Dossier pédagogique de l’Ecole Moderne n°2

Supplément au numéro 4 du 1er novembre 1963

Références

aux instructions Ministérielles

par C. Freinet

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Textes officiels cités

- 1910 : Circulaire du 28 septembre 1910, relative à la nouvelle nomenclature grammaticale.
- 1923 : Instructions relatives au nouveau plan d’études des écoles primaires élémentaires, du 20 juin 1923.
- 1938 : Instructions du 20 septembre 1938, relatives aux arrêtés du 23 mars 1938.
-1945 : Instructions du 7 décembre 1945, relatives à l’application de l’arrêté du 17 octobre 1945, fixant les horaires et les programmes.
-1946 : Circulaire du 24 août 1946, concernant l’éducation physique.
-1953 : Instructions du 30 juillet 1953, concernant la classe de fin d’études des classes rurales.
-1957 : Instructions du 21 août 1957, concernant le programme des sciences CM.
-1958 : Circulaire du 2 janvier 1958, sur l’enseignement de la lecture aux différents cours de l’Ecole Primaire.

Ces textes ont été rassemblés par Pierre Constant et commentés par C. Freinet

Les illustrations de ce dossier représentent les livrets de la collection Bibliothèque de l’Ecole Moderne (B.E.M.)

Voir Tarif CEL BP 282 . CANNES (A.M)

 

Références aux instructions Ministérielles

par C. Freinet

Dès 1924 elles furent comme la charte de l’éducation moderne...

Nous avons la chance de bénéficier en France d’Instructions Ministérielles qui, loin d’être contraignantes et limitatives, sont toujours ouvertes vers le bon sens, l’intelligence et le progrès.

Nous ne ferons exception que pour cette erreur, nous pourrions dire monstrueuse, que fut il y a quatre ou cinq ans la fameuse circulaire du « par cœur » unanimement désavouée d’ailleurs par l’Université française.

Dès la parution des Instructions Ministérielles de 1923, date à laquelle nous commencions nous-mêmes nos expériences, nous nous référions déjà à ces documents officiels qui se présentaient alors comme une véritable charte de la pédagogie moderne.

Nous sommes heureux de constater que se continue la tradition avec les Instructions Ministérielles sur les Travaux Scientifiques expérimentaux, et, tout récemment, sur les classes de transition, les classes terminales, et, enfin sur le dessin.

N’est-il pas normal que nous cherchions dans ces circulaires les justifications pour ainsi dire administratives de nos propres travaux, et que nous répondions à ceux qui voudraient nous contester le droit de ne pas nous plier à la tradition scolastique, que les Instructions Ministérielles ne se contentent pas de nous autoriser à faire mieux : elles nous en font une obligation.

Il est pour le moins paradoxal que nous soyons encore assez souvent en butte à ceux-là même qui, devant faire respecter les règlements, y contreviennent régulièrement.

 

Les rêves généreux des pédagogues...

Nous savons bien que, en ce domaine, nous souffrons du décalage que nous avons maintes fois signalé entre une pédagogie théoriquement progressiste et une pratique scolaire étrangement retardataire.

Vous y puiserez assurance et confiance

Que, à tous les degrés, on s’accommode de ce décalage est bien une des conséquences de notre époque. On ne se contente pas de s’en accommoder ; on dresse comme une permanente barrière contre tous essais de modernisation de notre enseignement. On procède, en tous lieux, comme si les I.M. n’existaient pas : on leur tire le cas échéant un coup de chapeau déférent et on s’en prend à ceux qui voudraient témérairement faire passer dans la pratique de leur classe les rêves généreux des pédagogues.

Nous avons eu le courage et la ténacité de nous conformer à la lettre et à l’esprit de ces I.M. On nous a souvent accueillis comme les hiérarchies religieuses ou politiques accueillent les fidèles trop zélés qui, bibles en mains, veulent montrer l’urgence de certains redressements. Mais nos réalisations sont aujourd’hui trop flagrantes pour qu’on continue à en masquer la portée. Une certaine inquiétude semble gagner les milieux enseignants traditionnels : et si demain on les obligeait à suivre ces mêmes I.M. ? Si on les notait en fonction de leur respect des récentes circulaires ? S’ils devaient accepter ou même solliciter un certain « recyclage » qui est la condamnation d’une tradition qui s’avère impuissante à affronter le présent et l’avenir ?

C’est parce que nous sentons que souffle un vent nouveau qui nous est favorable que nous offrons ici à nos adhérents de larges extraits des I.M. qu’ils ont avantage à mieux connaître pour y puiser assurance et certitude.

Chemin faisant, pour vous faciliter les recours utiles à ces documents officiels, nous mentionnons d’une part les entorses que la pédagogie traditionnelle fait aux injonctions ministérielles, et d’autre part comment, par nos techniques, nous sommes les plus fidèles traducteurs de ces mêmes Instructions.

Et ce sera pour nous une raison de plus de continuer notre activité, qui porte aujourd’hui ses fruits, au sein de da plus large, la plus ouverte et la plus fraternelles des équipes de travail pédagogique dont puissent s’enorgueillir le monde contemporain.

C.F.

 

INSTRUCTIONS GÉNÉRALES

POUR un enseignement intuitif et pratique

CONTRE les discussions oiseuses, les théories savantes et les curiosités scolastiques

1923

La seule méthode qui convienne à l’École Primaire, est celle qui fait intervenir tour à tour le maître et les élèves, qui entretient, pour ainsi dire entre eux et lui, un continuel échange d’idées sous des formes variées, souples et ingénieusement graduées. Le maître part toujours de ce que les enfants savent, et, procédant du connu à l’inconnu, du facile au difficile, il les conduit par l’enchaînement des questions orales ou des devoirs écrits, à découvrir les conséquences d’un principe, les applications d’une règle, ou inversement les principes et les règles qu’ils ont déjà inconsciemment appliqués.

