Dossier pédagogique de l’Ecole Moderne n°19

Supplément à l’Educateur numéro 10 du 15 février 1966

 

Mémento d'Ecole Moderne

 

VERS L'INDIVIDUALISATION DE L'ENSEIGNEMENT
PAR LA PÉDAGOGIE FREINET

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C. FREINET  

L'Ecole traditionnelle a fait faillite. 

Cela ne veut pas dire que les éducateurs qui y exercent ne font pas leur travail consciencieusement, mais qu'on use fort mal de leur intelligence et de leur bonne volonté, qu'on en abuse par la pratique d'outils et de techniques qui ne sont pas adaptés au monde contemporain. 

Nous n'en référons pas ici la démonstration. Toute personne de bon sens comprend qu'on ne peut travailler avec efficience à l'école selon des méthodes d'il y a 50 à 80 ans, alors que tout a changé autour de nous et que, notamment l'auto, le téléphone, les techniques audiovisuelles imposent désormais une autre conception de la vie. 

Il y a certes toujours eu - et c'est sans doute ce qui fausse les données d'appréciation - une petite proportion, disons 3 à 5 %, d'élèves particulièrement doués, qui réussissent quelle que soit la méthode employée, comme il y a toujours eu des éducateurs d'élite qui sont capables de parer, par leur ingéniosité, à toutes les déficiences techniques. 

Mais pour la masse des enfants et des éducateurs, l'enseignement est incontestablement dans une impasse : l'orthographe est défectueuse, la simple lecture difficile ; la proportion des dyslexiques croît au rythme d'une épidémie contre laquelle on tente en vain de se prémunir ; nombreux sont les élèves qui ne veulent plus travailler, qui ne s'intéressent à rien et qu'on ne sait comment rattacher à une amorce de culture. L'armée des recalés à l'entrée en 6e va enfler sans cesse les effectifs déjà pléthoriques des classes de transition. 

Dans une telle atmosphère au climat détérioré, où seules les punitions apparaissent comme moyen valable de discipline, alors que le monde va vers la coopération et la cogestion, les instituteurs et les professeurs sont les victimes de conditions et de méthodes de travail qui ne peuvent absolument pas continuer à bloquer plus longtemps une des entreprises publiques les plus vitales pour le pays. 

Un vent de réforme s'est d'ailleurs levé, inscrit d'abord dans les instructions officielles et dans les recherches théoriques. L'administration française, sensible à ce besoin de renouveau recommande une pédagogie moderne pour les classes de perfectionnement et les classes de transition et terminales en attendant un jour la réalisation pratique de cette pédagogie. Le Canada préconise de même une véritable révolution pédagogique pour laquelle il est à la recherche des formes d'Ecoles qui donneront vie aux projets officiels. 

Quiconque considère sans parti pris la situation actuelle de notre enseignement se rend compte aujourd'hui que l'école doit ou se moderniser ou accentuer son dépérissement. 

Nous pouvons vous aider à la moderniser. 

La pédagogie Freinet, née de quarante ans d'expériences dans des dizaines de milliers de classes, s'offre pour opérer les changements indispensables. Vous lirez dans ce Mémento les conseils essentiels que vous compléterez ensuite par les moyens multiples que met à votre disposition l'organisation coopérative créée par Freinet et ses camarades. 

L'Ecole Moderne Française
de C. Freinet. 160 pages 12 x 19
Editions Rossignol

Une école à la mesure de notre époque


 

POURQUOI CHANGER? 

Vous souffrez tous de ces conditions défectueuses de travail et notamment de l'opposition permanente entre maîtres et élèves qui en est la conséquence. Le dogmatisme auquel vous êtes condamnés et qui vous apparaît comme la seule solution pédagogique valable déshumanise votre classe et votre vie. Vous voudriez bien que cela change. Vous avez entendu parler des Techniques Freinet qui pourraient bien Nous y aider. Mais vraiment, dans l'état actuel des choses, votre école étant ce qu'elle est, avec les impératifs majeurs qui en gênent l'évolution, vous n'osez entreprendre des changements pour lesquels vous n'êtes nullement préparés. 

- Vous avez, dites-vous, toujours exposé des leçons, fait réciter des résumés exigé l'étude et la mémorisation des manuels scolaires, et ma foi, cela ne vous réussit pas trop mal : vos élèves sont normalement reçus au CEP ou au BEPC, ce qui vous paraît être l'épreuve suprême de l'efficience de votre enseignement. 

Les parents sont contents ! Ils ont toujours procédé ainsi. Et l'Inspecteur n'aime pas trop les changements qui compliquent son travail. 

Alors, pourquoi changer ?  

Pourtant, vous n'êtes pas sans inquiétude. 

Vous êtes désarmés devant la passivité de vos élèves, leur distraction maladive, leur peu d'amour du travail. Mais vous n'osez pas modifier votre comportement. Vous avez trop peur d'échouer.

- D'autant plus qu'on vous a aimablement prévenus :

* les techniques Freinet sont difficiles à pratiquer ;

* elles supposent une préparation particulière des maîtres ;

* il faut peu d'élèves, et votre classe est surchargée ;

* la liberté que les techniques Freinet supposent et préconisent, engendre le laisser-aller et la pagaille, or, le désordre ne saurait être favorable à l'éducation ;

* les enfants ne sont pas mûrs pour la liberté ;

* ils ne savent pas travailler seuls. 

- Vous redoutez les échecs aux examens.

- Et IP n'en est peut-être pas partisan...  

Or, tout cela n'est que partiellement juste, et, en tous cas, rarement prohibitif. 

Il est pourtant exact qu'il faudrait que vous soyez normalement prépa­rés théoriquement, psychiquement et techniquement à cette forme de classe, sinon vous risquez d'adapter seulement les techniques nouvelles à l'ancienne pédagogie, et il n'y aura rien de changé, comme si vous montiez un moteur neuf et puissant sur la carrosserie des chars à bancs et des diligences. 

