Dossier pédagogique de l'Educateur

 

LES ATELIERS
D'EXPRESSION
ARTISTIQUE

 

N°149-150 décembre 1980

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LES ATELIERS D’EXPRESSION ARTISTIQUE

Dossier pratique
réalisé par la commission "Art enfantin"

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Les enfants, tout de suite, dès qu’ils ont la parole, sont capables d’aborder l’inexprimable… Dès qu’ils ont la vue, dès qu’ils ont des oreilles, des mains, une peau qui vibre : ils s’expriment.

MEB

 

 

SOMMAIRE

 

INTRODUCTION Nécessité de l'expression créatrice dans l'enfance
1. ORGANISER LA CLASSE EN ATELIERS Et la liberté de l’enfant ?
- Organiser la classe, qu'est-ce que cela signifie ?
- Quel mobilier ?
- Gérer l'espace - Ranger - Quel matériel ?
- Quels crédits ? - Quels ateliers ?
2. L'ATELIER D'EXPRESSION GRAPHIQUE
3. L'ATELIER PEINTURE
4. L'ATELIER TERRE ET L'ATELIER SCULPTURE
5. L'ATELIER BRICOLAGE
6. LA SOCIALISATION DU TRAVAIL
7. ET LE MAITRE ?
Quelle est sa part dans la création ?
8. ART OU EXPRESSION
CONCLUSION

 

 

Introduction

Nécessité de l'expression créatrice dans l'enfance

Il semblerait que l'enfant crée avec le même naturel que l'oiseau chante.

Si le chant de l'oiseau nous enchante, les créations enfantines ne nous charment pas moins.

Le chant de l'oiseau est un mode de communication entre les individus de son espèce, qu'en est-il de l'expression de l'enfant ?

Pourquoi l'enfant crée-t-il ?

- Crée-t-il par besoin ?

- Pour le plaisir d'exercer une capacité ?

- Pour communiquer ?

- Par goût de l'exploration ? En quête de quoi ?

- D'où vient le désir, le besoin de la création ?

La constatation que tout enfant dessine est, dans notre civilisation, aisée à faire. Dès qu'il lui est possible de serrer son crayon, l'enfant peut donner corps à son geste et faire naître ses premières traces graphiques: gribouillis d'abord, entrelacs et bientôt formes qui seront nommées: bonhomme, maison, arbre, etc. Toute une symbolique s'élabore pour créer et recréer le monde.

Pourquoi ?

Selon PIAGET, vers deux ans apparaît la fonction symbolique, la naissance de la pensée.

L'enfant crée-t-il pour exercer la capacité logique nouvelle qui est la sienne de former des symboles ?

Selon des conceptions plus psychanalytiques, le fait de créer remonterait plus à des éléments prélogiques qu'à la capacité logique de former des symboles, telles chez M. Klein, Spitz, etc.

A son origine et parmi d'autres hypothèses, la fonction créatrice pourrait être envisagée comme :

-          Le désir de réappropriation de l'«objet perdu» (corps de la mère, source du premier plaisir), d'où le mythe du «paradis perdu»... et aussi peut-être à l'âge où l'enfant commence à maîtriser ses sphincters: réappropriation de ce qui est sorti de soi et évacué, jeté ? . . .

-          Même langage d'amour pour conserver l'amour de la mère.

-          La culpabilité serait un stimulant fondamental de la puissance créatrice {si elle n'est pas trop forte).

-          Une faculté humaine de représentation du monde, donc de sa compréhension.

-          Et bien autre chose encore; elle engage profondément l'être qui crée et «rend visible» à l'homme le monde, vision intérieure et extérieure.

  

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L'ensemble de ce point de vue est largement admis au niveau de l'école maternelle.

L'enfant y exerce avec plaisir ses aptitudes à parler, à jouer, à chanter, à mimer, et poursuit ses efforts de maîtrise tant sur le plan de son corps que sur celui de ses traces graphiques.

Mais le plus souvent le cours des choses semble se modifier dès lors que l'enfant apprend à s'exprimer par la langue écrite et est soumis à un apprentissage scolaire plus vaste.

Il semblerait alors qu'il désinvestisse en partie l'expression non verbale, esthétique, au profit d'une expression différente, écrite, qui lui offre un nouveau moyen de communiquer avec les autres sa vision du monde.

En outre, quand l'enfant entre dans le système éducatif actuel de l'école primaire, il faut bien dire qu'on tend à stimuler de plus en plus l'acte raisonné au détriment des données réelles de la perception, des réactions sensorielles et d'une spontanéité toute affective.

L'expression créatrice se trouve dévalorisée, donc souvent désinvestie, et l'élan qui sous-entend ce besoin spontané et réel se trouve inhibé.

L'entourage adulte des enfants approuve plus volontiers une copie conformiste qu'une réalisation purement expressive. . .

Soulignons que l'enfant est à ce stade, très perméable au jugement extérieur, tout tendu qu'il est dans son besoin d'identification, prêt à se conformer au désir qu'il sent sur lui des êtres qu'il aime et qu'il valorise.

Dès lors une réalisation spontanée et personnelle peut être ressentie comme mauvaise et ainsi la créativité être bloquée, amputée.

Le contexte scolaire dans lequel évolue l'adolescent ne peut qu'accentuer cette inhibition: seules comptent les disciplines «importantes» à l'examen et reconnues «rentables» en fonction de l'acquisition de biens matériels, argent et puissance !

Le contexte institutionnel de morcellement du temps caractéristique au collège, au lycée, au L.E.P., etc., les crédits misérables, le défilé moyen par semaine de 400 élèves (750 parfois, ça existe), groupes de 24 à 35 élèves, pour qui l'éducateur devra être disponible et accueillant en l'espace de 55 minutes, bref tout ce que sont nos conditions de travail, la plupart du temps, au niveau de l'éducation artistique au second degré, sont lamentables et entraînent de telles contraintes et limitations, que le cours de dessin ou de musique est rarement propice à stimuler la créativité.

En outre, on peut encore se poser la question de la permanence du désir, du besoin de création de l'enfance à l'âge adulte... en passant par l'adolescence, période déterminée par le développement de la sexualité (entre autres facteurs).

 

Pourquoi les adolescents n'auraient-ils plus besoin de créer ?

Qu'en est-il au fait ?

On se plaît à dire que l'adolescence est un âge difficile. . .

Quels sont les besoins et les désirs réels de l'adolescence ?

L'adolescent est égocentrique: la réalité du monde c'est la sienne propre; une de ses premières réalités, c'est qu'il est en train de changer physiquement et psychiquement et il est poussé en avant vers quelque chose d'inconnu; en proie à des réalités nouvelles il doit lutter pour conquérir sa personnalité, son identité, et s'insérer dans la réalité adulte. Ses luttes sont diverses et grandes sont ses angoisses.

Il lui importe de se différencier de l'enfant, qu'il est encore un peu, mais si l'inconnu l'attire, il l'effraie aussi. L'adolescent est souvent hanté par l'idée de la mort, son émotivité est intense.

Deux grands axes d'intérêt semblent se superposer: l'imaginaire qui prime encore sur le réel, et tout ce qui commence à parler à la raison. Tout paraît possible: s'envoler en pensée vers des mondes au-delà des limites du réel et aussi rationaliser et élaborer des théories :

 

Par conséquent, l'adolescence est l'âge de l'imagination fertile !

Or, on remarque souvent que, dans l'acte graphique particulièrement, où se révèle la personne dans sa totalité, dans une trace laissée, la réalité des conflits affectifs en liaison avec un schéma corporel passagèrement troublé se manifeste par une régression.

Mais le jeune a un regard critique sur son travail et le regard des autres a une importance considérable.

Se voir tel qu'on ne s'imaginait pas, gauche, chaotique ou «enfantin» offre de douloureuses surprises souvent inacceptées d'autant plus que le contexte social et le groupe-classe n'aident pas dans ce domaine: le paraître prévaut sur l'être, le savoir sur l'intelligence et dans un milieu où la force domine, montrer son être particulièrement en état de faiblesse est une entreprise vouée au ridicule.

Or un dessin, mais aussi une pièce de théâtre, un sketch, etc. est un terrain où peuvent s'affronter symboliquement des forces inconscientes, où peuvent se vivre symboliquement des situations conflictuelles... par là-même il est possible par exemple, de transposer une agressivité impossible à vivre dans le cadre familial et social.

Nous pourrions dire ainsi que la pratique d'activités de création, dans son essence par son action compensatrice, peut jouer chez l'adolescent un rôle nécessairement équilibrant, et correspond à un besoin.

Cette activité peut permettre à l'adolescent d'enrichir la connaissance qu'il a de lui-même et de mieux se situer par rapport à une double réalité: subjective et objective, et de mieux appréhender les rapports de l'une à l'autre.

La création artistique canalise l'affectivité, tout en permettant une valorisation souvent nécessaire. Elle permet aussi de découvrir les autres.

Sur le plan pratique, et dans le contexte scolaire précédemment évoqué, comment réveiller la créativité peu excitée, ou endormie, de nos élèves ?

Comment, aussi, aider nos élèves les plus enthousiastes à faire évoluer leur expression dans le sens d'une recherche plus personnelle, mais avec un langage plus universel ? C'est-à-dire comment aider l'adolescent, avec toutes ses exigences à passer d'un langage enfantin, à un langage plus mûr.

Tout apprentissage nécessite pour celui qui apprend, une part de curiosité et une part d'efforts à fournir... et pour l'envisager au niveau d'une recherche aussi personnelle que la recherche artistique, c'est-à-dire, au niveau de son propre langage, il faut nécessairement être motivé.

Après une période d'interruption où la créativité n'a pas eu une place importante à l'école, et dans le contexte scolaire du second degré, plutôt inhibiteur de la créativité, l'instauration de rapports de confiance entre individus - élèves et leurs professeurs - paraît déjà être une condition tout à fait préalable et nécessaire.

 

La confiance, comment s'instaure-t-elle ? Quels en sont les corollaires ?

Pour le jeune, l'approbation et la valorisation de sa création est souvent demandée à l'adulte, même lorsque personnellement l'adolescent pressent que sa démarche n'est pas «formidable». Quelquefois au contraire, il revendiquera ardemment sa production, même si elle n'est pas acquiescée par l'entourage ! Attitude qui n'est pas exempte de provocation, et met l'adulte dans une situation inconfortable et délicate. L'adolescent est exigeant : souhaite être reconnu, mais non flatté s'il sent qu'il ne le mérite pas. L'adulte, le professeur se trouve en face d'un individu en proie à une dualité, et son intervention auprès de lui requiert une grande part d'expérience et d'intuition.

Au sein du groupe-classe quel qu'il soit, il existe une très grande hétérogénéité des niveaux de maturité dans l'expression, perceptible à tous les âges et à tous les niveaux scolaires.

Il semble nécessaire d'accueillir chaque individu comme il est et où il en est avec lui-même et de l'aider à partir de là, à développer et enrichir son expression en respectant non seulement sa personnalité mais aussi son rythme de travail.

La qualité d'accueil de l'enseignant, la reconnaissance par l'adulte du travail présenté sont les éléments essentiels qui permettront le déblocage de l'expression si on lui donne des moyens suffisamment diversifiés.

B.M.

 

ORGANISER LA CLASSE EN A TELIERS

Il va s'agir de chercher à offrir tous les modes possibles d'appropriation du monde comme outils au service du devenir de la personne.

Dans l'idéal, il faudrait permettre à l'individu le choix des modes privilégiés de son développement.

On va diversifier l'utilisation des matières et des matériaux pour que chacun puisse faire Je travail en fonction de ses choix. Il pourra passer naturellement ainsi d'un type d'expression à un autre, ou encore lier l'usage de plusieurs matériaux entre eux.

Il n'est pas rare de voir un enfant ou un adolescent refuser de dessiner, parfois de tracer un seul trait. Si on lui Propose alors un travail de création avec des matières qu'il n'a" pas encore utilisées, on le voit, par la suite, se réconcilier avec le graphisme classique avec lequel, on ne sait pas toujours très bien pourquoi, il semblait s'être fâché, en quelque sorte.

 

Et la liberté de l'enfant ?

 

« Je crois qu'il faut détruire ce mythe de la liberté. C'est un mot que nous ne devrions jamais employer en pédagogie. »

« C'est l'organisation du travail qu'il faut prévoir. Les enfants n'ont pas soif de liberté, ils ont soif de travail vivant.»

FREINET

 

Organiser la classe : qu’est-ce que cela signifie ?

Organiser la classe, c'est mettre à la disposition des enfants (à leur niveau en hauteur et même devant leurs yeux: facile à attraper) tout ce dont ils peuvent avoir besoin :

- papiers,

- rouleaux,

- pinceaux,

- peintures. . .

