Dossier pédagogique de l’Educateur n°25

L’ORGANISATION DE LA CLASSE au CP et au CE

par Emilienne Reuge

Louis Marin

et Jacqueline Jubard

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L’ORGANISATION DE LA CLASSE au CP et au CE

L’École sera-t-elle caserne ou chantier ?

Je posais un jour la question : « L’École sera-t-elle temple ou chantier ? »

Pourvu qu’elle ne reste pas caserne !

La caserne : avec ses vastes bâtiments uniformes regardant tous la même cour, lieu commun des corvées et des revues, avec ses escaliers et ses couloirs, avec sa promiscuité et ses servitudes. La caserne : avec son atmosphère particulière qui fait que la caserne, ce n’est pas la vie, qu’on ne s’y conduit point comme dans la vie, qu’on y respecte cette autre loi du milieu tout entière axée sur le souci de tromper l’autorité, d’esquiver et de minimiser les corvées, de tuer le temps en comptant les jours comme l’écolier compte les heures « avant qu’on sorte » !

La caserne ! C’est là qu’on apprend - si l’École ne vous l’a pas déjà enseigné - à tenir une pomme de terre en mains pendant un temps record, en surveillant du coin de l’œil 1e caporal de service.

C’est là qu’on apprend à manœuvrer pelle et brouette au ralenti, à s’asseoir sur les bras de la brouette, en une position qui permet de redémarrer immédiatement si l’adjudant vous regard ; à tenir la pelle à demi-pleine, mais sans la soulever, geste suspendu prêt à repartir si l’autorité devient menaçante. Le secret n’est point ici de transporter le tas de pierres, il est, au contraire, de ne pas le transporter en faisant semblant de travailler ; il est de faire durer la corvée avec le minimum d’efficience, puisque la corvée elle-même n’a aucun sens : elle est corvée et non travail. L’adjudant vous a dit : « Charriez ce tas de pierres à l’autre bout de la cour ! » Il a dit cela parce qu’il faut bien qu’il occupe ses soldats, même s’il n’y a rien à faire d’utile. Et si, par une impossible inobservance de la loi du milieu, les soldats s’avisaient d’en mettre un coup, pour avoir plus vite fini, l’adjudant saurait bien les en décourager à jamais :

- Vous avez déjà fini ! Vous avez transporté tout le tas de pierres !... Bon ! Bon ! Eh bien ! écoutez, avant la soupe, vous allez ramener ce tas de pierres à sa place première !...

Cela s’appelle du travail de caserne, dans une atmosphère de caserne et de corvée, avec un rendement parfois négatif, ou de 1% ou parfois, par erreur, de 10 %.

Si l’École, jusqu’à ce jour, a si peu rendu, quand le résultat n’était pas négatif, ne serait-ce pas parce qu’elle est restée caserne et qu’elle n’a pas su accéder à la dignité de chantier?

Vous trouvez, je sais, que le mot de chantier, comme celui de travail dont je vante la noblesse, est trop chargé de peines, de souffrances et d’injustes sacrifices.

Et pourtant, regardez si vos enfants, quand ils ne sont pas sous votre dépendance, n’organisent pas des chantiers de travail : pour dévier le cours d’un ruisseau et remplir une mare ou attraper des poissons ; pour aménager un tas de sable en place forte ; pour construire un village d’Indiens... Et quel enthousiasme, là ! quel acharnement ! et quelle activité ! Ah ! ils ne ménagent pas leur peine ni leur sueur ! Ils vont jusqu’à la limite de leurs forces, toujours. Parce qu’il est dans la nature humaine de se surpasser...

Leur effort ne s’accomplit pas forcément dans une ambiance de rires et de chants - qui ne sont qu’une des manifestations, et pas la plus courante, du vrai travail. Il y a de la souffrance et des grincements de dents... Il y a la vie !

Et l’enfant rêve la nuit de son chantier et attend avec impatience le jour nouveau pour recommencer.

Ne croyez-vous pas que si l’École devenait un chantier aussi, enthousiasmant autant que la montagne de sable ou 1a cabane d’Indiens, si vos élèves en rêvaient la nuit, s’ils se donnaient à 100% muscles tendus et dents serrées, à leur travail, il y aurait quelque chose de changé dans l’atmosphère de vos classes et dans 1e rendement de vos efforts ?

Impossible ! disaient les vieux pédagogues... Parlez-leur de jouer, oui, mais ils n’aiment pas le travail.

Ils n’aiment pas le travail, ni le chantier - et les adultes réagissent de même - tant que l’effort qu’ils nécessitent n’est pas lié à leur vie profonde, à tout leur comportement, non seulement économique et social, mais psychique aussi.

Mais organisez la Coopérative scolaire, cette société d’enfants qui naît spontanément lorsqu’il s’agit de construire la cabane d’Indiens ; donnez à vos élèves des outils de travail, une imprimerie, du linoléum à graver, des couleurs pour dessiner, des fiches illustrées à consulter et à classer, des livres à lire, un jardin et un clapier, sans oublier le théâtre et le guignol - l’École sera ce chantier où le mot travail prend toute sa splendeur à 1a fois manuelle, intellectuelle et sociale, au sein duquel l’enfant ne se lasse jamais de chercher, de réaliser, d’expérimenter, de connaître et de monter, concentré, sérieux, réfléchi, humain! Et c’est l’éducateur alors qui se fera à son image.

LES DITS DE MATHIEU
C. Freinet
Ed. Delachaux et Niestlé

COMPTE RENDU D’EXPÉRIENCE

dans un C.P. d’école de ville à 17 classes

par Émilienne Reuge

Toutes les acquisitions des enfants de la classe partent de leur vie. Toutes les disciplines sont liées entre elles : lecture, écriture, calcul, langage, orthographe, dessin.

Le point de départ est l’expression libre: orale (par le dessin, la peinture) ou écrite.

La technique employée est le texte libre et le dessin libre.

Pourquoi ai -je choisi ce procédé de travail ?

En raison :

I. du caractère et des facultés des enfants ;

II. du mode de vie actuel.

I. La méthode autoritaire partant de l’adulte, imposée, intéresse beaucoup moins les enfants.

a) L’affectivité ne joue pas comme par le texte libre vécu. Je pense :
- à cette phrase du livre de lecture de Jolly « En riant » : toto a tiré la mumu,
- à l’émotion ressentie par J.P. Rivaud et ses camarades au moment de l’inondation lorsqu’il nous disait :

Ma maison est inondée,
pour sortir de chez moi, je suis descendu par une échelle
appuyée après le mur.
L’eau est dans ma cuisine.
On a mis des tréteaux
sous la cuisinière
et sous le buffet.
J’ai déménagé, avec mon papa
et ma maman, au premier étage.

JEAN-PIERRE

- à la joie ressentie au moment du voyage chez les correspondants.

Un enfant « accroché » est un enfant qui écoute, tandis que lorsque l’on répète b-a ba, b-i bi, b-o bo, l’enfant n’écoute pas ou son esprit est ailleurs.

b) Nos enfants sont de plus en plus nerveux.