Comme il est exact que les enfants, comme les parents, sont habitués aux vieilles techniques, et qu'il est toujours très difficile de les entraîner au travail nouveau. 

Mais, à même votre classe, vous pouvez cependant aujourd'hui, nous ne disons pas appliquer les techniques Freinet - ce sera l'aboutissement de vos efforts à venir de rénovation - mais améliorer votre travail selon les principes et avec l'apport de la péda­gogie Freinet, et cela :

- sans rien bouleverser

- sans nuire à l'ordre et à la dis­cipline ;

- sans fatigue supplémentaire ;

- sans indisposer ni vos collègues, ni les parents, ni vos inspecteurs, dans l'ordre et l'efficience. 

Qui donc oserait contredire à cet effort de modernisation qui est le propre de toute entreprise qui ne veut pas dégénérer dans la sclérose et le vieillissement?

 

Le Journal Scolaire
de C. Freinet. 130 pages 12 x 19
Editions Rossignol.
Un guide pratique mais aussi toute une pédagogie


 

LA PEDAGOGIE FREINET N'EST PAS UN

IDEAL THEORIQUE ; ELLE EST UNE REALITE

VIVANTE A LA MESURE DE NOS CLASSES

 Vous direz peut-être:

 - Les novateurs de l'Ecole Moderne voient qu'ils progressent lentement ; alors ils mettent de l'eau dans leur vin et font patte douce pour nous entraîner dans leur sillage.

 Nous n'usons jamais de tels procédés.

 Notre méthode - et c'est là, en définitive son originalité majeure n'est pas sortie toute armée de l'esprit fécond de quelque théoricien. Elle est le fruit d'une longue expérience dans des milliers d'écoles publiques :

- des classes uniques, compliquées, des nombreux villages où sont nées et où ont prospéré nos techniques ;

- des classes chargées, et même surchargées ;

- avec les exigences des programmes et des examens ;

- et parfois l'opposition des parents et des Inspecteurs.

 Ne croyez pas que, dans ces conditions qui ne sont rien moins qu'idéales, nous ayons toujours pratiqué intégralement nos techniques. Nous avons tous fait comme nous avons pu, mêlant ingénieusement le nouveau à l'ancien, introduisant avec une grande prudence des techniques nouvelles pour lesquelles nous n'avions pas toujours le matériel adéquat.

 Ce que nous avons toujours constaté c'est que tout progrès, même minime, dans cette voie, nous valait une amélioration appréciable de l'atmosphère de notre classe et donc du rendement de nos efforts Nous en sommes restés pendant longtemps à cette phase expérimentale, pour laquelle nous manquaient encore les éléments de travail indispensables. La mise au point récente de nos Boîtes et Bandes enseignantes nous a permis de franchir une étape peut-être décisive.

 Il est exact en conséquence que, pendant longtemps, l'éducateur qui se lançait ainsi dans les techniques Freinet le faisait par un élan de foi qui lui faisait surmonter les obstacles alors si nombreux : matériel non définitivement au point, impossibilité technique de supprimer les leçons sinon par un très gros travail personnel du maître, éducation du travail qui était loin encore d'être une réalité et nous valait bien des désillusions.

 Ces temps sont bien révolus. Matériel et techniques Freinet peuvent aujourd'hui affronter l'épreuve délicate de leur introduction progressive dans une proportion croissante d'écoles publiques. Nous sommes à pied d’œuvre pour y réussir.

 Nous n'avons d'ailleurs pas le choix. Sans parler d'autres pays, notre pédagogie est aujourd'hui préconisée officiellement en France comme au Canada. Ou bien nous sommes en mesure de montrer que notre pédagogie peut répondre à la confiance dont on l'honore, ou bien nous subirons un échec grave qui peut marquer pour longtemps un recul regrettable dans la modernisation générale de notre enseignement.

 Les indications qui suivent sont destinées à permettre, dans toutes les classes, la pratique progressive de la pédagogie Freinet.

 L’Education du travail
de C. Freinet. 278 p. 15 x 21,5
Editions Delachaux et Niestlé
Le travail-jeu, le jeu-travail, le jeu-haschich


 

PRENDRE CONSCIENCE

DE QUELQUES REALITES 

Le plus difficile, dans cette entreprise, et contrairement à ce qu'on croit parfois, ce n'est pas le fonctionnement technique des outils nouveaux. On peut en dominer la manœuvre sur le vu de quelques explications, et les enfants, souvent plus ingénieux que les maîtres, y parviendront d'eux-mêmes très rapidement. Le délicat c'est l'imbrication de ce travail nouveau dans le contexte de notre classe. 

Vous pouvez avoir une classe bien outillée, avec imprimerie, limographe, fichiers, couleurs, et bandes. Mais si vous conservez votre esprit scolastique vous manœuvrerez souvent ces outils à contre-temps. Vous ne sentirez pas chez vos enfants cette soif de connaissance et de création, cet enthousiasme au travail dont nous révélons la promesse. Et vous serez déçus. 

Si vous ne sentez pas la nécessité de ce changement d'esprit, si vous êtes satisfaits de l'Ecole traditionnelle, ne cherchez pas plus avant; attendez d'être en mesure de comprendre le sens et la portée de l'inévitable évolution pédagogique et sociale qui vous imposera un jour prochain ses impératifs. 

Voici, brièvement, quelques notions de base à reconsidérer (I)  

I°. VOS ENFANTS N'ONT PAS TOUS LES DEFAUTS ET LES VICES DONT ON LES ACCABLE. 