En tout enseignement, le maître, pour commencer, se sert d’objets sensibles, fait voir et toucher les choses, met les enfants en présence de réalités concrètes, puis peu à peu les exerce à en dégager l’idée abstraite; à comparer, à généraliser, à raisonner sans le secours d’exemples matériels.

C’est donc par un appel incessant à l’attention, au jugement, à la spontanéité intellectuelle de l’élève que l’enseignement primaire peut se soutenir. Il est essentiellement intuitif et pratique : intuitif, c’est-à-dire qu’il compte avant tout sur le bon sens naturel, sur la force de l’évidence, sur cette puissance innée qu’a l’esprit humain de saisir du premier regard et sans démonstration, non pas toutes les vérités, mais les vérités les plus simples et les plus fondamentales ; pratique, c’est-à-dire qu’il ne perd jamais de vue que les élèves de l’école primaire n’ont pas de temps à perdre en discussions oiseuses, en théories savantes, en curiosités scolastiques, et que ce n’est pas trop de cinq ou six années de séjour à l’école pour les munir du petit trésor d’idées dont ils ont strictement besoin et surtout pour les mettre en état de le conserver et de le grossir dans la suite.

 

POUR l’expérimentation et la recherche actives

CONTRE l’observation qui laisse l’enfant passif

1923

A l’observation, qui laisse l’enfant passif, nous préférons, dans la mesure où elle peut être pratiquée à l’école primaire, l’expérimentation qui lui assigne un rôle actif. Dans certaines écoles, les élèves du cours préparatoire eux-mêmes pèsent des liquides et se rendent compte des différences de densité et il faut voir avec quelle joie ils enregistrent les résultats.

Nous souhaitons que de telles pratiques se généralisent, que partout les enfants collaborent à la préparation des leçons, à la recherche de matériaux, qu’il s’agisse de cartes postales, de plantes ou d’insectes, que partout ils travaillent pendant que le maître parle, que partout on s’ingénie à rendre la classe plus animée et plus vivante.

Renonçons aux exercices non motivés qui sont pour les enfants les pires des supplices

1923

Renonçons aux exercices dits éducatifs dont l’utilité n’apparaît pas : comme ces mouvements vains qu’on imposait jadis aux prisonniers de certains pays, condamnés à tourner des manivelles qui ne commandaient aucun treuil, ni aucun engrenage, ces exercices constituent, pour les enfants, le pire des supplices.

Renonçons, d’autre part, aux leçons qui ne contiendraient qu’un indigeste plat de notions utiles sans doute, mais sans valeur éducative, de notions qui peuvent bien s’emmagasiner dans la mémoire, mais ne déclenchent dans l’esprit aucune réflexion.

Former en l’enfant l’homme et le citoyen de demain

CONTRE une éducation purement utilitaire qui serait non pas un apprentissage mais un dressage

CONTRE une éducation purement formelle

1923

Nous devons former en eux, l’homme et le citoyen qu’ils seront demain. Le souci des réalités urgentes ne nous fera pas oublier le culte de l’idéal. Bien plus, il nous semble que ces deux fins de l’enseignement primaire doivent être considérées comme les deux aspects d’une fin unique. Le travailleur, le citoyen, l’homme ne sont pas trois êtres différents, mais trois aspects d’un même être. Il n’y a pas de véritable éducation, pensons-nous, si l’on ne s’efforce à la fois de cultiver l’être humain et de le préparer à la vie. Une éducation purement utilitaire, qui exclurait de son programme tout ce qui fait la dignité de la conscience et de !a pensée, serait non pas un apprentissage, mais un dressage auquel nul père ne voudrait condamner son enfant. Une éducation purement formelle, qui bannirait de son horizon le milieu même où vivra l’enfant, produirait de malheureux déséquilibrés, de véritables déments.

Inutile de souligner ici, combien les pratiques traditionnelles contredisent ces Instructions : la règle y est reine, avec tout ce que cela comporte d’asservissement aux manuels scolaires, aux leçons et aux devoirs formellement dénoncés par les Instructions.

Nous faisons nôtre ce dernier paragraphe que nous vous conseillons de garder en bonne place pour vous rappeler la fin souhaitée de notre éducation et pour dénoncer ouvertement toutes les pratiques qui sont la négation même de ces Instructions Ministérielles.

…ses services sont appréciés bien souvent au secrétariat des coopératives ou des syndicats il a à sa disposition un matériel extrêmement riche pour l'étude concrète des services publics aussi bien que pour celle de ces organisations économiques élémentaires.

 

Manque page 6

La lecture

POUR donner aux élèves le goût de la lecture

CONTRE toute méthode qui laisse subsister cette séparation technique entre l'expression et le sens profond d'un texte et la mécanique de sa lecture

1938 - CS

... A une condition toutefois, c'est que le texte en ait été bien choisi. Chez les bons écrivains la pensée ou le sentiment ne font qu'un avec la forme, et les groupes de mots que la voix réunit ou découpe dans le texte correspondent aux divers éléments de la pensée.

De plus on s'efforcera surtout de donner aux élèves le goût de la lecture,

POUR développer l'esprit critique du futur citoyen

CONTRE la lecture mécanique

1938 - FE

Le programme prévoit l'étude de plusieurs textes rapportant le même fait. On comparera, par exemple, la relation d'un même événement par plusieurs journaux. A supposer que les deux relations ne contiennent rien d'inexact, les élèves feront encore des constatations intéressantes. Tel détail relaté par un des journaux est omis par l'autre : quelle est l'importance et l'intention de cette lacune ? La même circonstance de fait est développée longuement dans un journal, tandis que l'autre, sans l'omettre tout à fait, ne lui consacre qu'une brève mention.

Le même fait qu'un journal met en relief et en bonne place, sous un titre bien apparent, un autre journal l'imprime au bas d'une colonne, en quelques lignes très brèves, en petits caractères, sans aucun titre. Est-ce effet du hasard ? Ces constatations sont éminemment propres à développer l'esprit critique du futur citoyen.