(et moyens de se mettre rapidement un pansement si l'on se coupe ou se brûle un peu).

Mais c'est aussi permettre la discussion, la faire naître au besoin et surtout se montrer le moins possible un censeur. Alors on voit apparaître des dessins et petit à petit, ça avance, et il y a de l'expression artistique enfantine.

Bien sûr, il faut avoir du temps… sinon on arrive aux terribles compromis que l'on connaît dans le second degré, où le temps se compte en minutes par semaine.

Quelles conditions pour le fonctionnement des ateliers art ?

La pédagogie Freinet se veut une pédagogie matérialiste mais aussi une pédagogie du choix et de l'autonomie. Ainsi, nous pouvons dégager les points essentiels qui sous-tendent notre action :

- richesse des matériaux,

- accessibilité des matériaux,

- maîtrise du temps,

- maîtrise des matériaux,

- liberté de choix de l'enfant.

Il faut bien sûr avoir une certaine quantité de matériaux et d'outillage, mais il faut aussi que tout soit disposé de façon que l'enfant puisse s'en servir avec le moins d'intervention possible: tout dans la disposition des fournitures doit être fait de façon à éviter le plus possible le recours au maître.

 

Ceci suppose donc une réflexion du maître au niveau du mobilier, de sa disposition dans la classe, de la présentation du matériel et des matériaux dont la vue peut être un stimulant à la création.

 

Dans des circonstances favorables :

« L'organisation de la classe en ateliers, de l'espace, de la recherche des techniques d'expression sont essentiellement la réponse à des besoins issus de la vie de la classe.

Même si la création de «coins» peut être faite par le maître, a priori (parce que le local est ainsi préparé d'année en année quand on dispose de sa salle, parce que cette préparation préalable peut jouer un rôle d'incitation) la vie des ateliers n'est jamais «gratuite» si du moins l'on veut que cette vie ait le caractère vrai de l'échange, de la communication, de l'enrichissement mutuel.

Par exemple: Un enfant éprouve le besoin de dire quelque chose, il l'écrit, le propose. Le groupe accueille, enrichit à partir de cette première diffusion qui a pu se faire soit oralement soit par écrit (limographe).

Après cette première étape de travail l'ouverture nécessaire appelle la diffusion donc l'impression (ou l'imprimerie), donc la mise en valeur par l'illustration dont la recherche peut justement se faire au niveau des coins ateliers qui se créent naturellement et vivent donc parce qu'ils sont l'expression d'un besoin. "

M.V.

 

 

Quel mobilier ?

Il faut reconnaître que le mobilier que nous offre l'Education Nationale est souvent mal adapté à nos besoins. Nous essayons de palier cet inconvénient en faisant preuve d'imagination.

«Je dispose de petites tables individuelles qui se «baladent" selon les besoins des classes et de matières (allemand, dessin, musique), trop petites pour les dessins grands formats, tables de 40 par 60 environ.

Une planche de contreplaqué apportée pour être la base d'un village maquette a en fait servi de planche de travail pour les dessins et peintures grands formats.

Des panneaux de contreplaqué posés sur des tréteaux font de nouvelles tables selon les besoins. "

J.D.

« J'ai posé l'estrade sur deux tables biplaces en laissant dépasser les sièges de chaque côté. "

C.D.

«Le long d'un mur, un grand tableau noir (tryptique) posé sur des tables individuelles permet un grand plan de travail (souvent lieu de séchage des grandes feuilles de dessin).

Nous créons aussi des «meubles", plus fonctionnels, en utilisant du matériel de récupération, par exemple :

-          des tables de cuisine mises au rebut, des vieux tableaux, d'anciennes tables de laboratoire de sciences permettent d'obtenir des plans de travail intéressants par leurs dimensions ;

-          des présentoirs de librairie, de boucherie, d'esthétique, de droguerie, etc. peuvent se révéler précieux pour le rangement.

Les plus audacieux peuvent se livrer à la fabrication de meubles correspondant à une utilisation bien précise, à moins que cette fabrication soit réalisée par une personne compétente: Un meuble cubique avec étagères pour le rangement du papier Canson grand format a été réalisé par les élèves de C.P.P.N., selon le plan que j'ai fourni.»

A.A.

« Le plan incliné, la boîte à casiers recevant les pots de peinture ont été fabriqués par l'atelier municipal selon les plans donnés dans des revues I.C.E.M. »

J.P.

« J'ai fabriqué moi-même des cadres de tissage lors d'un week-end du groupe départemental. »

J.D.

« Chaque année, nous réservons une journée de réunion à la fabrication du matériel, parce que nous avons la chance de pouvoir utiliser l'atelier d'un camarade exerçant en C.P.P.N.»

G.D.32

« J'utilise une table roulante à deux étages, avec pots de peinture (pour peindre dehors).»

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Gérer l’espace

On essaiera de rompre la structure rectangulaire de la classe en matérialisant des «coins» où les différents ateliers prennent place, afin de créer des zones de vie.

« Dans un coin de la salle, j'ai placé deux anciens bureaux de .maître», à angle droit, ce qui crée un coin supplémentaire où nous rangeons le matériel de couture et linogravure. »

C.L.

« Des tables et des chaises séparées permettent de changer facilement la disposition au gré des besoins ou de la fantaisie ; des meubles placés en travers délimitent des coins » lecture, jeux, imprimerie, repos (coussins, tapis).

 

Et quand on manque de place ?..

« Quand on fait des grands feutres ou des craies ou du papier collé, ou des .encres», on «vire» ceux de la troisième rangée et ça fait une espèce de longue table où on installe chaque atelier que l'on range chaque soir. C'est embêtant !

Ceux de la troisième rangée rouspètent d'avoir à ranger leurs affaires et à émigrer vers une place libre.

Il est certain que les plus belles réalisations naissent à la peinture (atelier permanent) et aux feutres (peu de dérangement et de rangement). Oui ! avec peu de choses on peut faire quand même, mais on peut faire tellement mieux avec ce qu'il faut ! »

G.L.C.

… couloirs, vestiaires, escaliers ne sont pas à négliger !

« J'utilise les couloirs et les escaliers pour les répétitions de théâtre. »

H.-N.L.

« L'atelier de peinture est installé dans le vestiaire, à proximité des lavabos. Les enfants y sont bien pour peindre sur des panneaux posés sur tréteaux. Ils ont supprimé le plan incliné qui ne les satisfaisait pas (ça fait des dégoulinés là où on n'en veut pas) ; ils peuvent renverser de la peinture sans faire trop de mal. »

Y.M.

« Le couloir est équipé de deux lavabos. Il sert de lieu de rangement même en étant une entrée. »

A.A.

« Je dispose d'un couloir, à côté de ma classe. L'atelier terre, des casiers de rangement, des étagères, les lavabos, l'atelier d'eau y sont installés.»

J.P.

« Ils peignent dehors sous le préau. »

M.D.

«  Souvent les enfants travaillent dehors; j'ai récupéré une estrade qui sert de plan de travail dans l'herbe pour la sculpture. » A.A.

 

Et le point d'eau ?

Il nous paraît évident qu'on ne peut concevoir des ateliers d'art à l'école sans la présence de point d'eau indispensable pour la peinture, et. . . la toilette des mains. . . Or, cette présence là, n'est pas toujours une réalité.

« En 79-80, je n'ai pas de point d'eau. Le plus proche est sous le préau à cent mètres. Alors on fait avec deux seaux. »

Y.B.

« Nous avons un cubitener et une cuvette, solution évitant d'inonder le couloir en allant rincer les pinceaux. »

F.F.

 

Ranger

Des activités nombreuses supposent un rangement rationnel qui évitera perte de temps, de matériel, énervement, gaspillage et facilitera l'apprentissage de l'autonomie et de la vie sociale ; d'une part le maître n'est plus celui par qui tout passe, d'autre part la nécessité de l'ordre apparaîtra très vite pour le suivi de l’atelier.

Nos classes étant tellement souvent inadaptées à nos besoins, nous voilà contraints d'utiliser au maximum l'espace et le mobilier dont nous disposons, sans compter tout ce que nous récupérons à droite à gauche. . .

« J'ai des paniers à roulettes destinés normalement aux légumes, que les enfants baladent selon les besoins et les activités. »

D.B.

«  J'utilise une armoire sans portes avec de nombreuses étagères pour le rangement des dossiers d'enfants et la documentation... Un grand meuble à étagères sert d'un côté au rangement des feutres, crayons, stylos, toujours prêts à fonctionner; le dessus sert à l'exposition de constructions et de masques. Un autre meuble identique sert à l'exposition des modelages...

Une vieille commode de récupération est pratique. Une vieille glacière sert de rangement aux boîtes de feutres, ciseaux à bois, livres,.. »

J.P.

«Au mur, un panneau à outils (scies, ciseaux à bois, pinces, limes, mètre, tenailles). Chaque outil a sa place marquée, ce qui évite les pertes. Deux élèves par classe sont responsables du rangement de ces outils. »

C.L.

«J'ai un malin plaisir à rassembler dans ma classe un tas d'objets, voués habituellement à la poubelle; il me semble que c'est éducatif pour les enfants au-delà de l'aspect pratique. C'est une lutte contre notre société de gaspillage, c'est aussi un tremplin pour l'imagination! Et ça n'est pas sans une note d'humour! ! ! Les craies grasses sont rangées dans les saladiers en plastique que me donne le boucher: ils contiennent du fromage de tête! Un bac destiné à la vente du saucisson sert au rangement de la peinture et de la réserve de bois. Quant aux boîtes de cacao, aux barils de lessive, ils sont de précieux rangements déplaçables à volonté ! »

A.A.

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«Tout ce qu'il faut à chaque atelier pour fonctionner tient dans un carton. Il y a autant de cartons que d'ateliers.

Cette autonomie de matériel évite les rangements longs, difficiles, évite la pagaille. Quand chaque groupe installe son atelier, il trouve tout dans le carton qu'il emporte. Il lui suffit de joindre deux ou trois tables de classe. Ces cartons sont empilés dans un dépôt (à côté de la classe).

Atelier drawing-gum.  Le carton contient :

- une fiche-guide sous plastique (voir contenu ci-contre) ;

- les journaux pour protéger les tables ;

- le papier ;

- le drawing-gum ;

- des porte-plumes ;

- des pinceaux ;

- des petits pots récupérés ;

- des chiffons.

 

Un responsable de l'atelier veille au rangement impeccable du carton pour éviter tout gaspillage. Quand le carton quitte le groupe, il n'y a qu'à l'empiler dans le dépôt. C'est le responsable de l’atelier ,qui veille au contenu à renouveler pour l'autonomie du carton. »

J.L.

 

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Quel matériel ?

1. DES MATÉRIAUX ET DES OUTILS

Ce qu'on achète :

Le catalogue «expression artistique» de la C.E.L. offre un large éventail de matériel à des prix très compétitifs; sa simple lecture peut déjà donner bien des idées à un novice! gouache en poudre, liquide, au doigt, indélébile, feutres à dessiner , rechargeables, encres à dessiner, indélébiles, de Chine, pastel, drawing-gum, palettes, pinceaux, brosses, peinture sur tissu, transcouleurs, etc.

Papiers et cartons sont à acheter dans des maisons spécialisées. Leur qualité est hélas liée à un prix élevé; pourtant le «rendu» du travail en dépend (n'oublions pas de varier les formats pour pouvoir offrir aux enfants une possibilité du choix !).

Ce qu'on peut récupérer :

« Vous connaissez certainement la silhouette du professeur de dessin s'amenant au collège chargé comme un baudet du matériel le plus hétéroclite. C'est le fouineur, celui qui ramène dans sa classe tout ce qu'il a récupéré, à droite et à gauche parce que ses crédits sont tellement dérisoires qu'il ne peut (et encore !) acheter que les outils les plus indispensables, mais absolument pas les matériaux à travailler. »

A.F.

«J'amasse tout un tas de matériaux en pensant qu'un jour, ils pourront peut-être être utilisés. Ainsi je récupère chez le droguiste, le quincailler, le photographe, le crémier, le menuisier, le boucher, les collègues, les parents. »)

A.A.

Comment utiliser des matériaux récupérés :

·         . Chutes de bois: assemblage, constructions, gravure sur bois, sculpture.

·         . Baguettes de bois: cadres pour tissage, pour limographe, marionnettes.

·         . Boîtes à fromages en bois: pyrogravure.

·         . Echantillons de revêtement de sol: illustrations journal, maquettes.

·         . Moquette (échantillons) : panneaux décoratifs.

·         . Polystyrène: gravures, assemblages.

·         . Jute: tissage fils tirés, support pour tapisserie.

·         . Ficelle: tissages, macramé, collages.

·         . Laine: tissage, tapisserie.

·         . Bidons de lessive: rangement, masques, maquettes.