Ils ont beaucoup de mal à fixer leur attention, un trop grand nombre sont des retardés mentaux. Je pense à Claude qui a sa grande sœur dans un asile, sa maman vient de mourir ; Patrick... et combien d’autres qui paient l’amour de la boisson de leurs parents.

II. La vie actuelle n’est plus la vie de 1900.

Malheureusement pour beaucoup de maîtres, l’école de 1967 se fait comme celle de 1900.

Autrefois, c’était à l’école seule que l’enfant venait chercher des connaissances.

Aujourd’hui, l’extérieur lui apporte beaucoup de connaissances, l’école se doit de les compléter :

- il parcourt, en voiture, avec ses parents, des régions différentes de la sienne,
- il entend la TSF, voit la télévision (bien trop, hélas!),
- tout se fait mécaniquement (je pense à la construction de l’école),
- les distances sont rapprochées (avions, recherches... fusées, la vie est trépidante, les parents travaillent à un rythme effréné, tout le monde est pressé).

Que demande-t-on aux hommes et aux femmes dans la vie ?

- de savoir s’exprimer correctement,
- d’écrire lisiblement,
- de compter rapidement et sûrement.

Quel doit être le but de l’école de 1967 ?

Préparer les enfants à la vie d’aujourd’hui.

Pour cela, les laisser parler, s’exprimer, compter librement et les amener à corriger eux-mêmes leurs fautes de langage, d’orthographe, de raisonnement.

La part du maître est grande.

1. Les mises au point des textes doivent être soigneusement faites.

2. Les réussites encouragées, magnifiées : textes imprimés envoyés aux correspondants, dessins, peintures, montrés, affichés, utilisés, (journal, tapisseries, céramique).

3. Les tâtonnements, l’évolution de l’écriture, doivent être respectés si l’on veut obtenir une écriture bien soignée, aux lettres bien formées, régulières.

Le but que je poursuis dans le CP est de donner à mes enfants une écriture lisible, propre.

Plus tard, ils seront peut-être épicier, employé ou docteur. Ils chercheront à écrire vite, et plus comme autrefois à faire des pleins et des déliés. Aussi les outils employés aujourd’hui ne doivent-ils plus être les mêmes que ceux d’autrefois. La plume n’est employée que dans certaines classes, mais plus du tout ailleurs.

4. Les occasions de calcul nées de la vie de la classe soigneusement exploitées.

Comment j’ai organisé le travail

Tout est intimement lié autour de la correspondance : lecture, écriture, calcul, activités manuelles, vie coopérative, et ceci tout en respectant les horaires officiels :

morale :                        1 h 15
écriture :                        2 h 30
lecture :                         10 h
langue franç. :                2 h 30
calcul :                           3 h 45
dessin ou tr. manuel :     1 h 30
chant:                            1 h 15
act. dirigées :                 2 h 15
plein air éduc. physique 2 h 30
récréations :                   2 h 30

Lecture : Je fais entrer dans l’horaire la lecture des textes libres.
Langue française : comprenant les lettres aux correspondants, les confections d’albums, les mises au point des textes (orthographe, élocution, vocabulaire).
Écriture : englobant la copie des textes, la copie des lettres.
Travaux manuels, activités dirigées : avec la composition, les tirages à l’imprimerie et au limographe, le travail par ateliers.
Morale : l’acquisition de bonnes habitudes de vie coopérative.

EMPLOI DU TEMPS

 

LUNDI

MARDI

MERCREDI

VENDREDI

SAMEDI

8 h à 8h45

morale

,8h45 à 9h15

lecture

9 h 15 à 9 h 30

écriture

9 h 30 à 10 h

langue française et récitation

10 h 15à 10h45

calcul

10 h 45 à 11 h 15

lecture

11 h 15 à 11 h 30

Act, dirigées

13 h 30 à 14 h

lecture

14 h à 14 h 15

écriture

14 h 15 à 14h30

calcul

14 h 30 à 15 h

lecture

15 h 15

à

16 h 30

chant A.D.

dessin ou T.M.

chant

Plein air

dessin ou T. M.

Gymnastique que

Act, dirig.

chant

Éd.. physique

Act, dirig.

Plein air

 

La Lecture

On a souvent dit que le cours préparatoire était la classe de la lecture (10 h). Dans nos CP École Moderne, cet enseignement est intimement lié aux autres disciplines.

On apprend à lire pour lire ce que l’on reçoit :
- feuillets imprimés et lettres des correspondants réguliers,
- journaux scolaires de France et de l’étranger (une douzaine),
- albums, gerbes,
- à la fin de l’année n’importe quel livre de lecture courante.

I. MATÉRIEL EMPLOYÉ
(un matériel fabriqué par l’institutrice)

- Collectif : (affiché en classe)
- grand livre de vie (1/2), feuille pap. dessin) écrit à la plume feutre par la maîtresse, illustré par les enfants, où sont reproduits tous les textes,
- bande de toile partant du plafond, où sont les six derniers textes,
- répertoire de mots avec dessins (format quart de feuille) les illustrant (1),
- panneaux de rapprochement de sons (1),
- dictionnaire Larousse des petits en fin d’année (1).

- Individuel, variable suivant la période de l’année, mais comprenant toujours:
- livre de vie illustré par chaque enfant,
- livre des correspondants et classeur de lettres des correspondants,
- cahier-répertoire de sons trouvés par les enfants, visuellement puis auditivement,
- cahier d’initiation au vocabulaire et à la grammaire,
- plus tard, dictionnaire des petits.

II. COMMENT TRAVAILLER?

Par un travail en évolution constante au cours de l’année, individualisé dans la mesure du possible. Tous les enfants ne vont pas au même rythme (nécessité de prévoir des travaux adaptés à chaque enfant : plan de travail).

1er trimestre: période globale,

2e trimestre: les enfants essaient d’écrire leurs textes, de déchiffrer les textes des correspondants,

3e trimestre: entraînement à la lecture courante (par l’élaboration des textes et le déchiffrage des textes d’enfants ou d’adultes).

Telles sont, en gros, les étapes du travail fait en lecture dans mon CP.

(1)                Suivant la période de l’année.

LA LECTURE

AU 1e TRIMESTRE

Au cours du 1er trimestre, voici ce que j’ai fait au cours des quatre moments de lecture de la journée:

- 1er moment:

Texte libre (élaboration): 1° lecture ou contrôle de l’étude de la veille (autodictée ou dictée, lecture d’histoires inventées, jeux de lecture, dessins, questions, classements, ou exercices à trous).

- 2e moment :

Identification visuelle, étiquettes, reconnaissance de mots connus, découverte des mots nouveaux (dessins, écriture, ordre).

- 3e moment:

Phrases inventées (lecture, dictée) :

1. avec les mots du texte (sur l’Istrex ou au tableau),

2. en les mélangeant à d’autres mots acquis.

- 4e moment :

Reconnaissance des termes acquis. Déchiffrage dans le texte individuel du correspondant, le feuillet d’un journal scolaire, notre fichier de lecture, les textes des grands livres des années passées, la lettre du correspondant ou du colis (très important).