Ce souci de susciter l'intérêt pour la chose lue, d'accorder la primauté à la compréhension sur le mécanisme, apparaît encore dans la circulaire du 2 janvier 1958 B.O.E.N. n° 14 du 27 mars 1955 sur L'ENSEIGNEMENT DE LA LECTURE aux différents cours de l'École primaire.

Sans aller aussi loin que G. Duhamel, qui assure qu'aucune méthode ne saurait empêcher un enfant d'apprendre à lire, nous pouvons affirmer que, quelle que soit la méthode employée, un enfant apprend à lire dès que l'intérêt de cet exercice lui apparaît.

Et plus loin :

Sans vouloir forcer l'enfant, il ne faut pas provoquer le dégoût avant l'apparition de l'intérêt.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Langue française Élocution - Rédaction

POUR le texte libre

CONTRE toute méthode qui n'inspire pas à l'enfant le désir de traduire ses impressions et de chercher pour cette traduction, l'expression adéquate

1923 - C P

Ce sont ses impressions personnelles qu'on lui demandera de traduire après les lectures ou les promenades qu'il a faites, les leçons et les expériences auxquelles il a assisté. Nous ne verrions d'ailleurs aucun inconvénient, si des élèves montrent de bonne heure un certain goût de l'invention, à les laisser raconter à leur guise les histoires dues à leur imagination. Comme les exercices de vocabulaire, les exercices d'élocution ne seront féconds que s'ils apportent aux enfants de la joie.

....................................

La méthode, qui depuis 1909, produit dans l'enseignement du dessin des résultats si appréciables, doit être, sans hésitation, appliquée à l'enseignement du français. Le dessin libre doit avoir pour pendant la rédaction libre. De même que le dessin libre révèle chez maints enfants des qualités insoupçonnées : le sens de l'observation, du pittoresque, de l'humour, de même la rédaction libre mettra en valeur tantôt ta spontanéité la fraîcheur des sentiments, tantôt le goût littéraire, tantôt l'ingéniosité intellectuelle de nos élèves. Et surtout, elle leur inspirera le désir d'écrire, sans lequel tous nos efforts demeureraient vains.

Que le sujet soit libre ou non, il conviendra d'éviter qu'une préparation collective trop directe et trop précise enchaîne, au moment où ils auront à le traiter, la liberté de nos écoliers. Quels qu'ils soient, les sujets doivent être à la portée de l'enfant, il doit posséder, soit dans son imagination, soit dans sa mémoire, soit dans ses livres, les matériaux nécessaires pour bâtir son petit édifice. Il est donc inutile (et il est dangereux) de faire à sa place sa besogne, de lui tracer avec trop de minutie le chemin qu'il aura à parcourir. Toujours prêt à donner des conseils individuels, s'ils sont requis ou s'ils paraissent indispensables, le maître s'abstiendra de tracer d'avance un plan détaillé qui interdirait aux enfants de révéler toutes leurs aptitudes et même d'exprimer leurs véritables sentiments. Fournir aux enfants des idées et des expressions toutes faites, c'est refouler leurs pensées personnelles dont nous avons le devoir de favoriser l'éclosion, c'est stériliser leur esprit, que nous avons le devoir de féconder.

D'une manière générale, toute méthode est mauvaise si elle n'inspire pas à l'enfant le désir de traduire ses impressions et de chercher, pour cette traduction, l'expression adéquate. Toute méthode est bonne si elle lui inspire ce double plaisir. Elle est parfaite si ce désir croît, chez l'écolier, jusqu'à la passion ou l'enthousiasme.

POUR une démarche de la pensée qui va du tout à la partie

CONTRE les exercices de construction (d'initiation ou d'enrichissement) de phrases. Détachées

1938 - CS

Dans la parole et la rédaction comme dans le dessin, la démarche de la pensée va nécessairement du tout à la partie, c'est-à-dire du texte au paragraphe et à la phrase, de la phrase à la proposition et au mot. Une ligne et une surface ne sont que des abstractions sans réalité, de même que la phrase n'a de sens que dans le paragraphe, le mot et la proposition dans la phrase, Dans la rédaction, on commence par une idée d'ensemble du sujet : c'est en cherchant à se préciser que l'idée se divise, s'analyse et trouve par là même son expression.

…………………………..

Ce n'est donc pas par des exercices de construction (d'initiation, ou d'enrichissement) de phrases détachées qu'on créera l'habitude d'écrire. Au contraire, on immobilise ainsi sous la clarté de la réflexion, une activité spontanée une sorte d'élan vital, qui ne peut se déployer qu'à la condition de rester spontané et instinctif.

POUR la construction d'une phrase qui est une « synthèse psychologique »

CONTRE la construction d'une phrase d'un mot en partant

1938 - CS

Quand on invite un élève à construire une phrase en partant d'un mot, il faut se garder de confondre cet exercice avec le début de l'apprentissage de la composition française, La pensée et la rédaction en effet ne vont pas du mot à la proposition et à la phrase, elles suivent l'ordre inverse, Dans la réalité vivante de la parole, une phrase n'est pas une addition de termes indépendants qu'on a assemblés, c'est une « synthèse psychologique » où chaque partie est déterminée par la conscience de l'ensemble. Beaucoup d'échecs dont on se plaint s'expliquent par cette confusion, qui paralyse les enfants au lieu d'accroître leurs moyens d'expression. La pensée, naturellement chaotique et confuse se présente d'abord comme un tout, elle se précise pour s'exprimer et on peut dire qu'elle ne peut se préciser qu'en s'exprimant ; c'est par approximations successives qu'elle élabore son expression, esquissant d'abord la composition générale de la phrase, puis essayant les formules où les mots se présentent en groupes, plusieurs pour une même idée, se précisant enfin dans la clarté du mot propre enfin découvert.