·         . Cartons de frigo: cloisons mobiles, décors, cartons à dessin.

·         . Vieux dessins « ratés » : essais de peinture, collages, découpages.

 

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2. LA DOCUMENTATION

Il ne saurait exister des ateliers d'art dans la classe sans mettre à la disposition des enfants et des maîtres (!) une documentation qui apporte une «culture}} provenant de l'extérieur, des savoir-faire, des connaissances.

Cette documentation indispensable c'est d'une part la revue Art enfantin et d'autre part la B. T. Art, sans compter tous les ouvrages spécialisés.

. La revue Art enfantin.  C'est la seule revue entièrement consacrée à l'expression artistique des enfants et des adolescents ! Souvent contestée (trop belle, trop chère), rarement bien connue, elle est souvent sous-exploitée, voire inutilisée. Et pourtant! que de précieux renseignements peut-on y trouver ! Combien de techniques peut-on y apprendre !

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Voici ce que vous pouvez trouver dans les dix derniers numéros parus :

L'organisation des ateliers artistiques

- dans une classe primaire 86

- dans un collège 92

- l'atelier pyrogravure 88

Ce qu'on peut faire en une année 91

La peinture et l'emploi du temps 88

Le carnet du croquis 87

L'utilisation des B. T. Art 92

Que faire des productions d'enfants 86

Correspondance, circuits de dessins, expositions 88

Sortir de l'école :

- Carnaval dans la ville 91 et 95

- Poésie dans la rue 89 et 95

- Marionnettes dans la rue 85

- La part du maître 94

 Les adultes dessinent aussi 93

Des expositions 97

Des techniques :

Monotypes 82

Linogravure 83

Sérigraphie 77, 78, 85

Peinture sur tissu 79 et 87

Peinture sur soie 93

Peinture sur toile de jute 86

Peinture à l'huile et au sable 88

Fresque en relief 89

Bois 80

Sculpture sur mortier 91

Gravure sur paraffine 79

Métier à tisser simple 90

Poterie 84

Masques 91 et 95

Peinture sur visage 91 et 95

Photo 80

Photogrammes et montages 87

Diapositives dessinées 81

Sculptures sur béton cellulaire en plâtre 94

Le tirage de lino 97

Et, en supplément deux disques par an de musique libre.

. Les dossiers personnels que l'on peut se constituer à partir d'articles, photos récupérées dans des journaux, magazines, revues...

. Les B.T. Art. : Elles peuvent permettre à l'enfant l'approche d'un artiste (Dubuffet, Brancusi, Rembrandt...), d'un thème: les chats dans l'art, les oiseaux, les chevaux... d'une époque: l'art baroque... d'une civilisation: l'art mexicain, etc.

 

Quels crédits

Installer des ateliers, une documentation, acheter des matériaux, et du matériel suppose des crédits. Ceux qui sont alloués sont tellement faibles qu'on est souvent obligé de recourir à la création de coopératives d'achat. Il nous semble impossible de pouvoir fonctionner avec un matériel individuel apporté par chaque enfant. La coopérative scolaire se vit là pleinement.

C'est au niveau du second degré que se posent surtout les gros problèmes financiers; il semble qu'au primaire la plupart des achats se font sur les crédits Barangé. Malgré tout, les exemples suivants peuvent donner quelques idées.

«Nous réclamons et obtenons chaque année de modestes crédits qui nous permettent d'acheter de quoi démarrer. Les trois classes ont une organisation coopérative et le franc de cotisation mensuelle sert à acheter la peinture, l'essence de térébenthine... Comme à couvrir les frais de correspondance. Nous récupérons tout ce que nous trouvons comme matériaux jetés à la cantine, dans les familles. Nous n'installons aucun atelier de luxe. »

J.L.

«Les moyens financiers proviennent des élèves et du produit des petites fêtes organisées au sein de l'école. Je demande une participation de 12 F par enfant et par an qui donne droit à l'utilisation de tout le matériel et tous les matériaux.

Toute fabrication appartient à l'enfant qui l'a réalisée. Ce système est bien compris par les familles à qui il assure une réelle économie. Les enfants arrivent dans l'atelier d'éducation artistique avec seulement le carnet de croquis. »

A.A.

" Quand on a vingt heures de cours par semaine et à chaque heure une classe différente et comme crédits 28 F par an et par classe, ce n'est pas si simple de trouver une organisation matérielle. Mendier à droite et à gauche dans les zones industrielles devient lassant et peu rentable !

Pendant quatre ou cinq ans j'ai demandé à chacun d'amener son propre matériel et puis étape par étape j'ai mis sur pied une organisation qui ne cesse de s'améliorer.

Actuellement voici le papier que je distribue à chaque élève lors de notre premier contact de rentrée.

«Communication de la part de M. P., professeur de dessin :

Dans l'intérêt des familles, mais sans obligation de leur part, je vous propose du matériel de dessin à un prix avantageux, ceci afin d'éviter des pertes, des oublis, des gaspillages mais aussi afin de permettre à chacun d'utiliser du papier en grand format et de la peinture en plus grande quantité.

Ce matériel sera donné aux élèves suivant leurs besoins.

Voici les prix que je vous propose. Veuillez cocher la ou les cases correspondantes.

Pour l'année 79-80 ces prix étaient de :

- 4 F pour le papier ;

- 6 F pour la peinture, les pinceaux, brosses, feutres ;

- 1 F pour la colle. »

Avec cet argent, j'achète finalement beaucoup de matériaux.

La collecte de l'argent est un gros problème en début d'année surtout que bien des familles ayant des problèmes financiers demandent à payer ultérieurement. Sur une moyenne de 350 élèves, chaque année, 4 à 5 ne prennent pas ou en partie de matériel collectif. »

J.P.

Autre exemple de lettre envoyée aux parents :

« (...) L'emploi du temps de votre enfant comporte de l'éducation artistique. Depuis plusieurs années, j'ai institué avec les élèves une vie coopérative; ceci signifie que du point de vue matériel tout appartient à la collectivité, ce qui permet, outre les avantages financiers, un apprentissage de la vie sociale. Je peux certifier que cette façon de procéder est une réussite; nous avons acquis une certaine quantité de matériel et le nombre des activités possibles est important.

Depuis trois ans, les fonds permettant un tel fonctionnement sont apportés par les enfants, augmentés des recettes de «carnaval». Ainsi grâce à cet apport la contribution de chacun a été fixée à 12 F, somme modeste si l'on considère le prix d'un équipement individuel (mais qui vient hélas s'ajouter aux autres dépenses de rentrée).

D'autre part, je demande instamment que votre enfant soit équipé d'une vieille chemise d'homme ou d'un vieux tablier car la salle d'éducation artistique est un atelier où on se salit, et non un salon! Et puis des chiffons seraient les bienvenus pour essuyer mains et pinceaux.

J'ajoute aussi que l'atelier est ouvert aux parents et que toute visite sera appréciée. Le chef d'établissement m'a donné son accord. »

A.A.

 

Gérer le temps

Il n'y a pas de recette miracle à l'organisation matérielle des ateliers. Elle est affaire de temps, de pratique, de lieu dans lequel on fait classe, elle est en perpétuelle évolution puisqu'elle est soumise à l'approbation des utilisateurs que sont les enfants.

Cependant, à elle seule elle ne règle pas la pratique de l'utilisation des ateliers; celle-ci est soumise au fonctionnement de l'emploi du temps.

«Au départ, avec mes débutants, j'avais fait un emploi du temps où les équipes fixées par mes soins tournaient en ateliers. Les enfants critiquèrent ensuite et fixèrent eux-mêmes les équipes chaque semaine en fonction des intérêts et des travaux de cours.

Nous eûmes aussi la grille de l'emploi du temps sans que les activités artistiques y figurent. Ainsi lorsqu'on ne travaillait pas en équipe on pouvait si l'on voulait aller chanter, peindre... Cela donnait des créations surtout individuelles. On arriva alors à un moment (la moitié de l'après-midi) consacré aux ateliers journal et art. Pendant un moment c'était chacun son tour équipe après équipe, puis librement. Mais quand on n'était pas pris au journal on faisait peinture !

Alors on arriva à un emploi du temps pratiquement vierge où seules étaient marquées les activités collectives, le reste étant divisé en quatre périodes où chacun s'inscrivait à l'activité de son choix. Seulement, on assistait à une telle inflation de projets collectifs, que les activités relevant d'un projet individuel ont une part vraiment maigre. Les enfants décidèrent alors d'inscrire sur le plan collectif les travaux artistiques commencés. Le plan contiendrait donc à la fois des projets décidés collectivement ou annoncés le lundi et un recensement des activités en cours.

D'autre part, les enfants se ménagent des moments privilégiés, des journées spéciales, des soirées (après 16 h 30) des heures blanches (moments où on ne s'occupe plus du plan) Nous en sommes là; c'est un peu la contradiction groupe-individu.

Pour être «libres», on a décidé de ne pas réserver un moment particulier pour l'art dans l'emploi du temps. Alors on a deux problèmes :

- Comme on est peu nombreux, on a souvent des choses urgentes à faire et des choses qu'on ne peut pas remettre ;

- Nous avons toujours des travaux en équipe en cours et nous n'avons de temps pour le reste.

Le problème est évoqué en coopé :

- On pourrait faire un tour de rôle aux ateliers ;

- On pourrait prévoir moins de choses sur le plan ;

- Alors on pourrait faire des choses quand on a envie ;

- On décide d'un moment de l'emploi du temps et on fait art...

Quelle nouvelle solution trouver ? Le groupe poursuivra coopérativement son évolution.

Nous avons de 13 h 30 à 14 h 45 un temps réservé aux différents ateliers. pendant ce temps nous faisons aussi le tirage du journal, et en cas d'urgence toute la classe s'y met ; cependant le temps réservé aux autres ateliers excède largement le temps réservé au journal; ainsi toute la classe fait donc atelier en même temps.

Mais l'enfant travaille également selon un contrat de travail : il gère à sa guise son temps d'occupation individuelle. S'il pense pouvoir réaliser les minima obligatoires de la journée, il peut «faire art» pendant ce temps, à condition de ne pas gêner. La classe lui demande cependant à ce sujet des comptes, et elle peut lui interdire si elle le juge bon, de faire art, en dehors des heures «atelier».

Pour que les ateliers puissent être ouverts toute la journée, il faut une perpétuelle surveillance (remplir les pots, les feutres, prévoir les feuilles...), une perpétuelle réorganisation.

Aussi y a-t-il un responsable peinture, un responsable travail manuel, un responsable art graphique. »

G.D.60

« Les ateliers ne sont pas fixés à perpétuité, certains fonctionnent toute l'année, d'autres ont des existences plus ou moins brèves suivant l'intérêt, le matériel disponible. »

J.-J.C.

«Le nombre des ateliers varie avec les intérêts du moment, les classes, les incitations diverses. Parfois c'est la période couleur, parfois c'est l'étape sobre du noir... Mais il yen a toujours cinq ou six: toujours peinture, le journal recherches et imprimerie, les graphismes, des constructions diverses, craie d'art... et des solitaires avec leurs projets tenaces qui s'assument complètement. »

J.L.

 

Quels ateliers ?

Quels que soient les moyens dont on dispose, il nous apparaît difficile de ne pas mettre en fonctionnement certains ateliers que nous jugeons fondamentaux, tant ils apparaissent indispensables au langage artistique, même si leur importance dépend souvent de la personnalité de l'enseignant.

Ce sont :

- l'expression graphique,

- la peinture,

- la terre et la sculpture,

- le bricolage.

Ceci ne signifie pas que d'autres ateliers sont à négliger. Mais si nous devons choisir, préférons l'achat de peinture à celui d'émaux à froid !

 

L'ATELIER D'EXPRESSION GRAPHIQUE

L'atelier primordial est celui de l'expression graphique. A la portée de tous, il ne nécessite que des matériaux courants :

crayons divers (bois, feutres, à bille, etc.) et papier.

«Dans le graphisme on part d'un trait, n'importe où et les idées viennent au bout du crayon, au fur et à mesure qu'il court. On voit naître des formes qui prennent un sens.

Nous préférons les graphismes noirs car c'est plus sobre, plus net.

L'utilisation du trait et du point conduit au travers de nombreuses manipulations tâtonnées à des réalisations de plus en plus riches. Certaines productions restent des miniatures, avec une recherche perfectionniste et sont investies, grâce au graveur électronique de l'établissement que nous utilisons telles quelles dans l'illustration du journal; d'autres sont au contraire agrandies et exposées. »

J.L.

