
enfants de la Cl.I.S., cette rencontre nest pas simple à accepter ; noublions
pas quils ont vécu des événements douloureux. Albert JACQUARD considère que
pour parvenir à cet exploit fabuleux quest la capacité de se savoir être,
il faut bénéficier du regard des autres(3). Or, pour ces enfants, ce regard est
risqué. Limage quils ont deux-mêmes est souvent détériorée. La
rencontre avec lautre devient une prise de risque, celle de ne plus exister
si lon fait exister lautre, celle aussi de rencontrer cet Autre fragile, en
souffrance, quil vaudrait mieux ignorer, voire rejeter. Ils ont du mal à accepter
cet Autre qui représente le miroir de ce quils étaient ou de ce quils sont,
cette image peu valorisante deux-mêmes. Il est donc
indispensable quils se sentent en sécurité dans la situation de
communication quon leur propose, car la communication, cest, à chaque
fois, tout lêtre individuel et social qui est engagé dans un pari : comment
acquérir la reconnaissance du droit à la parole, et comment atteindre lautre
moi-même ? Ladulte
est le garant de la reconnaissance de chacun comme sujet parlant ayant le droit de communiquer. Mais il est nécessaire que tous les partenaires se
reconnaissent ce droit réciproque. Patrick CHARAUDEAU (4) définit quatre principes à la
base de cette reconnaissance : - principe
dinteraction : cest lacceptation de lautre en tant que
partenaire de communication et donc dune relation non symétrique (lun parle, lautre écoute). Selon ce principe
dinteraction, il y a lautre et il y a moi, mais en même temps lautre
constitue le moi. Lacte de communication est le résultat dune
co-construction. - principe
de pertinence : cest la possibilité dune compréhension mutuelle. - principe
dinfluence : cest la mise en place de stratégies de parole pour agir
sur lautre. Le principe dinfluence met les partenaires dans un rapport
de lutte discursive qui fait que chaque fois que lun deux cède du terrain, il
perd un peu de son identité, voire disparaît complètement. Doù le dernier
principe: - principe
de régulation : cest ce qui permet dassurer la continuité de léchange
ou sa rupture si les conditions de sa poursuite ne sont pas réunies. Ces
principes constituent le contrat de communication qui lie les partenaires dans une sorte dalliance
objective qui leur permet de co-construire du sens tout en sauto-légitimant(4). Le moment
philosophie offre aux enfants la possibilité de se risquer dans la rencontre
avec lautre sans se perdre, rencontre inévitable pour exercer sa pensée. La relation
de confiance existant entre le maître de la classe et les enfants, entre le maître et
moi-même, celle établie progressivement entre les enfants et moi-même font quils
se sentent en sécurité dans cette activité. Le cadre
est rassurant et garantit à chacun la liberté doser sexprimer,
lassurance dêtre entendu. Les règles, dont jai parlé précédemment,
imposent le respect, la tolérance de chacun au travers de sa parole. Ladulte
intervient pour rappeler ces règles, mais aussi pour permettre une compréhension
mutuelle par la reformulation de ce qui nest pas clair. Les
conditions favorisant les interactions entre les enfants sont ainsi réunies et ces
attitudes nécessaires à la communication vont se développer dans la pratique de lactivité. Le vivre
ensemble : aide à la construction de la personnalité et condition préalable pour
apprendre à bien penser Par la
pratique de la réflexion philosophique en groupe, lenfant apprend à comprendre sa
propre personne. Il prend confiance en lui et saffirme. Il est reconnu
comme sujet parlant ayant le droit de communiquer. Il peut se décentrer de
lui-même et acquiert une ouverture desprit face à lautre. Il peut aller à
la rencontre dautrui qui devient un partenaire valable et
indispensable dans léchange. Il comprend, comme le dit Emmanuel LEVINAS, que dans
lexpression, lêtre qui simpose ne limite pas mais promeut ma liberté,
en suscitant ma bonté(5). Cest
uniquement lorsque lenfant a la possibilité dénoncer clairement ce quil
ressent ou ce quil croit, quil devient libre : libre de ses propres
idées et libre de devenir ce quil est. Cest
aussi seulement lorsquil est.
Cest
aussi seulement lorsquil sinterroge et demande des justifications. Quil
se libère de lautre, des préjugés et des croyances. En outre, cest
seulement lorsquil se trouve dans une situation concrète exigeant de la cohérence
entre acte et pensée, quil devient responsable. Isabelle Perreau 1-B.DEFRANCE,
Colloque en Seine-Saint-Denis, Education à la citoyenneté, Magnard, 1996 2-F.IMBERT,
Médiations, institutions et loi dans la classe, ESF, Paris, 1994 3-A.JACQUARD,
Petite philosophie à lusage des non-philosophes, Calmann-Lévy, Paris, 1997 4-P.CHARAUDEAU,
Inter-actions 5-E.LEVINAS,
Totalité et infini, Nijhoff, Biblio, 1996 |
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Instantanés Prendre la
parole, cest sexposer à autrui. Pendant les premières
séances, quatre enfants intervenaient régulièrement : Etienne, Jordy, Yvan et Slymane.