POUR une expression vivante dans le milieu

CONTRE les sujets à caractère artificiel

1938 - FE

On évitera que ces sujets aient jamais un caractère artificiel. Aussi, plutôt que d'en imaginer les circonstances, on prendra l'occasion d'un fait concret, d'un événement réel de la vie urbaine ou rurale. Par exemple, on fera relater avec précision les détails d'un accident automobile gui s'est produit près de l'école; si les enfants n'y ont pas assisté, ils en interrogeront les témoins,

A la campagne, les enfants feront un rapport sur les dégâts causés par un orage ; et il ne s'agira, en aucune façon, de décrire l'orage et d'exprimer les impressions personnelles ressenties à l'aspect de la terre et du ciel, mais bien de relater des faits d'une précise objectivité; tel champ de blé a été complètement ravagé, tel autre n'a subi que de légers dégâts, qu'il faut indiquer exactement ; tel autre est indemne.

Les enfants ont visité le marché : on ne leur demandera pas de s'essayer à une description pittoresque, mais ils diront quels légumes, choux, pommes de terre ou carottes étaient exposés sur le marché et quels en étaient les prix ; ils chercheront à donner une idée de l'activité du marché par la nature et la quantité des transactions et par l'évolution des prix au cours de la journée. Ils rédigeront des lettres d'affaires précises, disant tout ce qu'il faut dire, sans détails inutiles. Ils apprendront les formules usuelles par lesquelles on commence ou l'on termine une lettre : des habitudes sociales, qu'on ne saurait impunément enfreindre, exigent que l'on varie ces formules selon la qualité du destinataire et selon la nature des rapports que l'on entretient avec lui. Ainsi, en même temps qu'ils s'exerceront à écrire avec propriété, ils apprendront dans les choses de la vie pratique, à diriger leur pensée avec précision et méthode,

La grammaire

POUR une grammaire fonctionnelle née des textes d'enfants

CONTRE les définitions grammaticales abstraites

1923-CE

Le maître doit partir des textes placés sous les yeux des enfants pour leur faire comprendre la fonction habituelle du nom, de l'article, de l'adjectif, du pronom et du verbe. Il ne s'agit pas de formuler des définitions abstraites dont une étude plus approfondie de la langue ferait vite apparaître le caractère artificiel. Il s'agit d'amener les enfants par la pratique du langage parlé ou écrit, à classer avec une suffisante précision les formes verbales sous les rubriques que les grammairiens ont imaginées pour mettre un peu d'ordre dans le chaos des réalités linguistiques.

1938 – CS

La méthode du CS 1 sera celle qu'indiquent les instructions de 1923 ; on partira d'un texte pour en induire la règle. Cette « induction » demande à l'enfant un effort d'attention, mais c'est des faits de la langue parlée qu'il faut partir car c'est la seule qui est bien connue des enfants... C'est par ces références à la langue parlée que l'on dissipera les confusions orthographiques que commettent les enfants dans la langue écrite... à condition que la phrase exprime une réalité enfantine dans son langage spontané.

POUR arriver par intuition à comprendre les premiers termes de la grammaire

CONTRE toutes définitions ou inexactes ou trop difficiles, c'est-à-dire plus nuisibles qu'utiles pour un enseignement rationnel

1910

De parti pris, la Commission n'a pas donné de définitions. Presque toutes celles que les grammairiens ont proposées sont ou inexactes ou trop difficiles pour les petites classes, c'est-à-dire plus nuisibles qu'utiles à un enseignement rationnel.

L'enfant peut arriver par intuition, à comprendre les premiers termes de la grammaire. L'observation bien conduite lui fera distinguer, dans un texte, les noms, les pronoms et les verbes, sans qu'il soit absolument nécessaire de les définir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le calcul

POUR un calcul vivant qui doit précéder l'opération arithmétique

CONTRE tout exercice qui ne peut pas se présenter raisonnablement dans la pratique

1945 - CP CE CM CS

L'observation doit avoir une large place dans l'enseignement de l'arithmétique et la géométrie à l'école primaire. Les principes énoncés dans les instructions de 1923 et repris dans celles de 1938 (pour le CS) restent valables.

Partout l'opération manuelle doit précéder l'opération arithmétique ; l'expression du langage courant doit précéder l'expression du langage mathématique... C'est sur des faits qu'il faut appuyer (et nous ajouterons c'est à des faits qu'il faut appliquer) les calculs, les idées...

1945-CE

Usage des opérations. Le programme ne sépare pas la pratique des opérations de leur usage ou de leur application. L'élève doit savoir quand il faut faire une addition, une soustraction, une multiplication, une division.

1945 - C M

Problèmes. - Les mots de la vie courante employés dans le programme marquent la volonté d'une relation étroite entre les mathématiques de l'école et les nécessités de la vie. Des problèmes de la vie courante sont des problèmes vraisemblables, dont l'élève a vu ou verra les exemples autour de lui. Avant de faire traiter un exercice dans la classe ou de le donner en devoir écrit, le maître se demandera si cet exercice peut se présenter raisonnablement dans la pratique.

POUR une liaison étroite entre les enseignants de tous ordres

CONTRE toute suite systématique de leçons

1938 - C FE

Application du calcul et sciences appliquées. ...il (le maître) renoncera complètement à toute suite systématique de leçons où le souci de la logique ou du mécanisme nuirait à celui de l'intérêt ou de l'utilité. Il ne reviendra à l'explication théorique qu'occasionnellement et pour répondre à un désir manifeste des élèves.