« Un crayon, un feutre, une craie, une plume et de l'encre, voilà des outils parmi les plus simples, les moins chers et les plus souvent délaissés. Créateurs par excellence de la ligne et du trait, ils restent à l'origine de l'esquisse ou du croquis de recherche. Le plus souvent on s'en tient là. Et pourtant, quand on ose parfaire l'œuvre, quand les lignes se recoupent, s'entrouvrent et s'élargissent, l'imagination peut se donner libre cours. C'est alors le jeu du contraste, en noir sur blanc que nuancent seulement les formes graphiques. Le crayon apporte sans doute encore plus de possibilités. Au contraste il ajoute les demi-teintes. Suivant l'angle selon lequel on le pose, la pression que l'on exerce, les gris sont ombres ou clartés, les lignes s'affinent, les courbes deviennent volutes ou ventres. Pour peu que la gomme vienne adoucir ou blanchir la grisaille et voilà que tout s'éclaire.»

G. et R.

QUELS OUTILS ?

. Le carnet de croquis nous paraît être un outil particulièrement intéressant à tous les niveaux.

A LA MATERNELLE :

« Cette année, j'ai donné un carnet de croquis à chaque enfant de la classe (maternelle de 4 à 6 ans). Je me suis aperçue qu'il était un "confident» recherché pour s'exprimer à tous moments de la journée, avec tous les outils permettant un graphisme fin (crayon de bois, feutres fins ou moyens, craie grasse, crayons à bille de plusieurs couleurs).

Ces recherches de petits formats ne tombaient pas dans l'oubli.

- Je feuilletais ce carnet avec William pour trouver une illustration à son texte imprimé (ou à celui d'un camarade).

- J'invitais Armand à dessiner en grand ce «petit arbre rigolo» au graphisme nouveau (à l'atelier encre de Chine ou gros feutres ou peintures) pour le magnifier, mais avec toute liberté pour le transformer - travail individuel ou à plusieurs.

- Je détachais une page de carnet à chacun pour illustrer une lettre collective ou un album, ou faire une page de journal personnelle.

- Je proposais une recherche (sur les oiseaux, par exemple) pour la couverture du journal ou la réalisation de coutures, tapisseries, contes, etc. et un choix collectif même avec vote stimulait les participants.

Je recherchais dans ce carnet un dessin à tirer sur lino, sur tissu, ou une affiche, même un costume de fête (tunique peinte avec son étoile ou son nuage, sa fumée...).

Même si l'enfant peut choisir des papiers de tous formats (la grande feuille est parfois intimidante), le carnet de croquis est utile, précieux, rassurant. C'est le point de départ de recherches et la « mine » des grandes réalisations. »

H.C.

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A L'ÉCOLE ÉLÉMENTAIRE :

Dans notre classe, le carnet de croquis, simple bloc-sténo est toujours présent sur la table et à tout moment de la journée il est possible de l'utiliser.

- Quand l'envie nous vient de gribouiller, on fait n'importe quoi sur le bloc et c'est alors que les idées arrivent (Cécile).

- Oui, le carnet de croquis c'est pour l'entraînement. Si le dessin ne plaît pas, on tourne la page et on essaie autre chose.  (Nathalie).

- Les vrais peintres aussi ont leur carnet de croquis ! (Nathalie).

- Toutes les feuilles sont attachées. Si nous dessinions sur des feuilles volantes, on les perdrait! Grâce au carnet de croquis, si on a fait un beau dessin, on le trouve toujours quand on a besoin (Bettina).

Le carnet de croquis permet des tâtonnements, on peut y dessiner ses angoisses.

- Et puis c'est un carnet personnel. Alors on peut dessiner dessus tout ce qu'on veut, des hommes tout nus, des femmes toutes nues, des fesses (Renato et Françoise).

 

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AU SECOND DEGRÉ :

«Chaque enfant est muni d'un carnet de croquis (bloc sténo) sur lequel il fait tous les gribouillages, recherches, projets graphiques au lieu d'utiliser des feuilles volantes vouées à la perte ou à la poubelle, ou le dessus de sa table. Toujours dans le cartable, à portée de la main, le carnet de croquis est le confident des heures d'études et des heures de dessin quand l'élève n'a pas envie de s'engager directement sur la feuille blanche.

Généralement, il vient d'emblée me montrer ses trouvailles, sinon je demande de temps en temps à feuilleter le carnet (cette attitude prouve l'intérêt que je lui porte). Quand un enfant ne sait que faire, nous feuilletons ensemble le carnet et après dialogue avec moi ou avec ses camarades, il retravaille un projet pour l'exploiter, l'affiner, l'amener au mieux de sa forme. Parfois un élément est agrandi, parfois c'est l'ensemble qui est repris; il arrive aussi qu'à cause de la difficulté de le reproduire (ou l'ennui) l'enfant utilise des calques ou le découpage, modifie, agrandit, simplifie.

Le dialogue devant le carnet permet aussi de discuter du choix de la meilleure technique à utiliser. "

A.A.

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Ainsi le carnet de croquis est l'équivalent du journal intime, du confident où tout est possible et où rien n'est interdit : ratures, gribouillages gratuits, expressions graphiques qui traduisent la violence, la sexualité, etc.

«Il semble que dès qu'il le peut, l'être humain aspire profondément à se délivrer de ses fantômes, à les projeter hors de lui, à s'en exorciser dans une représentation. Mais généralement, il en est fortement empêché par la censure du milieu social.

Plus que jamais dans notre civilisation névrotique, l'école devrait être le lieu d'acceptation de ce qui est interdit ailleurs. »

Paul LE BOHEC

Les dessins de Patrick

collection E3 Casterman, éd.

De plus c'est un outil de recherche précieux permettant tous les prolongements possibles dans toutes les disciplines. Il permet aussi de suivre la progression de chaque enfant, avantage que ne présente pas les feuilles volantes qui peuvent se perdre ou se déclasser.

«Plus je vais et plus j'attache d'importance aux «petites choses», aux réalisation éphémères, à une réflexion d'enfant qui montre sa sensibilité, son pouvoir d'appréciation, à un dessin tout simple mais plein de subtilité et d'imagination.

J'aime de plus en plus regarder ces dessins qui naissent à tout moment de la journée et essayer d'y découvrir l'évolution des enfants... l'effort qu'ils font pour s'exprimer, pour communiquer à travers leurs réalisations me paraît plus importante que le résultat que l'on expose.

J.P.

. Tous les outils permettant la ligne :

- des crayons ordinaires de différentes sensibilités: du tendre et gras au sec dur (nO O au n° 4 par exemple) ;

- des stylos bille ;

- des feutres fins ;

- des plumes ;

- des encres: de Chine, Colorex, brou de noix.

Et quand on est un peu plus riche, on peut ajouter :

- des crayons à la mine de plomb ;

- des fusains ;

- des «sanguines» que l'on trouve dans des maisons spécialisées ;

- le drawing-gum ;

- du lino et des gouges.

 

L'ATELIER PEINTURE

L'atelier peinture présente un intérêt aussi primordial que le précédent en ce sens qu'il lui est complémentaire.

Il met l'utilisation de la surface et de la couleur au service de l'expression et du tâtonnement.

. On peint avec toutes sortes de matières colorées: gouache, vernis, encres, brou de noix, teintures pour tissus, etc.

. Avec tous les moyens qui s'offrent: doigt, bâtonnet, pinceau, brosse, éponge, chiffon, plume, coton-tige, vaporisateur, etc.

Il permet grâce aux mélanges, la découverte tâtonnée des nuances, des dégradés pour une approche plus sensible de l'expression de la réalité ou de l'imaginaire.

Il donne l'occasion d'avoir un contact physique avec la matière: consistance, aspect (transparence, brillance, rugosité...).

Il oblige l'enfant et l'adolescent à rechercher la ou les matières, le ou les support(s), le ou les outil(s) qui vont leur permettre de mieux exprimer l'idée qui les habite, et si ceux-là ne leur conviennent pas il les invite à être plus audacieux dans leur recherche.

Les activités pratiquées à l'atelier peinture présentent un intérêt certain quant au développement de la dextérité.

. Chez les petits l'utilisation des pinceaux est un excellent exercice exigeant un dosage du geste (on caresse le papier), une précision de la main levée pour tracer courbes, cercles, droites selon qu'on peint à la verticale, à l'horizontale, par terre ou sur des maxi-formats.

. Chez les grands, les amoureux du fignolage utiliseront avec une adresse enviée par bien des adultes, des pinceaux na 2 pour travailler pendant des heures, voire des mois, une œuvre, d'autres sueront pour éviter des «bavures», pour éviter le tremblement de leurs doigts.

Autre aspect positif de l'atelier peinture: l'œuvre affichée provoque l'œil. Avec le recul elle prend une autre dimension, les couleurs interfèrent, reliefs et profondeurs apparaissent.

Des impressions de mouvements naissent. Il suffit d'écouter les commentaires des enfants et adolescents qui discutent devant une peinture qu'ils observent pour en être convaincus.

R.G.

La peinture: «C'est un art expressif qui offre beaucoup de moyens de mise en valeur, de richesse, de couleurs. Il sait être agressif, mélancolique, suivant les goûts de son auteur. "

Catherine – 3e

Un exemple d'ateliers peinture en classe primaire

« Il est installé en permanence et occupe tout le fond de la classe. Oui il prend une grande place! C'est là un choix personnel: chacun de nous donne de l'importance à ce qui est pour lui, primordial.

Organisation matérielle :

Une vieille table de cantine en bois permet aux enfants de travailler à plat, horizontalement. Derrière, un panneau de contreplaqué léger, fixé au mur, permet de travailler verticalement et de prendre du recul pour juger des effets obtenus chaque fois que cela semble nécessaire. Sous la table, deux planches servent à ranger le papier à dessin et les dessins en cours, bien à plat.

Sur la table, au milieu, s'alignent 25 à 30 pots de yaourt en verre, maintenus entre deux tasseaux cloués. Cela évite les accidents dus aux maladresses et permet de poser les pinceaux fins à poils souples: si on laisse dans les pots, ils se courbent, se déforment ce qui empêche de travailler convenablement.

C'est toujours moi qui prépare les couleurs :

. La peinture ne doit pas être trop épaisse sinon elle s'écaille en séchant. Le résultat peut être très intéressant mais il n'a généralement pas été recherché par l'enfant !

. La peinture ne doit pas être trop liquide. il faut qu'elle soit couvrante et lisse quand on l'essaie sur le papier.

Comment on obtient une trentaine de couleurs :

A partir des couleurs vendues par la C.E.L., et à l'aide de blanc (il faut en acheter beaucoup) on fabrique des teintes pastel que certains enfants affectionnent particulièrement :

-          blanc et un petit peu de bleu cobalt ;

-          blanc + un petit peu de bleu outre-mer ;

-          blanc + rouge ;

-          blanc + carmin ;

-          blanc + rubine ;

-          blanc + violet ;

-          blanc + rouge (à peine) + jaune = rose saumon ;

-          blanc + bleu de cobalt + vert émeraude = turquoise ;

-          blanc + ocre + jaune + rubine = couleur chair.

Il est également important de préparer des gris :

-          blanc + un soupçon de noir = gris souris ;

-          blanc + un soupçon de noir + bleu = gris bleu ;

-          blanc + un soupçon de noir + rubine = gris rose.

Et d'autres tons encore :

-          sépia + un soupçon de noir = brun ;

-          vert + un soupçon de noir = vert olive.

Toutes ces teintes doivent rester propres. Je ne remplis les petits pots qu'à moitié. Cela évite le gâchis. Il y a un pinceau n°14 ou 16 pour chaque pot. Si on utilise le pinceau vert, on doit le remettre à côté du pot vert.

Les responsables veillent à la propreté des couleurs qui sont renouvelées tous les quinze jours environ.

Si le jaune est sale, on le jette et on prépare un nouveau pot avec de la peinture neuve.

Si les enfants désirent faire leurs mélanges à eux, ils peuvent le faire dans des coquilles ou des palettes qu'ils lavent ainsi que leurs pinceaux après usage, Cela permet d'économiser la couleur qui doit dans notre budget durer toute l'année,

Les pinceaux sont lavés par deux responsables chaque soir.

Les pots sont couverts chaque soir afin que la peinture ne sèche pas et que la poussière ne la salisse pas,

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ORGANISATION DU TRAVAIL

D'abord la recherche des idées, recherche pour la mise en page, Rôle important du carnet de croquis sur lequel on a le droit de dessiner à tout moment de la journée, Les dessins aboutis peuvent servir pour l'illustration du journal scolaire également,

 

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A L'ATELIER

. Choisir de préférence du papier Canson (il faut apprendre à reconnaître les différentes sortes de papier),

. Il faut choisir le format dans lequel on veut travailler : petit, grand, long, large, rond,

. Choisir la disposition de la feuille selon le sujet à traiter : en hauteur ou en largeur,

. Dessiner à la craie blanche (les autres craies salissent le papier) et demander aux copains ou au maître ce qu'ils pensent de la mise en page (il faut éviter de faire un dessin minuscule au milieu d'une grande feuille par exemple), Si on s'est trompé, la craie blanche s'efface facilement avec un chiffon propre en frottant fortement,

. A la peinture on doit couvrir des surfaces de couleur, On travaille par taches colorées et juxtaposées, C'est très différent du travail aux feutres avec lesquels on fait de grands traits colorés ou du travail à la craie, à l'encre de Chine où on peut superposer les couleurs transparentes, les mélanger.

