ISSN 0293 0196

Octobre 1994

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SOMMAIRE

Octobre 1994 - numéro spécial

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Carlos PRADAL Willy RONZAN! Irène TAN

Jean-Paul DOUZIECH HASTAIRE Claude RIBOT Bernard FROMENTIN Jean-Claude DUTERTRE Sandra JAYAT Guiliano BRANCALEONI Francine GUIET Gaston CHAISSAC Robert COMBAS Pierre DANDELOT FodéCAMARA

Comment peut-on être artiste dans le monde d'aujourd'hui ?

Le besoin de création satisfait est-il suffisant pour soutenir une vie ?

C'est ¡a réponse à ces questions que nous avons cherchée à travers les échanges menés avec quelques artistes contemporains, en présence de leurs oeuvres.

L'artiste lui-même se pose-t-il ces questions « à chaque toile blanche et cherche-t-H cette hypothétique réponse qui lui permettra de vivre jusqu'à la prochaine toile blanche ?» (Michel DIEUZAIDE)

Je passerai ma vie, luttant avec le mystère. Sans aucun

espoir de le pénétrer. Mais cette lutte est ma nourriture

et ma consolation », dit Miguel de UNAMUNO.

Le mystère ? ou son propre mystère ?

On reproche souvent aux artistes une certaine dose d'exhibitionnisme. « On est ce que l'on montre. Je me dévoile avec ma sculpture », dit Jean-Paul DOUZIECH.

Il se dévoile surtout à lui-même, car son thème de prédilection est l'interrogation de l'individu sur lui-même : qui suis-je ?

il semblerait que l'artiste, plus que tout autre, a besoin de chercher une réponse à cette question. Il semble aussi qu'il trouve des réponses qu'il a besoin de soumettre aux autres avant de les adopter ou de chercher d'autres réponses.

Et il est sans doute vrai aussi que l'artiste, comme tout individu, mais peut-être plus que les autres, ne souhaite pas vraiment trouver la vraie réponse.

Peut-être l'entreverrez-vous à travers ces oeuvres et ces paroles de quelques artistes de notre temps.

■ Créations

SUPPLÉMENT AU N° 64

Carlos PRADAL

Carlos PRADAL

Carlos Pradal est un vrai peintre.

L'adjectif est ici employé à dessein. Non pas qu'il y ait de faux peintres, ou de fausses peintures ! Encore que...

Mais je veux signifier, par ce qualificatif, la totalité de son engagement. D'abord, le choix d'une vie qui, sans la peinture, n'aurait plus, pour lui, de raison d'être. La rigueur d'un métier exercé sans concession aucune à la facilité, avec le mépris de l'argent, ce qui va souvent de pair. Le besoin enfin de recommencer, devant la toile blanche, chaque fois la même lutte.

Dépasser la réalité ! Puisque c'est bien de cela dont il s'agit dans cette œuvre, bâtie touche après touche, toile après toile, thème après thème, sans jamais en interrompre le rythme.

« Tu vois ce bol, ce pichet et ces oignons. Eh bien, il faut que dans ma toile, j'en donne une présence plus forte que leur réalité. Sinon, j'ai perdu... » me disait-il un jour.

Cette toile peinte, on l'appelle Nature morte ! Morte, en effet, la nature qui a été peinte. Morte dans sa réalité. Morte du combat que lui a livré le peintre pour la faire vivre au-delà d'elle-même et l'offrir à toute une suite de regards vivants.

Si j'en parle, c'est qu'avec les portraits, ces natures non pas mortes mais réelles sont, par-delà toutes les périodes à thème, constamment présentes dans l'œuvre de Pradal. Et, à travers elles, cette volonté de dépasser la mort des choses et des êtres, comme un des fondements du caractère espagnol.

« La réalité objective, il faut la plier soigneusement, comme on plie un drap, et l'enfermer dans un placard une fois pour toutes » disait un jour Picasso à Brassaï. Et Picasso, lui aussi, était espagnol !

Car la peinture de Pradal vient de loin. De la terre d'Espagne d'abord. Mieux, de cette Andalousie aride qui est celle d'Alméria, ville dont son père, Gabriel, fut député de la République. Mais, générosité et espoir furent anéantis dans une guerre de la haine. Ce premier combat perdu marqua à jamais l'enfant de sept ans qui dut fuir devant les fusils fascistes. Et il gardera, pour la vie entière, la couleur rouge d'un monde plus juste, ancrée au fond de lui.

A Toulouse, l'exil et son absence de terre ont fait l'adolescent. Jusqu'à ce que vienne le besoin des pinceaux pour, sans doute, se refaire une terre, la Tierra santa de l'origine que nous offre cette peinture irrémédiablement espagnole.

En effet, rien dans la palette, les sujets, la touche et la lumière ne peut faire douter de sa parenté avec les Goya, Zurbaran ou Gréco qu'il met au-dessus de tous. Car, c'est sans doute par la peinture, la littérature et la poésie que l'Espagne, de siècle en siècle, a le mieux défini son identité aux yeux de l'humanité.

«Je pense que les Espagnols ne croient qu'en la matière, me disait-il une autre fois. Mais ils demandent beaucoup, jusqu'à ce qu'elle devienne, pratiquement, esprit ! Quevedo termine un de ses sonnets amoureux en disant: Mes os redeviendront poussière, mais poussière amoureuse. »

Et, c'est dans cette tradition espagnole que Pradal bâtit son oeuvre, inexorablement, l'exil au fond de lui.

De natures réelles en portraits est venue une fascination pour les quartiers de viande. Des portraits encore : les amis, les parents... Puis, toujours quelques cruches et pots avec lesquels la lutte ne doit pas faiblir...

Vinrent les passantes, ces femmes qui marchent dans la rue comme si elles savaient où elles vont.

Deux œufs avec un bol. Des oignons sur fond noir... En 1972, c'est la découverte, autour des Halles où il habite, des pigeons de Paris et de l'infinité des gris offerts à sa palette. Plus tard, c'est la passion du billard qui impose cette lumière basse où les profils se découpent au couteau sur le vert du tapis.

Des portraits, toujours, parmi lesquels Picasso, Pascal, Miguel Hernandez... des autoportraits aussi ; un chou, un paquet de Gauloises, tout ce qui le touche et peut chaque jour l'aider à entretenir sa lutte de peintre pour atteindre le lendemain.

1975, c'est le retour en Espagne et les premiers se rements de cœur sur la terre d'Alméria. Ce voyage d'été sera désormais annuel et la visic de l'incomparable lumière andalouse l'incitera peindre ces scènes de la vie quotidienne qui n'oi pas changé depuis la fuite de l'enfant. Une redécouverte du flamenco et de ce mal c vivre qu'il sait dire entre les cordes nous vaudi une impressionnante série de toiles où les cha teurs nous livrent ce cri venant du plus profon d'une terre où même l'eau manque.

Lorsque nous fut donnée, en 1986, la chance de vc au musée des Augustins de Toulouse, vingt-cir ans de peinture rassemblés en cent quatre-ving toiles, nous avons pu mesurer à quel point l'eng gement du peintre était lié à ce qu'il a vécu et à c qu'il est.

Bref, c'est bien de la réalité de sa vie que Carlos Pradal fait sa propre réalité picturale à laquelle, comme tous les peintres, il tente de croire.

Car je pense que le vrai peintre pose la même question à chaque toile blanche et cherche cette hypothétique réponse qui lui permettra de vivre jusqu'à la prochaine toile blanche. Sachant qu'il n'y a, sans doute, pas d'autre réponse que ce que répond la toile peinte.

J'en veux pour preuve la phrase choisie par Carlos pour mettre en épigraphe du livre que lui consacrent les éditions Privât à Toulouse: «Je passerai ma vie, luttant avec le mystère. Sans aucun espoir de le pénétrer. Mais cette lutte est ma nourriture et ma consolation. Oui, ma consolation !.. Je me suis habitué à trouver un espoir dans le désespoir lui-même. »

Miguel de Unamuno

La vie est ce qu'elle est ! Notre pouvoir d'agir si elle est souvent bien inférieur à ce que l'on pe penser. A défaut d'en faire quelque chose, il fa faire. Avancer à sa mesure dans le sillon où l'on mis le soc.

Conscient de l'irrémédiable défaite de l'espc humain, chaque jour Pradal se rend à son atelier ( se récitant cette phrase entre deux bouffées ( cigarette. Puis, il prend ses pinceaux et se réinven une lumière.

Je vous le disais bien, mon ami Carlos est un vi peintre.

Michel DIEUZAH

RONZAN

Le calme d'un village. Une grande maison avec des poutres entre les tableaux d'artistes et les affiches. La porte est ouverte. Willy nous attend, un peu inquiet, derrière ses petites lunettes rondes. Encore des journalistes qui viennent violer l'artiste. Non ! il les connaît bien les Freinet, il les a tous remplacés quand ils partaient en stage. Pas facile, dit-il.

IL NE SAIT PAS DESSINER

Ses loisirs, il les passe à faire du ski de fond, du vélo, de la gravure et à lire.

Pourquoi la gravure ?

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Après avoir touché un peu d'aquarelle et de peinture à l'huile, il rencontre un graveur lors d'une exposition. Il apprend quelques rudiments auprès de ses maîtres Jean-Marie Bourquin et Daniel Boulanger. Il installe une presse dans sa cuisine.

Penché sur sa plaque de métal, devant une fenêtre, Willy a horreur du vide ; des graphismes, des signes divers, des inscriptions et des traits — beaucoup de traits — s'harmonisent dans une œuvre qu'il qualifie plus volontiers de littéraire ; il avoue ne pas savoir dessiner.

Et il a horreur du vite, aussi. Les premiers peintres ont été les graveurs de Lascaux. Face aux vingt-quatre images/seconde des films et aux six chaînes de télé, la gravure est, dans une certaine mesure, une forme de résistance. Car te graveur est aussi un producteur d'images.