Les autres restaient silencieux. Jai remarqué à travers les attitudes et les
expressions de Jérémy et Michel quils avaient envie de parler, mais ils ne
semblaient pas encore prêts à se risquer. Progressivement, sest installée une
certaine confiance dans le dispositif. Les enfants ont pu se rendre compte
que les règles instaurées protégeaient leur parole. Lorsque lun deux
exprimait de lintolérance vis-à-vis dun autre, je pouvais intervenir afin de
désaffectiver léchange et recentrer sur le sujet. Par
exemple, à propos de lamitié : Slymane :
Quand jai dit à Yvan « cest ton copain ? », Jordy :
toi tas dit « non, cest pas mon copain » ! Yvan :
On parle pas de causer ou de pas causer, on parle de lamitié ! Isabelle :
Alors, cest quoi lamitié ? Une autre
fois, lors de lécoute de la cassette sur linjustice, Etienne a donné un
exemple qui impliquait Slymane. Celui-ci sest senti agressé et ne laissait plus
parler Etienne. Jai rappelé que nous nétions pas là pour juger ce qui sétait
passé mais pour discuter de ce quest, à notre avis, une injustice. Slymane sest
calmé et léchange a pu se poursuivre. Tous les
enfants ont petit à petit osé se risquer : certains irrégulièrement et
ponctuellement, comme Aurélie ou Annette qui est intervenue pour la première fois à la
septième séance ; dautres ont demandé la parole de plus en plus souvent, comme
Michel, il a vraiment dépassé ses peurs et, comme Etienne et Slymane, participe avec
intérêt aux discussions. Même si ce nest pas systématique, ils parviennent à
entrer dans des débats didées en se préoccupant plus de ce qui est dit que de la
personne qui parle. Chaque enfant devient un partenaire potentiel pour construire
ensemble. À propos
de linjustice : Etienne :
Jsuis daccord mais avec Michel mais parce que quand les enfants mais y
travaillent pas et que le maître mais y travaille mais cest injuste ! Ya pas
que le maître qui travaille, cest même les enfants. Slymane :
Euh... jsuis pas daccord avec Michel, parce que dans cette classe euh... des
fois, quelquun euh... fait son travail personnel et yen a qui font pas du
travail personnel, y fait un autre truc. Michel :
Ouais, mais cétait un exemple, hein. En ce qui
concerne les attitudes, des changements se sont donc produits au cours de la pratique de
la réflexion philosophique en groupe. Il est difficile de définir ce qui est dû
précisément au moment philosophie, surtout lorsquon envisage lenfant
dans sa globalité, cest-à-dire une personne qui se construit grâce à tout ce quelle
vit, mais je reste convaincue quun tel dispositif développe des attitudes de
respect, de tolérance... |
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Ces articles sont issus dun
dossier publié en novembre 2001, par le Groupe Lyonnais de lEcole Moderne (GLEM). Vous pouvez
le commander sur le site du GLEM http://www.marelle.org/users/glem Ou en vous
adressant à : Pascal
Marié 58 rue de
la liberté 69400
Villefranche sur Saône |
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Des enfants qui apprennent à penser par eux-mêmes avec la philosophie
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Tous les jeudis, dans la classe de Sylvain Connac à Montpellier,
se déroule une « discussion philosophique ». Le thème en a été choisi lors
du conseil de la classe. Avec la philosophie, les enfants, qui sont déjà très largement
acteurs de leurs apprentissages, deviennent aussi leurs propres auteurs. Si lon
milite pour une plus large citoyenneté, ils ajoutent à la maîtrise des fonctionnements
démocratiques la possibilité dentrer dans les débats et même de les faire
évoluer. Pour eux, philosopher nest pas normal, mais presque
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Le jeudi cest
philo Jeudi
après-midi : un moment très attendu de la semaine. Le président de séance fait
entrer les « discutants », les enfants qui vont prendre la parole. Autour deux
se placent dautres élèves, les observateurs. « La discussion
philosophique est ouverte ! » lance le président. Des métiers sont
distribués. Untel devient le journaliste du jour, tel autre le
« reformulateur », celui qui sera chargé sur demande de répéter avec ses
mots les propos tenus par un camarade. En tant quanimateur de séance, jannonce
le thème. Aujourdhui,
nous devons discuter du racisme. Cest ce qui a été décidé lors du conseil de
samedi. Plusieurs doigts se lèvent, le président distribue la parole et veille à ce que
les règles de la classe soient bien respectées : on ne se moque pas et on demande
la parole avant de la prendre. Les
échanges se font. Plusieurs questions fusent. Certains apportent des affirmations qui