Il ne faut pas passer sur les traits de craie qui doivent rester blanc, Cela évite les mélanges malheureux ou involontaires et de salir les pinceaux qu'on est toujours tenté de remettre tels quels dans le pot, Les traits de craie servent de « frontière" entre les différentes surfaces colorées,

. Lorsque toute la feuille est bien remplie et que la peinture est bien sèche, il est temps de « rapprocher les frontières " en les recouvrant de l'une des deux couleurs voisines ou en utilisant une autre couleur, Attention cependant à l'usage abusif des cernes,

. Enfin fignoler le travail en « brodant" les robes, en «dessinant" les cheveux, les cils et les prunelles, les rayons du soleil, les feuilles des arbres, les fantaisies des fleurs ou du plumage des oiseaux "'

. Avant de présenter l'œuvre terminée à la classe, faire sa toilette pour que disparaissent les maladresses, les taches, les coulures… »

N.D.

 

Mais...

« Heureux, heureux ceux qui ont le choix de peindre verticalement ou horizontalement. Heureux, heureux ceux qui peuvent avoir ateliers permanents de peinture et craies, et encre de Chine et d'un tas d'autres trucs !

Voilà comment on s'organise quand on n'a pas de place :

- On peint verticalement: un demi mur est revêtu de papier kraft et on punaise les feuilles dessus; 5 places maximum.

- Pour les petits pots de peinture, pas de place pour une table. Ils sont disposés sur un tourniquet récupéré chez un marchand de journaux.

 

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Au collège, sans salle spécialisée

L'atelier peinture :

«C'est le seul atelier qui s'offre le luxe d'une caisse en bois récupérée et aménagée. Comme nous n'avons pas de poste d'eau, c'est celui qui prend presque un quart d'heure de rangement. Sont à prendre hors de la caisse: le papier, les livres de reproductions, des revues Art enfantin: des affiches d'expositions récupérées, des B.T. Art... "

J.L.

 

Le fait de ne disposer que des couleurs primaires plus le noir et le blanc amène les adolescents à faire de très nombreuses expériences développant leur tâtonnement expérimental dans la création de couleurs et à se communiquer spontanément leurs recherches.

 

Au collège, avec une salle spécialisée (soi-disant)

Atelier peinture :

. Meuble en bois à casiers, ouvert des deux côtés.

. Dans chaque boîte de peinture, numérotée: 5 à 10 pots (moutarde, confiture...) contenant chacun deux à trois centimètres de peinture de couleur différente, 4 ou 5 pinceaux de tailles différentes, une brosse.

. Palettes: couvercles de boîtes de lessive.

Pour peindre :

L'élève doit prendre la boîte entière, même s'il n'a besoin que d'une seule couleur, et doit s'inscrire sur un carnet (nom, classe, numéro de la boîte, date) :

- Pots vides: lorsqu'une boîte contient un pot vide, l'enfant doit le placer dans cette case et prendre un autre pot dans les pots pleins.

- Réserve: gouache Azur C.E.L.

- Le carnet: pour s'inscrire; il a une fonction très précise : lorsqu'un enfant s'aperçoit que dans la boîte qu'il vient de prendre, des pinceaux sont sales ou des pots mal vissés, il me le signale; on cherche alors qui s'est servi de cette boîte en dernier et je laisse un message à l'enfant qui a négligé le rangement dans le carton de sa classe.

Au cours suivant, je fais remarquer à l'élève qu'il a dû oublier ou négliger le rangement de la boîte et que cela a gêné un camarade. Cela se passe en général sans heurt.

La peinture est achetée coopérativement pour les élèves intéressés. Parmi mes 350 élèves cette année 347 l'avaient choisi.

Cette explication ne montre que l'aspect théorique. En pratique ce n'est pas si simple, beaucoup d'enfants mettent un certain temps à se souvenir de ce système; il y a une période de rodage.

J.P. (C.E.S.)

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« Je suis arrivée à minimiser toutes les contraintes et le gaspillage de la peinture en simplifiant au maximum la conduite de l'atelier. Du même coup, je suis soulagée aussi !

D'abord, je préfère la peinture liquide en flacon, à la peinture en poudre qu'on ne peut préparer longtemps à l'avance, qui sèche dans les pots... L'expérience me prouve qu'avec mon nombre important d'élèves, financièrement, c'est plus économique; ainsi ont disparu de la classe la quantité de pots de toutes sortes qui étaient constamment à la «vaisselle». Pour peindre, on va à la table peinture, avec

- une cruche remplie d'eau (à moitié, c'est plus prudent !) ;

- un chiffon pris dans le bidon à chiffons ;

- un assortiment de pinceaux (pris dans le pot à pinceaux) ;

- une palette de peinture: échantillons de revêtement de sol ;

- la feuille de papier «Canson», au format désiré.

Avec la palette, on vient au bac de peinture où sont rangés les flacons et on se sert une noisette de chaque couleur (dont j'ai volontairement limité le nombre pour obliger les enfants à faire des mélanges).

A la fin de l’heure, un élève ramasse tous les pinceaux utilisés dans une bassine, un autre toutes les palettes. Ils vont les laver, puis les remettent à leur place habituelle.

D'autres nettoient les lavabos, d'autres vérifient que tout est en ordre dans la classe. »

A.A.

Entrent aussi dans l'atelier peinture les craies grasses, les aquarelles.

«La craie d'art. - La craie d'art est plus sensuelle au regard, au toucher, qu'une peinture, souvent plus chaude, moins rigide. Lorsqu'on utilise l'essence de térébenthine pour créer un fond, cela produit un effet de douceur et de rêve. Les fondus sont faciles et on peut difficilement être agressif. »

Marie, Sophie et Nadine

« Les aquarelles nous ont permis de créer des paysages, plus naturels, des peintures plus légères autant dans les détails du dessin que dans les couleurs.

Ces couleurs pâles ou même un peu fades adoucissent les choses ou les paysages. Elles les rendent plus familières, plus tendres à l'œil.»

Agnès et Juliette

Comme cet atelier nous a passionnées, nous avons créé une fiche-guide pour ceux qui veulent essayer :

«Pour créer des couleurs pastels, on fabrique d'abord la couleur choisie: rouge, bleu, marron, vert... Puis on y mélange beaucoup d'eau afin d'obtenir sur la feuille une couleur délavée. Mais il faut éviter que l'eau imbibe le papier: sinon il se gondole et abîme le dessin. Pour cela il vaut mieux utiliser un papier de bonne qualité. »

 

UN MEUBLE À PEINTURE

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Le panneau de 2 m sur 1 m est constitué d'un tableau récupéré.

Il faut adapter les dimensions du meuble à la taille des enfants (les dimensions données sont pour des enfants de C.M.).

 

Il peut servir d'élément de cloison, deux faces. Encombrement au sol réduit: 2 m × 0,35 m.

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Le meuble précédent est coupé en deux parties. Il faut mettre deux séparations A en isorel ou en contreplaqué d'épaisseur minimum 5 mm.

Les deux parties sont attachées par des charnières et des crochets.

On dispose ainsi d'un meuble, qui replié occupe une surface minimum au sol et qui peut se déplier soit pour faire un meuble cloison, soit pour faire un meuble à peinture, etc.

 

DES TRÉTEAUX POUR LA PEINTURE

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Matériel :

- Un tréteau acheté dans le commerce.

- 2 plaques d'isorel ou de contreplaqué aux dimensions du tréteau.

- Des vis à bois ou des clous.

Confection :

On cloue (ou on visse) sur chaque face du tréteau une plaque de bois.

On obtient ainsi facilement un chevalet pour la peinture, qui peut être plié et déplié aisément.

Inconvénient: la taille des tréteaux ne permet pas de faire travailler des enfants de plus de sept ou huit ans.

 

UN MEUBLE POUR RANGER LES CLASSEURS A DESSINS

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Matériel utilisé :

- 1 tasseau de 5 × 5 cm (pour les pieds).

- 2 tasseaux de 3 × 3 cm {pour les côtés).

- 4 roulettes de 30 mm de diamètre environ.

- Vis de 5 × 50.

- Colle à bois.

Calculez la largeur intérieure en fonction de la grandeur de vos classeurs.

Calculez la longueur de façon à faire le nombre d'encoches nécessaires au nombre de classeurs.

Pensez à espacer suffisamment les encoches de façon à ce que les enfants puissent chercher aisément leur classeur.

 

RECHARGER LES CARTOUCHES

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Pour économiser de l'argent, recharge toi-même tes cartouches d'encre.

Pour cela, perce des trous à la perceuse avec une mèche de 8 mm de diamètre dans un bloc de bois.

Dans chaque trou, les enfants placent leur cartouche vide, ouverture vers le haut, et toi tu n'as plus qu'à les remplir à l'aide d'une seringue avec l'encre vendue au litre.

 

UN MEUBLE A ROULETTES

2 faces - 16 étagères minimum

Prix de revient: environ 200 F. Longueur: 80 cm, largeur : 60 cm, hauteur: 78,2 cm.

Toutes les dimensions sont données en tenant compte de l'épaisseur du bois utilisé.

 

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Matériel utilisé :

- 2 panneaux (dessus et dessous) en aggloméré de 16 mm sur 80 × 60 cm.

- 2 côtés en agglo de 16 mm sur 70 × 60 cm.

- 1 séparation A en agglo de 12 mm sur 76,8 × 70 cm.

- 2 séparations (8 et C) en agglo de 12 mm sur 70 × 29 cm.

- 12 étagères en agglo de 10 mm sur 37,8 × 29 cm.

- 3 longueurs de tasseau de 15 mm de côté (vendu généralement en longueurs de 2 m) pour supports d'étagères.

- 4 roulettes de 30 mm de diamètre environ.

- 10 vis à aggloméré 4 × 35.

- Pointes de 25 mm de long - Colle à bois.

Remarques :

- On met le nombre d'étagères que l'on désire.

- Les côtés peuvent servir de surface d'affichage.

- On peut aménager le dessous du meuble en adaptant des bords.

Assemblage :

1. Tracer sur le dessous les emplacements des côtés et des séparations. Faire le tracé sur les deux faces.

2. Tracer sur les côtés l'emplacement de la séparation A.

3. En collant et vissant, assembler les deux côtés au dessous, puis la séparation A.

4. Mettre en place le dessous, coller, visser.

5. Tracer sur les séparations 8 et C l'emplacement des tasseaux, effectuer la même chose sur les côtés.

6. Débiter les tasseaux en morceaux de 25 cm, coller et clouer les tasseaux sur les côtés et les séparations.

7. Mettre en place les séparations 8, puis C ; coller, visser.

8. Mettre les roulettes.

9. Mettre les étagères.

 

 

L'ATELIER TERRE et L'ATELIER SCULPTURE

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Personne ne dira jamais assez l'importance de l'atelier terre pour les enfants et les adolescents. Lieu privilégié de la matière que l'on domine, que l'on forme, déforme à volonté au gré de sa vibration intérieure, de la jouissance tactile du mou, du déformable, de la création éphémère car elle peut disparaître d'un simple geste, de la création fignolée, figée pour l'éternité par la cuisson au four, la terre glaise permet assurément à l'enfant à l'adolescent, à l'adulte de retrouver les sensations originelles.

Tous les fac-similés de cette matière, que sont par exemple les pâtes à modeler ne sont qu'un pâle reflet, une piètre imitation. Il y manque cette sensation du fluide, du mouillé, de la matière qui colle, qui s'échappe entre les doigts, qui enduit la main, le bras. Avec la terre, on «patouille», on se «salit» volontairement, on prend un bain de matière! Et puis ça parle, ça donne vite des idées, et on se parle, on communique, les langues se délient, les tensions s'apaisent.

«Les enfants qui ne sont pas «arrêtés", qui ne sont pas «noués", se déplacent, déplacent les objets. Ils déménagent pour aménager. Ils aiment le contact avec les matériaux, la matière. Ils vivent avec leur élan et leur sensualité.

"En faisant, en n'économisant pas leurs gestes, les enfants se mettent à dire des mots... et des chœurs montent des profondeurs! "

G.P.

" Je donnais chaque jour de grosses mottes d'argile et chaque jour des groupes d'enfants pétrissaient leur joie, leurs réflexions, leurs gestes, leurs éclats de rire ou de colère sur cette terre si douce, si malléable, si docile. Durant un long temps les enfants eurent besoin de comprimer, de relâcher, de forcer, d'étirer, de creuser, pour la dépouiller de ses mystères, pour entrer dans une intimité plus profonde avec la matière. "

J.D.