En revanche, il cherchera, autour de sujets particulièrement opportuns, à établir une liaison étroite entre les enseignements de tous ordres, littéraires et scientifiques, artistiques et manuels et ces centres d'intérêt communs aux anciennes disciplines substitueront à ces disciplines elles-mêmes…

POUR les problèmes vivants et concrets de la vie quotidienne-

CONTRE l'enseignement scientifique formel

1938-CFE

Toutes les questions scientifiques seront matière à mesure et à pesées, et par conséquent à calculs. Aussi, n'a-t-on pas détaillé le programme des applications du calcul aux problèmes concrets rencontrés dans la vie quotidienne, puisque aussi bien toute question évoquée en sciences, ou en géographie ou en dessin ou en travail manuel et même dans l'initiation à la vie civique pourra donner lieu soit à des calculs rapides, soit à de véritables problèmes. La vie sociale et les activités familiales avec les communications postales, l'épargne, la mutualité, les assurances, les traitements, les indemnités, les retraites, les impôts, les voyages et transports, les achats et les ventes mobilières et immobilières, les installations à envisager dans la maison, eau, chauffage, électricité, les constructions et les réparations, la comptabilité ménagère, seront l'occasion d'exercices de toutes sortes, vocabulaire, lettres, demandes de renseignements aussi bien que calcul, devis, factures, études de prix de revient, projets d'itinéraires, etc... et ces exercices intéresseront visiblement tous les jeunes dans toutes les écoles.

La vie urbaine et l'activité industrielle, avec le commerce, les grands magasins, les banques, les usines, les salaires, les frais généraux, les inventaires, les bilans, le théâtre, le cinéma, les cercles, etc..., feront l'objet d'exercices à portée plus restreinte.

Et fautes nos écoles rurales porteront leurs efforts, au contraire, sur la ferme, les champs, les bois, les jardins, les engrais, les cultures, le rendement, l'arpentage, le cubage des bois, les animaux, l'élevage, la basse-cour, la laiterie, les machines agricoles, les baux, les coopératives, la comptabilité agricole.

Tandis qu'à la ville ou à la campagne, dans la classe spécialisée ou dans l'école à tous les cours, les jeunes filles apprendront de leur mieux le métier de ménagère et celui de maman - tenue d'un carnet de ménage, établissement du prix de revient d'un repas, etc...

En définitive, il faut parvenir, par un enseignement plus que jamais concret, exigeant une activité toujours plus grande des élèves, à propos des questions les mieux adaptées aux goûts et aux moyens de chacun d'eux, à les lancer dans la vie plus armés que naguère, préparés à résoudre les difficultés de tout ordre qu'ils auront à surmonter, et entraînés à un autodidactisme fécond grâce auquel ils auront pendant toute leur vie la possibilité d'acquérir des idées nouvelles et d'assimiler celles qu'ils n'auraient fait qu'effleurer.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sciences

POUR un enseignement scientifique à base exclusive d'observation et d'expérimentation

CONTRE le cours magistral CONTRE le manuel scolaire

1923 - CP CE CM

Dans toutes les écoles et à tous les cours, la méthode employée doit être une méthode fondée sur l'observation et l'expérience. C'est à dessein qu'on a effacé du programme, aux CP, CE, CM, le titre: sciences physiques et naturelles, pour le remplacer par cette expression; leçons de choses, en classe et en promenade. Elle signifie que le livre ne doit jouer dans cet enseignement, qu'un rôle secondaire. Elle signifie que le maître n'a pas à faire de cours. Il doit, en classe et en promenade, faire observer et faire expérimenter.

POUR une classe-promenade institution régulière

POUR des ateliers de travail

CONTRE tout musée mort

1923 - C P C E CM

Est-il nécessaire d'insister ? Et n'avons-nous pas partie gagnée ? Lors des conférences pédagogiques de ces dernières années, les maîtres de nos écoles n'ont-ils pas compris ou démontré eux-mêmes l'importance de la méthode expérimentale ? A l'heure actuelle, nombreuses sont les écoles où les exercices d'observation sont en honneur et où les enfants s'y livrent môme en-dehors des heures de classe. En dépit des préjugés, la classe-promenade tend à devenir une institution régulière, Très rares sont les écoles qui ne possèdent pas leur musée scolaire. Et, de plus en plus, on comprend que ce musée n'est pas une salle où l'on expose aux yeux des enfants, en les priant de ne pas y toucher des objets plus ou moins extraordinaires. Un musée scolaire, c'est un petit laboratoire, c'est l'endroit où l'on range après la classe, les matériaux que les enfants ont manipulés, les appareils qu'ils ont fait fonctionner.

POUR placer les enfants devant les faits

CONTRE tout enseignement livresque

Le livre de leçons de choses est inutile

1945 - CE CM CS

Les leçons de choses doivent être des exercices d'observation sur les « choses » familières aux enfants; produits naturels, produits fabriqués, animaux, végétaux, phénomènes courants, outils, métiers. Elles doivent placer les enfants devant les faits afin qu'ils s'habituent à les observer attentivement et à les décrire de façon précise, c'est-à-dire à faire, dans la mesure de leurs moyens, la première opération de la science du monde extérieur, la seule qui leur soit accessible: l'observation.

Trop souvent, les leçons de choses se réduisent à l'étude d'un manuel du d'un résumé; les élèves n'en retiennent que des mots pour eux, vides de sens. Aussi, des exercices qui pourraient contribuer fortement à la formation intellectuelle des enfants sont sans valeur et même nuisibles.

Il est donc demandé aux maîtres qui donnent encore un enseignement livresque de le rendre concret, L'apprentissage de l'observation n'est possible que si l'enfant observe, s'il a un rôle actif au cours des leçons de choses.

C'est lui qui doit écrire les faits tombant sous ses sens. Le rôle du maître est de solliciter au besoin, d'aider à en fixer les résultats sur le cahier sous forme de schémas, de résumés succincts, établis d'abord au tableau, avec la collaboration de toute la classe. Au début, l'intervention du maître est nécessairement importante; puis elle devient de plus en plus discrète et, en fin de scolarité, les élèves doivent être capables de faire seuls dessins et comptes rendus.

Dans ces conditions, le livre de leçons de choses est inutile pour l'élève. Tout au plus, peut-il servir au maître en lui donnant des modèles pour la préparation des leçons simples, concrètes, adaptées à la saison et à la vie locale.