UN ARCHITECTE

Son inspiration ne tombe pas du ciel. C'est un investissement de toute sa personne où l'œil est à l'affût et se nourrit d'images et de traits. Un fond musical l'aide, dit-il, à construire son projet. Images et traits qui se combinent et sont, après maturation, transcrits sur calques. Lesquels calques vont être à nouveau combinés pour élaborer l'œuvre finale.

Et jusqu'à ce moment, la technique de gravure proprement dite n'a pas encore apporté sa part.

« J'AIME SENTIR LA POINTE FORCER LE MÉTAL »

Il les connaît bien toutes, Willy, les techniques de gravure mais il n'en joue pas toute la gamme. C'est pas son truc. Il en utilise deux, complémentaires, et ça lui convient. La pointe sèche pour les traits et l'aquatinte. C'est une activité fatigante, dit-il, qui exige un effort mental important. On y laisse plus de sels minéraux qu'en faisant la classe I Et puis, si certains graveurs n'utilisent pas la pointe sèche mais seulement l'acide, lui aime bien sentir la pointe qui force dans le métal.

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■ ENCRAGE A LA POUPEE

On utilise pour le tirage des encres grasses. Pour les | épreuves en plusieurs couleurs, certains graveurs réali-

Isent autant de plaques que de couleurs à imprimer. Willy Ronzani, lui, encre en plusieurs couleurs sur une seule plaque. Il écrase l'encre dans les traits avec un tampon. " Puis, il essuie délicatement avec un chiffon de tarlatane.

Il y a toujours une part d'inattendu et de hasard dans le ^ déroulement de la technique qui produit des effets inté-

Îressants, qui donne différentes harmonies aux couleurs et aux traits. Des erreurs, des oublis, des diversions conduisent parfois à des résultats qui n'avaient pas été prévus. Willy n'est pas chiche de son temps ; il n'hésite pas à £ rester penché quelque cent cinquante heures sur sa pla-1 que.

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LE TIRAGE

Il s'effectue à la presse. La plaque de cuivre gravée a été auparavant aciérée, c'est-à-dire recouverte par galvanoplastie d'une mince pellicule de fer qui empêche les tailles de s'écraser, garantissant ainsi une qualité égale de tous les tirages. Le papier a été auparavant humidifié, gage de souplesse qui lui permet de bien entrer dans toutes les tailles.

NUMÉROTAGE

Un graveur honnête, dit Willy, doit rester en-dessous de cent tirages. Le graveur évalue les chances de vente de chaque production et numérote les tirages successifs en fonction du nombre estimé (1/75, 2/75, etc.). A la fin des tirages, la plaque est rayée (devant huissier éventuellement) pour montrer qu'elle sera désormais inutilisable. Deux ou trois exemplaires de cette plaque rayée sont même tirés pour attester l'épuisement des tirages. C'est un imprimeur taille-doucier qui assure les différents tirages et un éditeur se charge de la diffusion en galerie. Autre point commun avec la littérature.

DIFFUSION

Ronzani expose en galerie à Montbéliard, Belfort, Nancy et Montpellier. Il participe à diverses expositions de groupe. Il recherche actuellement un éditeur.

Wïlly RONZANI - 4, rue de Bourogne Meroux-Moval - 90400 Danjoutin

l&fligam

Ce qui frappe dans les gravures de Willy, ce sont les lignes. Un éclatement ! Un élancement ! Un rythme, une cassure... Un savant enchevêtrement né de l'Homme, de la main et de la conception de l'Homme...

Dans ces gravures, la nature n'a pas sa place. C'est l'univers de la construction, de la machine, de l'irréel, presque Mégalopolis.

L'Homme y est par ses empreintes ; il a laissé sa marque sur les murs : traces, graffitis... presque des signes cabalistiques présents dans tous les dessins... inattendus mais donnant vie et chaleur aux lignes, captant le regard et l'imagination mieux qu'un personnage. On sent la présence de l'Homme. Mieux qu'une présence, une puissance. On s'attend au bruit sourd de la ville, à un bruit de métal. L'Homme est présent mais pas les hommes.

La vie est là mais pas le mouvement.

Quand on lui parle de ces signes, Willy n'explique rien. Il

n'aime pas parler de lui : C'est bien des Freinet, ça, dit-il...

chercher le pourquoi... vouloir comprendre...

Mais peut-on ne pas chercher l'homme à travers son

expression ?

Il ne nie pas la dimension névrotique de toute production artistique sauf chez certains grands maîtres... La conception de l'image est une mise à jour précise, douloureuse ou jubi-latoire. Le dessin en lui-même n'est pas son but, l'impression de ses gravures sur le papier lui paraît fastidieuse maintenant...

Ce qui l'intéresse, c'est la gravure sur les plaques de cuivre : un travail minutieux, précis, contrôlé à tout instant, construit... Des traits, des lignes, des signes. La prise de possession d'une utopie dans l'aire du métal.

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rene TAN

IRÈNE

TAN

PEINTRE DE LA LUMIÈRE

Irène Tan est un peintre d'origine chinoise. Après avoir vécu dix-sept ans en Indonésie, elle est venue habiter la Hollande, où elle est devenue professeur d'art plastique. Elle vit maintenant en France depuis 1976. Spécialiste de l'aquarelle, elle est lauréate de nombreux prix, elle expose en Hollande depuis 1972, en France depuis 1985 (Lyon, Paris, Vienne) et en Allemagne depuis 1986. On peut également voir ses œuvres en permanence à Poet-Laval, dans la Drôme, où elle vit.

Irène Tan répond à Éric Debarbieux

Irène, comment es-tu devenue peintre ?

J'ai passé mon enfance en Indonésie, et je crois maintenant que cela m'a marqué dans le choix des sujets. Je

n'étais pas portée sur l'art au départ mais plutôt j'alla dans deux directions : la nature et la construction. En arrivant en Europe, je voulais être architecte, mais j' été orientée vers l'enseignement de l'art plastique... < que je n'ai pas regretté. Je suis donc devenue enseignan au lycée. Arrivée en France j'ai commencé vraiment peindre, en groupe, puis pour moi-même. J'étais esse tiellement attirée par la nature et la lumière, ce qui exp que mon choix pour le paysage. Au début, j'ai peint su tout les volumes, les formes et les valeurs.

Ion enfance et ton adolescence en Indonésie t'ont inspi-ée dans le choix des sujets. Est-ce que ça t'a aussi nfluencée dans le choix d'une technique : l'aquarelle ?

Bien sûr, je crois que ce sont mes racines chinoises qui 'ont que j'aime beaucoup cette technique légère et transparente.

La technique de l'aquarelle doit être transparente, ce qui ;n fait tout le charme, au contraire de la gouache. Cette ransparence, je l'ai trouvée surtout dans les aquarelles de Cézanne, qui m'a énormément inspirée au début, avec ion côté de construction jouant aussi sur la transparence le ses taches.

^ar ailleurs, c'est une manière très directe : c'est toujours ine grande aventure, car du fait de la transparence on ne jeut pas retoucher, on doit aller de l'avant, tandis qu'à 'huile on peut toujours revenir, lécher. A l'aquarelle, juand on fait une touche sur le papier, cette touche reste. 1 faut savoir où mettre cette touche. C'est une technique ( spontanée » qui nécessite un travail de réflexion préala->le : c'est une excellente école pour apprendre à regarder, éfléchir, observer, méditer (d'où son utilisation par les

j'allai

L.

îais j't îe... c ignanl ment ; esser li expl: int sui

Chinois et les Japonais), avant de mettre quelque chose sur le papier.

Choisir la nature pour sujet de tes tableaux signifie-t-il que tu recherches le « beau » ?

Non, ce n'est pas une recherche du beau, mais une recherche de la luminosité. Je ne cherche pas à montrer la cruauté, la négativité : il existe aussi la luminosité.

Tu parlais de recherche par rapport aux valeurs, maintenant j'ai l'impression que tu recherches plus avec la couleur qu'avec les valeurs ?

Oui, au début c'étaient les couleurs « naturelles » (la couleur locale), et puis, avec les impressionnistes, j'ai commencé à poser des couleurs pures les unes à côté des autres. Je travaille surtout sur les couleurs primaires, non pour exprimer une lumière « vue » mais une lumière « sentie », suivant ce que je suis, dans ce que je vois : gaie (le rose !) ou triste par exemple. Ma palette se simplifie de plus en plus, en éliminant totalement les verts par exemple. Je peux avoir une vigne bleue qui soit une vigne, une eau rouge qui ne soit pas du sang.

Ce tableau a été peint avec trois couleurs essentiellement : les trois couleurs « primaires » qui sont le bleu cyan, le rouge magenta et le jaune de cadmium. Les couleurs de base, posées en touches très libres se combinent surtout par superposition, la couche posée en premier influant et se mélangeant « optiquement », et non « chimiquement » (en les mélangeant sur la palette) avec les touches suivantes qui la recouvrent plus ou moins, même s'il y a aussi des mélanges « humides » . Paradoxalement alors que le « dessin » apparaît dans la vision d'ensemble très rigo reux et structuré, avec d'ailleurs une perspective « en ri courci » peu aisée à réaliser, on se rend compte que volume et la définition précise des formes ne sont pas ré Usés par un dessin très précis mais au contraire par la co leur et des taches très spontanées. Il est évident que cet spontanéité nécessite une réflexion très élaborée avant réalisation.

Pour mieux comprendre la théorie de la couleur : La vieille poterie

Jean-paul DOUZIECH

Maman les petits bateaux - h 0.50 m

Jean-Paul Dotiziech est né le 7 mars 1946 à Paris.

Études classiques suivies de l'École d'art et dessin de la rue Madame à Paris.

1963 Fresque de l'église St-Joseph à Montrouge (Hauts-de-Seine).

1964 Prix des Arts Décoratifs de la ville de Montrouge (Hauts-de-Seine). 1967-1968 Collaboration à plusieurs travaux pour Salvador Dali.