Par ce qu'il est «salissant», cet atelier est bien souvent absent dans les classes. Pourtant quelques aménagements simples permettent de rendre possible son existence.

On peut :

. Conserver la terre dans un sac en plastique placé dans un seau ou une poubelle, en prenant la précaution de la recouvrir d'un chiffon mouillé qui assurera l'humidité suffisante évitant le séchage.

. Prévoir une toile cirée ou une feuille de plastique qui recouvrira la table ou le sol quand on fait «terre».

. Munir chaque enfant d'une planchette plutôt épaisse (une planche débitée en rectangles de 30 cm de long environ) sur laquelle l'enfant triturera son morceau de terre.

. Protéger l'enfant d'un «tablier» ; je fais apporter chaque année une vieille chemise d'homme, usagée, dont je coupe le col et le bout des manches pour qu'elles arrivent au niveau de la main On retourne les manches dans les manches du pull et on retourne le tout, au-dessus du coude. Ainsi tous les vêtements son protégés jusqu'aux genoux. Cet habillement présente l'avantage d'être très amusant et donne un petit air de fête. Je m'habille aussi de la même façon! Ceci est aussi valable pour l'atelier peinture.

. Pour couper la terre qui est en grosse motte, fabriquer un «fil à couper le beurre». Se munir de vieux couteaux de cuisine.

. Dans un carton, placer les outils qui peuvent être utilisés rouleaux de bois, bouteille pour étaler la pâte, bouts de bois pointus et plats (à moins que l'on ait les moyens de s'offrir des ébauchoirs ! ) .

. La terre: bien sûr elle peut être achetée, mais généralement elle est chère; on peut s'en faire céder à un tarif avantageux par un potier compréhensif, ou la trouver, gratuite, dans une tuilerie.

Partir d'un bloc de matière, essayer d'imaginer, de voir à l'intérieur de ce bloc la forme que l'on a en tête et petit à petit, approcher de cette forme en enlevant à coups d'outils de la matière, est une sensation grisante.

Quel plaisir de voir naître le volume arrondi d'une tête alors qu'au début on ne voyait que des plans secs et découpés à la scie. C'est un peu comme un accouchement. C'est long, c'est difficile, c'est fatigant mais quelle jouissance quand les formes commencent à sortir de leur gangue.

Et puis il y a le plaisir de se battre avec la matière, de taper, de limer et pour toutes ces forces qui ont été contenues pendant de longues heures de classe comme cela fait du bien de pouvoir les exercer contre cette matière dure.

 

Organisation pratique de l'atelier sculpture

. Des tables solides (le bureau du prof est très commode pour faire de la sculpture; j'ai récupéré des vieilles tables venant des laboratoires de physique, des vieilles tables de classe avec des plateaux de bois épais...).

. Des vieilles blouses, des vieux tabliers, pour protéger les vêtements.

. Une brosse pour les vêtements salis par la poussière du béton cellulaire.

. Des outils: massettes ou marteaux bien emmanchés, clous de charpentier taillés en biseaux et si l'on peut, vrais ciseaux et gradines de sculpteurs, râpes à bois et papier verre (différents grains).

. Balai et pelle pour nettoyer le coin sculpture après usage.

. Je vais acheter des petits masques pour protéger le nez et la bouche car j’ai une élève qui est allergique à la poussière mais qui tient à faire de la sculpture.

. Le matériau: le béton cellulaire ou siporex se trouve dans les entreprises vendant du matériel de construction.

Il se vend en blocs de 100 × 20 × 20 cm que l’on recoupe en trois ou quatre morceaux, suivant ce que les élèves veulent faire. Pour le scier il faut une scie au tungstène mais c'est cher alors les élèves font tout autour du bloc une saignée au ciseau à pierre jusqu'à ce que le bloc se détache du reste. Je leur donne en général un petit coup de main pour qu'ils ne se découragent pas dès le départ.

Souvent j'achète deux ou trois blocs et puis en discutant un peu avec l'employé qui les met dans ma voiture, j'en récupère parfois autant, des blocs écornés ou cassés et c'est toujours ça de gagné.

A.F.

L'ATELIER BRICOLAGE

 

«Nous continuons de dire que ce ne sont pas les pacotilles de cadeaux de Noël qui intéressent les gosses! Ce sont les vrais marteaux, les vraies tenailles. Le travail vrai. Si on veut faire plaisir à un enfant il ne faut pas lui acheter des petites choses car il sait qu'on ne le prend pas au sérieux.

Chaque fois que nous interrogeons un adulte: «Où as-tu appris ça...» C'est toujours vers six ou sept ans qu'il a eu des outils sérieux à toucher. Si vous voulez faire plaisir à votre enfant, commandez lui un camion de sable et un camion de planches! On devrait reconnaître les maisons où il y a des enfants à ces choses là; elles devraient être entourées de cabanes, de vieux camions à frigo ou l'enfant peut se retrouver, se replier.

Il se trouve toujours un père qui dit: «Tant que tu ne sais pas te servir des tenailles je ne peux pas te les prêter

Dans les frais d'éducation, c'est le prix des tenailles, c'est le prix des marteaux que l'on doit compter.

L'enfant imagine sans cesse. Il nous faut le laisser bricoler.

Quand un enfant vous appelle parce qu'il a mis quelques bouts de bois et que ça tient c'est une merveille! Ce sont là des réussites très importantes.

Au lieu de pacotille et de jeu qui épuisent l'enfant il faut instaurer le travail, c'est-à-dire le temps de bricoler, le temps d'imaginer, le temps de rêver. L'inventeur, où qu'il se trouve est toujours en avance. Il rêve et la masse ne le comprend pas. »

P.D.

 

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Et chez les adolescents

Il faut les voir ces petits de 6e le jour de la rentrée. La première chose qu'ils découvrent dans l'atelier ce sont les outils accrochés au mur. « On va pouvoir s'en servir ? » Voilà leur première question, avant même de se rendre compte que des pots de peinture sont là aussi, et bien d'autres choses.

Il n'est pas rare de voir un troisième affronter pour la première fois la coupe d'une planchette, ou la pointe et le marteau! Et pour les filles, quelle victoire de pouvoir enfin utiliser ces outils d'« homme ». Souvent, par gentillesse, un garçon est toujours prêt à les remplacer quand il faut scier, pointer... Je dois intervenir et les rassurer, les persuader que cette activité n'est pas réservée au sexe masculin. Et c'est bien rare qu'au bout de l'année, l'une d'entre elles ne soit jamais passée à l'atelier bricolage.

Au-delà de cette démystification du travail masculin, l'atelier bricolage présente bien d'autres avantages; c'est une école d'adresse, d'habileté et un bon tremplin pour l'imagination qui se cogne aux contraintes que présentent l'outil et le matériau. Pour moi, c'est le domaine privilégié de l'invention. D'ailleurs je me rends compte que la production des grands qui découvrent cet atelier est tout à fait semblable à celle des petits, comme si certaines étapes étaient des passages obligés avant d'aller plus loin.»

A.A.

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En dehors de l'achat des outils, l'atelier bricolage est relativement bon marché parce que la plupart des matériaux peuvent être récupérés chez le menuisier. Celui-ci vous cédera de bon cœur toutes ses chutes de bois.

Matériel à prévoir (minimum) :

- Marteau.

- Scie: une égoïne. Il y a bien d'autres scies qui sont intéressantes !

- Tenailles.

- Un assortiment de pointes.

- De la colle à bois.

Quand on est plus riche on peut ajouter à cela des serre-joints, des ciseaux à bois, des gouges de sculpteur, etc.

«Au-delà de cet aspect purement inventif; l'atelier bricolage peut s'orienter vers des constructions élaborées à partir de plans qui demanderont plus de rigueur, plus de contraintes ; ainsi, les S.B.T. de la C.E.L. proposent-ils des travaux qui ont beaucoup de succès auprès des enfants (il faut savoir cependant qu'ils sont longs à réaliser et qu'ils demandent beaucoup de persévérance !). Ces travaux (maquettes et dioramas) permettent de faire le joint entre plusieurs disciplines (se reporter au catalogue de la C.E.L., pages 19, 20 et 21).»

«L'atelier bricolage peut fonctionner aussi à partir de différents matériaux tels que boîtes de carton, laines, tissus, plastiques, etc., matériaux de récupération en général.

Sa valeur viendra de sa richesse, de la liberté qu'il offre d'inventer, de manipuler, de tailler, de coller et de faire vivre l'objet réalisé.

Ainsi on peut voir naître à partir de simples bouts de chiffons attachés, cousus, des marionnettes (voir Art enfantin n° 57) qui dansent, qui parlent et qui apportent du bonheur ; des constructions éphémères, maisons de carton, véhicules branlants mais peu importe, l'esprit d'invention est là.

Dans cet atelier qui permet de travailler en volume comme avec la terre, l'enfant s'exprime et trouve une voie libératrice.»

H.C.

 

RÉFLEXIONS D'ENFANTS DE SIXIÈME :

«Ça change les idées. Pour inventer de nouveaux objets, il faut qu'on se creuse la tête. » (Stéphane)

«Ça apprend à se servir du matériel du menuisier.» (Marylou)

«Ici on en profite. Chez nous on n'a jamais le moyen de le faire. Nos parents ne veulent pas.» (Eléonore)

«Ma main devient habile et je vais pouvoir apporter ma pyramide en histoire. » (Cyril)

 

 

LA SOCIALISATION DU TRAVAIL

Toute la production d'une classe ne saurait rester confidentielle, réduite à l'individu. Notre pratique, pour qu'elle soit éducative, s'appuie en permanence sur le recours au groupe, sur la socialisation du travail, qui, par l'intermédiaire de la vie coopérative permet l'éveil du sens critique, la discussion constructive, le développement d'une attitude positive à l'égard des autres, en un mot, l'apprentissage d'une vie sociale authentique.

Si l'affichage ou l'exposition des travaux nous semblent être nécessaires, ils n'en sont pas moins insuffisants, l'échange verbalisé entre l'auteur et le groupe apparaît indispensable.

. L'affichage : Il joue deux rôles contradictoires et complémentaires :

- D'une part, on affiche ce qui est «reconnu» par le groupe comme «réussi», ce qui tend à valoriser cette réussite et incite à la répéter (surtout s'il s'agit d'une première réussite).

- D'autre part on affiche «temporairement» (c'est-à-dire moins haut) tout ce qui arrive des correspondants, des circuits, et ce qui est nouveau, ce qui a retenu l'attention à la synthèse et là, l'affichage a un autre rôle en plus de ceux décrits plus haut: les travaux non finis sont accrochés provisoirement sur un fil pour que les gamins repensent à ce qu'ils doivent finir - s'ils ont décidé que ça devait être fini.

«On affiche les travaux, on les commente à l'entretien du matin ou à des séances spéciales quand on a le temps après les ateliers. Pendant leur travailles enfants se communiquent spontanément leurs découvertes, leurs recherches.

Les enfants communiquent beaucoup entre eux, à la présentation des travaux au cours de l'entretien et surtout pendant les ateliers au cours desquels ils échangent des découvertes qui aident beaucoup à l'évolution des techniques. Le fait qu'un élève réussisse à réaliser quelque chose dans une technique est stimulant et motivant pour la classe.

Tous les travaux sont exposés sur les murs de la classe, mis en valeur selon leur nature de la production par un groupement, un collage, un simple fond de papier blanc. Les expositions sont renouvelées tous les quinze jours environ. Le journal absorbe beaucoup de recherches abouties grâce à un travail de groupe exigeant. Si une production est gardée dans sa spontanéité, c'est que le groupe l'a jugée, sans démagogie, communicable. Nous incitons chaque membre à avoir une part aidante dans le groupe auquel il appartient.

Nous ne nous ménageons pas pour aider à ce dépassement.»

J.L.

 

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«L'auteur présente à la classe sa réalisation et explique son idée.

Tout le monde observe la lisibilité de l'idée, la propreté, le soin apporté aux finitions.

Les critiques doivent toujours être positives, par exemple :

« - On ne voit pas ton bonhomme jaune! Pourquoi ?

- Parce qu'i1 est sur un fond blanc !

- Que peut-on faire ? »

Peindre le bonhomme d'une autre couleur ou bien le faire ressortir sur un fond foncé.

Encourager les idées originales, poétiques, humoristiques, agressives au besoin, même si la réalisation n'est pas parfaite.

C'est en forgeant qu'on devient forgeron! »

N.D.

«Je te dirai la joie de mes 6e de montrer leurs dessins durant les échanges et ça discute.