Ces défauts et ces vices sont presque toujours de la faute de l'école : 

- Si vos enfants ne s'intéressent pas à ce que vous leur imposez, c'est que vous n'avez pas su motiver leur travail ;

- s'ils n'ont rien à dire, c'est qu'ils ont été trop longtemps condamnés à se taire;

- s'ils ne savent pas créer, c'est qu'ils ont été entraînés seulement à obéir, à copier et à imiter;

- s'ils trichent, c'est que votre système d'organisation et de contrôle est mal établi.

 

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(I) Liste des livres à recommander en priorité : Dits de Mathieu ; Education du Travail; L'Ecole Moderne Française, et les numéros parus dans la collection Bibliothèque de l'Ecole Moderne (BEM) et Dossiers Pédagogiques.

Catalogue à CEL, BP 282, (06) Cannes.

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 Nous pouvons vous apporter la preuve aujourd'hui qu'avec une autre façon de concevoir la classe, vous aurez obligatoirement des enfants plus curieux, plus chercheurs, plus créateurs, plus loyaux, plus aimables, plus soucieux d'une bonne conduite sociale. 

2°. IL FAUT ABSOLUMENT VOUS DEFAIRE AVEC LES ENFANTS, DE LA MANIE DE L'AUTORITE ET DE SES INSTRUMENTS 

LA PUNITION ET LA RECOMPENSE, qui placent l'enfant dans l'obligation technique et morale de faire ce qu'ordonne le maître.

 Vous êtes démocrates - un éducateur est toujours démocrate. Vous pensez très loyalement que les individus doivent se commander eux-mêmes. Vous approuvez dans le domaine politique l'autodétermination. Vous faites même grève pour affirmer vos droits. Et c'est fort bien. Mais vous ne reconnaissez aucun de ces droits à vos élèves. Vous êtes les maîtres ; ils sont les esclaves. Vous dites, peut-être pour vous justifier : ils sont trop jeunes pour se commander et agir librement. On disait de même des esclaves et on le dit encore.

 Or, nous pouvons vous donner l'assurance expérimentale que les enfants sont au moins aussi aptes que les adultes à vivre en communauté.

 Au début de vos essais, quand vous vous trouverez en présence d'enfants déformés par l'école, il vous arrivera d'avoir encore recours à la coercition pour maintenir l'ordre dont nous disons plus loin la nécessité. Seulement, vous le ferez à contrecœur, en pensant que vous y êtes forcés par la forme de l'école sans croire pour cela que l'enfant a besoin, pour s'éduquer, de votre poigne solide et intransigeante.

 3°. VOUS VOUS CONSIDEREZ COMME CELUI QUI SAIT ET QUI ENSEIGNE A CEUX QUI NE SAVENT PAS.

 C'était peut-être vrai autrefois, mais les enfants d'aujourd'hui connaissent, sur bien des thèmes, autant de choses que nous (si même ils les connaissent mal).

 Vous ne pouvez pas négliger ces changements qui sont la conséquence des voyages, de la radio et de la télévision.

 Il vous faut prendre les enfants tels qu'ils sont, différents de ce qu'ils étaient au temps des manuels et des leçons souveraines, partir de ce qu'ils savent déjà.

 Pour cela évidemment, il vous faudra reconsidérer votre méthode de travail.

 4°. NOS ENFANTS D'AUJOURD'HUI NE SONT PLUS DU TOUT COMME CEUX DU DÉBUT DU SIÈCLE. ILS VEULENT SAVOIR, ILS VEULENT COMPRENDRE, ILS VEULENT AGIR

 Si vous les en empêchez en leur imposant ce qui ne les intéresse pas, ils se fermeront de plus en plus à votre enseignement, et ils chercheront vers d'autres voies une autre forme de culture.

  

5°. VOUS CROYEZ VOS LEÇONS INDISPENSABLES. ELLES VOUS DONNENT MAJESTÉ.

 Vos enfants ne comprennent pas ; vous allez leur expliquer, et leur expliquer encore sans prendre garde que vos explications sont neuf fois sur dix inutiles. Quand vos enfants comprennent, c'est qu'ils ont déjà compris avant que vous parliez.

 Seules l'observation et l'expérience sont formatives. Tout le reste n'est qu'illusion. D'ailleurs la programmation qui est de plus en plus à la mode tend à supprimer leçons et explications.

  

6°. NOUS SOMMES AU SIECLE DE L'EFFICIENCE ET DU RENDEMENT. LES ENFANTS, COMME VOUS, N'AIMENT PAS TRAVAILLER POUR RIEN, POUR LA NOTE. ILS DEMANDENT UN VRAI TRAVAIL, DONC MOTIVÉ.

 

Vous vous efforcerez de supprimer radicalement la scolastique, c'est-à-dire le travail qui ne sert à rien qu'à l'école et vous chercherez avec nous les nouvelles motivations.

 Ceci dit, venons-en à la pratique

  

Les Dits de Mathieu
de C. Freinet. 170 p. 13 x 18,5
Editions Delachaux et Niestlé
Une pédagogie du bon sens


 

QUELQUES CONSEILS PREALABLES

 

1°. NE COMMETTEZ PAS L’ERREUR D'ACCORDER SENTIMENTALEMENT TROP VITE ET TROP BRUSQUEMENT, LA LIBERTE A VOS ELEVES.

 Non seulement parce qu'ils n'y sont pas habitués et risquent fort, en conséquence, d'en faire un mauvais usage, mais parce qu'il faut surtout éviter de considérer la liberté comme une sorte d'entité intellectuelle.

 Or, cette liberté intellectuelle n'existe que dans les livres. On est libre de faire quelque chose ou de ne pas le faire. C'est dans le travail et la vie que l'enfant doit sentir et posséder la liberté. Instituer une liberté qui n'est pas l'émanation de la vie et du travail de la classe, c'est aller à un échec que vous devez à tout prix éviter. La liberté ne sera pas au début. Elle sera l'aboutissement de la nouvelle organisation du travail. Vous ne risquerez pas, alors, le désordre et l'indiscipline qui sont si souvent reprochés à celles de nos classes qui, sous prétexte de nouveauté placent dangereusement la charrue avant les bœufs.