1969 Exposition personnelle à Rodez (Aveyron) organisée par le journal La Dépêche ,du Midi.

1970 Exposition permanente de sculptures. Galerie Yves-Jaubert (Paris).

1971 Participation à l'exposition sur le thème « La vigne ». Galerie Yves-Jaubert (Paris).

1972 Panneaux Sculpture à l'exposition Télécom de Genève (Suisse).

1973 Sculpture Fontaine à l'exposition internationale de Mexico (Mexique).

1974 Lauréat du salon de Montrouge (Hauts-de-Seine) - médaille -

1975 Exposition personnelle galerie « Aktuarius » à Strasbourg (Alsace). Sculpture Pégase achetée par le musée de l'Air (Paris). Antenne Sculpture pour l'exposition Télécom de Genève (Suisse).

1976 Prix d'honneur de sculpture de la ville de Thouars (Deux-Sèvres).

1977 Exposition galerie « Volumes et objets » à Vannes (Morbihan).

1978 Médaille « Arts, Sciences et Lettres » (Paris).

1979 Buste du Facteur Cheval au musée de Hiquewhir (Alsace).

Entrée dans l'équipe d'artistes de Jean Minet galerie d'Art de la place Beauvau (Paris).

1981 Palme d'Or, Association « Belgo-Hispanica ».

1982 Exposition à Lille (Nord), galerie Schèmes.

1983 Exposition personnelle, galerie d'Art de la place Beauvau (Paris).

1984 Exposition au musée des beaux-arts de Rouen (Seine-Maritime). Invité d'honneur au salon de Oissel (Seine-Maritime).

Lauréat au concours de bijoux Caplain St-André exposés Centre Georges-Pompidou (Paris).

1985 Exposition avec le groupe « Eidos » à Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine). Exposition avec le groupe « Eidos » à la Nationale des beaux-arts (Paris). Exposition à Vaixhas (Pyrénées-Orientales).

1986 Invité d'honneur au salon de Milly-la-Forêt (Essonne), prix Jean Cocteau.

1987 Exposition à Lourdes (Hautes-Pyrénées), IIe Millénaire de la naissance de la Vierge. Exposition à la Nationale des beaux-arts (Paris).

1988 Exposition galerie Jean-Marbach à Mulhouse (Haut-Rhin).

1989 Exposition à la Nationale des beaux-arts (Paris). Exposition au salon d'Automne (Paris).

Invité d'honneur au musée de la Poste (Paris). Exposition personnelle, Espace Europarnasse (Paris).

1990 Exposition personnelle, galerie d'Art de la place Beauvau (Paris). Commandes de l'État dans le cadre du 1 % :

1984 Sculpture en acier Cor-Ten Hermès à Verberie (Oise).

1987 Sculpture bronze Le Soleil a rendez-vous avec la Lune à Chambéry (Savoie).

Expose en permanence : Galerie d'Art de la place Beauvau, 94, rue du Faubourg-Salnt-Honoré - 75008 Paris. Photos : C. Bonnard, G. Donati, Kriege! et Jacquier, L. Métayer, Studio des Grands-Augustins. En couverture : Le Soleil a rendez-vous avec la Lune - h 2,50 m ; couverture de dos : Hermès 2000 - h 0,40 m.

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Dans la maison du sculpteur Douziech règne un ordre appa--emment classique. Un ordre po-icé, comme fe sourire serein du naître de maison. Et puis peu à peu, au fil de la /¡site, on s'aperçoit qu'en ce lieu, es théières ont des pattes, les )ateaux ont des jambes, et que la sérénité ne manque pas d'ironie... \lous sommes chez un de ces grands détourneurs du réel : un îculpteur qui se revendique sur-éaliste.

^ussi, lorsque derrière la façade ¡i bien ordonnée on pénètre dans ;on atelier, on est beaucoup moins ¡urpris... Les objets et les essais ;ui foisonnent, montrent et provoquent les idées d'un sculpteur, qui ivant tout, donne à voir en souriant 5S méandres intérieurs et égoïstes l'une humanité solitaire.

Moi et Moi - h 0,25 m

ego

« On est ce que l'on montre. Je me dévoile avec la sculpture», nous dit Douziech. Est-ce à dire que ce sont ses propres méandres qu'il donne à voir ?

Un de ses thèmes de prédilection est en tout cas l'interrogation de l'individu sur lui-même : qui suis-je ? Cette question serait « sans solution ni réponse ». Le sculpteur constate simplement, avec ironie, «le nombrilisme des individus ».« Ils'agitplusd'uncons-tat que d'une dénonciation » et Douziech se veut plutôt spectateur, observateur. Ce qui ne va pas sans une tendresse un peu triste pour ses personnages. Il y a chez cet artiste, un fatalisme souriant qui se moque de lui-même. En isolant ses créatures dans leur propre rêve, en les laissant en face d'elles-mêmes ou en laissant se dérouler la logorrhée de l'éternel bavard, Douziech réalise ce paradoxe de communiquer avec l'incommunicable, de nous faire communier à une solitude.

Le Rêveur - h 0,61

Un jour nous nous rencontrerons -h 0,40 m

DÉDALE

■4 Maison cage - h 0, 45 m L'Ombre d'un doute - h 0,35 m

Le deuxième grand thème est encore associé à cette interrogation sur le sens du sujet. On est ce que l'on montre, certes, mais encore faut-il que le sculpteur amene au jour ce qui est caché : les méandres du cerveau. Il y a du psychanalyste chez Douziech - mais sans l'ennui du discours. Tous les symboles et les détours sont bons pour donner à voir : construire des façades dont les ombres portées ne correspondent pas à l'ombre réelle de la façade, ériger une tour de Babel complexe pour atteindre « l'inaccessible étoile ». Une très belle image est celle du Minotaure au centre de son labyrinthe : c'est lui le véritable prisonnier et en dévorant l'autre, il ne dévore que lui-même... Pour autant Douziech refuse de se dire pessimiste : la sculpture est pour lui libération, et il revendique sa joie à sculpter. Quel que soit son constat de l'incommunicabilité entre les êtres, il ne se veut surtout pas artiste tourmenté. Après tout, sa sculpture est souvent un « JE » de mots.

LA BÊTE

Troisième grand thème, enfin : la bête. Mais la bête comme métaphore de l'homme. De l'homme qui fait la bête. L'inspiration la plus volontairement dérisoire de l'œuvre. Prenons par exemple le Hhinoféroce, bardé de canons : il est la représentation du surarmement grotesque de la planète, tout autant que de l'isolement de l'individu, bardé de certitudes. Le Bernard-l'ermite renvoie encore à la solitude et aux labyrinthes intérieurs : l'homme qui marche - on peut penser au classique de Rodin- mais un homme en marche, enfermé dans sa coquille. Le propos de Douziech est dans ce détournement surréaliste. Il se dit d'ailleurs « l'éxécutant de ses propres idées ». La tâche de la sculpture est alors de fixer l'idée, pour éviter qu'elle ne se disperse. Le moment le plus heureux est d'ailleurs le jaillissement de l'idée initiale, l'étincelle première. Le travail du sculpteur est d'éviter l'éloignement de l'idée malgré les contraintes de la technique, Nul doute qu'il y parvienne souvent...

Reportage :

Éric Debarb'ieux et Paul Grenet.

Le Rhinoféroce -1 0,50 mt 4 La Licorne -h 0,50 m

HASTAIRE

HASTAIRE nous a reçu dans son atelier, à Paris. Des heures riches d'entretien à bâtons rompus. Nous en avons extrait ces quelques pages.

HASTAIRE

ET

L'ACTUALITÉ DE GOYA

Claude Hilaire, dit HASTAIRE, est né en 1946. Il vit et travaille a Paris et à Bordeaux. Son œuvre déjà considérable comprend de nombreuses séries : Les lies, Scènes d'intérieur, Les couleurs de l'Afrique, Etudes pour le volcan, Peintures de base, les Phares (01 Huit allégories amusées sur un poème de Charles Baudelaire) e enfin récemment, L'actualité de Goya. On peut voir ses œuvres pai exemple au musée Goya de Castres. Elles sont inséparables d'uni série de livres où Hastaire se révèle autant écrivain que peintre citons entre autres, Les Phares, L'actualité de Goya, Peintures dt base (en préparation), tous trois aux Éditions Connivences, 34, rui de Paradis-75010 Paris.

Pourquoi avoir choisi de travailler à partir de Goya et pourquoi votre choix des gravures Les désastres de la guerre ?

■ J'ai tenté d'illustrer une passion. On ne prend pas Goya, l'œuvre même de Goya, comme sujet si on n'imagine pas que Goya est un peintre immense. Mais on ne peut pas abandonner totalement l'image initiale, il faut aussi en faire quelque chose de neuf : c'est à la fois une grande ambition et une certaine soumission. C'est une certaine façon d'aller jouer dans la cour des grands. L'œuvre de Goya est extrêmement vaste et variée. Il fallait choisir un Goya parmi ceux que j'aime. J'aurai pu choisir d'illustrer ma passion pour le peintre de cour, parce que c'est un peintre de cour extraordinaire, c'est le Saint-Simon espagnol. II est frappant de voir à quel point il a été irrespectueux et son irrespect accepté. Ces gens se trouvaient très bien. Ils voulaient surtout se reconnaître dans les tableaux, et pour cela on pouvait un peu outrer la psychologie, ça n'avait pas d'importance, ils étaient les

Biaîtres, ils n'étaient pas menacés. Ils renaient leur laideur, leur dégénéres-ence pour des traits de caractère, pour du aractère...