sont soit contestées soit renvoyées à de nouvelles interrogations soit simplement
écartées. De manière étrange, les élèves ont pris lhabitude de demander des
définitions. Ça les oblige, disent-ils, à savoir de quoi on parle. Ainsi, au bout dune
demi-heure qui semble très courte, chacun se voit proposé de faire une dernière
intervention, je clos le débat par une rapide synthèse et le président annonce la fin
de la discussion avant de nommer son futur remplaçant. La semaine prochaine, les
observateurs deviendront « discutants » et vise-versa. Aujourdhui,
la discussion a tourné autour des origines du racisme, de sa non-utilité et des
solutions possibles pour vivre dans un monde moins raciste. Certains enfants se sont
référés à un texte de Tahar Ben Jelloun que nous avions étudié la semaine
précédente et dautres, les médiateurs, ont parlé de lincident de
Montgomery, déclencheur de campagne non-violente de Martin Luther King. Cette discussion
na pas été meilleure quune autre. Certains ont beaucoup parlé, il y a même
eu quelques muets. Je ne men fais pas, leurs yeux ont parlé pour leur bouche
Penser
par soi-même Comme la
plupart des autres, je considère cette discussion comme philosophique. Certes, aucun
grand nom de la philosophie na été prononcé. Aucune idée officiellement reconnue
na été apportée. En tant quenseignant, je ne suis même pas reconnu comme
un philosophe (encore moins comme un professeur de philosophie). En fait, ce que nous
venons de terminer na rien à voir avec ce que peuvent vivre des lycéens de
terminale pendant leurs cours de philosophie. Il ne sagit pas de connaître ou
diffuser des idées. Le but nest également pas didentifier la philosophie
comme une discipline supplémentaire à lécole primaire. La visée très humble que
je me fixe est de permettre aux enfants darriver à penser par eux-mêmes, à se
construire une pensée personnelle et originale, daboutir à ce que lon nomme
la pensée réflexive. Pour cela, jutilise comme tremplin le
« philosopher » afin quavec son appropriation dautres modes de
pensées se développent et quainsi se constituent la complexité du raisonnement. Philosopher,
cest réussir à combiner trois exigences intellectuelles : conceptualiser,
problématiser et argumenter. La conceptualisation correspond à lidentification dun
sens commun. Dans les faits, les enfants conceptualisent lorsquils recherchent à
définir, lorsquils débattent à partir de définitions et enfin lorsquils saccordent
sur un même sens. Problématiser, cest rechercher le doute, se demander en quoi ce
qui nous est apporté est universel voire même interroger la cohérence dautres
problématisations. Des enfants problématisent au moment où ils posent des questions,
où ils soulèvent un doute. La problématisation conduit souvent à la mise en question
de ses propres schémas de pensée, de ses certitudes, dune part de son éducation.
Argumenter, cest bien plus que donner son opinion. Cest surtout tenter de
prouver en quoi ce que lon défend est vrai (cest à dire convient au genre
humain dans sa pluralité) ou réfuter par la pensée des affirmations posées par un
camarade. Largumentation passe dabord par lexemple, peut se poursuivre
par le contre-exemple et sachève par la livraison darguments fondés par la
raison. Enfin, philosopher, cest arriver à combiner ces trois exigences pour se
constituer un mode de pensée personnel. On peut très bien faire référence à des
écrits ou à des dires extérieurs, mais ces éléments ne seront que la manifestation dun
raisonnement qui nous est propre. Parce que
les enfants ne « philosophent » pas seuls, les interactions conduisent très
souvent à une optimisation des engagements individuels. On dit que les élèves ainsi
réunis constituent une « communauté de recherche » dont le but est dassurer
une construction commune des savoirs, lintention éducative étant toujours de
permettre les apprentissages individuels. Quels
enjeux ? Dans une
classe où la coopération est une valeur défendue, susciter la forme de cette
communauté de recherche est plus aisé. Les élèves sont tous habitués à participer à
des conseils, à prendre la parole dans leurs équipes, à écouter des « Quoi de
neuf ? », à respecter un président de séance. Pour faire de ces réunions
des discussions philosophiques, il reste à susciter le philosopher, cest à dire à
passer pour consignes les trois exigences présentées ci-dessus. Les enjeux
sont grands parce quavec la philosophie, nos jeunes coopérateurs, qui sont déjà
très largement acteurs de leurs apprentissages, deviennent aussi leurs propres auteurs.