POUR une liaison nécessaire entre sciences et sciences appliquées

CONTRE l'abandon du caractère concret et expérimental en FE

1953 - FE Ruraux

Profiter du cours de fin d'études pour améliorer ces connaissances scientifiques ne signifie pas abandonner le caractère concret et expérimental de l'enseignement ni l'excellent matériel qu'offre le milieu local, mais suppose un enchaînement meilleur avec le cours moyen par le jeu des leçons communes, et une liaison nécessaire entre « sciences » et « sciences appliquées » pour ne laisser subsister aucune lacune dans l'enchaînement allant de l'observation aux lois et des lois aux applications.

POUR la plus grande liberté dans le choix des exercices

CONTRE les connaissances qui sont à l'École primaire un moyen et non un but

1957 - CM

Chaque exercice est donc un effort vers l'objectivation, vers la connaissance de la nature de sa vie autonome dont nous sommes un élément, important certes, mais non unique et central.

l1 est évident que ce but implique le contact de chacun avec la « chose » étudiée. C'est elle - et non le maître - qui détient la vérité et chacun aura le devoir d'observer, analyser, classer, définir, conclure.

…La plus grande liberté est laissée autant pour le choix des exercices dépendant surtout des possibilités locales (Instr. de 1945) que pour la préparation matérielle et psychologique de l'observation et la fixation des résultats. Il est rappelé cependant que l'exercice d'observation est essentiellement destiné à cultiver et à former l'esprit de l'enfant, les connaissances données sont, à l'école primaire, un moyen et non un but.

Histoire et géographie

POUR l'étude de la civilisation

CONTRE une forme savante et abstraite de l'enseignement de l'histoire

1957 - CE CM CS

…utilisation de la méthode active basée sur l'observation et l'analyse de textes, de documents et d'images.

…d'une manière générale, on insistera sur les facteurs de civilisation, sur les conditions de la vie matérielle et du travail, sur l'organisation sociale. Les institutions politiques ne devront pas être négligées, à condition de les présenter d'une manière concrète et vivante.

Depuis 1887, l'enseignement élémentaire de l'histoire a pris peu à peu une forme savante, abstraite; de plus en plus, il s'est encombré de termes techniques dont les enfants ne comprennent pas le sens. Aussi, donne-t-il souvent de maigres résultats.

Il a semblé qu'il y aurait avantage à le rendre moins ambitieux et à le rattacher, autant que possible à l'histoire locale, si riche, si variée en France, car ainsi l'enfant pourrait prendre contact avec la réalité historique.

...on devra saisir toutes les occasions de ménager une large part à l'observation: observation d'images ayant une valeur documentaire certaine, observation de portraits, de monuments (du monument lui-même, quand ce sera possible, et à défaut, de sa représentation la plus fidèle et la plus parfaite).

On a voulu attirer l'attention des adolescents non plus sur des faits politiques, non plus même sur des faits de civilisation d'une manière générale mais sur le travail humain, sur l'évolution de ses conditions et, dans la mesure où il est possible, sur l'origine des formes sociales au milieu desquelles nous vivons.

POUR l'enseignement géographique par l'action

CONTRE un langage géographique qui serait un pur verbiage.

CONTRE l'enseignement par l'aspect

1923 - CE CM CS

Les leçons de géographie seront d'abord des leçons de choses. Elles se donneront de préférence dans la cour ou mieux en promenade,..

Lorsqu'il (l'enfant) sera en possession du langage géographique et que ce langage ne sera plus pour lui, pur verbiage, lorsqu'il saura mettre une réalité sous les mots parce qu'il n'aura pas appris les mots sans avoir vu ces réalités ou leurs représentations figurées les plus parfaites, l'enfant commencera à étudier la description de la terre,

...ce sont des faits, des faits rattachés à leur cause, des faits coordonnés et systématisés, ce sont des faits et des idées, ce ne sont pas des mots qu'il faut déposer dans les esprits.

1945 - CE CM CS

...observation attentive du milieu local…

...observation régulière durant toute l'année des phénomènes tombant immédiatement sous les sens...

...observation des faits géographiques et de leur représentation figurée…

A l'enseignement par l'aspect, forme intéressante de la méthode concrète qui n'a pas dit son dernier mot, il faut superposer une autre forme de la même méthode qui n'en est qu'à ses balbutiements, mais qui décuplera l'efficacité de l'art : l'enseignement par l'action.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CLASSES DU CYCLE TERMINAL

POUR une pédagogie qui permet à tous les élèves de réussir, suivant leurs propres dispositions

CONTRE les critères scolaires traditionnels

C’est au terme de ces deux années d’un enseignement de transition que se placeront les classes du cycle terminal, dans lesquelles entreront donc les élèves qui n’auront pas rejoint à un moment ou à un autre les sections classiques ou modernes, ou ceux qui, après un essai dans ces dernières, auront été orientés vers un enseignement pratique.

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Même si, dans de nombreux cas, ces élèves de diverses origines montrent un intérêt médiocre pour les exercices habituels de la vie scolaire, on ne saurait en conclure que toute action éducative à exercer sur eux soit vouée à l’échec. En fait, ces élèves, qui ont été jusque là jugés d’après les critères scolaires traditionnels et dont beaucoup ne sont que des retardés, ne manquent pas d’aptitudes. Souvent, on reconnaît en eux de l’intérêt pour le concret, un sens de l’observation développé, le goût des activités pratiques, un sentiment précoce des responsabilités et le désir de s’engager rapidement dans la vie active. Le rôle de l’éducateur est de les aider à se trouver. Dans les classes à plein temps qui fonctionnent depuis peu à titre expérimental comme dans celles qui se sont organisées spontanément dans l’enseignement postscolaire rural, on constate que ces jeunes gens, sauf cas exceptionnels, peuvent acquérir l’instruction de base et l’ouverture d’esprit qui leur permettront de s’affirmer dans la vie, dans la mesure où cette dernière fait appel à des aptitudes complexes que l’éducation n’exerce pas toujours.