 

2°. NE VOUS PRESSEZ PAS DAVANTAGE POUR UNE ORGANISATION FORMELLE DE LA COOPERATIVE SCOLAIRE, TANT DU MOINS QUE VOUS N'EN SENTIREZ PAS LE BESOIN.

 Organisez d'abord le travail coopérativement, répartissez les divers services et surtout pratiquez le journal mural et la réunion coopérative du samedi. Vous pourrez passer alors au stade de l'organisation statutaire genre adultes. Mais là aussi, ne placez pas la charrue avant les bœufs.

 

3°. NE VOUS PRESSEZ PAS TROP DE SUPPRIMER LES MANUELS SCOLAIRES ET LES NOTES.

 Avant de supprimer les manuels, vous devrez vous être organisés pour les remplacer : par la lecture motivée, par le travail individualisé sur fiches, et surtout par les bandes enseignantes. Vous supprimerez les notes (dans la mesure où l'on vous y autorisera) quand vous n'aurez plus besoin d'une motivation fictive, quand le graphique du plan de travail parlera plus éloquemment que les notes, quand vos Brevets seront le plus vivant des contrôles.

 Jusque là achetez les manuels habituels qui donneront bonne conscience aux Inspecteurs et aux parents et vous faciliteront de ce fait le travail original que vous allez faire. Vous les utiliserez plus ou moins dans la mesure où vous pourrez les compléter puis les remplacer par nos techniques. Vous éviterez du moins les ennuis qui pourraient vous venir de ceux parents ou Inspecteurs - qui gardent la nostalgie des fausses mesures que sont notes et classements.

 Les solutions que nous recommandons ne sont jamais automatiques. Les résultats probants dont nous pouvons aujourd'hui nous prévaloir ne sont pas obtenus forcément au départ ; ils sont plutôt un aboutissant. Ne commettez pas l'erreur d'inverser les rôles.

 

4°. DESCENDEZ DE VOTRE CHAIRE.

 Au fur et à mesure que, dans la voie nouvelle, vous vous rapprochez de l'enfant et que vous cessez de pratiquer les leçons ex cathedra, l'estrade vous deviendra inutile. Vous l'enlèverez - si elle n'est pas scellée au plancher et vous vous mettrez en permanence au niveau des enfants. C'est là plus qu'un geste symbolique, mais une réalité matérielle de coopération.

 Vous romprez aussi dès que possible la traditionnelle régularité des tables de la classe auditorium-scriptorium. Le travail individualisé que vous allez entreprendre suppose un autre agencement, fonctionnel pourrions-nous dire. Et du coup, votre classe perdra cet aspect de conditionnement, de passivité et d'obéissance, auquel tant d'enfants sont aujourd'hui allergiques.

 

Les Techniques Freinet de l’Ecole Moderne
de C. Freinet. 143 p. 11,5 x 17,5
Editions Bourrelier-A. Colin
Un guide pratique et le compte rendu de nombreuses expériences


 

L'INDIVIDUALISATION

DE L'ENSEIGNEMENT

 

Nous placerons tous nos efforts pratiques de modernisation sous le signe de l'individualisation de l'enseignement, ce qui n'exclut nullement nos efforts de recherche et de réalisation d'une pédagogie qui doit considérer sous tous ses aspects le comportement individuel et social des individus.

 Cette individualisation, timide encore dans les Instructions françaises, est une revendication majeure de la pédagogie canadienne. 

Dans son discours à la Sorbonne du 29 novembre 1965, M. Gérin-Lajoie, ministre de l'Education du Canada (Québec) disait

« Le renouveau pédagogique s'inspire d'un objectif central, l'individualisation de l'enseignement. Chaque enfant pourra ainsi progresser selon le rythme qui convient le mieux à ses aptitudes et à sa personnalité propre, plutôt que selon les exigences rigides de structures pédagogiques trop exclusivement fondées sur l'acquisition des connaissances.

 La notion de classe-degré disparaîtra ainsi progressivement au cours élémentaire pour permettre cette progression des enfants selon leur rythme propre. Cet objectif ne pourra être atteint que si la conception même de l'enseignement à ce niveau se transforme à la lumière des principes et des méthodes de l'éducation active ».

 Dans nos critiques des manuels scolaires et des leçons nous avons toujours dit le faible rendement de l'enseignement collectif. L'enfant, comme l'adulte, ne travaille efficacement qu'individuellement ou en équipe réduite et homogène.

 Avec l'ancienne méthode des devoirs et des leçons, tous les enfants doivent faire la même chose, et dans le même temps. Le maître doit, pour cela, freiner les élèves qui pourraient aller trop vite, attendre les retardataires et se régler en définitive sur une moyenne qui ne favorise qu'une petite fraction de la masse des élèves.

 Avec le travail individualisé au contraire, chacun va à son pas, à son rythme. Le rendement est alors à 100%. Le travail individualisé ne se satisfait d'ailleurs pas par lui-même ; il doit s'inscrire dans un ensemble logique et cohérent qui est la méthode générale de travail. 

Nous présenterons deux formes de travail individualisé. 

a) La première se fait soit par fiches autocorrectives, soit par cahiers autocorrectifs, soit par bandes enseignantes. Nous avons donné le branle en ce domaine comme en beaucoup d'autres en réalisant, dès 1930, les premiers fichiers autocorrectifs. Et vous pouvez vous-mêmes pour vous convaincre des vertus de cette technique, refaire notre expérience.