'ai choisi quelques gravures parmi les ravures de Goya : Les désastres de la ¡iterre, ce sont des scènes difficiles : ombardements, fusillades, accidents ¡'arènes. Ce n'est pas par goût de la mor-jdité mais ce que j'aime chez Goya est némédiablement lié au tragique. J'ai ioisi dans l'œuvre de Goya ce qui est sentiel. C'est-à-dire cette dénonciation il tragique dans ce qu'elle a d'intemporel, ; qu'elle a de préanecdotique. uand Goya peint un bombardement, il ïint tous les bombardements ; quand il =int les fusillades, c'est toutes les fusillais. J'ai eu l'idée de maroufler mes toiles /ec un journal parce quejustement Goya t sans âge, alors il y a cet aspect intem-

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||I1 fallait un journal espagnol, rassem-ur en plus, un journal de rupture, un

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journal qui incarne le mieux l'Espagne d'aujourd'hui. Il y a là une combinaison entre l'intemporalité de Goya, de ce qu'il a dit, la grande conscience qu'était Goya, et puis du jeu formel et ponctuel, cette règle que je me suis fixée à un moment de ne peindre que sur un journal : L'Actualité de Goya, c'est tout ça à la fois. Je n'ai pas de connaissance particul ière de l'actualité espagnole et des médias espagnols, mais suffisamment pour savoir qu'£7 Païs représente ce journal civilisé et assez rassembleur, sans faire d'éloge particulier. J'ai voulu me servir d'un journal que peut-être Goya aurait espéré, un journal à l'image d'une Espagne plus tolérante, plus ouverte. Goya c'est l'esprit de maçonnerie, ce qu'il combat en Espagne, c'esll'obscurantisme. 11 ne faut pas oublier que le tribunal de l'Inquisition siège. Son grand talent a sauvé Goya, on avait besoin de lui. Le cynisme du pouvoir est sans limite surtout lorsque ce pouvoir est sans limite.

De la même façon, ils pouvaient supporter de se voir représenter laids, employer quelqu'un fondamentalement hostile si la pratique et le savoir-faire de cet homme pouvait les servir. Ils se moquaient pas mal de ce valet qu'était Goya. Il ne faut pas oublier ce qu'était un peintre, c'était un valet, quelqu'un qui était aux ordres, pensionné. Au fond, ses idées ils s'en moquaient, il peignait bien. Ils se retrouvaient dans ses tableaux.

Ce qui a sauvé Goya c'est d'avoir été meilleur peintre que les autres.

Vous avez également repris certaines scènes de tauromachie : une autre violence à écarter ?

■ Les scènes de tauromachie ? C'est le spectacle avec sa part de férocité. En ce qui concerne la tauromachie, pas de dénonciation, je n'ai jamais assisté à une corrida. La corrida naît dans sa forme actuelle sous les yeux de Goya. Quand il entreprend l'album de la tauromachie, c'est pour en montrer les différents épisodes et avec une ambition anec-dotique à laquelle son art échappe bien sûr. C'est par souci d'inventaire. Avant tout, il y a fascination pour le spectacle. Je pense qu'à cette époque-là, le spectacle d'un taureau mort ou d'un matador blessé était peu de chose en regard de la violence et de la misère... On était moins regardant sur la férocité du spectacle. Pourquoi le choix de la tauromachie ? Parce que c'est important pour Goya et que là aussi, il y a fascination pour l'image.

Au fond, ce qu'il a le mieux traité, c'est ce qui le fascinait, y compris le pouvoir. Et moi, ce qui me fascine c'est ce qui a fasciné Goya, ce qui me séduit, c'est ce qui a séduit Goya. Il y a quelque chose qui est de la reprise, avec la modestie que cela suppose et bien entendu, la part de jeu. Maintenant, pourquoi telle gravure plutôt qu'une autre ? ça c'est une histoire de peintre. Je n'aurais pas imaginé travailler d'après des gravures qui ne me séduisent pas, même si le sujet m'intéresse. Mon choix est d'abord instinctif, esthétique... Goya avait ce don de pouvoir faire passer l'horreur par la théâtralité. On y croit et on n'y croit pas à la fois. Là, il y a une chose de l'ordre de la mise en scène, et un artiste, c'est quelqu'un qui met en scène, et qui met en scène la guerre aussi. Parce que Goya n'a certainement jamais assisté à une fusillade, en qualité de quoi ? de reporter ? On nous assène toujours ça : « Goya reporter », mais de qui ? de quoi ? pour qui ? pour quoi ? Goya a parfaitement compris que le réalisme ce n'était pas de photographier les choses. C'est d'ailleurs le problème posé à toute création, au roman, au film, l'actualité de Napoléon en deux heures ! Si vous commencez au début, au bout de deux heures vous en êtes encore à la tétée ! Il faut ramasser les événements, dans l'espace d'une gravure ramasser toute l'absurdité du monde.

Sans témoigner sur une guerre précise, je veux dire tout le dégoût que ça vous inspire. C'est ça le pari. Et faire aussi de façon à ce que par la beauté des noirs, la beauté des blancs, par la distribution de la lumière, d'abord on regarde quelque chose de beau, on regarde quelque chose d'esthétique, c'est-à-dire quelque chose qui vous fait plaisir avant de vous effrayer, Goya arrive à faire passer l'atrocité du thème par la beauté de son trait et ça, c'est l'art même.

Mais pourquoi reprendre l'œuvre d'un autre, fut-il Goya ? Quelle est votre part dans cette reprise ?

■ Ce qui m'a intéressé c'est la part de distorsion. Evidemment, la distorsion c'est d'abord la reprise, ce n'est pas un dessin servile,c'estun dessin interprété ; ensuite le support et les couleurs qui sont distribuées arbitrairement, de la même manière que la distribution de noir et blanc. Ces couleurs c'est le bon plaisir de l'artiste, l'aspect le plus amusant : mettre de la Couleur là où j'ai envie d'en mettre, d'une façon arbitraire par rapport au propos de Goya, par rapport à ses gravures mais pas arbitraire par rapport à ma façon de travailler, c'est-à-dire avec un goût pour l'économie.

J'ai toujours travaillé avec très peu de couleurs, préférant la nuance aux couleurs. Ceci est une gravure de Goya réinterprétée amoureusement par un peintre qui illustre sa passion pour cette œuvre. On prend ses sujets où sont ses passions : la situation de la guerre, si elle a quelque chose à voir dans ce sujet, n'est pas tout l'objet de l'entreprise. L'entreprise est

picturale : elle tente de reprendre les images à son compte et comme elle peut. Prendre l'œuvre même d'un peintre comme sujet, cela n'est possible que dans la mesure ou l'on arrive à en faire quelque chose de neuf et quelque chose qui aurait à voir avec sa propre peinture. Il s'agissait peut-être de m'évader par rapport à mes sujets actuels, mais non pas de m'évader par rapport à la forme même de ma peinture. La peinture vaut par la part d'aventure qu'elle suppose, et on a toujours tendance à croire que ceux qui savent se servir d'un pinceau, d'un crayon ou d'une caméra, font les choses avec facilité alors que ceux qui le font avec le plus de facilité sont ceux qui ont peut-être travaillé, ceux qui auraient le plus souffert dans le sens ou le travail est une souffrance, mais il ne faut pas que cette souffrance se voit. Les artistes, ce sont ceux qui ont compris que le travail decoulisse, c'est-à-dire cette pan de souffrance qui entre en toute activité... doit disparaître au profil de l'évidence. Pour moi, une œuvre d'art c'est une évidence ; un bon artiste, c'est quelqu'un qui aime travailler. L'exercice de l'art comporte sa propre souffrance, mais je veux dire que là, je serais tenté de mettre des guillemets, d'abord parce que rien ne

vous oblige à souffrir, sinon peut-être une à la première des tentations qui serait de

urgence, une histoire entre soi et soi. se décourager.

Peindre, c'est aussi se battre pour pouvoir Propos recueillis par

peindre et donc résister à des tentations, et ■ Éric Debarbieux et Paul Grenet

Si, dans ces pages, il nous donne à voir un bas-relief en plâtre, c'est la technique du modelage qui a inspiré ses premiers gestes.

« Cette technique du modelage qui procède par ajouts successifs [...] (où) chaque geste me donne la sensation d'ajouter un peu plus de vie à l'objet qui prend forme, peu à peu, sous ma main. J'ai l'impression de transmettre une énergie vitale. Pour moi, la forme, le volume, la masse sont l'expression d'une dynamique intérieure et cette vie contenue, parfois invisible ou secrète mais toujours présente, me fascine. Ce basrelief, « Stèle pour une chatte inconnue morte par vivisection », représente une chatte en buste ; la tête ronde, animée par trois yeux, montre l'égarement, la folie ; le collage du couteau (couteau qui a appartenu à ma mère, qui lui servait à tuer ses volailles), couteau qui me plaisait par sa forme fine, ajoute à la composition une certaine cruauté et l'équilibre par sa situation sur la poitrine. Pour donner plus d'acuité, j'ai creusé dans le plâtre des lignes droites. J'ai voulu montrer mon horreur de la vivisection. J'avais lu le très bel ouvrage de Malaparte, « La peau », où il est question de la vivisection d'un chien. La technique employée est celle du creusement de plaques de contre-plaqué effectué à la gouge. Je calque mon dessin sur le panneau, je creuse en présentant le panneau à la lumière frisante pour vérifier le relief. La figure en creux achevée, je l'enduis de savon noir pour obtenir un isolement entre bois et plâtre. Je coule ensuite le plâtre liquide et je termine avec des plaques de filasse enduites de plâtre. Le démontage est toujours délicat ; il faut obtenir un décollement parfait sans arrachage. Le résultat est toujours une surprise totale. Le plâtre sec, je gratte légèrement la surface en conservant le maximum de sensibilité. Je conserve précieusement les modèles en bois pour pouvoir en tirer quelques exemplaires. Le modèle lui-même est très souvent une œuvre d'art car ie jeu des couleurs du contre-plaqué, les creux laissent apparaître des tons intéressants. »

Stèle pour une chatte inconnue morte par vivisection, relief en plâtre avec collage d'un couteau, 1984, 33 x 60 cm.

Bernard FROMENTIN

BERNARD FROMENTIN

□ Interviewé par Anto Alquier

un papivore

peu ordinaire...

- Qui êtes-vous ?