Tous les jours, toute l’année, il y a élaboration de notre texte, étude et déchiffrage d’un texte de correspondant.

Au 1er trimestre,

le travail est surtout global.

A. POUR L’ÉLABORATION DE NOTRE TEXTE

- l’enfant parle, dit son histoire,
- la phrase la plus caractéristique choisie est écrite au tableau.
Elle doit être courte. Au début, il est préférable qu’elle soit l’écho d’un fait vécu par toute la classe, car j’ai constaté que les retardés et les enfants peu développés ne s’intéressent que médiocrement aux histoires qui ne sont pas les leurs.
- elle est ensuite imprimée pour le livre de vie, les correspondants, le journal.

Au début de l’année, elle est imprimée sur carton pour servir d’étiquettes, puis par groupes de mots (une idée par ligne).

Procédé employé :

- l’enfant redit l’histoire en entier,
- relit,
- découpe ses bandelettes (par groupes de mots),
- repère les groupes de mots,
- identifie leurs nombres, leurs longueurs, leur forme (dépasse en dessus, en dessous). Il le fait avec modèle, puis sans modèle (il est invité à refaire le texte comme il jouerait avec un puzzle).
- je montre certaines bandes, l’enfant lit,
- je demande certaines bandes, l’enfant montre,
- j’invente, ou les enfants inventent, des histoires avec ces bandes (matériel collectif: bandes en buvard sur panneau Istrex-ou individuel: bandelettes). Deux étapes: avec les étiquettes, puis histoires écrites au tableau
- je dicte des groupes de mots connus. La décomposition en mots ne se fait qu’au fur et à mesure que les enfants rencontrent les mêmes mots dans de nouveaux textes et qu’ils me disent. «maîtresse, dans des marrons, c’est pareil que des feuilles, c’est... des. »

A mesure que l’on avance, certaines fois fin octobre, d’autres début novembre - cela dépend des enfants et des années - lorsque j’écris le texte, des garçons me disent: «Oh! ce mot commence pareil que celui-là, il y a ce morceau qui est pareil que celui-là.»

Rapidement, je note ces observations dans le coin de mon tableau et le soir, calmement, je fais un panneau qui sera affiché en classe, notant les remarques visuelles faites par les enfants spontanément sans que je les sollicite, mais le succès de ces observations dépend de l’encouragement que je leur donnerai (c’est très bien), et ce sera le point de départ de remarques intéressantes pour le démarrage de l’apprentissage de la lecture.

Matériel collectif: grand texte (grand livre), répertoire des mots des textes que l’on peut illustrer. Panneau Istrex avec buvard. Ciseaux.

Matériel individuel: texte du livre de vie sur carton. Ciseaux. Boîte à étiquettes.

B. POUR LE DÉCHIFFRAGE

Le texte du correspondant est écrit au tableau. L’enfant en possède un exemplaire, il entoure ce qu’il connaît et le lit silencieusement, puis à l’oreille de la maîtresse.

Un élève faible est interrogé au tableau, puis à haute voix les enfants lisent tous, individuellement.

LA LECTURE AU 2e TRIMESTRE

Au cours du 2e trimestre, voici comment se sont organisés les 4 moments de lecture de la journée :

1er moment :

Texte libre (élaboration et Ire lecture), album, ou lettres (lecture),

2e moment :

Travail sur le texte libre.

Chasse aux mots (révision de sons), étude de mots nouveaux (orthographe), recherche de phrases (rédaction), histoire inventée.

3e moment :

Déchiffrage d’un texte de correspondant, de mon fichier de lecture, d’un livre de bibliothèque.

Brevets de lecture.

4e moment :

Essais de lecture courante dans un livre.

Au 2e trimestre, pour certains enfants, le texte commence à être écrit.

A. POUR L’ÉLABORATION DU TEXTE.

Le texte est écrit lorsque l’enfant en a envie, lorsqu’il a quelque chose à dire. Il le met dans une boîte aux lettres accrochée au mur de la classe. Lorsque le moment du texte libre est venu, la maîtresse lève la boîte et appelle les auteurs des textes. Ils viennent et les lisent à leurs camarades. Ceux-ci, par un vote, choisissent celui qui leur plaît le plus. Les textes non choisis sont envoyés aux correspondants.

Le texte choisi est mis au point collectivement.

- Recherche au point de vue langage.

Est-ce correct ?

Comment faut-il dire ?

Faire trouver le terme juste.

- Recherche au point de vue orthographe par le procédé Lamartinière.
- des mots déjà vus,
- des mots qui peuvent être écrits (je ne demande jamais à un enfant d’inventer),
- étude des mots nouveaux: copie, dessin, emploi dans des phrases.
- Chasse aux mots.

Lorsqu’un enfant remarque une syllabe déjà vue ou un son, il les recherche dans les textes antérieurs et les notes dans son cahier répertoire.

Un son, une syllabe, ne sont acquis que lorsque l’enfant a, spontanément, vu puis entendu la ressemblance. Ceci est la différence avec la méthode globale, l’enfant isole le son et la syllabe lorsqu’il est mûr pour cela, et pas dans un ordre fixé à l’avance pour l’étude.

Depuis plusieurs années, j’ai remarqué qu’ils isolent d’abord les on, les ille ...

B. POUR LE DÉCHIFFRAGE

Même procédé qu’au 1er trimestre, mais les mots, les syllabes, les sons connus sont plus nombreux.

Le déchiffrage des mots nouveaux se fait par l’assemblage de syllabes connues ou par le sens.

La réussite dépend de l’effort personnel qu’aura fourni l’enfant, effort qui est en relation avec ses possibilités, et qu’il faut contrôler, guider. D’où contrôle individuel et sérieuse préparation matérielle des travaux pour ceux qui terminent plus vite: organisation des ateliers d’imprimerie, de limographe, de peinture, de calcul, de bibliothèque, de bandes, afin d’obtenir la discipline du travail.

Voici un exemple de déchiffrage reçu de nos correspondants:

Texte reçu :

LA QUÊTE DE MARDI-GRAS

Avec Denis,
j’étais déguisé et masqué.
J’étais content
parce que j’avais des sous.
J’ai compté
toutes les pièces.

PHILIPPE JAMOT

Matériel individuel : chaque, enfant possède les textes imprimés constituant le livre de vie de la classe et le livre des correspondants ainsi qu’un répertoire des mots connus.

Matériel collectif: texte écrit au tableau, grand livre de la classe, panneaux de rapprochements des sons,

1. Recherche des mots déjà rencontrés dans d’autres textes:

- les entourer au crayon noir,
- contrôle de la maîtresse (lecture à l’oreille),
- contrôle collectif au tableau, lec­ture à haute voix.