 Prenez un manuel de grammaire ou de calcul. Découpez les demandes d'exercices sur fiches carton 10,5 x 13,5 de couleur claire. Prenez le livre du maître correspondant et découpez les réponses que vous collez sur fiches cartonnées rouges. Classez les demandes dans une boîte, les réponses (rouges) dans une autre. Vous avez un fichier autocorrectif qui, avec pourtant les mêmes exercices, intéressera beaucoup plus les élèves.

 Et cette pratique nous vaut même un résultat inattendu : pour la première fois on fait à l'enfant une certaine confiance à laquelle il est tout particulièrement sensible. Il se contrôle seul et se sent délivré de la surveillance obsédante et tatillonne du maître. Le succès de cette initiative est une première conquête qui nous libère à notre tour du rôle de surveillant qui nous perturbe tout notre comportement. Nous avons réalisé coopérativement toute une batterie de fichiers autocorrectifs de calcul, de grammaire et d'orthographe, que les éducateurs pourront compléter par des fichiers qu'ils pourront toujours réaliser personnellement selon leurs besoins ce qui nous vaut des possibilités d'adaptation que ne peut offrir aucune autre méthode.

 Les fichiers de calcul opératoire ont été traduits d'autre part en cahiers autocorrectifs, qui sont personnels à chaque élève et que ceux-ci peuvent réaliser en classe sans se déplacer, ou dans la famille. Diverses éditions commerciales, malheureusement pas toujours bien étudiées pédagogiquement sont aujourd'hui offertes aux éducateurs. Depuis trois ans, nous avons complété ce premier ensemble de fichiers autocorrectifs par des bandes enseignantes autocorrectives qui sont d'un emploi presque idéal et dont nous avons prévu l'encastrement dans la pratique courante de la classe.

 b) Nous avons prévu aussi une forme de travail individualisé, rarement autocorrectif, mais qui permet cependant de supprimer les leçons collectives : ce sont les fiches-guides et surtout les bandes de travail - en calcul, en histoire, géographie et surtout en sciences. Le rendement en est sans commune mesure avec celui des leçons. 

Une seule difficulté, dont nous avons prévu la solution : le travail individualisé est évidemment plus complexe. Ce n'est plus l'ordre apparent des manuels où il suffit de tourner les pages pour savoir où on en est. 

Il nous faut, pour ce travail individualisé prévoir une autre forme d'organisation et de contrôle. Nous y parvenons par nos plans de travail et nos plannings. Nous n'entrons pas ici dans le détail des explications techniques qui vont faire l'objet d'un livre à paraître : 

L'individualisation de l'enseignement.


 

 

COMMENT LES TECHNIQUES FREINET

VONT VOUS PERMETTRE L'AMELIORATION

PROGRESSIVE DE VOTRE ENSEIGNEMENT

 

Nous disons bien «progressive ». 

Une fois encore nous n'avons pas le choix. 

Si un Uniprix transporte ses magasins dans un immeuble nouveau, il a certes alors toutes libertés et tout le temps voulu pour l'installation prévue. On ne commencera le travail que lorsque tout sera parfaitement en place. C'est plus simple et plus rationnel. 

Mais s'il doit moderniser son installation et son mode de vente sur le lieu même de la vieille entreprise, s'il ne peut pas fermer ses magasins de crainte de perdre sa clientèle, alors ce sera plus délicat. Il faudra monter pièce à pièce les éléments nouveaux où on installera progressivement les services prévus. Et cette installation durera de nombreux mois. Elle peut être finalement parfaite si on a malgré tout construit et aménagé en fonction d'un plan général bien établi, qu'on réalise seulement pièce à pièce, au lieu de l'attaquer méthodiquement dans son ensemble. C'est évidemment plus compliqué mais le résultat définitif peut en être aussi satisfaisant. 

La première solution n'est presque jamais réalisable à l'école. Même en cas de construction nouvelle, ce sont les éléments vivants, maîtres et élèves qui ne répondront pas forcément aux besoins de l'éducation. 

C'est au second système que nous aurons toujours recours dans notre vie : installer le nouveau à même l'ancien. Nos réussites actuelles dans des milliers d'écoles montrent que la chose est possible. Nous présentons notre plan général, qui ne sera réalisé que dans six mois, un an, deux ans. C'est en fonction de ce plan que nous aménagerons progressivement les éléments de notre installation. La vitesse de réalisation dépendra d'une infinité de conditions scolaires et extrascolaires (y compris la compétence du maître) sur lesquelles il nous faudra tâcher d'agir. 

La pédagogie Freinet n'est pas une pédagogie de verbiage. Elle est à base d'outils et de techniques. 

L'Uniprix ne se construit pas avec des plans et des discours. Il y faut le travail actif des ouvriers et des collaborateurs de tous degrés. 

Les pédagogues du temps passé vous ont présenté des plans ; ils vous ont donné généreusement des justifications et des exploitations théoriques qu'ont officialisées parfois des instructions ministérielles. Mais nul ne s'est mis à pied d’œuvre C'est nous les instituteurs qui avons entrepris le chantier et commencé la réalisation dans nos classes - pour rappeler un mot de Claparède me recevant à Genève en 1929 - «du rêve généreux des pédagogues». Nous sommes les ouvriers qui avons attaqué le travail avec une audace parfois téméraire ; nous avons fabriqué et installé de nouveaux outils, aménagé les divers services selon des formules qu'il nous a fallu inventer puis expérimenter. 

Les outils du passé (manuels et leçons... salive) se sont avérés fragiles et insuffisants. Vous ne ferez pas avec eux du travail nouveau. Notre pédagogie est à base d'outils et de techniques qu'il vous faut évidemment fabriquer ou acquérir, qu'il vous faut apprendre à manœuvrer, dans le cadre d'un plan général d'éducation. 

Notre plan général, par des méthodes naturelles, donc valables pour tous, est synthétisée dans notre Education du travail. 

Nous vous présentons ici, brièvement, quelques-unes des techniques majeures que vous pouvez tous introduire dans vos classes, avec toutes garanties de succès, dans l'ordre, la discipline et l'efficience, ces trois impératifs d'une bonne éducation.