Et c'est dans ces moments-là que l'être vit le plus, qu'il écoute les propos des autres dans celui qu'il fera plus tard pour que lui, l'enfant soit encore perçu plus vrai.»

M.V.

" Il y a critique de la part de la classe. Ma part consiste à orienter la discussion vers des critiques constructives à partir de l'observation, de la réflexion, des contradictions émises (dépasser le - c'est beau ou pas - qu'est-ce que c'est ? etc. Cela entraîne souvent un affichage des techniques utilisées. »

J.J.

« Je manifeste mon approbation devant certains travaux quand je pense qu'elle peut aider un enfant. Je manifeste aussi mon mécontentement devant ceux qui font des Goldorak depuis plusieurs semaines.

Je remarque :

- Ceux qui stagnent dans une même technique, qui ne cherchent pas à en utiliser d'autres.

- Ceux qui ne peuvent pas sortir de l'utilisation de la règle, des traits. »

H.-N.L.

 

D'autre part, la socialisation du travail ne peut se réaliser qu'au sein de la classe seulement: l'ouverture vers l'extérieur nous semble indispensable.

D'une part vers des groupes sociaux semblables: Pour cela, les circuits «boule de neige» sont particulièrement intéressants ; les enfants se trouvent confrontés à la culture «artistique» d'autres classes; il y a aussi la correspondance avec d'autres classes avec lesquelles un lien affectif a pu se créer .

D'autre part" avec des artistes de notre temps, qui font le lien entre l'enfant et la société adulte.

«Dans l'éducation artistique, le contact, direct avec l'artiste me paraît essentiel. On donne ainsi à l'œuvre sa dimension humaine. L'artiste, on peut le voir, le toucher, lui parler ; l'œuvre quand on peut la voir, elle est trop souvent sacralisée, inaccessible.

Il n'y a plus l'œuvre  et nous, il y a en plus son créateur. Il faut à mon sens ces trois partenaires pour que l'approche soit complète. "

D.C.

Enfin, quand c'est possible, le musée, les expositions, sont d'une incontestable richesse.

"Nous avons vécu, senti. Nous avons pu toucher les sculptures de Krachberg et ce fut pour mes élèves un étonnement, mais surtout un ravissement. Ce fut aussi une dédramatisation du musée en lui-même, du peintre ou du sculpteur célèbre, du créateur, et toutes les pistes qui ont été lancées ne seront pas perdues, je le sais. "

M.V.

" On est allé au Grand Palais visiter l'exposition Dubuffet.

Nous avons vu de beaux dessins, des dessins pas comme les autres. Dubuffet ne dessine pas la réalité, il dessine ce qu'il voit comme il pense. Nous, nous n'aurions pas eu l'idée de les faire comme ça: il les fait avec du goudron, des pierres, des cailloux, du sable. Nous nous faisons des dessins normaux avec de la craie d'art, de la peinture, des feutres.

Lui, il va plus loin, il recherche... »

 

 

CIRCUITS-DESSINS BOULE-DE-NEIGE

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Deux, trois ou quatre, voire cinq classes s'envoient des dessins. La classe A met un ou deux dessins et passe à la classe B, qui critique les dessins de A (un cahier est joint aux dessins; les enfants disent ce qu'ils ont à dire, et le maître note) et ajoute à son tour un ou deux dessins et passe le tout à la classe C, qui critique les dessins de A et de B, ajoute un ou deux dessins et passe le tout à la classe A (qui critique à son tour les dessins de B et de C).

La classe A lit les critiques de ses dessins et des petits copains, compare avec ce qu'elle pense, retire le ou les dessins mis au premier tour, en remet un ou deux autres... et ça recommence pour un deuxième tour. Ça dure des fois sur deux ans.

Ce que ça apporte :

On voit autre chose que ce qui «se fait» en classe (esthétiques différentes) .

- On apprend d'autres techniques.

- On coopère à beaucoup plus.

- On lit d'autres critiques et d'autres façons de critiquer (autres critères) .

- Ça relance le dessin, la peinture, l'alu, l'encre de Chine, etc.

En somme, on se sort de sa coquille et ça ne fait pas de mal !

 

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ET LE MAITRE ?

Quelle est sa part dans la création ?

« J’ai voulu faire l'expérience aussi totale que possible de l'effacement de ma personne pendant toute une année de C.P.... J'ai pensé: «Et si nous avions une trop lourde part du maître ?»

Alors, tout en donnant les mêmes moyens matériels et les mêmes horaires, j'ai refréné le plus possible mes impulsions verbales, mes mimiques. J’ai généralement réussi, à ne pas interdire - même les réminiscences de Blanche Neige et de Poule Rousse dont ils étaient imprégnés - à ne pas valoriser, à ne pas critiquer, à afficher à peine (d'ailleurs pas de place cette année-là). J'ai demandé cependant par égard pour le prix du matériel et pour le temps de préparation de la peinture, qu'on ne fasse pas de mélange dans les pots afin que ceux qui avaient le goût du « propre » puissent quand même s'y exercer. Alors, pendant un an, les enfants ont tourné en rond: maisons, maisons, maisons, copies, copies, décalquages, stéréotypes, ennui général, stagnation, désintérêt. Je les ai suivis en C.E.1. Il n'était pas facile pour moi de faire volte-face alors que je les avais laissé s'installer dans cette technique de vie et pourtant, il m'apparaissait urgent et indispensable d'utiliser au mieux cette nouvelle année.

Le hasard fit bien les choses: une invitation à participer à une exposition à thème à la maison de la culture (un thème imposé! je n'en étais pas à un sacrilège près !). Il fallait illustrer une exposition médico-poétique sur le cœur.

Sciemment je rectifiais le tir et, pour donner l'impulsion, je distribuais des matériaux nouveaux et beaux: de grandes feuilles de bristol d'un glaçage extraordinaire et de l'encre de Chine noire et Sienne (les seules qui restaient). Je ne sais quels ont été les éléments déterminants: les matériaux nouveaux ? la motivation de l'exposition artistique ? la visite préalable de l'expo médicale à Rennes ? le thème cœur ? mon changement d'attitude ? (Je ne fis rien de spécial: aucun conseil graphique ou pictural, seulement une attente et un intérêt qu'ils ont certainement perçus.) Une série insolite est apparue qui rompait vraiment avec le passé.

Alors j'ai pris un parti-pris énergique et quasi chirurgical : j'ai dit à la cantonade que je ne voulais plus voir les éternels chats moustachus, les tulipes et les châteaux crénelés archi-vus depuis des mois, j'ai interdit le décalquage... je ne me suis fait cette fois aucun scrupule, pour dire qu'en copiant ou en décalquant on n'inventait rien mais qu'on faisait uniquement preuve d'adresse, Je ne pense pas qu'il y ait eu là-dedans aucun jugement de valeur.

La preuve pour moi était faite, qu'en laissant les enfants faire leur pain quotidien de ce genre de travaux, on les abandonnait à leurs conditionnements et on en faisait des prisonniers, On me dira peut-être que cette tendance à la copie, au décalquage, dénote quelque besoin profond, N'est-ce pas déjà la manifestation de la soumission au modèle donné, et au respect du critère de ressemblance véhiculés par la famille ? Les gens ont été formés à l'école du passé toute entière basée sur la reproduction servile, »

J.L.B.

«Je dirais à certains maîtres de ne pas s'embarrasser de scrupules paralysants et de ne pas craindre de s'impliquer en art enfantin s'ils le désirent car de toute façon leur personnalité passera d'une manière ou d'une autre dans la classe.

A ceux qui me diraient: «Vous vous faites plaisir !" je répondrais qu'un maître doit d'abord être en accord avec lui-même: il n'est disponible qu'à cette condition.

A ceux «qui acceptent tout », je dirais qu'ils se donnent de beaux gants du maître pur et qu'ils acceptent aussi que les enfants restent à l'extérieur d'eux-mêmes. Une attitude extrême est toujours facile, mais rarement juste. La copie, le décalque laissent les enfants en état de dépendance totale, de non existence. C'est une contribution à la formation des individus soumis que la société attend.

Et s'il en reste qui continuent à crier haro sur le mot et contenu de l'art enfantin... je dirais plutôt que de guerroyer sur les mots :

- Avez-vous donné une place convenable dans l'horaire aux ateliers art ?

- Avez-vous eu le courage tenace d'assurer vous-même le fastidieux et constant entretien des ateliers ? Tâche impossible à demander à de jeunes enfants de C.P.-C.E.

- Avez-vous eu le souci de l'expérience vécue des camarades par la fréquentation assidue du groupe départemental ?

- Avez-vous, toutes ces conditions réunies, eu la possibilité et le désir de permettre le tâtonnement commun de la classe et du maître avec chez ce dernier, l'attente passionnée de ce qui doit naître ?

Il faut que l'enfant ait l'occasion de rester seul avec son matériau ou ses instruments et qu'après avoir profité du groupe-classe, il échappe à certains aspects maternants et oppressants du groupe pour jouir de son autonomie. Il doit être mis en situation de laisser monter ce qui peut y avoir en lui d'informel, d'imprévisible, d'unique.

C'est la grande rêverie interdite à l'enfant moderne corseté dans un emploi-tue-temps : en classe, le mercredi, en vacances, et qu'on ne laisse jamais à ses rêves.

«Heureux l'enfant qui a possédé, vraiment possédé ses songes» dit Bachelard.

Je pense que dans tous les domaines il faut faire un forçage à la liberté, forcer l'imagination, ouvrir des voies nouvelles pour qu'au bout du compte chacun ait trouvé sa place quelque part et se sente libre dans sa création, en art enfantin ceci se concrétise par :

- Le libre choix du matériau et de la technique: peinture, feutre, pâte à modeler, polystyrène, carton, ferraille, branches, bois, écorces.,.

- Incitation à jeter un œil nouveau sur ce qui nous entoure : s'allonger au pied d'un arbre, coller son nez au tronc, cela contribue à éliminer les stéréotypes. Dessiner en quelques traits et très vite des traces sur la terre, une branche, une souche, un visage: voilà autant d'expériences qui contribuent à ébranler le besoin de « ressemblance».

- Je provoque des séances de création collective.

- J'essaie de valoriser ce qui est nouveau plus que ce qui est beau. Ce qui n'empêche pas les champions de telle ou telle forme d'expression d'être reconnus comme tels.

Mais cela permet aux autres souvent aussi aux autres d'être valorisés. Chez nous, deux mots sont à la mode : inventeurs et chercheurs. »

D.B.

 

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«J'accepte mal les termes de «forçage à la liberté, forcer l'imagination».

Je préfère celui de provocation à la création.

Je refuse d'accepter les stéréotypes et dès la 6e, pendant un trimestre, je propose aux élèves des voies de recherches précises qui leur donnent une idée de ce que j'attends d'eux, en tant que représentante de l'institution scolaire, en tant que professeur et aussi en tant que professeur qui a un plan éducatif à réaliser. Dans un premier temps, je les prends quasi en charge, et je relâche du lest petit à petit au fur et à mesure de l'expression des besoins et désir de recherches personnelles plus enthousiastes, et de la compréhension des élèves, des possibilités qui leurs sont offertes et des limites qui les contraignent. »

B.M.

 

LES PARTS DU MAÎTRE

«On nous dit: «Les enfants n'ont pas fait ça tout seuls, ce n'est pas possible ! » 

Le ton est convaincu, l'accusation grossière. Nous comprenons: «C'est vous qui dites quoi faire !» A la limite: «C'est vous qui faites cela !...» En réaction nous bondissons : «Nous n'intervenons pas du tout, nous laissons faire, faites comme nous et vous verrez... »

Et pourtant c'est vrai les enfants ne font pas ça tout seuls, mais la part du maître est beaucoup plus grande et plus subtile que celle qui consisterait à tenir la main de l'enfant.

Dans le domaine de l'art, il n'y a pas de contenu à faire passer. Il y a des sensibilités à ouvrir, à développer et la personnalité du maître est plus d'ailleurs déterminante.

C'est absurde de dire que si le maître n'était pas là il n'y aurait pas d'expression artistique dans la classe. Ça l'est moins de constater que des enfants peignent en classe, ne continuent pas souvent à la maison même si le matériel et les parents sont favorables. Ça ne l'est plus de s'apercevoir que si le maître s'en va pour quelques semaines, l'élan créateur retombe.

 

Quelle part de nous-mêmes investissons-nous dans les créations de nos élèves ?

Essayons une tentative d'analyse.