2. Recherche et étude des mots nouveaux :

Couper par syllabes:
quê te                        De nis
dé gui sé                        par ce que
Pour le De, cherchons où nous avons vu ces syllabes:
De nis
      de           anniversaire (livre de vie)

Dé                    gui                               sé
commandé (livre de vie)
                        ça colle, les boules de gui ! (livre des correspond.)
                                                            finir de faire trouver par le sens
par ce que
            pièce
parti
Faire relire l’ensemble du texte pour trouver le titre
la quête (que et te étant seuls connus)

3. Faire relire le texte entier.

4. Montrer des mots du texte au hasard, les faire lire.

5. Inventer des histoires à partir des mots du texte en les montrant avec une règle.

Exemple :

j’ai compté des sous
 j’avais toutes les pièces
j’étais masqué avec Denis.

6. Demander à un enfant de montrer une histoire. Ex.: j’étais content.

7. Faire inventer une histoire à partir du texte.

AU 3e TRIMESTRE:

Les textes sont écrits par les enfants, mis au point collectivement, les fautes de langage reprises, les fautes d’orthographe corrigées par le procédé Lamartinière.

La lecture doit être courante, l’enfant doit lire n’importe quoi et être capable de répondre à des questions posées, de saisir le sens d’un récit, de donner le ton.

Les malhabiles doivent lire beaucoup pour progresser.

Afin d’illustrer le passage de l’expression enfantine à la page imprimée du livre de vie, voici un exemple.

Exemple du début de l’année : L’enfant a fait un dessin et dit à la maîtresse ce que ce dessin représente.

Rapidement, l’institutrice note :

chez ma mémé
 dans 1e midi
je suis sorti
j’ai caressé
le petit mouton

I. LE TEXTE AYANT ÉTÉ CHOISI

- le dessin est reproduit au limographe
- le texte choisi est mis au point en commun (langage correct)
- écrit au tableau par la maîtresse
- les enfants comptent les lignes (calcul vivant), il faudra autant de composteurs que d’enfants
- chaque enfant reçoit une- ligne à composer sur une bandelette (les composteurs sont placés sur la presse après correction)

1. Dans                        CLAUDE
2. le midi                        JEAN-MARIE
3. chez                        JACQUES
4. ma mémé                        GILLES
5. je caressais                        PATRICK
6. son petit mouton                        JEAN
7. devant                        PIERRE
8. Sa maison                        GÉRARD
9
. Thierry Durand                        THIERRY

2. LE TEXTE EST IMPRIME

Quatre élèves participent à l’impression : un élève encre, un autre place les feuilles, le troisième presse, le dernier enlève les feuilles.

Exiger beaucoup de soin, pas de taches, donc une bonne entente et du calme pour faire du beau travail. Que tirer?

- des étiquettes sur papier d’emballage pour les premiers textes seulement
- autant de feuilles que d’enfants pour le livre de vie
- autant de feuilles que de correspondants pour les correspondants
- des feuilles pour le journal.

Faire faire le comptage des feuilles par les enfants.

Faire inscrire également le numéro de la page pour le livre de vie.

3. LE TEXTE EST ILLUSTRE

Ici le dessin a été décalqué sur un stencil, en repassant au stylo-bille sur le trait, le stencil étant placé sur une cello-lime. Il est ensuite reproduit au limographe.

Trois enfants tirent (la maîtresse a vérifié avant si l’encrage était bon). Un enfant place la feuille, un autre passe le rouleau, le dernier retire la feuille.

L’écriture

On apprend à écrire pour exprimer sa pensée et dans notre classe pour écrire de vraies lettres à nos petits correspondants (J’ai gardé des dossiers de cette correspondance).

BUT

Obtenir une écriture régulière, aux lettres bien formées, propre. Pour ma part, je cherche à obtenir une écriture cordon.

OUTILS EMPLOYÉS

Je bannis la plume sergent major qui gratte le papier et fait des taches. J’utilise au début de l’année le stylo à bille, puis la plume à bout rond (plume mousse Nostradamus). Comme papier:

- papier non ligné d’abord (cahier de dessin), l’enfant dessine le mot, il n’a pas besoin de barrière, il est incapable de «loger» celui-ci dans des lignes,
- papier rayé une ligne ; l’enfant commence à « asseoir » son écriture,
- papier à rayures doubles, son écriture se régularise, « se moule »,
- papier à rayures multiples.

MOYENS

Faire très attention pour imiter le modèle qui doit être fait avec soin (pour l’enfant).

Être patient, pour le maître qui ne doit pas précipiter les étapes, mais qui doit savoir voir le passage du graphisme informe à la première lettre qui se dessine dans un mot, puis peu à peu au mot qui prend forme, et qui doit encourager l’enfant dans son effort et être toujours près de lui pour le guider.

On lira avec profit les BEM de Freinet n° 8-9 : Méthode naturelle de lecture, et n° 7 : La lecture par l’imprimerie à l’école.

Le calcul

Nous apprenons à compter dans la vie.

- d’abord en exploitant dès le 1er octobre toutes les occasions de calcul qui se présentent à nous, en classe, et elles sont nombreuses :
- le comptage des feuilles (imprimerie, correspondance),
- les jours du mois,
- les absents et les présents,
- les timbres des correspondants,
- l’envoi des journaux,
- les températures, - etc.
- puis en recueillant avec intérêt tous les problèmes qui se posent à nos enfants hors de la classe, et il y en a, et en les proposant aux camarades.

Ceci éveille en eux un certain sens mathématique (j’aurais voulu garder certaines discussions entre enfants, nées d’énoncés incomplets),

- par raisonnement, par tâtonnements. J’ai été émerveillée certains jours du résultat d’une douzaine de mes garçons. Pour les autres, il y a encore à chercher comment arriver à leur faire suivre la troupe. Les brevets de calcul peuvent nous y aider.
- Lorsque l’enfant compte mentalement et a compris ce qu’il a à chercher, il s’applique plus au mécanisme des opérations.

J’ai utilisé avec mon tiers de débrouillards les fichiers de calcul CEL, les cahiers de calcul individuels et les bandes de calcul. Ce qui permet d’individualiser cet enseignement.

Pour les moins doués, lorsque les totaux étaient mal connus, je revenais au matériel lorsque cela était nécessaire.

Beaucoup de collègues débutent la mathématique moderne dès les petites classes.

On pourra lire la BEM 13-14 : L’enseignement du calcul, et le dossier n° 22 : Expériences de raisonnement mathématique à l’école maternelle.

Le langage

J’en ai déjà parlé pour la mise au point du texte libre. Nous en faisons également lorsque nous composons un album. A nos correspondants, nous avons envoyé.

Nos noms
Les métiers des papas
L’inondation à Choisy
Les travaux à l’école
Notre voyage à Brienon Orly

tous illustrés à la peinture.

Nous avons utilisé le magnétophone avec l’échange de bandes. Il y a fort à faire encore pour arriver à faire parler correctement nos enfants.

Nous avons présenté notre ville aux petits correspondants à partir de cartes postales, de diapositives.

Nous avons essayé de commenter le film du voyage chez nos correspondants. Là encore il y a du travail à fournir l’an prochain.

Dessin - Peinture

Ils sont aussi intimement liés.