POUR un climat de confiance

CONTRE les compositions et les classements

Les maîtres, convaincus des possibilités réelles des élèves qui leur sont confiés, sauront créer dans ces classes le climat de confiance indispensable pour effacer les déceptions qu’ont pu provoquer les résultats scolaires antérieurs et /es remplacer par un sentiment de renouveau. S’agissant d’adolescents dont la sensibilité est particulièrement vive, une telle atmosphère est encore plus indispensable que dans les classes de transition, où son importance a déjà été signalée. Beaucoup de remarques présentées dans les instructions relatives aux classes de transition gagneront d’ailleurs à être utilisées également pour le cycle terminal (choix des maîtres, techniques de travail, etc...)

Dans les classes de ce cycle terminal, certaines pratiques scolaires devront être définitivement abandonnées, en particulier le système des compositions et le classement, trop souvent décourageants, sans signification, d’ailleurs pour des élèves qui ne sont pas comparables. Avec l’appréciation des maîtres, les carnets scolaires feront simplement mention des notes attribuées            aux interrogations et aux divers travaux. Entre camarades, la compétition qui sacrifie inexorablement les faibles fera place à la coopération et un esprit d’entraide s’exercera dans les équipes et les groupes de travail. Les maîtres entretiendront autour d’eux une chaleur discrète et généreuse, quelque chose de l’intimité affectueuse de la famille. On peut espérer que les élèves sensibles à la qualité de l’ambiance, témoignent par leur bonne volonté, leur tenue, leur soin dans l’exécution, d’un goût nouveau pour les études.

POUR la motivation des activités

POUR une large ouverture sur le monde présent

CONTRE le cloisonnement des disciplines

Mais on cherchera aussi d’autres voies d’accès au progrès: on constatera que de nets engagements interviennent quand on accroît la motivation des activités. On donnera aux études un style, un rythme, des intérêts nouveaux. Et c’est bien là le caractère le plus original de ces classes du cycle pratique terminal que de prévoir d’une part, une large ouverture sur le monde présent, dans ce qu’il a de stable et de permanent, mais aussi d’original et de mouvant et d’autre part d’accorder une importance essentielle aux activités manuelles et aux sciences appliquées. La pédagogie des sections pratiques sera essentiellement fondée sur une liaison en profondeur entre ces activités et l’enseignement général. Le jeune homme et la jeune fille apprendront à dominer diverses situations concrètes, à réagir devant les difficultés réelles, parce qu’on les entraînera à réfléchir sur ce qu’ils font, sur ce qu’ils voient, sur ce qu’ils ressentent, Nécessairement le cloisonnement entre les diverses disciplines s’estompera, pour que s’affirme mieux le souci d’une formation équilibrée de chaque adolescent. Pour ces élèves peu enclins à des études abstraites mais dont la curiosité s’éveille, on utilisera les intérêts nés de l’observation, des contacts avec le milieu, de l’information, etc, pour les amener à réfléchir et pour leur faire acquérir des notions indispensables à la compréhension des problèmes posés. Les moyens d’expression eux-mêmes s’affineront à être utilisés pour exprimer des expériences vécues et des sentiments réellement ressentis pour rassembler et synthétiser des informations personnelles, etc. Il est très important que non seulement le professeur chargé du groupe de disciplines dites «littéraires» mais également celui qui prendra la direction des enseignements manuels et scientifiques aient conscience de leur tâche dans ce domaine et de leur rôle commun dans l’acquisition des moyens d’expression, et au premier chef, de la langue écrite et parlée.

POUR une bibliothèque de classe

CONTRE les cours de style scolaire

On conçoit que dans un tel système la « leçon » proprement dite n’a plus qu’une place réduite, réservée surtout aux synthèses ou aux révisions. Les notions de technologie, de sciences appliquées, d’économie domestique notamment ne seront pas transmises systématiquement par des « cours » de style scolaire mais devront être apportées le plus souvent comme des réponses aux questions que se pose l’adolescent qui manipule ou enquête. Indiquons également que le manuel individuel lui-même ne devrait pas trouver ici l’audience que lui réservent des enseignements plus abstraits: on gagnera plutôt dans les sections pratiques à regrouper divers types de manuels avec d’autres ouvrages de travail dans une bibliothèque de classe et à initier les élèves à leur recherche et à leur utilisation.

POUR des visites d’entreprises et des conférences d’enfants

Les réalisations en salle de travaux pratiques à l’école assureront évidemment la base essentielle de cet enseignement mais il pourra sembler utile également d’envisager des séances de travail dans des établissements techniques, voire dans des installations privées. On veillera à ce que les ambiances, les conditions de travail soient sensibles aux jeunes, qu’ils aient constaté également avant de faire un choix les aptitudes physiques, morales et intellectuelles nécessaires à chaque profession. Des visites d’ateliers, chantiers ou magasins seront attentivement préparées et conduites de manière à éclairer l’esprit des enfants et à guider leurs observations sur les fabrications réalisées et les problèmes résolus, comme sur les gestes professionnels et les opérations mentales des travailleurs, dans les activités fondamentales.

L’introduction à l’école de « spécialistes » qui présenteront de manière personnelle, vivante et concrète, des activités étrangères à la région ou difficiles à atteindre, pourra également donner lieu à informations intéressantes et variées. Certains élèves pourront parfois procurer eux-mêmes à leurs camarades des informations d’une grande diversité, et d’un intérêt évident sur une activité professionnelle qu’ils connaissent bien.

 

 

 

 

 

 

LES CLASSES DE TRANSITION

Qu’est-ce que les classes de transition,

Créées à titre expérimental par les circulaires du 4 juillet 1961 et 6 juillet 1962, elles sont destinées à des élèves âgés de 11 à 12 ans, qui n’ont pas été admis dans le cycle d’observation et qui, pour des raisons diverses, souffrent d’un retard scolaire sans, pour autant, relever de l’enseignement des classes de perfectionnement.