- Je suis enseignant-peintre ou peintre-enseignant. Après cinq années d'école d'art à Nantes, j'ai accepté un poste d'enseignant en arts plastiques. Je partage donc mon temps entre un travail et une réflexion d'ordre pédagogique et, parallèlement, un travail de recherche plus personne!.

Mener de front ces deux types d'activités n'est pas chose facile, m'oblige à une constante remise en question et, face à mes élèves, à agir avec beaucoup d'humilité.

- Qu'est-ce qui vous a donné l'idée d'utiliser le papier de cette manière ?

- Le papier est un matériau facile à récupérer, pas trop coûteux, avec lequel on peut se livrer à de multiples expériences. L'approche avec la matière papier avait, au début, quelque chose de ludique. Il y avait un contact très libre avec la pâte à papier me permettant tous les tâtonnements.

Et c'est, d'ailleurs, toujours le cas. Il n'y a pas le blocage traditionnel que l'on rencontre parfois face à la feuille blanche. A l'instant zéro, il n'y a pas de feuille du tout, il n'y a rien, si ce n'est une intention, une énergie qui me porte à agir. Dans ce type de travail, la feuille se construit, s'organise en même temps que le dessin ou la peinture.

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L'idée initiale se modifie pendant la réalisation, le dessin préparatoire me place sur une trajectoire. Il m'est difficile de dire que le sens est secondaire mais, ce qui prime, c'est l'émotivité, c'est le contact avec la matière qui doit conduire au sens.

« Le tableau n'est pas pensé et fixé d'avance, nous dit Picasso. Pendant qu'on le fait, il suit la mobilité de la pensée. Fini, il change davantage selon l'état d'esprit de celui qui le regarde. »

Je me retrouve là entièrement. Ce qui, pour moi, a de l'importance, ce n'est pas que le spectateur découvre un artiste de plus, mais bien que mes travaux l'aident à découvrir une partie de lui-même.

- A propos des matériaux que vous Incorporez dans vos pâtes à papier, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

- Au départ, ce sont sans doute les papiers collés de Braque et Picasso qui m'ont aidé à poser le problème du collage. Puis, plus tard, il y a eu Schwitters, Rauschenberg et, finalement, les artistes du Land-Art et notamment Nils Udo.

Je pense qu'il est intéressant d'utiliser des objets, fragments du réel. Dans le contexte du tableau, les éléments-objets sont à redécouvrir

L'autre raison, c'est l'attrait pour la matière elle-même, l'épaisseur, le relief que l'on peut donner à la feuille. Une énergie semble l'habiter, elle paraît réagir aux traitements qu'on lui fait subir. Une bonne partie du travail est effectuée dans l'humide et l'effet ne se juge qu'une fois l'ensemble sec. Il faut donc être attentif, saisir, amplifier, corriger, gommer les petits accidents dus au hasard. Il faut apprendre à maîtriser le hasard et, en même temps, il faut créer les conditions pour des surprises toujours renouvelées. C'est un dialogue qui s'établit avec le tableau jusqu'à ce que celui-ci acquière sa propre autonomie.

- Comment travaillez-vous ?

- Je commence souvent par réaliser des dessins, des esquisses, avec des recherches de tons, de nuances, en utilisant l'aquarelle. Je cherche à résoudre des problèmes d'ordre plastique : équilibre, tension, rythmes... sur le thème très général du paysage.

Un paysage que l'on s'invente à mi-chemin entre le réel et l'imaginaire, entre le jardin vu de ma fenêtre et Babylone. Très vite, la pâte à papier, gorgée d'eau, est étalée sur le sol et le travail de composition commence : recherche de formes, de directions, ajouts d'objets divers insérés dans l'épaisseur du papier.

et d'autres valeurs s'imposent. Insignifiants sur le bord du chemin, ils sont l'objet de toute notre attention une fois placés dans le tableau. De plus, ils conservent un double statut : ils sont à la fois image parfaite de la réalité, semblable à, et, en même temps, mis en scène dans une image produite pour. Il ne s'agit pas tant de copier le visible mais bien d'utiliser la force émotionnelle, la dimension poétique et suggestive des matériaux collectés. Que ce soient des branches, des feuilles, des herbes, du fil de fer, du cuivre, des pierres, des plumes, du grillage plastique, ces matériaux sont utilisés comme vocabulaire plastique au même titre qu'une touche de peinture acrylique avec toute sa puissance suggestive.

Toute peinture est abstraite, en ce sens qu'il s'agit de pigments, de liants étalés sur un support. Je trouve mes travaux, de par l'intégration de matériaux, de par la composition, plutôt figuratifs.

Penser qu'un tableau puisse avoir tant d'impact sur les gens, que cela puisse suggérer tant d'images, produire tant de réflexion dépasse parfois mon entendement.

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— Vos œuvres sur papier ne sont-elles pas fragiles ?

- Le problème de la conser- ] vation se pose, mais pas plus que pour tout travail effectué : sur papier. Les réalisations ne sont pas éphémères. Elles ne supportent pas trop les manipulations mais, dans l'ensemble, elles résistent plutôt bien au temps.

Je ne travaille pas pour la postérité, ni pour susciter un placement financier. Je suis sûr que mes productions représentent une certaine i somme de travail. De là à être des oeuvres... l'avenir le dira peut-être.

Pour ma part, le tableau rectangulaire, aux dimensions codifiées, n'est pas une obligation. Mes réalisations s'apparentent à des fragments d'une image qu'il faut compléter avec notre imagination. Un peu comme les fresques de Pompéi ou comme notre mémoire : il y a des zones de pleine lumière, des zones qui tendent à s'effacer et restent des espaces absents ou sombres, profonds comme l'oubli.

DUTERTRE

lean-claude

iché avec femme et enfants à Mauvezin-d'Armagnac (40240), aux frontières du Gers, Jean-Claude vit de sa peinture dans le calme et le recueillement de ce petit village. Une fois pour toutes, il a mis un trait sur la vie parisienne. Dans son vaste atelier ouvert sur le ciel, avec un entêtement patient, réfléchi et une grande lucidité, Jean-Claude règle quotidiennement ses comptes avec la toile blanche, miroir des drames qu'il met à plat jusqu'au seuil de l'illisibilité. Figuratif ? Non-figuratif ?

Sitôt que l'œil croit trouver une image, sa lecture est remise en cause, piégée par le rythme et l'ardeur de la composition colorée.

Et nous voilà forcés de rentrer dans la peinture sans autre réfèrent que la peinture elle-même. Placez-vous à distance, puis doucement approchez. Tout est à voir, jusqu'à le perce-voir.

Durant 1991, une grande exposition aura lieu à l'abbaye cistercienne de Flaran, dans le Gers, département de naissance et d'affection de Jean-Claude.

Anto Alquier. !

-A part la peinture, c/ue sais-tu faire ?

- Ce qu'on sait faire on ne le sait jamais très bien tant qu'on n'a pas essayé de faire. J'apprends à comprendre tous les jours, parfois je me sens totalement borné. L'analyse tourne trop court à mon gré. C'est une affaire de forme physique. L'énergie manque, plus de jus. 11 m'arrive de savoir parler.

- Quel a été ton cheminement pictural ?

- Je suis parti d'un double attrait. D'un attrait pour la peinture des musées et très vite pour l'école de Paris des années 50. Puis, partant de là, j'ai progressivement découvert toute la peinture moderne. Je me suis toujours intéressé à tout ce qui se faisait, mais en enracinant mon système critique, mon regard, sur l'admiration que j'éprouve pour Vinci, Poussin, Chardin, Ucello, Giotto, Cimabûe, Caravage, Goya puis Cézanne, Klee, Rauscheneberg, Bram Van Velde, Bissière, Estève, Monet et bien d'autres... Comprendre, aimer la peinture c'est débusquer la modernité. Toute une affaire comme chacun sait. Elle est de tous les temps multiforme.

- Ta peinture se présente-t-elle comme une synthèse de tous ces peintres ?

- Nous sommes tous des alchimistes qui nous ignorons. Notre mémoire engrangeet l'esprit choisit. C'est le résultat de toutun système de filtrages qui procède d'une pensée et des aléas d'un parcours. C'est tout cela qui à un moment donné crée une situation, un état de l'esprit qui engendre l'inspiration. L'idée en quelque sorte lorsqu'elle prend assez de corps pour devenir un projet ; une sorte de mirage vis-à-vis duquel il faut se battre pour préserver une certaine liberté pour que la peinture advienne.

- Quelle attitude faut-H avoir pour aborder la peinture ?

- Il faut d'abord avoir envie de regarder. Or, cela se cultive autant chez le peintre que chez l'amateur. Il est clair que plus on fréquente la peinture, si ce n'est le dégoût, plus l'appétit vient. Pour goûter il faut de l'appétit. A force de regarder on voit, et le jeu de la préférence se fait. Et un jeu de questions s'organise, base d'un système critique.