C’est une libération pour l’enfant, il s’exprime librement par ses graphismes ou par ses couleurs.

L’enfant est tout frais, l’adulte ne doit pas lui imposer ses conceptions, le dessin de l’enfant doit être l’interprétation d’un état d’âme ; le maître ne doit être là que pour conseiller et pour guider.

Le dessin doit être utilisé. Dans ma classe, il l’est pour décorer la classe en grands panneaux collectifs et en dessins individuels, pour illustrer des textes, le journal, des albums, comme point de départ d’album, pour créer une tapisserie, pour décorer une céramique, etc.

MATÉRIEL EMPLOYÉ

Feutre, craies d’art, stylo-bille, encres d’imprimerie, encre de Chine, drawing-gum, peinture à la colle en poudre dans des pots de yaourts placés dans des caisses avec cloisons (un pinceau par pot).

Tout doit être organisé, préparé, corrigé par le maître avant la classe si l’on veut obtenir un bon travail.

Le maître doit se tenir au courant, être abonné à Art Enfantin, participer à des Congrès, des circuits de dessin, des expositions (1).

Papier d’emballage, papier à dessin (couleur, format divers) papier peint, papier d’aluminium, plaques de verre.

Travail social: ne pas mélanger les couleurs (soin) attendre que le voisin ait fini (patience).

PART DU MAÎTRE

I°. Organisation matérielle:

- préparer les peintures la veille, de belles couleurs,
- tenir les pinceaux bien propres,
- avoir le papier coupé à l’avance.

2°. Comme guide et conseiller :

 « tu pourrais... >> « arrête... »
" regarde ton dessin, qu’en penses-tu?... »

I1 en est de même pour toutes les autres activités manuelles : imprimerie, limographe, linogravure, texticroche.

(1) On lira avec profit la BEM n° 16: Dessins et peintures d’enfants, et l’ouvrage d’Élise Freinet : L’enfant artiste.

Les résultats

Oui, mais... me dira-t-on, quels sont les résultats?

En fin d’année, tous les élèves de CP ayant été testés en lecture, voici les résultats :

- sur 30 enfants, 24 peuvent passer au CE 1,
- parmi les six qui ne passent pas, soit un cinquième :

Patrice M. a manqué trois mois (coqueluche),
Alain H. aurait dû être examiné par le psychologue,
Daniel D. vit dans un milieu familial perturbé, son frère est resté quatre ans en CP (différents),
Michel et Didier J. retard mental un an. Absents le quart de l’année,
Yvon L. admis en classe de perfectionnement.

Mes élèves ont été heureux en classe toute cette année grâce à leurs travaux, ils aimaient venir à l’école. Certains refusaient de sortir en recréation ou demandaient à rester le soir pour terminer des travaux commencés. Il y a eu un véritable délire lors du voyage échange et de la réception de nos correspondants.

Ils ont été si intéressés par cette liaison de l’école et de la vie que parents et enfants me demandent de la continuer au CE 1. Nous découvrirons alors par le texte libre les premières notions de grammaire et, à travers la correspondance, les premières notions de géographie.

E. R.

ORGANISATION DE LA CLASSE au cours élémentaire

par Louise Marin

Bien penser les problèmes

Il me semble plus facile de s’organiser dans une classe traditionnelle que dans une classe Freinet.

Pour ne pas être débordé, il faut donc que le maître prenne le temps de bien penser les problèmes.

Dans la classe traditionnelle, l’organisation peut être faite d’avance puisqu’elle est prévue par le maître seul, en fonction des programmes et de l’emploi du temps. Certains inspecteurs invitent les jeunes instituteurs à faire leur journal de classe pour la semaine. Dans une classe Freinet, l’organisation est plus complexe :

- les enfants n’ont pas tous la même occupation au même moment,
- les activités veulent respecter la « vie de la classe », c’est-à-dire les intérêts momentanés et imprévisibles des enfants,
- le matériel est important,
- le maître n’a pas été préparé à cette forme d’organisation, ni dans les classes où il a été élève, ni par sa formation pédagogique.

Après les premières semaines, le problème d’organisation devient vite crucial.

1. RÉPARTITION ANNUELLE

1. I1 connaît le programme de la classe dans les différentes matières.

Pour ceci, il a lu les programmes officiels et ne s’est pas contenté de la table des matières des livres en usage dans sa classe, ceux-ci étant toujours trop ambitieux.

Le maître a lu les Instructions qui accompagnent les programmes, découvrant ainsi qu’elles sont beaucoup plus mesurées que les manuels ne le laisseraient supposer. Ayant relu aussi le Dossier pédagogique de l’École Moderne n°2 : Référence aux Instructions Ministérielles, voilà le maître prêt: il connaît ce qu’il doit enseigner et à quel niveau il doit le faire.

Il pourra donc rédiger une répartition que je conçois personnellement comme une liste des connaissances à faire acquérir dans l’année pour chaque matière.

Un emplacement sera réservé pour indiquer (par exemple par un trait horizontal) qu’on a commencé l’étude d’une notion. Quand on juge cette étude achevée, on peut terminer la croix par un trait vertical.

D’un seul coup d’œil, l’inspecteur ou le suppléant éventuel saura quels points du programme ont été étudiés par les élèves.

Cette mise à jour des répartitions peut se faire avec les enfants dès le CE2 ou le CM, Cela traduit aux yeux d’autrui votre souci du programme. On peut aussi commenter ce tableau en réunion de parents.

Voici un élément rassurant pour le maître, pour les parents, pour le directeur et pour l’inspecteur.

II. EMPLOI DU TEMPS

Il faut maintenant dresser l’emploi du temps. Généralement, j’en fais un en début d’année. Je le rode jusqu’à la Toussaint et, fréquemment, je le modifie encore en février.

Je bâtis mon emploi du temps par tranches assez larges. J’y suis plus à l’aise pour respecter l’intérêt des enfants et suivre à peu près l’horaire.

LUNDI

MARDI

MERCREDI

VENDREDI

SAMEDI

Orthographe

GYMNASTIQUE

orthographe

orthographe

CHANT

 

prof. spéclalisé

   

prof. spécialisé

Texte

orthographe

Correspondance

Texte

orthographe

libre

Correspondance

ou Dictée

ou

Dictée e

libre

Lecture

Calcul

Calcul

Calcul

Calcul

Calcul

Lecture

Lecture

Lecture

Lecture

Lecture

Récitation

Récitation

Récitation

Récitation

Récitation

Hist. ou Géo.

ou sciences

Bibliothèque

„ Enfance et Jeunesse"

Hist. ou Géo.

ou Sciences

Hist. ou Géo.

ou Sciences

Choix du T.L.

       

c

chant

ou Français

Choix du T.L.

Lecture

Gymnastique

Travail

individualisé

Travail

individualisé

Plein

air

Travail

individualisé

Travail

individualisé

Conseil de Travail

 

Conseil de Travail

Les heures de gymnastique et chant des professeurs spéciaux sont imposées. La matinée est à caractère essentiellement collectif. Ceci semble convenir à mes élèves jeunes. Cela peut aussi convenir, à un maître qui débute dans la Pédagogie Freinet ou à des enfants d’école de ville qui sont transplantés brusquement de la classe traditionnelle à la classe Freinet.