 

Bandes enseignantes et programmation
de C. Freinet. 178 p. 17 X 22
Editions de l'Ecole Moderne
La théorie de la programmation revue par C. Freinet


 

TECHNIQUES RECOMMANDEES COMME

ETANT APPLICABLES DANS TOUTES LES

CLASSES, A TOUS LES DEGRES,

SOUS LE SIGNE MAJEUR DE

L'INDIVIDUALISATION DE L'ENSEIGNEMENT

 

(L'ordre d'introduction que nous donnons n'est nullement obligatoire. Il peut varier d'ailleurs selon les classes, l'organisation de l'école, le milieu technique, etc... Cet ordre ne sera naturellement pas le même, dans les classes maternelles, qu'au second degré. Aux maîtres à pourvoir à cet aménagement).

 1°. Le dessin et la peinture (plus spécialement aux premières classes du degré élémentaire).

 C'est un mode d'expression naturel, auquel tous les enfants sont sensibles, et qu'ils emploient d'ailleurs spontanément à condition que l'école ne le leur interdise pas ou n'en fasse pas une leçon morte, avec des règles, une technique qu'il faudrait – croit-on parfois - apprendre préalablement. Auquel cas dessin et peinture cessent d'être expression pour devenir devoirs. L'enfant n'agira plus qu'en écolier.

 Il faut absolument laisser les enfants dessiner librement, le plus souvent possible, sur des papiers et des formats les plus divers. Qu'ils fassent dans ce domaine aussi leur tâtonnement expérimental. Contentez-vous de mettre en valeur les oeuvres les plus réussies : insertion dans le Livre de Vie, polygraphie pour le journal scolaire, etc...

 Voir à ce sujet les livres d'Elise Freinet et la revue Art Enfantin (I).

 (I)     Revue dirigée par Élise Freinet          ICEM BP 251 - (06) Cannes.

 Le passage à la peinture libre selon les mêmes principes sera alors très simple. Il suffit de vous procurer les belles couleurs dont les enfants useront librement et généreusement.

 L'introduction du dessin et de la peinture libres dans votre classe, no uniment aux degrés maternel et enfantin, enchantera vos enfants et contribuera à créer un climat nouveau dont vous bénéficierez sans réserve.

 Si même vous ne pratiquez aucune autre technique moderne, lancez-vous sans crainte dans le dessin puis la peinture libres.

 2°. Le texte libre. C'est la plus connue des techniques de l'Ecole Moderne. Elle est aujourd'hui officiellement admise. Elle est d'ailleurs exclusivement un travail ou individuel ou d'équipe, à l'exclusion de toute leçon.

 Elle est la plus connue. Elle est apparemment la plus simple. Elle est pourtant malheureusement déformée et compliquée lorsqu'elle est introduite dans les classes comme forme spéciale de devoir et de leçon et risque de perdre, de ce fait, la plupart de ses vertus.

 Nombreux sont aujourd'hui les éducateurs qui vous diront, entendus : « Je fais texte libre ». Et c'est évidemment une première conquête, qui sera bénéfique à condition qu'elle soit la première marche des progrès qui vont suivre. Car il y a, dans la généralisation de cette pratique plusieurs étapes déjà bien marquées, ce qui ne veut pas dire que vous devrez obligatoirement y sacrifier, pour l'ordre et la forme.

 a) Il y a les éducateurs qui, se dégageant timidement de la scolastique, disent simplement à leurs élèves : « Tel jour, à telle heure, rédaction sur un sujet libre, au choix ».

 Mais on constate mélancoliquement que les enfants n'ont pas d'idée. C'est trop ou trop peu.

 b) Il y a surtout la masse des éduca­teurs qui font effectivement texte libre, mais un texte libre paradoxalement encore enchaîné à la scolastique.

 Les enfants écrivent vraiment quand ils veulent. Au jour prévu, souvent le samedi en fin de semaine, on lit tous les textes et on vote pour choisir celui qui sera « exploité». Car, dans ce cas, l'instituteur, mal convaincu encore des vertus du texte libre, l'introduit dans sa classe pour remplacer le texte d'auteur du manuel scolaire. C'est certainement un progrès scolaire, mais le texte libre s'en trouve dénaturé, scolarisé, cristallisé. Il donnera seulement 10% de ce que nous en attendons.

 En effet:

 - la mise au point en est conçue alors comme un véritable exercice de rédaction et de construction de phrases ;

- sur la base du texte choisi on fait ensuite :

* un jour du vocabulaire plus ou moins classique,

* un autre jour de la grammaire avec exercices correspondants,

* le troisième jour étant consacré à l'étude des textes d'auteurs s'y rapportant.

 Et, comme il n'y a lecture, choix et mise au point qu'une ou deux fois par semaine, il apparaît comme scolairement nécessaire que tous les textes libres, conçus dans leur fonction devoir aient tous la correction du maître (comme tout devoir de rédaction), ce qui entraîne pour le maître un très gros travail qui, tel quel, ne peut pas accroître son rendement déjà insuffisant.

 Cet emploi spécifiquement scolaire du Texte libre n'est pas à rejeter radicalement. Il constitue certainement une amélioration non négligeable des pratiques traditionnelles d'étude de la langue par les textes d'auteurs et les exercices classiques s'y rapportant.

 Le texte libre ainsi compris, et qui peut très bien s'imbriquer dans l'emploi du temps de toutes les classes peut être considéré comme un point de départ valable à condition que vous puissiez vous en évader ensuite par des techniques qui lui donneront vie.

 c) Pour cela, il vous faut mieux motiver le texte libre: par la réalisation de cahiers spéciaux sur lesquels vous inscrivez, en les illustrant, les beaux textes obtenus ; par la réalisation d'albums illustrés sur les thèmes les plus divers ; par la correspondance interscolaire avec échanges de textes libres de lettres et d'albums.

 d) La polygraphie des textes devient alors une nécessité. Vous la ferez par l'imprimerie, par les limographes scolaires et au second degré par les limographes automatiques et la machine à écrire.