Il s’agit de sous-instruits, néanmoins doués, qui ont souvent souffert des formes actuelles d’enseignement, dans des classes à gros effectif avec personnel enseignant mobile.

Il s’agit en somme de la catégorie d’enfants qu’on confie actuellement à l’École Freinet, scolairement bloqués, dégoûtés du travail scolastique et parfois même de tout travail, et qui n’en sont pas moins doués, parfois supérieurement, mais pas forcément dans les branches trop intellectualistes de l’École actuelle.

a) - CHOIX DES MAÎTRES : Il est certain que la tâche, du maître dans la classe de transition sera très délicate par suite de l’hétérogénéité des élèves qui s’y trouveront rassemblés, de la diversité des buts à poursuivre, et enfin de la nécessité d’obtenir une efficacité pédagogique suffisante avec des enfants en difficulté devant des études abstraites.

Voilà fort bien posé le problème à résoudre.

Et voilà qui nous intéresse tout particulièrement.

Les maîtres seront choisis avec beaucoup d’attention parmi ceux qui, désireux d’éveiller chez leurs futurs élèves la curiosité intellectuelle et le désir de savoir, s’intéressent à l’emploi des méthodes nouvelles dans le cadre d’une pédagogie particulièrement adaptée...

Dans l’immédiat, il apparaît que ces classes devront être confiées à des maîtres qui ont déjà acquis une certaine pratique des méthodes actives et qui pourront ainsi plus facilement confronter leurs méthodes et leurs expériences (des réunions toutes les quinzaines sont prévues)

b) - RECHERCHE D’UNE PÉDAGOGIE : Ce chapitre nous intéresse au plus haut point puisqu’il est une recommandation directe ou indirecte de notre pédagogie.

Nous en notons seulement quelques éléments:

- Le premier trimestre aura pour objectifs principaux l’établissement d’un climat de confiance et de travail, la connaissance individuelle des élèves et l’établissement d’un bilan de leurs connaissances.

- On recherchera l’épanouissement général de l’élève.

- L’enfant qui, au cours du cycle élémentaire, n’a pu dominer les situations scolaires qui lui étaient imposées, a été traumatisé.

- On expliquera aux parents que les classements mensuels établissant la comparaison des enfants entre eux seront remplacés par la comparaison des progrès personnels de chaque élève.

- Éviter les longues leçons magistrales.

- Fiches autocorrectives.

- Il faudra reconsidérer les modalités d’acquisition des disciplines d’apprentissage, notamment en orthographe et en calcul.

- Par contre l’histoire, la géographie, les sciences d’observation, l’étude du milieu, etc... seront, dans les classes de transition, considérées en tant que disciplines d’éveil ».

Un chapitre spécial est consacré aux techniques de travail, et tout serait à citer.

- L’individualisation des tâches devra être opérée 1e plus fréquemment possible. Nous en apportons les possibilités avec les fiches, les bandes, les BT et les conférences.

- On constituera des groupes de travail

- Si le maître est informé des Techniques Modernes d’enseignement, s’il a pu se procurer des fiches de travail, s’il sait les utiliser, il aura réuni des éléments pédagogiques susceptibles de lui apporter d’excellents résultats.

- Les séances de travaux dirigés permettront aux élèves d’apprendre à travailler et d’apprendre à apprendre.

Parmi les travaux d’équipe, la circulaire mentionne :

les relations entre écoles, l’établissement et l’échange de journaux (muraux ou autres), la correspondance interscolaire sous ses diverses formes en mettant en bonne place les journaux scolaires imprimés ou multigraphiés.

outre leur intérêt intrinsèque et les puissantes motivations qui en résultent, ces activités offrent la possibilité d’une association bénéfique entre le travail manuel et le travail intellectuel (association qui sera à la base de la pédagogie des classes terminales pratiques).

- La classe devra disposer d’une Bibliothèque importante avec surtout des ouvrages documentaires sur les sciences et les techniques, l’histoire et la géographie, etc.

Notre collection BT sera l’élément essentiel à la portée des enfants, et d’une richesse incomparable, de cette Bibliothèque.

- On laissera une place importante à la libre initiative des maîtres, les classes de transition devant revêtir avant tout un caractère d’expérimentation.

- On constituera des équipes de recherche des maîtres.

- Les I.A. seront autorisés à proposer dès 1964 pour le C.E.P.E. des épreuves spéciales d’histoire, géographie et sciences réservées aux élèves des classes de transition et adaptées à leurs préoccupations et à leurs méthodes de travail.

 

La conclusion

…nous l’emprunterons

à Monsieur le ministre de l’Éducation Nationale, lui-même

Dans une lettre à M.Cornut-Gentille, maire de Cannes, qui demandait des renseignements sur le sort possible de l’École Freinet, monsieur le Ministre précise :

« J’ai l’honneur de vous faire connaître que les nouvelles méthodes introduites dans la pédagogie de l’enseignement public s’inspirent déjà, dans une large mesure, de préoccupations voisines de celles qui sont employées par M.Freinet.

C’est ainsi que les Instructions officielles destinées aux maîtres précisent par exemple qu’il y a lieu de lui apprendre (à l’enfant) à user de la liberté… qu’au moins à certains moments et dans certains domaines de l’activité scolaire, on fera place au self-governement… et que l’on peut aller jusqu’à laisser les enfants choisir eux-mêmes leurs sujets de rédaction… la rédaction libre, disent ces instructions, mettra en valeur tantôt la spontanéité et la fraîcheur des sentiments, tantôt le goût littéraire, tantôt l’ingéniosité intellectuelle de nos élèves. Et surtout elle leur inspirera le désir d’écrire.

En tout état de cause, les Instructions officielles laissent aux maîtres une liberté suffisante qui leur permet d’utiliser, dans la mesure où cela leur paraît opportun, certaines techniques pédagogiques préconisées par M.Freinet. »

Nous ne pouvons que nous féliciter de ces précisions qui officialisent un état de fait, fruit de notre long travail coopératif expérimental.

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