L’entretien du matin ne figure pas à l’emploi du temps, mais l’heure et demie de français que je m’accorde me permet d’être à l’aise avec l’horaire.

L’après-midi débute (survivance traditionnelle) par un quart d’heure de récitation. Trois fois par semaine, l’emploi du temps porte: sciences ou histoire ou géographie. Mais il se peut que nous fassions uniquement de la géographie pendant une semaine, uniquement de l’observation une autre semaine, selon l’intérêt du moment.

Dans les grandes classes où les exigences du programme sont plus impératives, on peut très bien réserver un jour pour chacune de ces disciplines.

III. LE PLAN DE TRAVAIL

Et maintenant, il nous reste à faire parcourir le programme à nos enfants avec cet emploi du temps que nous avons fabriqué. I1 faut d’abord qu’ils se sentent concernés et qu’ils n’attendent pas d’en haut (du maître en l’occurrence) que tout tombe tout prêt.

Après les quelques jours nécessaires à la prise de contact, je propose donc d’écrire ce que nous allons faire dans la demi-journée. Sur un volet du tableau, j’écris ce titre permanent : Plan de travail et je propose, j’explique :

tous les jours nous ferons du calcul, deux fois par semaine du texte libre, etc.

Ce plan de travail collectif est toujours très apprécié des enfants qui aiment savoir où ils vont. II leur donne la notion du temps. Bientôt, les enfants eux-mêmes proposent des additifs, des corrections.

Le plan de travail est écrit au tableau au début de chaque demi-journée.

Au bout de quelques jours, je propose qu’un élève, qui écrit bien au tableau, prenne la responsabilité d’y porter ce plan biquotidien, avec l’aide de la classe.

Les enfants sont sécurisés par les activités qui reviennent régulièrement et qu’ils peuvent eux-mêmes indiquer. Le reste du travail étant décidé coopérativement, les enfants savent aussi que, par exemple, trois fois par semaine ils feront inscrire l’exposé de leurs camarades.

Maintenant, il reste à suivre point par point le déroulement du plan. Au début, je ne faisais que traduire l’emploi du temps dans ce plan et j’oubliais certains détails. La classe se cabrait: faire un travail non prévu? Et pourquoi ne l’avait-on pas prévu? Pour l’introduire à la sauvette?

Alors j’allais inscrire cet élément oublié au plan de travail pour qu’apparaisse clairement mon intention de ne rien escamoter. L’expérience venant, de telles aventures ne m’arrivent plus guère. Si l’après-midi est un peu compliquée, encombrée de petits détails matériels, je prépare, avant la classe, mon projet de plan de travail, pour ne rien oublier et éviter ainsi les heurts.

IV. LES CONTRÔLES

Reste l’ultime question. malgré toute ma bonne volonté et mon organisation, ai-je réussi à ce que mes élèves fournissent un travail effectif dans toutes les matières?

Les murs de ma classe se couvrent de feuilles de cahiers toutes simples avec des barres, des croix, en face des noms d’élèves. Point de plannings compliqués qu’il faut faire ou acheter : un stylo-bille, des feuilles de cahier.

a) Contrôle des textes libres

Toutes les élèves de la classe écrivent-elles des textes libres? A quel rythme? Combien lit-on de textes par séance? Est-ce que ce sont toujours les mêmes élèves dont on choisit les textes?

Regardons l’extrait du premier planning (la barre encadrée indique le texte choisi).

 

Mer.

Sam.

Mer.

Sam.

 

1

4

8

11*

Sandra

1

     

Evelyne

I

I

   

Christiane

   

1

 

Sylvie

   

1

 

Martine

     

1

Annick

 

1

   

Brigitte

I

   

1

b) Où en sont les élèves en calcul individualisé?

N° des bandes

1

2

3

4

5

Sandra

   

-+-

+

-

Evelyne

     

+

-

Christiane

+

+

-

   

Sylvie +

+

-

     

Martine

 

+

+

-

 

Annick

   

+

+

-

Où en est l’élève la plus faible? la plus forte? La majeure partie de la classe? La classe est-elle homogène? Les réponses se trouvent au planning.

Je fais de même pour le travail aux bandes de grammaire.

c) Les tâches matérielles sont-elles assurées? N’y a-t-il jamais de contestation, deux élèves prétendant être chargées de la même responsabilité? Ou inversement, le responsable d’un certain rangement demeure-t-il introuvable?

Sur le planning, on trouve, en face du nom de chaque enfant, la liste des responsabilités attribuées coopérativement lors des conseils de travail.

d) Toutes les élèves participent-elles au journal scolaire? Un autre tableau indique la participation de chacun (textes et dessins).

e) Succession des équipes aux divers ateliers :

«J’ai été élève dans une classe où la maîtresse disait pratiquer la pédagogie Freinet, m’a dit une fois une normalienne. Cette année-là, je n’ai fait que de l’imprimerie, trouvant toujours un prétexte pour délaisser mon travail et m’en aller vers la casse ou la presse. »

Sur une double feuille, je fais autant de colonnes que d’ateliers. J’inscris les numéros d’équipes au travail:

- d’abord imprimerie et limographe qui sont prioritaires, l’équipe de l’auteur du texte ou du dessin étant affectée au tirage,

- puis, partage dans les autres ateliers suivant roulement qui ne peut être rigoureusement régulier puisque déterminé par la vie en fonction des auteurs de texte libre.

A mesure que le maître et la classe s’organisent, la division du travail devient plus complexe. C’est pourquoi j’ai ajouté récemment un planning de contrôle individuel.

En principe, les enfants travaillent par groupe de quatre. Mais, pratiquement, l’organisation n’est pas toujours aussi mathématique.

Aujourd’hui, l’équipe trois a travaillé aux bandes de calcul, mais Brigitte préparait un exposé. Deux élèves seulement dans une autre équipe ont travaillé au limographe, etc.

J’en suis donc arrivée au planning qui me permet de contrôler individuellement le travail de chaque enfant. Ces plannings ne sont pas là pour l’inspecteur. Ils sont affichés ; les enfants me signalent les oublis ou les erreurs et m’obligent à les tenir à jour.

f)  Autres éléments de contrôle

Pour moi ou pour les personnes qui peuvent s’intéresser à ce travail, j’ai encore :

- un cahier où je note le sujet de tous les entretiens,
- un cahier où un élève note tous les titres de textes libres dans l’ordre où ils sont lus à chaque séance, avec leur nombre de voix,
- un classeur où je garde le brouillon du texte choisi, le texte imprimé et une feuille où je note, après le travail, les points de français abordés ou révisés, les prolongements du texte, les détails marquants.

Cela m’est utile pour montrer sur documents que le texte libre me permet d’aborder tous les points de grammaire du programme,

- un cahier où je note les moments de calcul,
- je garde tous les textes libres bruts, classés par élèves, de même que tous les dessins.

