Autogestion pédagogique et autogestion administrative à l'école

Par C. FREINET

Nous ne voudrions pas que des ouvrier de la onzième heure baptisent aujourd'hui d'un mot nouveau pour se les approprier des réalisations qui nous ont tant coûté.

C'est ainsi que l'autogestion devient à la mode, et nous n'avons pas eu le temps d'en parler longuement comme nous l'aurions voulu au cours de notre Congrès de Brest.

Ce sont les Algériens qui ont lancé cette expression pour caractériser la gestion par les travailleurs des domaines repris par la nation. je crois qu’ils ont eu raison de ne pas se contenter du mot de coopérative qui est moins technique et trop général. L'autogestion c'est véritablement la gestion par les usagers. C'est, pourrions-nous dire, le premier stade de la coopération.

On peut donc, si on veut, appeler autogestion l'administration coopérative de l'école par les enfants eux-mêmes. Mais il y a une tendance aussi à parler d'autogestion dans l'organisation pédagogique de la classe et du travail.

Le fait n'est pas nouveau pour nous. Depuis les débuts de notre expérience nous avons expliqué que pour nous la coopération ne se limitait pas à l'organisation en commun de divers services scolaires ou à la collecte des fonds pour des entreprises collectives mais qu'elle tendait à pénétrer toute notre activité scolaire : le texte libre est coopératif, l'imprimerie à l'Ecole et le journal sont essentiellement coopératifs, les fichiers, les bandes sont coopératifs tout comme les échanges interscolaires, la Bibliothèque de travail, les échanges et les conférences.

Mais d'une entreprise significative comme la nôtre, on ne retient volontiers que l'aspect restrictif, et nous avons toujours souffert de voir notre totale coopération cohabiter avec les essais sans portée éducative de coopérative d'épicerie scolaire.

Il ne serait pas mauvais de distinguer à l'avenir, dans le complexe coopératif :

- une autogestion que nous dirons administrative, que nous pratiquons aussi, qui est organisation coopérative des tâches matérielles au sein ou hors de l'Ecole ;

‑ et l'autogestion pédagogique qui en est comme l'indispensable deuxième volet et qui marque l'organisation coopérative du travail pédagogique dans le texte libre, l'imprimerie, le journal les fichiers, etc...

Cette autogestion est notre oeuvre. Nous devons en sauvegarder l'organisation et la paternité.

Rien ne sera changé au fond. Nous adapterons seulement les dénominations aux nécessités de l'heure. Cela nous permettra d'éviter bien des malentendus.

En avant donc pour l'autogestion administrative et pédagogique à l’Ecole Moderne.

C. F.

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