 (Voir toutes indications techniques et méthodologiques dans Dossiers pédagogiques n° 8 et 17). 

LA MISE AU POINT DICTEE DU TEXTE

 Jusqu'à ce jour, la mise au net au tableau du texte libre rebutait bien des éducateurs : elle était incontestablement un bon travail pédagogique, mais elle était parfois laborieuse, délicate, pas toujours emballante, avec des temps morts qui gênaient la discipline, et donc l'harmonie de la classe. Le temps qu'y consacraient souvent les éducateurs étaient trop absorbant pour que la pratique en devienne quotidienne.

 Nous venons d'apporter à cette pratique une amélioration qui en permet l'usage courant dans toutes les classes.

 Nous nous étions déjà acheminés vers cette pratique en remettant à l'honneur, sous une forme nouvelle, la dictée tant décriée. Nous enlevons à ce travail de dictée tout son caractère d'épreuve et de compétition. Nous dictons des textes ordinaires, semblables dans leur contexture au langage courant où les difficultés n'apparaissent qu'accidentellement, noyées dans le déroulement normal de la parole et de la pensée. Pour qu'il n'y ait pas de malentendu, nous épelons ou nous écrivons au tableau tous les mots difficiles. Nous pourrions appeler cela une dictée courante, qui est toujours très appréciée des enfants qui sont capables, en fin d'étude d'en écrire deux pages sans fatigue.

 Nous transposons alors cette innovation sur le plan du texte libre. Nous pratiquons la mise au point normale, mais au lieu d'en écrire les éléments au tableau où les enfants copieraient ensuite, nous les dictons, en faisant, au passage, toutes observations utiles sur le vocabulaire, la grammaire et la syntaxe, mais accessoirement, l'essentiel restant le texte libre et non les exercices auquel il peut donner lieu. Nous dictons de même, ensuite, les mots choisis pour notre vocabulaire-chasse aux mots, et nous faisons, si nous le jugeons utile quelques exercices de grammaire.

 Le résultat en est que tous les enfants s'intéressent à la mise au point du texte libre; la trace qu'ils en auront sur le cahier ne sera plus une vulgaire copie mais un élément actif du travail commun. Et nous consacrons à ce travail moitié moins de temps que selon la technique que nous pratiquions jusqu'à ce jour.

 Ainsi compris, le texte libre s'insère donc très facilement dans l'horaire d'une classe, ordinaire ou modernisée. Ne visez pas au début autre chose qu'un enseignement plus rationnel et plus vivant de la langue, qui vaut cent fois toutes les pratiques traditionnelles. 


 

LECONS A POSTERIORI 

PLACE REDUITE AUX EXPLICATIONS

                                      ABSTRAITES

EXERCICES ET EXPERIMENTATIONS

                   INDIVIDUALISES

  

La pratique encore courante aujourd'hui dans la presque totalité des classes à tous les degrés, c'est la leçon faite par le maître, répercutée ensuite par le travail qu'on exigera de l'élève sur la base des manuels scolaires.

 On part ici du principe, que nous estimons faux, que c'est par l'explication qu'on fera comprendre aux enfants les diverses notions, qu'ils devront ensuite «assimiler» par les manuels et les exercices.

 On oublie tout simplement que les principes d'une leçon ne sont qu'une synthèse, mais qui vient arbitrairement avant les thèses dont elle devrait être le couronnement.

 C'est là une erreur technique, d'une portée considérable, que nous devons corriger.

 Dans tous les domaines, à tous les cours, pour toutes les disciplines, nous accorderons le plus grand prix à l'acquisition à la base des connaissances élémentaires, aux observations et aux expériences qui permettent l'approfondissement de tous les problèmes. Ce travail préalable effectué - et il est indispensable - le maître fait alors sa leçon a posteriori, qui a dès lors, des bases, une résonance qui lui enlève ce qu'elle a de dogmatique et d'inutilement autoritaire, pour devenir davantage dialogue éducatif.

 Tout ce travail de recherche et d'expérimentation se fera exclusivement par des techniques d'individualisation:

 - autocorrectives pour les travaux d'acquisition de connaissances et de mécanismes ;

- de travail pour les recherches et les travaux d'expérimentation.

 Cette forme de travail est désormais possible parce que nous avons mis au point nos fichiers autocorrectifs, nos fiches-guides, nos bandes autocorrectives et nos bandes de travail.

 Les leçons a posteriori sont souverainement valables

- au degré maternel nous supprimons toutes leçons, la maîtresse se contentant de répondre aux questions qui lui sont posées à même la vie et le travail ;

- au premier degré

- pour le calcul, où le calcul vivant synthétise les premières recherches expérimentales que préciseront les explications techniques de l'éducateur,

- en sciences, où l'observation et l'expérience doivent obligatoirement constituer la démarche normale de toute science,

 - en histoire et en géographie qui sont non pas des disciplines d'acquisitions verbales comme on les a trop considérées jusqu'à ce jour, mais une sorte de patiente étude du milieu présent et passé, dont le maître se contentera de faire préciser les conclusions. Nos BT seront précieuses pour cette forme d'enseignement.

 Pour le second degré, la réforme sera plus laborieuse tellement est implantée profondément cette pratique des cours. Il nous faut patiemment remonter la pente et rétablir les circuits.

 

L'Enfant artiste
d'E. Freinet. 190 p. 22x29
Album de luxe relié toile
135 reproductions. 20 hors texte en couleurs sous jaquette en quadrichromie
L'enfant est un artiste qui s'ignore


 

LES CONFERENCES

 

La pratique peut en être introduite immédiatement, dans toutes les classes, modernisées ou non.