Mes élèves ont :

- un cahier de classe où se font quelques exercices collectifs,
- un cahier de calcul pour le travail individualisé aux bandes,
- un cahier de français pour le travail aux bandes,
- un cahier de compositions (deux fois par trimestre).

Un carnet de notes est donné aux parents deux fois par trimestre. Seules les compositions de contrôle sont chiffrées. Les classements, qui n’existent dans aucune classe de l’école, sont remplacés par un graphique.

Les tables des enfants sont groupées en équipes de 4 (2 tables). Outre qu’ils aiment ces petites unités où l’on se sent davantage chez soi, l’organisation du travail au moment des ateliers est grandement facilitée: d’un coup d’œil, je me rends compte si l’équipe est bien installée au travail qu’elle a à faire.

Organisation du travail personnel du maître

Pour un maître traditionnel, l’essentiel de la préparation de classe consiste en fichiers. Pour le maître qui a modernisé son enseignement, elle est plus complexe.

Je pense qu’il faut distinguer :

- la préparation qui ne peut se faire qu’en classe,
- celle qui peut se faire en dehors de la classe.

Que devons-nous obligatoirement préparer en classe?

Les 36 élèves de ma classe m’obligent, pour que je ne sois pas débordée au moment des ateliers, à une organisation minutieuse :

1. Le texte mis au point a été partagé et copié sur quatre feuilles, par les quatre élèves de l’équipe d’imprimerie qui commencent leur travail de composition pendant la lecture, en fin de matinée. J’ai contrôlé la copie, Je contrôle la composition, composteur par composteur. La composition continue l’après-midi. Au moment où commencent les ateliers, l’équipe sait donc exactement ce qu’elle a à faire.

2. Tirage d’un texte. Au CE1, je fais moi-même la mise en place des composteurs dans la presse, je prépare l’encre et je fais un premier essai. Il reste généralement des fautes à corriger! Je corrige moi-même. Je fais ceci sans la présence des élèves (ou avec quelques-unes pendant une récréation). Quand l’équipe prendra son travail au moment des ateliers, tout sera prêt.

3. De même, j’enlève du limographe le stencil dont l’utilisation est terminée et j’en place un autre. Cadrage, encrage. Dès que les ateliers s’organiseront, l’équipe du limographe pourra commencer.

Les feuilles ont toujours été comptées d’avance par les élèves. Ce travail de mise au point des ateliers limographe et imprimerie ne peut se faire que dans le local de la classe. Si le nombre d’élèves est important ou si les enfants sont peu disciplinés, si le maître est débutant, il est préférable que ce travail se fasse hors de la présence de la totalité de la classe.

Il faudra aussi préparer les peintures, avec l’aide de quelques enfants, avant la mise en place des ateliers, préparer les feuilles de papier à dessin.

Ceci implique donc que le maître séjourne dans sa classe en dehors des six heures réglementaires. A lui de s’organiser pour le faire soit le matin, avant l’arrivée des élèves, soit pendant les récréations, soit pendant l’intervalle de midi, soit le soir après la classe.

Tout le reste de la préparation peut se faire à la maison si on le désire (je pense en particulier aux institutrices qui se doivent d’être à la maison, pour diverses raisons) :

- préparer les répartitions, l’emploi du, temps, les plannings dont j’ai parlé plus haut,
- graver un stencil pour le limographe,
- revoir l’envoi aux correspondants,
- relire un projet d’exposé ou préparer une fiche-guide,
- mettre de l’ordre dans ses notes (car on gribouille hâtivement pendant l’entretien, le texte libre ou les moments de calcul).

Ceci n’est qu’un exemple d’organisation qui a pour seul mérite d’être vécu.

L’organisation étant, avant tout, une question personnelle, à chacun de trouver sa formule. Je n’ai d’ailleurs pas trouvée la mienne toute seule. J’ai étudié et j’étudie encore celles de nombreux camarades et je les adapte à mon tempérament et à mes conditions de travail.

Ce qui est certain à mes yeux, c’est que mener une classe selon la pédagogie Freinet demande plus d’organisation que de faire la classe traditionnelle.

Cette recherche fait d’ailleurs de ce maître autre chose qu’un simple fonctionnaire routinier.

L. M.

QUELQUES RÉFLEXIONS sur l’organisation de la classe

par Jacqueline Jubard

Je pense que l’introduction d’une nouvelle technique dans la classe implique, si l’on veut sa réussite, que la classe entière se transforme et laisse pénétrer largement la pédagogie Freinet.

Or, il faut l’avouer, il serait dangereux d’adopter cette pédagogie sans avoir réfléchi à l’organisation de la classe. C’est sur ce point que beaucoup butent. C’est celui-là qu’il est urgent de tirer au clair pour mieux aider ceux qui veulent modifier leur enseignement.

Cette organisation se fait en fonction du temps et des individus. Vous constaterez que si vous avez organisé l’ensemble de votre classe pour mieux servir chaque élève, vous n’aurez guère plus de travail, ni plus d’anxiété que dans une classe traditionnelle.

Organisation pour l’année

I.                    ORGANISATION DE LA CLASSE

La documentation est indispensable et le peu que vous possédez doit être classé de telle sorte que, dans la minute, vous puissiez trouver ce que vous cherchez.

a) Textes d’auteurs

J’ai découpé tous les spécimens de français, les textes de revues pédagogiques, etc. Je conserve ces textes, triés par centres d’intérêt, dans des enveloppes classées dans une boîte. J’ai relevé les titres et les pages des lectures des spécimens et des gerbes se rapportant à ces centres d’intérêt et joint la liste dans les enveloppes. (J’ai numéroté mes gerbes, mes livres. Je me suis fait un code).

Un texte libre est-il choisi? Un autre mérite-t-il complément? Le texte d’auteur s’y rapportant est tout de suite trouvé ; si nécessaire, il est limographié, distribué. Le stencil est conservé.

b) Documentation générale

- j’ai tiré tout ce que je pouvais posséder: images, gravures, travaux d’élèves, extraits de revues, etc. J’ai tout classé dans des chemises en suivant le code du Pour tout classer.
Sur ce livre, en face de chaque rubrique documentée, j’ai ajouté ch (chemise).
- J’ai classé les BT, BTJ, SBT que je possède. J’ai pointé sur Pour tout classer. La liste peut en être affichée pour donner des idées aux enfants.
- Spécimens et albums : ils sont triés par catégories (hist., géog., lect.) et répartis dans certains coins de la classe. Ce sont des coins lecture.

c) Coins ateliers

Préparés suivant votre richesse.

Ou vous les présentez tous, ou vous les introduisez peu à peu. Je pense qu’il est nécessaire que chaque chose soit toujours rangée à la même place pour que chacun s’y retrouve.

d) Coin des bandes

Elles sont classées par catégories. J’en ai la liste dans mon bureau avec les caractéristiques de chacune. Un enfant se sent-il faible sur un point? Il le signale. J’ai vite trouvé la bande qui peut l’aider.

e) Les murs

Nus ou garnis de tous vos travaux antérieurs (sélectionnés) suivant votre tempérament. Personnellement, je choisis la deuxième solution.

f) Classeurs

Pour travaux faits en calcul, observ., enquêtes, pour envois des correspondants.