Toul le monde possède une culture. Elle peut soit aider, soit handicaper, La culture c'est tout ce qui se présente à ton esprit lorsque tu regardes quelque chose, Les associations d'idées ne se font pas par hasard. Le « je n'y connais rien » est un système de défense. On ne peut pas savoir à quel degré se situe le mensonge, la manœuvre, la crainte d'être pris pour un idiot, l'orgueil donc. C'est un petit jeu banal, mais ce n'est pas parce qu'il est banal qu'il est simple. Moi j'ai tendance à préférer les gens qui regardent ma peinture simplement, sans chercher à se créer une silhouette. Un bon tableau, quel que soit le système par lequel il est passé, possède assez d'énergie, déchargé émotionnelle pour provoquer une réaction qui va évoluer avec le temps. Il faut prendre son temps. Tout individu suit un itinéraire. Ou bienson esprit lui oppose un système de défense contre lequel il doit se battre ou, au contraire, il est relativement détendu, libre. Et à ce momenl-là, il se laisse emporter par son esprit. Le bagage que chemin faisant il acquiert lui permet d'aborder la peinture avec un système d'interrogation ouvert, sans interdits. Il ne faut jamais cesser de tendre à faire le ménage. Je produis assez peu, car j'ai tendance à vouloir que chaque toile soit une totalité. Au-delà d'un certain formai, il faut qu'elle soit l'aboutissement d'un projet. Je réalise un certain nombre de dessins et d'aquarelles. Et puis émergent des urgences, ludiques ou graves. Il y a toujours cel arrière-plan de travail préalable, de réflexion, de passages à travers un certain nombre d'émotions, d'expériences et je passe alors de l'allusion qui est sur le papier à quelque chose de plus affirmé, de plus mûr qui est la peinture à l'huile. Et là je ne suis à l'aise qu'au-delà d'un certain format car je sais que compte tenu du format, je vais me donner le droit de passer suffisamment de temps pour pousser le plus loin possible ma proposition. Parfois il y a un sujet, parfois il m'arrive de passer au travers d'un jeu comme le rugby ou d'un art comme la tauromachie, l'opéra. Ça peut être un sujet érotique, une action, une situation, un conflit. Si je désire un sujet relativement apparent, je garde de préférence un certain nombre de signes, de blocs qui rappellent l'image. Soit au contraire, je tire de mes recherches un argument purement thématique qui devient le support d'une composition, d'une figure. Qu'il y ait ou non un argument initial, identifiable en tant qu'histoire par l'image, il faut exprimer cela avec une écriture, des formes, des couleurs, des valeurs, des intensités, des rapports de force qui servent le sens ou le non-sens, Aussi calme que soit une peinture, elle contient une part de violence ; aussi violente que soit une peinture, elle contient des zones de calme, Ce jeu-là fait le drame du tableau. Une peinture doit être un corps vivant immobilisé par cette prestidigitation qu'est l'acte créateur.

C'est d'ailleurs ce qui peul amener l'individu qui peint ou l'amateur à trouver dérisoire la tentative. A partir du moment où l'on a accepté de jouer ce jeu-là, le problème de la qualité est la seule question à se poser. Percevoir à la limite : devoir du peintre et de l'amateur. 11 faut examiner ce qu'une peinture engendre comme type de questionnements, comme type de plaisir, comme mode de jeu. Ce qui compte c'est son pouvoir de durer, de renouveler le plaisir, l'émotion. L'intérêt du commentaire sur la peinture permet de mettre en évidence que la façon de perce voir d'un tel est très proche de celle qu'on a soi-même. Cela permet une prise de confiance et dans le cas contraire on apprend des choses sur ce qu'on fait, sur soi-même, sur la lecture, les fantasmes.

-Il n'y a donc aucune spontanéité dans ta peinture ?

- J'utilise comme support des choses qui ont été spontanées et que j'ai mises en observation. Je ne pense pas que la spontanéité existe nue. La chose la plus spontanée est plus ou moins' inconsciemment le produit de toute une démarche. Celui qui n'a jamais dessiné et qui va subir l'impulsion de tracer quelque chose peut: croire que c'est très spontané mais, en réalité,1 c'est un produit mis sous pression et cultivé depuis très longtemps.

- La perception que le public a de tes œuvres est-elle une source d'enr ichissement ?

- Oui, complètement. Montrer ma peinture fait partie de mon travail. Vous m'apprenez autant de choses quand vous réagissez devant une toile que lorsque je prends du recul et que, je me pose des questions sur la façon dont je vais poursuivre ou arrêter... en cherchant l'ouverture.

Le peintre est sans cesse amené lorsqu'il montre sa peinture à se revoir face à son tableau, face à la raison qu'il a de faire ce tableau.

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Pourquoi la peinture ? Pourquoi l'existence de l'art, de l'œuvre d'art et du sacré ? Chaque fois qu'un peintre montre sa peinture, quelle que soit sa situation, il vit toujours un moment de doute. La peinture, pour moi, n'est pas tranquillisante et ça n'est pas original.

- T'arrive-t-il d'avoir des repentirs, de reprendre line toile que tu avais jugée terminée 1

- Très souvent. D'ailleurs je ne juge jamais une peinture achevée. J'ai beaucoup de difficulté à conclure. Je suis capable de reprendre une toile au bout de dix ans, même des toiles déjà vendues quand elles appartiennent à des gens qui veulent bien me les confier. Il s'agit d'amis avec lesquels s'instaure un dialogue. Leur curiosité peut l'emporter. Mais il y a des toiles qui se prêtent à une évolution. D'autres non. Certaines sont achevées, je ne peux plus rien pour elles.

-Lapeinture comble-t-elle ta vie ? - La vie m'occupe entièrement : dans tous les aspects que je distingue et qui se confondent... Le fa.t de vivre de ma peinture-c'est une exigence que j'ai eue très tôt - m'oblige à avoir un rapport de peintre avec la société ; c est-Hi e rapport de quelqu'un qui a le temps de regarder autour de lui et de vivre parmi les autres pour cultiver es raisons de peindre et d'avoir des choses à dire et à peindre. J'ai envie d'être aussr fort que les grands peintres. Du coup je ne suis jamais content et c'est la moindre des choses... Cela n'exclut ni la douleur m le plaisir !

Propos recueillis par Anto ALQUIER.

Sandra Jayat

■ Sandra Jayat, née de parents tsiganes, quitte l'Italie à l'âge de quinze ans. Elle prend la route avec comme seul bagage un petit ours en peluche et, quelques mois plus tard, se retrouve à Paris.

Partir... La tête fartie de traditions, de coutu mes. La nuit « l'âme du mort va revenir », le mulo... Il fallait survivre et continuer. Le but : quitter l'Italie, passer la frontière, six mois d'un racisme épouvantable... Quelques jours de désespérance... et la pensée souvenir de son grand-père qui lui avait dit et redit dans son enfance : « Un jour, on ira à Paris. Django, il est aimé de tous là-bas. » Ces mots fidèles l'accompagneront jusqu'à Paris. Là, ne parlant pas français, ne sachant ni lire ni écrire, parlant mal l'italien et le manouche, avec ses maîtres, le silence et la volonté, des heures assises devant les affiches publicitaires... une lettre par-ci, une lettre par-là... Sandra Jayat décida d'apprendre à lire et à écrire seule.

A dix-sept ans, elle sait et elle écrit, ou elle peint tout le temps, partout. Grâce aux notions de dessin que lui avait données son père, Sandra dessine sur des abat-jour : premier argent gagné pour un petit loyer. Sans jamais oublier ce que lui avait dit son père : « Fais ce que je dis, ne fais pas ce que je fais. Toi, ne peins pas la nature, identifie-toi à la nature. » Elle peint et dessine de plus en plus.

Autoportrait

UN DESTIN EXCEPTIONNEL

Quand tu ne sais plus où tu vas, tu dois savoir au moins d'où tu viens.

La pensée de Sandra Jayat qui illustre sa vie.

Village cosmique

Sous SES DOIGTS D*INFINI

Guitare

Je te chante

D'un soleil sans rive

A une rive sans soleil

Avec un bruit de mémoire

A la lumière de ton cœur

Jamais par l'été

Un silence ne s'est abandonné

A l'ombre d'un arbre

Jamais sous la tristesse

Brillant^d'une étoile

Le vent n 'a soufflé sa fécondité

Guitare Tu me contes L'image du temps J'entends la voix De ses doigts d'infini Et je viens Sous l'aile rapide

Du rêve

Main d'artiste Tes doigts

Comme des yeux grands ouverts Prennent jusqu'à ce que coule la source Les cœurs, les arbres et les choses

Errante main pensante Qui fait du mur un champ D'une femme une mer D'une pierre un oiseau

Sandra Jayat, poète, peintre, écrivain chante l'amour, l'ombre, le vent, la passion, le soleil... dans son œuvre picturale.

Poétesse, peintre et gitane, une merveilleuse combinaison.

André Maurois

L'oasis

L'homme peut vendre les étoiles par les épines de la liberté

Faux pas

J'ai forgé ma silhouette Pour ne pas me salir aux heures Aux coups des nuits des solitaires Des renfermés sous le soleil

Je donne un sourire blindé

Vous êtes contents moi je m'angoisse

Oui j'ai raté ma mise en terre

Les nœuds s'entassent dans mes entrailles

Le dieu de la chance est sur mes lèvres Vêtu de rêves festonnés de sommeil Je m'étire sur la vague d'un hier Qui me fait face m'insulte et me dédaigne

Je crie au diable les injustices Le feu rampe sur ma destinée La glace attend avant d'agir Les mots doivent avoir une coquille

Il ne faut pas toucher au destin Il s'est tracé ce qu 'il voulait J'ai voulu chercher sous son emprise Le temps a fait un faux pas

Je viens de casser un mot en deux Avec ma tête j'ai ressorti Tout ce que contient son ventre Et je me perds en regardant les murs

Les mots n 'ont pas inventé Le silence

Rencontres fabuleuses

A Paris, sur la butte Montmartre, place cosmopolite s'il en est, Sandra Jayatne se sentait pas étrangère grâce à une fraternité inespérée qui l'aida beaucoup.

Écrire des poèmes, c'est la première idée qui est venue... sans savoir que c'étaient des poèmes. Ces petits textes écrits, Sandra les déchirait en petits morceaux et les jetait, jusqu'au jour ou un grand mon sieur froid, glacia 1, ramassa les bou ts d e papier, rassembla les mots et dit : « Ce que tu viens d'écrire est un poème ». Cet inconnu était Marcel Aymé qui, plus tard, évoqua la « musique intérieure » de Sandra Jayat.

Une autre vie commençait.

Sandra Jayat n'allait plus écrire « pour la poubelle »mais« pour la vie ».Ce futlepremier recueil de poèmes, Herbes Manouches. Jean Cocteau en dessina la couverture. Le deuxième recueil, Lunes nomades fut préfacé par Marcel Aymé, et la couverture de son troisième livre, Moudravi, où va l'amitié ? est due à Marc Chagall. Son roman pour la jeunesse, La Longue Route d'une Zingarina, aux Editions Bordas, invite le lecteur à comprendre le chemin, la vie, l'âme de Sandra Jayat.