 Il faut, bien entendu, admettre que les enfants sont capables de s'exprimer intelligemment. Il faut ensuite mettre à leur disposition la documentation nécessaire.

C'est cette documentation que nous avons tout particulièrement mise au point par vingt-cinq années de travail coopératif, et la collaboration de plus de cinq mille instituteurs avec notre collection Bibliothèque de Travail qui compte à ce jour 620 brochures programmées et illustrées, toutes écrites pour des enfants (Ier et 2e degré) avec la participation des élèves et des maîtres et qui permet, pour 620 thèmes tous travaux de documentation et de recherche, tout spécialement pour la préparation de conférences. 

Une collection complémentaire de BT sonores (disque et diapositives) avec aujourd'hui 25 titres constitue même la préparation directe et facile des conférences. 

La conférence, travail individualisé par excellence, qui demande un travail de recherches préalables, d'enquêtes, de choix, avec utilisation des moyens audiovisuels (magnétophone, photos et films, notamment) est la technique moderne idéale. Avec le matériel de base que nous avons mis au point, elle peut être immédiatement pratiquée dans toutes les classes. 

La conférence enfin, cultive tout particulièrement l'expression orale, qui est toujours trop négligée dans les classes traditionnelles et que les Instructions ministérielles viennent de recommander. 

Vous pouvez commencer, bien sûr, par faire une ou deux conférences par semaine, accessoirement pour ainsi dire. Mais il faudra tenir compte du fait que ce n'est que par l'expérience, en faisant des conférences, que se forment nos conférenciers. Votre réussite sera d'autant plus marquée que vous aurez pu réserver une plus grande place à cette technique.


 

ENFIN L'AUTO-EVALUATION

 dans la pratique des notes et des classements

 Avec la pratique intégrale de notre pédagogie, notes et classements deviennent inutiles. Nous avons des motivations assez puissantes pour que nous puissions nous passer de ces artifices.

 Mais ce n'est là qu'un aboutissement. Nous sommes, que nous le voulions ou non, dans un milieu où notes et classements font partie intégrante de l'édifice scolaire. Vous ne pourrez les supprimer que lentement lorsque vous aurez et que nous aurons convaincu par expérience parents et administration. Mais nous pouvons par contre influer directement sur la forme d'attribution de ces notes par la pratique courante de l'auto -évaluation.

 Cessez dès ce jour de noter vous-mêmes, autoritairement, en juges ou en dictateurs souverains. Adoptez le principe d'une appréciation tri-partite maître-élève intéressé-groupe de travail. L'expérience nous montre que les enfants se jugent et jugent souvent plus équitablement, et parfois plus sévèrement que le maître. Ce faisant vous supprimerez un des plus grands handicaps dont souffrent les rapports maîtres-élèves. Tout votre travail en bénéficiera.

 

Vous avez un enfant
de E. et C. Freinet. 348 p. 14 x 20
Editions de la Table Ronde
Des conseils aux parents, toute la santé de l'enfant


 

UN IMPORTANT PROGRÈS EST LA, A NOTRE PORTÉE

 Sans bouleverser l'école, dans l'ordre, la discipline et l'efficience, vous vous orienterez progressivement vers ce que sera certainement l'Ecole de demain :

 Collectif                     Un effort collectif pour s'intégrer au milieu
                                   (Textes libres notamment)

 Individualisé             2 ou 3 heures de travail libre par jour dans des ateliers
                                  ou dans des classes-ateliers par bandes, fichiers
                                  et cahiers autocorrectifs, fiches de travail, BT programmées

 

Travaux de synthèses       avec la collaboration du maître
                                         par conférences, comptes rendus,
                                        expositions de leçons a posteriori 

Dans le sens, et pour les pratiques que nous avons recommandés, vous pouvez tous démarrer, quelles que soient vos conditions de travail. 

Il suffit que vous compreniez que lorsque vous appliquez seulement 1/10 de nos techniques, il n'est pas raisonnable d'en attendre 50% de succès, ni de vous décourager si vous n'en avez que 10% de bons résultats. 

Pensez seulement que tous vos camarades, même les plus chevronnés, en sont là. Vous avez l'avantage d'avoir aujourd'hui à votre disposition des outils et des techniques qu'ils ont dû, eux, créer, améliorer, réaliser et financer. 

Oui, les techniques Freinet telles que les ont pratiquées nos camarades ont été pour eux une aventure qui leur a demandé du temps, du dévouement et des sacrifices. Ils n'en ont heureusement pas été avares, et leur exemple vivant reste là encore pour vous encourager et vous guider. 

C'était une aventure aussi pour les premiers aviateurs qui s'élançaient dans l'espace inexploré sur des appareils encore rudimentaires, où le quotient intellectuel tenait une si grande place. Les progrès techniques réalisés permettent aujourd'hui à qui veut se déplacer de prendre l'avion sans appréhension. 

Nous avons été, nous aussi, les premiers pionniers, nourris d'aventure et d'idéal, et qui s'en allaient intrépidement défricher les terrains vierges de la pédagogie. A notre suite, vous pouvez aujourd'hui vous engager dans les voies que nons avons ouvertes, avec une assurance totale d'efficience et de succès. 

Il suffisait peut-être, comme, pour nos enfants, de soulever un coin de lumière, d'intelligence et de beauté, pour que les éducateurs las de piétiner et de ruminer leurs échecs, voient s’ouvrir devant eux les routes nouvelles de libération et de progrès. 

C. F. 

Naissance d'une pédagogie populaire
de E. Freinet, 2 tomes. 258 P. et 198 p. 14 x 18
Editions de l'Ecole Moderne
L'historique de l'Ecole Moderne, plus de 40 ans de militantisme pédagogique


 

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