Si lon milite pour une plus large citoyenneté, ils ajoutent à la maîtrise des
fonctionnements démocratiques la possibilité dentrer dans les débats et même de
les faire évoluer. Ils trouvent à lécole une activité vivante supplémentaire
qui, sans apporter de réponse définitive, répond à des besoins humains : donner
plus de sens à sa vie et ainsi à la vie en général. Les enfants se posent de
nombreuses questions. Souvent, elles sont dordre philosophique. Pour eux,
philosopher nest pas normal, mais presque
Nous
touchons ici le plus profond de lêtre des enfants mais nest-ce pas un des
premiers soucis de léducateur qui souhaite faire du sur-mesure pédagogique ? Sylvain
Connac Ecole
élémentaire Antoine Balard |
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Document
de présentation technique de la discussion philosophique Ä Public concerné : classes de cycle II et III Ä Lieu de la discussion : la salle de classe. Ä Durée de la discussion : 30 minutes de discussion +
10 minutes danalyse Ä Fréquence des discussions : 1 fois par semaine avec
permutation des discutants et observateurs. Ä Disposition générale : deux cercles
concentriques : celui du centre est réservé aux discutants et celui de lextérieur
aux observateurs. Ä Choix des thèmes : les thèmes sont choisis en
conseil à partir dune discussion ou dune liste proposée (Cf. document des
thèmes) ou à partir de propositions denfants. Etapes de la discussion : Ä Exploitation de la discussion : Les articles de la
discussion paraissent dans le journal de classe. Chaque discutant est amené à poser par
écrit ce quil a retenu de cette discussion.
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Plan dune
séquence de philosophie 1
Choix du thème de discussion Lors dun
conseil de coopérative, les élèves émettent des propositions de thèmes pour les
discussions philosophiques. Ces propositions sont votées et celles qui obtiennent une
majorité de voix sont retenues. Si plusieurs thèmes sont élus, ils sont ordonnés dans
le temps. 2
Séance 1 : Représentations et fondements de la thématique Tous les
élèves sont réunis et répondent aux mêmes consignes. Etape 1 : Expression des représentations Consigne
1 : « Ecrivez tout ce que vous voulez dire sur ce thème. Si vous navez
rien à dire, écrivez-le. » Chaque
enfant pose par écrit ce quil souhaite exprimer sur le sujet. Chaque texte est
identifié puis relevé par lenseignant. Etape 2 :
Lecture du texte philosophique Ce texte
philosophique, apporté par lenseignant, répond à plusieurs critères : ·Il sadresse
à des enfants et donc, utilise un vocabulaire et une syntaxe adaptées. ·Il
présente une thèse correspondant au thème choisi qui, par essence philosophique, peut
très bien être contestée lors des discussions futures. ·Il
apporte les bases théoriques au débat. Chaque enfant lit
individuellement le texte avant quil soit repris collectivement. Une exploitation
collective est ensuite proposée. Consigne 2 : « Expliquez ce que vous avez compris
ou demandez ce que vous navez pas compris dans ce texte. Ne donnez pas encore votre
avis, vous le ferez lors des discussions. » Chaque enfant apporte ses
compréhensions et ses interrogations. Une question peut être complétée par une
réponse dun autre élève, une réponse dun adulte ou renvoyée à la
discussion. 3 Séance 2 : Discussion philosophique du premier
groupe La moitié des élèves de la classe discute, lautre
moitié observe. Ces deux groupes sont constitués à partir des ceintures de philosophe.
Le premier groupe rassemble les enfants qui possèdent les ceintures les plus fortes. 4
Séance 3 : Discussion philosophique du second groupe Les
observateurs deviennent discutants et les anciens discutants deviennent observateurs. 5
Séance 4 : Modification des représentations Chaque
élève reprend le document où se trouve le premier texte. Consigne :
« Ecrivez tout ce que vous voulez dire sur ce thème. Si vous navez rien à
dire, écrivez-le. » Chaque enfant pose par
écrit ce quil souhaite exprimer sur le sujet. Ce qui est dit peut reprendre ou
compléter les premières représentations. Ces textes sont généralement enrichis des
échanges effectués lors des discussions et des cheminements de pensées personnelles. Au
terme de ce travail, les élèves volontaires peuvent communiquer à lensemble de la
classe leurs réflexions. Ces textes sont repris par les adultes comme indicateurs pour lattribution
des ceintures de philosophes. Ils peuvent également être utilisés par les journalistes
pour la rédaction de leurs articles. |