Souviens-toi

Dans son livre Je ne suis pas née pour suivre, elle choisit des poèmes inédits accompagnés de reproductions de tableaux récents. El Romanès, son dernier roman, s'inscrit dans la suite logique de la dynamique créée par La longue Route d'une Zingarina, mais dans une écriture beaucoup plus évocatrice et poétique. «Quand j'écris un livre, ça ressemble à ma peinture... mots... phrases un peu fermées, mais je ne sens pas la claustrophobie », me disait Sandra Jayat. :s Tout en écrivant, la peinture tient de plus en plus de

place dans sa vie. Elle fait ses premières expositions chez des décorateurs, expose en permanence ses aquarelles, ses huiles et ses lithographies pendant près de dix ans, à la Galerie Adès à Paris. Entre deux expositions, ie elle écrit un conte pour enfants, Kuurako,ou la Guitare aux

cordes d'or, une légende chère à son cœur, Le Roseau d'argent, des comptines chan tées par Suzanne Gabriello (Unidisc).

Le temps d'un disque, Sandra Jayat, en surimpression sur les musiques de Django Reinhardt et Stéphane Grapelli, chante l'immortelle et vagabonde âme gitane. Un autre témoignage de son art se trouve dans sa Pastorale des Gitans, un disque 33 tours, aussi bien que dans un décor de quinze mètres de long appelé Vagabondages, qu'elle réalisa pourTFl en 1983. Voici ce qu'en disait Roger Gicquel :

« Sandra Jayat avec son cheval-guitare a, pour la première fois, fait sortir la télé de la prison d'un studio. »

Le temps s'immobilise dans un rêve qui bouge.

Par toi Moudravi je réponds à la route

J'avance lentement sur l'algue de douleur

J'avance au fond du vent

Qui ne prend pas la vie par l'atroce

J'avance par toi Moudravi

Qui circule sur le vert du jour

Toujours nouveau

Sandra Jayat, écrivain._

- Herbes Manouches, poèmes, Éditions La Colombe ;

- Lunes nomades, poèmes, Éditions Pierre Seghers ;

- Moudravi, où va l'amitié ?, Éditions Philippe Auzou ;

-Je ne suis pas née pour suivre, poèmes et peintures, Editions Philippe Auzou ;

- Kourako, conte, Éditions Castermann ;

- Les deux Lunes de Savyo, conte. Éditions Castermann ;

- Le Roseau d'argent, conte, Éditions Castermann ;

- La Pastorale des Gitans, poèmes chantés, Uriidisc ;

- La longue Route d'une Zingarina, roman, Éditions Bordas ;

- El Romanès, roman. Éditions Magnard.

L'insomnie

L'œuvre picturale

Autodidacte, Sandra Jayat n'a que faire des critères ou des < règles d'atelier. Ses œuvres prennent corps dans ses rêves où la poésie s'exprime par la couleur, par le rythme des lignes, par l'irréalité du sujet, par le naturel de l'inspiration. Elle est toujours, comme elle le dit elle-même, entre les deux états qui peuvent sembler si contradictoires que sont le rêve ' et le réel et qui se fusionnent dans le « surréel ». Sa peinture, par la richesse de ses couleurs, imprime les merveilleux poèmes de sa vie. Dans ses tableaux passent tous les reflets, toutes les ombres, tous les miroitements, tous les fantasmes d'une personnalité en proie à un désir intense de vivre. Comme elle le souligne, « Le bleu c 'est mon enfance, le lac Majeur. » La femme et la fleur, l'espace et le rêve, autant de thèmes qui appellent et suscitent l'amour. Les éléments de la nature : le ciel, la terre, l'eau, le feu, le liquide et le solide s'accompagnent pour suggérer les sujets fantastiques issus d'un rêve où formes et couleurs se mêlent, s'interchangent et nous introduisent dans la cosmogonie du peintre.

L'imaginaire est roi chez Sandra Jayat. Quand la figure humaine, les fleurs et autres thèmes fournis par la nature ne lui suffisent plus, l'artiste en invente d'autres et n'hésite pas à recourir à l'écriture.

Le long chemin de son œuvre a fait une première étape dans le flou, le caché, une deuxième dans une période plus surréaliste et plus graphique et la troisième période est une halte dans l'abstraction.

Son œuvre est un espace, peinture et écriture : la vie.

Ariette Laurent-Fahier

après une rencontre avec Sandra Jayat ■

Apparences déguisées

« C'est la nature même qui crée par l'intermédiaire de l'artiste. »

Paul Klee

Danse pour la lutte

Giuliano BRANCALÉONI

Giuliano Brancaléoni

Par Sandra Jayat

Giuliano Brancaléoni est né en Vénétie (Italie), il est installé à Bolzano au pied des montagnes du Haut-Adige. C'est un Zingaro, un Tsigane italien et sa famille comprend, par exemple, le grand danseur El Camborio. Après avoir passé une partie de sa jeunesse à s'identifier aux diseurs de.légendes et de mythes, caractéristiques des hommes vivant sur les versants orientaux et occidentaux des montagnes, il s'est intéressé à la peinture.

Il a fait des voyages d'études en Italie, en Espagne, en Suisse, en Allemagne, en Autriche et en France. Il s'est initié aux secrets de la peinture des anciens à Florence, où il a appris la restauration. C'est un excellent dessinateur et un grand technicien. Il prend le temps qu'il faut. Il s'en va, à Florence ou ailleurs, il regarde, il apprend. Le silence, c'est le plus grand maître.

Quand on vit entre des murs, lorsqu'on est un Tsigane, on garde la nostalgie au fond de soi. Travailler beaucoup, ça empêche de voir les murs...

Le trait sûr de ses projections d'images, l'harmonie et l'intensité de sa couleur se fondent et nous entraînent dans un univers cosmique en nous engageant à réfléchir sur les problèmes de l'être. Quand Giuliano Brancaléoni peint, il ne rejette ni la face nocturne de cet univers, ni les fantasmes de ses désirs ; ses visions peintes sont un voyage dans l'imaginaire de l'invisible.

Donner à voir est la mission de son monde intérieur. Ses représentations naissent sous des formes classiques, surréalistes ou réalistes et il en résulte toujours une unité nouvelle avec un rapport nouveau entre les formes.

Le grand sculpteur Berrocal pouvait lui dire récemment (et Brancaléoni est aussi sculpteur) : « Cher Giuliano !

Je t'ai vu monter aux sommets. L'âme chargée de pinceaux et de couleurs. J'espère que ces sommets té servent d'Olympie. »

■ Sandra Jayat

Frangine GUET

Gaston CHAISSAC Robert COMBAS

Francine

GUIET

La TOILE souple, passive u tendue sur le mur attend l'enduit qui va la raidir, l'offrir à la musique du geste.

Je prépare les couleurs, souples, légères pour qu'elles se fondent dans la toile, qu'elles fassent corps avec elle.

J'attends l'accord, la vibration, la résonance tend mon corps, inspiration, souffle, palpitations

presque une inquiétude,

puis le silence, l'apaisement, l'assurance

le bras se lève, précis

le geste court, ardent, véhément

signes, formes éclatent, s'épanouissent

sur la toile consentante.

Expiration

Volonté de tracer, non de dire, nécessité de rendre visible cette multitude

vivant sur des territoires intérieurs

inconnus...

Espace dance, toile libre 1988-89, 1,50 x 1,50 m.

même de moi.

F. (îUIET

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Sinnes et Rythmes, automne 1988.

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T1 aire le verbe falsificateur, laisser errer la main et s'abandonner à la magie du rêve : ce que fait Francine en peinture, je me sens impuissant pour le dire en écriture tant il est difficile pour moi de parler de ce qu'elle donne.

Mais que puis-je dire de ses œuvres, de son œuvre, déjà, tant elles montrent de continuité dans la volonté manifeste de faire surgir des limbes incertains de notre univers émotif bafoué, conspué, sans cesse tyrannisé par la géhenne d'images oppressives, de faire naître ou renaître les fulgurances foudroyantes de notre émotivité ?

Les signes ont évolué : de concomitants qu'ils ont été, puis cabalistiques (il fallait des clés, voire des noms périphrastiques aux œuvres), ils se sont progressivement dégagés de leur gangue conceptuelle ou idéographique renvoyant obligatoirement à une certaine appréhension du senti et à la contingence d'autrui pour atteindre ce qu'est l'émotion, c'est-à-dire l'abstraction pure, cette émotion aussi bien castratrice d'actes que révélatrice de la prodigieuse force de vie dont nous sommes animés.

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Car au gré des écheveaux sensuels de flammèches de couleurs, de lumières, de trajectoires si fortement ébauchées qu'elles génèrent le rêve, on sent la Vie sourdre au détour de chaque frappe, de chaque caresse de la brosse frémissante en quête de l'espace, de la dimension que la toile ne contient plus.

V oir lin tableau de Francine Guiet, au détour d'un couloir, au hasard d'une exposition, c'est plonger dans un univers émotif comparable à celui d'une chorégraphie sauvage et sensuelle où tout ne serait que couleurs, mouvements et sons car les toiles de Francine sont également musiques tant elles sont bruissantes de vie...

Peintures, chorégraphies, feux follets de l'âme, rêves enfouis de 1 être, signes magiques, acharnement de l'artiste voulant révéler l'avers de notre être, dominer les apparences pour laisser exploser son intériorité, montrer nerveusement qu'elle n'est pas le « visible » qu'on a d'elle mais qu'elle est une autre, que le creux de son être recèle des richesses qu'elle n'épuisera jamais elle-même et qu'elle essaime, voilà ce que m'apportent les œuvres de Francine Guiet ; mais je ne suis pas sûr qu'elles ne m'apportent rien d'autre, mais quoi ?