En fin d’année, ces travaux iront rejoindre la documentation.

g) Les cahiers (Officiels ou non) de 1a classe

- Répartition annuelle: on y consigne les résultats globaux de la classe. Il est bon de faire un bilan trimestriel pour compléter avant la fin de l’année s’il y a lieu.
- Cahier de coopérative. Les comptes doivent être tenus d’une manière claire,

On peut y consigner les prêts de livres et documents.

- Cahier d’appréciation des travaux. En haut: alignement de tous les travaux. Chaque enfant a sa page sur laquelle je note les réussites.

Je choisis une page par enfant. Quand les parents viennent s’entretenir de leur enfant avec vous, ils n’ont pas ainsi la tentation fâcheuse de comparer avec le voisin. Je préfère aussi le cahier au planning affiché: c’est plus discret.

- Je ne note ici que les cahiers les plus importants.

II. ORGANISATION DES ENFANTS

Je leur prépare:

- un cahier d’orthographe avec onglets Là, les mots difficiles de nos textes libres sont consignés et classés suivant la prononciation de leur début.

Je réserve aussi des rubriques grammaire, conjugaison, vocabulaire. Au départ, nous y jetons en vrac nos remarques importantes. Peu à peu, ces remarques présentent des similitudes. Nous groupons et en tirons des règles.

- un cahier de calcul

Nos remarques importantes en calcul vivant y sont consignées dans chaque rubrique correspondante.

- un cahier pour le travail sur les bandes Chaque fin de semaine, nous notons la date sur ces cahiers. Je les relève, et vérifie alors le travail. Ce qui n’empêche pas, lorsqu’une bande est terminée, de la poser sur le bureau avec le cahier: le soir, je la vérifie.
- un classeur pour les textes libres, les lettres des correspondants,
- un cahier de brouillon de lettres aux correspondants. Je corrige chaque brouillon en face. Ainsi, nous pouvons toujours vérifier ce que nous avons déjà dit ou demandé,

- un cahier pour les T.L.
-               »d’essai pour les dessins
-             «  journalier
-           «  de récitations sur lequel nous collons les récitations choisies par chacun et limographiées (les stencils sont conservés).

Bien sûr, ces cahiers s’introduisent dans la classe au fur et à mesure des besoins.

Organisation hebdomadaire

Le départ peut être difficile quand on reçoit des enfants non habitués.

Il faut faciliter le démarrage.

- par un emploi du temps qui respecte les horaires mais reste suffisamment souple pour y incorporer des activités diverses,
- par le lancement d’ateliers en fin d’après-midi ; les bandes peuvent beaucoup aider à individualiser le travail,
- par le texte libre oral, écrit par le maître, recopié et illustré par l’enfant ; au CE1, ceci peut se prolonger aussi longtemps que l’enfant en ressent le besoin,
- par une ou plusieurs séances hebdomadaires d’exposés d’enfants. Ceux-ci sont très variés, mettent les enfants en confiance. Les questions posées par les camarades conduisent sur des pistes à exploiter en tous domaines. Il vous suffit d’apporter la docu.mentation qui se rapporte à l’intérêt suscité pour avoir un éventail d’exposés que vous glissez à des moments précis de l’emploi du temps (calcul, observation, etc.)

Ces travaux à préparer sont notés sur un tableau réservé à cet usage avec les initiales de chacun et le jour prévu pour l’exposé.

- Coopérative ; une réunion hebdomadaire permet d’exposer et juger les travaux, de choisir le ou les ateliers pour la semaine, de répartir les responsabilités au fur et à mesure que le travail s’organise, etc...

La motivation

Le travail est organisé. Si l’on veut que l’intérêt se maintienne et aille grandissant, n’oublions pas une idée force de Freinet : la motivation.

a) ateliers : les réussites sont mises en valeur.

b) Textes libres : le meilleur est choisi et imprimé. (J’écris le texte sur une feuille. Les membres de l’équipe inscrite à l’imprimerie découpent le texte en paragraphes et en choisissent un chacun.)

De mon côté, en début de mois, je prépare une maquette de mon journal. Cette maquette est mise à jour quand un texte est choisi.

J’inscris son titre et le nom de l’auteur sur une page, j’indique si le texte est limographié ou imprimé, s’il a été envoyé aux correspondants. J’équilibre ainsi les textes, les dessins, les couleurs dans le journal. Je numérote les chemises de chaque pile de feuilles en fonction des pages de la maquette. En fin de mois, pas de pagaille. Les gosses rassemblent eux-mêmes les feuilles de leurs 90 journaux.

c) Exposés: Je note rapidement ce que disent les enfants quand ils ne l’ont pas écrit. Je recopie le soir avec un carbone. Le double est envoyé aux correspondants. Nous gardons ces exposés dans des classeurs. Ils peuvent être consultés à chaque instant. Ils grossiront la documentation.

d) La correspondance fait tout le reste.

e) Chaque soir, surtout en début d’année, nous faisons un bilan de la journée avec les enfants. C’est indispensable si vous ne voulez pas qu’en rentrant chez eux les enfants, qui ne se souviennent que des derniers moments de la journée, ne répondent pas toujours à leurs parents : «J’ai fait de la peinture, ou des ateliers.»

Si la récapitulation a été faite, les parents apprendront que vous avez aussi travaillé en français, en calcul, en exposé, en..., en... et vous serez valorisés à leurs yeux, ce qui n’est pas négligeable.

*

Peu à peu, au fur et à mesure que le temps passe, les enfants vont modifiant l’organisation, l’adaptant à leurs besoins.

Aurez-vous beaucoup plus de travail que dans une classe traditionnelle? Je ne le crois pas si vous avez pensé les problèmes à l’avance, dans le calme.

Les responsabilités de chacun étant bien délimitées, quand les enfants vous quitteront le soir, le désordre ne régnera pas. Votre présence n’aura pas besoin de s’éterniser.

Et votre travail sera tellement moins ennuyeux, plus efficace, plus conforme à l’enfant.

J. J.

BIBLIOGRAPHIE

BIBLIOTHÈQUE DE L’ÉCOLE MODERNE (3 F ou 5 F le numéro double)

8-9 Méthode naturelle de lecture

7 La lecture par l’imprimerie à l’école

3 Le texte libre

17 La grammaire

16 Dessins et peintures d’enfants

13-14 L’enseignement du calcul

11-12 L’enseignement des sciences

24 La part du maître

DOSSIERS PÉDAGOGIQUES (1,50 F)

19 Mémento de l’École moderne

4 L’Écriture

6 Bandes enseignantes

8 L’imprimerie et les techniques annexes

10 L’éducation musicale

22 Expériences de raisonnement mathématique à l’école maternelle

ART ENFANTIN - Revue - 20 F par an

L’ENFANT ARTISTE d’Elise Freinet : 42 F

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