Il y a :

- les maîtres qui préparent eux-mêmes la peinture

- avec des couleurs pures,

- avec des couleurs pastels,

- avec les deux,

- avec ou sans intérêt,

- avec ou sans amour ;

- ceux qui laissent les enfants la préparer eux-mêmes ;

- ceux qui ont du beau papier, de bons pinceaux et ceux qui n'en ont pas ;

- ceux qui achètent de leur denier le matériel manquant et ceux qui font avec les moyens du bord ;

- ceux qui montrent les dessins d'autres classes ;

- ceux qui présentent, commentent, affichent des œuvres d'artistes adultes ;

- ceux qui refusent de le faire ;

- ceux qui affichent les réalisations ;

- ceux qui ont la manière de le faire ;

- ceux qui affichent toute la production de la classe ;

- ceux qui sélectionnent

- seuls,

- avec l'aide des enfants,

- par les enfants seulement ;

- ceux qui changent souvent l'affichage ;

- ceux qui ont la flemme ;

- ceux qui arrangent les peintures des enfants pour les mettre en valeur

- en repassant certaines couleurs ou certains traits,

- en découpant des morceaux bien réussis,

- en découpant les dessins et en les collant sur une feuille de couleur,

- en encadrant le dessin,

- en l'affichant à une jolie place ;

- ceux qui organisent des discussions collectives sur les peintures terminées parce qu'ils pensent que la communication est importante ;

- ceux qui ne veulent pas le faire parce qu'ils pensent que l'art est avant tout une affaire personnelle.

Il y a

- ceux qui savent encourager les enfants, simplement en collant tous les dessins chaque jour dans un album ;

- ceux qui encouragent par la parole,

- les mots,

- l'intonation,

- l'exclamation rapide, anodine ;

- ceux qui ont la voix sincère et le cœur sincère ;

- ceux qui n'ont que la voix ;

- ceux qui n'ont que le cœur ;

- ceux qui encouragent par le regard, par l'intérêt silencieux ;

- ceux qui encouragent en participant ;

- ceux qui aident en prenant un pinceau, pour qui un trait tracé sur le dessin d'enfant vaut tous les discours.

Il y a aussi ceux dont la seule présence est encouragement.

 

Paul Klee considère qu'il y a trois étapes dans la création artistique: la pré-création (pour nous motivation), la création elle-même et la re-création ou communication aux autres.

Il y a

- ceux qui sont intéressés par la pré-création ;

- ceux qui ne s'intéressent qu'à la création, au moment vécu sans souci du résultat ;

- ceux qui s'intéressent surtout à la production, à la présentation (au groupe, sur le mur, aux parents...) ;

- ceux qui s'intéressent à deux aspects (au choix) ;

- ceux qui s'intéressent aux trois.

Il y a

- ceux qui acceptent tout: le calque, les peintures sales, les taches;

- ceux qui pensent que tout ça c'est bon, qu'il y a des pistes partout;

- ceux qui le refusent

- parce que la femme de ménage râle quand c'est sale,

- parce qu'eux-mêmes ne supportent pas le sale,

- parce qu'ils trouvent que ça gaspille du matériel,

- parce qu'ils pensent que l'enfant n'a rien à gagner en pataugeant.

Il y a ceux qui savent que l'on peut aller plus loin, que l'on peut faire mieux (en comparant avec les autres).

Il y a des maîtres qui ont de l'imagination, d'autres qui en ont moins, d'autres qui n'en ont pas. Il y en a d'artistes et de non artistes.

Il y a ceux qui croient au beau et ceux qui n'y croient pas...

Ceci est une liste ouverte. Si elle était plus complète chacun pourrait faire son propre menu et tracer son profil.

Je crois que plus la part du maître est grande, plus l’enfant se sent libre de créer, et plus il en a de plaisir.

La création du maître serait la totalité de la création faite dans la classe, il en est le responsable s'il n'en est pas l'auteur.

A nous de travailler à élargir la vision du maître pour élargir celle de l'enfant et lui ouvrir le chemin de l'art.

R. Le H.          

La part du maître est faite d'écoute, de permissivité, mais aussi d’exigences et d’apports personnels.

On est sans cesse sur la corde raide: il faut savoir accueillir, il faut savoir refuser, et avec quelle prudence, quel doigté !

«Il est facile de rester prudent, écrit Elise Freinet. Il est moins aisé d'avoir du doigté car le doigté suppose la culture. »

Oui, il faut savoir donner, et le meilleur de soi-même. Si nous voulons des enfants riches et multiples, il nous faut être riche et multiple. Cela implique que nous devons sans cesse nous passionner, nous « cultiver » au contact les uns des autres. Et cela demande effort et travail. Et cela implique l'humilité.»

N.D.

 

 

ART OU EXPRESSION ?

« Quand on dessine dans ma classe, on n'apprend pas à dessiner, on vit! On se dit, on se crée en créant. Et si l'on a besoin d'un coup de main, d'un tour de main, d'une technique, on l'acquiert parce qu'elle est le moyen d'aller plus loin, de dire mieux, de se chercher plus profondément.

Ce qui me préoccupe est le but cherché! S'il s'agit d'enseigner le dessin je dis non d'abord. Je cherche la vie. La culture on se la fait parce qu'on est curieux, mis en appétit.

La technique on se l'acquiert parce qu'elle est vitale et parce qu'on échange, on communique.

Nous avons donc à nous démarquer nettement de tout ce qui se fait dans beaucoup de classes et qui n'est qu'approche et parfois réussite d'une technique. Je râle assez après tous ces gens qui font à longueur d'année des tableaux de fils et qui sont satisfaits quand l'aspect décoratif est réussi sans penser que l'enfant n'est pas là-dedans autre chose qu'une manœuvre.

Le vrai problème est l'expression, quelle que soit la technique utilisée, le crayon pour dessiner ou écrire, la main pour modeler, la voix pour dire, le corps. »

M. V.

 

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Art ? Expression ? Les deux à la fois. Les enfants se font plaisir. Ils recherchent ensemble le meilleur effet... «Ça serait plus joli comme ça...» Recherches de techniques. Ils font aussi des maisons, des bateaux... que je ne rejette pas, mais qui sont quelquefois censurés par le groupe: «C'est banal, ‘.est toujours pareil... » Remarques bien acceptées en général. Tout de même on défend un peu l'accusé, quelquefois un peu penaud, on l'aide à dépasser un peu le quotidien, les idées naissent, en fait des projets... et pourtant leur vision du quotidien est souvent poétique. Le plaisir que prend un enfant à faire quelque chose c'est le plus important. Ils sont heureux, en plus si les autres apprécient, il y a communication. »

J.D.

«L'art, c'est avoir quelque chose à dire aux autres et trouver son moyen de le communiquer. C'est aussi trouver quelqu'un qui s'intéresse à votre production, la regarde, essaie de la comprendre et ne la détruit pas. »

F.F.

«Je voudrais démystifier ou redéfinir ce terme ART. Je me suis trop longtemps dit que je n'en avais ni la compétence ni le droit. Après huit ans dans ma classe, j'ai découvert l'art: pour moi, c'est chaque fois qu'un de mes petits fait quelque chose (peinture, bois, collage, chant, poterie...) en s'y donnant entièrement, je veux dire en s'investissant pleinement dans son activité, quand au milieu du bruit (et il y en a) il reste imperturbable et continue son petit truc! et quand l'un d'eux veut présenter son travail et rayonne en disant : «Regarde mon bateau» (un simple morceau de bois avec une pointe enfoncée !), pour l'apprécier, il faut avoir vu tout l'intérêt qu'il y a porté, la patience qu'il a eue pour enfoncer sa pointe... et cela décuple sa valeur .., »

M.D.

«Je pense qu'il est dangereux de baser l'art enfantin uniquement sur la notion du beau et qu'il est plus juste de le baser sur la notion d'expression. Permettre à chacun de s'exprimer comme bon lui semble et de réussir. Les critères de réussite pouvant être tout simplement pour l'enfant :

- les sensations ressenties en expression,

- la satisfaction de l'acte accompli,

- le bien-être ;

et pour les autres :

- le nouveau, le comique, le triste, le beau. »

D.B.

«Comment accepter que dans nos classes il n'y ait que du beau, mais aussi de ces travaux qui donnent froid dans le dos, de ces dessins qu'on ne voudrait jamais voir ? Comment réagissons-nous devant de tels déferlements de violence, de rancœur, de souffrance... Comment passer de ces gargouillis de ces vomissures, conscients ou inconscients à une expression moins tourmentée, plus rassurante ? Et pourtant, ne faut-il pas que tout cela sorte ? ...

Ce que nous faisons c'est essayer de créer un climat de confiance; puis apporter des conseils techniques de mise en page, d'observation, d'équilibre, de perspective, de logique… des conseils d'organisation, pour un travail individuel ou le groupe... Mais aussi, ce que nous essayons c'est de donner l'occasion à ces élèves de prendre des responsabilités, de se prendre en charge et de «découvrir» le monde qui les entoure, nouveau centre d'intérêt. »

A.H.

«Au début, j'étais fascinée par les expos du stage Sud-Ouest et des congrès et je mettais tout en œuvre pour obtenir de belles réalisations, de grandes peintures; plus je vais, et plus j'attache d'importance aux «petites choses», aux réalisations éphémères, ce qui n'empêche pas que la production de la classe reste toujours importante et qu'on continue à exposer de « beaux » dessins et de grandes peintures. Ce qui a changé c'est le regard que je leur porte.

J'attache plus d'importance à une réflexion d'enfant qui montre sa sensibilité, son pouvoir d'appréciation, à un dessin tout simple mais plein de subtilité et d'imagination.

J'aime de plus en plus regarder ces dessins qui naissent à tout moment de la journée et essayer d'y découvrir l'évolution des enfants, bref, la recherche de l'enfant, l'effort qu'il fait pour s'exprimer, pour communiquer à travers ses réalisations me paraît plus important que le résultat final que l'on expose. »

J.P.

«Pour l'enfant de maternelle, la peinture n'a de valeur que dans le moment où il la réalise. Après elle est «morte» terne. Quand il peint, l'enfant est le mouvement dont la projection se retrouve sur la feuille :

«Je passe là, je tourne, boum! c'est l'accident.»

Il est un dieu capable de créer des mondes nouveaux :

«Je ne lui fais pas de bras comme ça il pourra pas me taper." «C'est Sandrine dans le ventre de maman, je voulais me reposer: après je sortirai de nouveau. »

Y.M.

«Pour moi, l'art c'est secondaire. L'important, c'est l'expression. Il y a des choses qui doivent sortir, sinon elles étouffent, elles paralysent. Le dessin, la peinture, le modelage, le théâtre... sont des moyens de libération pour l'enfant, des moyens de communication, aussi. Peu importe ce qui est dit : l'important c'est que ça sorte et que ce soit accueilli.

Combien de «chef-d'œuvres » ont viré complètement parce qu'il y a un nuage qui a caché tout le monde et la feuille est devenue uniformément noire. "

Y.M.

CONCLUSION

«Nous avons à déterminer notre volonté de voir l'expression libre vivre et non pas être remplacée par un laisser-faire duquel émergerait de temps à autre à une réussite technique.

La pédagogie Freinet repose sur trois pieds d'égale importance: l'expression libre, la méthode naturelle par le tâtonnement expérimental, l'éducation du travail.

Qu'un pied s'affaiblisse  disparaisse et tout l'édifice s'écroule. Ces trois notions ne peuvent fonctionner qu'ensemble et en interactions dialectiques. Si ce fonctionnement provoque des contradictions, celles-ci doivent être reconnues, analysées et assumées comme telles. Elles ne peuvent être niées ou ignorées. Ainsi en est-il de l'effort. L'expression libre à elle toute seule ne contient pas la notion d'effort. L'éducation du travailla contient mais ne contient pas celle de jaillissement spontané. Dans la pratique, dans l'acte même, les contradictions vont donc surgir. Les mettre au jour, les assumer, trouver un moyen terme original pour chaque individu voilà pour nous, pour le groupe, pour chaque enfant le seul axe de progrès véritable.

1. Fais ce que tu as envie de faire, dis ce qui est profond en toi ;

2. Travaille encore et encore mieux pour mieux le faire, mieux le dire ;

3. Cette contradiction vécue par chaque enfant, doit être comprise exprimée et dépassé par intégration des deux données dans une dynamique originale qui est le dépassement de soi. La volonté d'apprendre sur soi de devenir meilleur.

Bien entendu, ceci ne peut être mené que si les conditions de travail et de vie ne sont pas catastrophiques. »

J.C.

BIBLIOGRAPHIE

- La revue Art enfantin et créations.

- Les dessins de Patrick (P. Le Bohec), E3 Casterman.

- Albums Art enfantin: «L'Enfant artiste», «Les enfants dessinent aussi», «Constructions et sculptures d'enfants».

- B.T.R. (n° 22 et 33-34).

Ce dossier fait volontairement l'impasse sur tout ce qui touche la musique et le corps qui seront traités ultérieurement. Il passe volontairement sous silence la pratique d'ateliers qui ne nous ont pas paru essentiels.

Pour compléter ce dossier, on pourra se reporter utilement à la revue Art enfantin.

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