Pour des rythmes scolaires réellement au service des enfants.
«Il
faut répondre aux besoins dune société qui bouge avec les 35 heures» (1) E.
Ferrand, adjoint au maire de Paris chargé des affaires scolaires, le laisse bien
entendre : la société adulte impose de plus en plus son tempo à lécole.
«La
semaine des élèves et des enseignants parisiens sétendrait du lundi au vendredi,
avec classe le mercredi matin de 8h30 à 12h. Des activités périscolaires facultatives
seraient proposées le samedi matin.
Cette proposition de rythmes scolaires serait ainsi en accord avec le temps de travail organisé par le système économique : la RTT libère les adultes dès le vendredi après-midi et les semaines de congés se répartissent tout au long de lannée.
De moins en moins de temps morts pour le
marché ! Les entreprises du loisir se bousculent pour prendre leurs parts, accaparer
le temps libéré et séduire les municipalités.
Lenfant comme être unique en construction est loin dêtre au cur des réflexions sur le temps et lespace quon lui accorde !
Le débat
sur les rythmes scolaires, vieux serpent de mer, refait régulièrement surface. Au tour
des villes de Lyon et Paris de mener le bal. Il y serait question de réformer les rythmes
scolaires pour mieux coller aux évolutions sociales tout en respectant les rythmes des
enfants. Les décisions prises dans les deux plus grandes villes françaises pourraient
même avoir valeur dexemple pour lensemble du territoire. (2)
Du coup, un véritable lobbying est exercé par certaines catégories aisées de parents qui font prévaloir leurs intérêts familiaux.
Objet dun
certain engouement au départ, la semaine à 4 jours semble vouée aux oubliettes,
plombée par différentes études à son sujet. Nous ne la regretterons pas. Un certain
nombre dentre nous la subissent depuis plusieurs années. Les cadences quelle
impose aux enfants et aux maîtres ne sont pas sans rappeler celles des exigences de
productivité infligées à nombre dadultes depuis la réduction du temps de
travail.
Pour nous,
la réflexion demeure réductrice car elle limite le débat au cadre temporel de lannée
scolaire qui est elle-même un découpage artificiel. Respecter le rythme de lenfant,
cest penser aussi sa progression sur plusieurs années, cest se poser le
bien-fondé du triptyque : un enseignant/un cours/une année.
La semaine
de 4 jours accroît les inégalités sociales. Et si la semaine scolaire de 4 jours et
demi conduisait au même constat ? Les élus parisiens et lyonnais, avec lappui
de spécialistes comme F. Testu, proclament que le mercredi matin libre est
inégalitaire.(3)
En alignant
toujours plus le temps scolaire sur le temps de travail des parents, se pose le problème
de louverture de lécole aux familles. Labandon du samedi matin génère
un appauvrissement des relations école-parents. Songeons par exemple à la richesse de l«heure
des parents» du samedi matin dans de nombreuses classes Freinet où les enfants
présentent leurs uvres, aboutissement du travail de la semaine. Par ailleurs la
rupture de rythme occasionnée par un week-end de deux jours est préjudiciable à la
majorité des enfants, comme en attestent les chrono biologistes mais aussi nos constats
sur le terrain.
Loffre
péri-éducative envisagée le samedi matin (4) dans le projet de Paris, à destination
prioritaire des familles modestes ne serait-elle pas aussi pertinente le mercredi
matin ? A lopposé de lesprit de consommation qui dicte trop souvent ces
activités, cest à une véritable implication des personnes dans des projets
coopératifs, cest à un appel au partenariat entre animateurs et équipes
enseignantes, allant vers une réelle écoute et un accompagnement des projets denfants,
quil nous faut travailler.
Larticulation
du scolaire et du périscolaire sur la journée fait écho à dautres débats. Le
découpage du temps proposé par ce genre de réforme, morcelle encore plus laccès
aux savoirs : temps pour les savoirs fondamentaux, temps pour les savoirs
artistiques, sportifs
Attachés
à une approche globale de lenfant, induisant des apprentissages transversaux, nous
dénonçons ce risque de division toujours plus fort de laction éducative. Lenseignant
sera-t-il limité à la transmission de «savoirs de base» ?
Quadviendra-t-il
des enfants qui nauront pas les moyens daccéder aux espaces marchands
périscolaires, compte tenu dinévitables disparités entre les communes?
Consommation décole et de loisirs, sous lemprise du libéralisme ou implication et coopération éducative dans un contexte de temps libéré : on voit que cette question des rythmes scolaires nous ramène subrepticement aux problématiques dune démocratie plus participative, intégrant les relations dans et autour de lécole.
Catherine Chabrun et Pierrick Descottes
(1) Dépêche AEF « Rythmes scolaires à Paris » du 4 janvier 2001
(2) Libération du 27/11/2001
(3) Id
(4) Dépêche AEF « Rythmes scolaires à Paris » du 4 janvier 2001