A ce niveau se situe l'art de Francine : je sais que son contact me révèle un autre monde, mais je ne sais lequel, et je suis heureux de ne pas le savoir.

Serge TURQUAND

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Vinyl sur toile, 1988, 0,75 x 1,50 m.

Espace mar, 1989, 1,50 x 1,50 m.

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Porte de placard peinte à quatre battants, 1953 -

247, 65 x 138, 5 cm, musée de l'Abbaye Sainte-Croix, Les Sabies-d'Olonne.

On retrouve sur ces quatre panneaux qui formaient le placard du couloir, les principaux, ingrédients de la facture chaissaquienne : assemblage de formes imbriquées où apparaissent un visage embryonnaire et un serpent qui évoquent les figures des gouaches de 1938-1940, personnage féminin coiffé, compositions abstraites sur fond uni ou moucheté. L'harmonie particulière des teintes rabattues à dominantes brunes, rose-orangé, rouges et vertes confère à cet ensemble un caractère sombre auquel le visage jaune de la femme et son regard bleu et fixe ajoutent une note angoissante, peu compatible avec l'atmosphère d'une maison familiale à laquelle Chaissac ne fait aucune concession.

Travail de commande, ce panneau, lourd de tous les conflits intérieurs du peintre, est le contraire d'une œuvre de circonstance. Du point de vue stylistique, il préfigure les nouvelles séries de peintures à formes imbriquées que Chaissac, reprenant goût au maniement du pinceau, va produire à partir de 1957.

Françoise FA UCONNET-BUZELIN

Gaston

CHAISSAC

1910-1964

Chaissac a découvert la peinture en 1927 lorsque la nécessité de la recherche d'un emploi le conduit à Paris et que le hasard lui fait partager le même immeuble qu'Otto Freundlich, un des pionniers de la peinture abstraite.

C'est plus une initiation artistique (l'enseignement d'une morale) qu'un apprentisage pratique dont Chaissac est redevable envers son premier guide sur le chemin de l'art.

L'enseignement ne dure que six mois. L'état de santé de Chaissac le contraint, pendant cinq années, à la vie des sanatoriums. Son « désir artistique », déjà mûr et réfléchi, l'incitait à mener de front deux esthétiques très différentes :

« Je donne à mes peintures naïves, dessins d'enfants, toujours plus de simplicité... Quant à mes dessins abstraits à la plume, je les pousse à un très haut degré de raffinement, ils représentent mes pensées intimes, mes rêves, mes aspirations, mes déceptions. » (Lettre à Freundlich, 1949.)

En 1942, Chaissac s'installe à Saint-Rémy-de-Provence pour travailler chez le bourrelier du peintre cubiste Albert Gleizes. Pendant six mois, il a à nouveau l'occasion de s'insérer dans le monde artistique, en contact avec des artistes parmi les plus théoriciens de la peinture d'avant-garde comme André Lhote. A nouveau, Chaissac, à partir de 1942, va connaître la solitude. Il s'installe en Vendée, région qu'il ne quittera plus qu'à sa mort en 1964.

En 1946, Chaissac entre en contact avec Du buffet. « Je vois et ressens bien des choses comme lui. » (Lettre à Jean Paulhan, 1946.)

L'amitié qui un temps unira les deux peintres, incite Chaissac à participer en 1949 à l'exposition qu'organise Dubuffet à la galerie Drouin : « L'art brut préféré aux arts culturels. »

Durant les années 60, l'œuvre de Chaissac fait l'objet d'une reconnaissance parisienne puis internationale. Chaissac meurt en Vendée, dans le village de Vix, en 1964. Son œuvre, trop longtemps associée à son éphémère contact avec l'art brut, fait aujourd'hui l'objet d'une relecture. Au cordonnier en sabot succède l'image d'un artiste subtil et ironique, conscient de la voix originale qu'il a su donner à son art.

Didier O TTINC.ER

Extrait du catalogue du musée d'Art moderne et contemporain de l'abbaye Sainte-Croix - Les Sables-d'Olonne.

Nombreux sont, dans l'œuvre de Chaissac, les exemples de peintures réalisées sur des murs autant intérieurs qu'extérieurs. 11 y a sans doute dans cette délectation de Chaissac pour les œuvres réalisées in situ, à voir la marque d'un attachement pour le caractère « utilitaire » et « socialement intégré » de son art. En faisant le choix du papier le plus commun, le plus lié aux intérieurs des paysans de son village, Chaissac assure avec légèreté et brio sa vocation de « peintre rustique moderne ».

Didier OTTINGEIî

Visage rouge, 1962, gouache et collage de papiers peints sur papier - 64 x 50 cm, musée de S'Abbaye Sainte-Croix, Les Sables-d'Olonne.

Robert

COMBAS

né en 1957

Élève à l'école des Beaux-Arts de Montpellier, le Sètois Robert Combas feint de ne rien comprendre à l'enseignement qu'y dispensent ses professeurs, les anciens artistes de Support-Surface. Sa naïveté savamment assumée, sa boulimie d'images triviales, ses exercices d'illustration des fanzines néopunk, feront de lui le chef de file de la génération des joyeux peintres imagiers apparus au début des années 80. Très tôt, l'exemple de Dubout et des caricaturistes du Canard enchaîné dont il s'inspire, confèrent aux peintures de Combas une verve caustique et drolatique. Sa virtuosité graphique et son réel sens de la couleur luipermettent d'aborderles registres iconographiques les plus variés (de la copie des peintures d'histoire au portrait).

Entre le graphisme caricatural de Dubout et celui des fanzines, Combas donne libre cours à u n nouveau foisonnement tératologique. Par leur fantaisie et leurs formes imbriquées, ces Écuries de la Maréchale renouent avec la liberté et l'automatisme du « cadavre exquis ».

Par son coloris, c'est aux chromos des tapis et « posters » de Barbés, autant qu'aux créations « psychédéliques » des années 70 que se rapporte cette œuvre.

La culture populaire de la bande dessinée, le goût marginal et kitch des cultures marginales retrouvent avec Combas les voies d'accès à une dignité nouvelle.

Ici, avec ses vaches attentives et curieuses, Combas ne craint pas de réactualiser la peinture des sujets favoris de Paulus Potter. Rares sont les œuvres du Sètois qui font autant de concession au formalisme de la peinture moderne. Ici, nul titre narratif au long commentaire, aucun effet perspectif ou quelconque renonciation au plan strict du tableau. Comme si Combas avait l'intuition de la gravité plastique de son sujet, comme s'il se souvenait avec son ironie coutumière, que la peinture abstraite (le formalisme) était née en Hollande, de la représentation d'une vache...

Les Ecuries de la Maréchale, acrylique sur drap, 1983 ■ Sainte-Croix, Les Sables-d'Olonne.

234 x 160 cm, musée de l'Abbaye

Huile sur toile, 1986-65 x 127 cm, I musée de l'Abbaye Sainte-Croix, \

Les Sables-d'Olonne. SU!

Acrylique sur toile libre, 1985 - 210 x 210 cm - musée de l'Abbaye Sainte-Croix, Les Sables-d'Olonne.

Robert Combas a gardé de ses origines sétoises un goût marqué pour la truculence et la verdeur des tirades échangées à l'heure du Pastis.

A l'instar des tiges dansantes de cette luxuriante forêt, le graphisme de Combas se déploie sans que rien, sinon le cadre même de ses compositions, ne puisse en contenir la verve.

Ici, avec cette œuvre d'une densité graphique rare, Combas semble renouver avec l'esthétique linéaire, avec le foisonnement décoratif des enlumineurs celtes. Comme eux, son « horreur du vide » lui inspire dans chaque espace disponible, dans chaque interstice, les créations d'une zoologie ubuesque et d'une encore plus étrange mycologie.

Didier OTTINGER

Je devins un fidèle pilier du laboratoire, recevant pour finir le titre honorifique et flatteur « d'Attaché du Muséum » et, par la suite, nommé « maître de dessin des animaux » à la mort de mon prédécesseur et confrère le peintre Roger Reboussin. J'étais ainsi le troisième sculpteur appelé à cette chaire après mes grands ancêtres Louis Barye puis Auguste Frémiet. Comment ne pas en être fier ?

La guerre de 40 enfin terminée, je fus peu après nommé professeur de dessin et de sculpture dans mon ancienne école, les Arts décoratifs,' où j'enseignai jusqu'en 1978, date de la retraite.

Retraité sans regret, la vague soixante-huitarde ayant balayé de son délire tout bon sens dans l'enseignement, parachevant son œuvre en remplaçant les épreuves de diplôme, peinture, sculpture ou décoration par... un mémoire écrit ! Avec « patron de mémoire » pour faire bonne mesure.

L'abstrait ayant dans le même temps occupé la scène jusqu'à saturation, l'art animalier vient à peine, ô surprise I d'être redécouvert. Signe d'une orientation nouvelle des esprits, sursaut d'un ras-le-bol de l'élucubration ? Peut-être...

Te vengerais-tu, Nature, avant de disparaître ? Mais qui saura encore tenir un crayon pour te chanter ?

Pierre DANDELOT, 10 juillet 1990.

Cerf Sika du Japon, bronze.

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La revue d'art et d'expression des enfants, des adolescents, des adultes.

Toutes les formes de la création plastique : dessin, peinture, modelage, poterie... permettent à l'enfant de concrétiser son besoin d'expression et de libérer son imaginaire avant de savoir écrire.

Au-delà de l'écriture, adolescents et adultes utilisent la création plastique pour exprimer, d'une manière plus sensible, leur vision du monde.

C'est dans cette continuité que se situe CREATIONS en présentant des témoignages de l'expression créative des enfants, des adolescents et des adultes sans que soit posée la question de savoir à quel moment le créateur est devenu artiste,

Avec elle, imaginez, découvrez, inventez, créez, essayer...

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Fodé CAMARA

F ode CAMARA est né le 28 juillet 1958 à Dakar, au Sénégal. Il a étudié à l'École nationale supérieure des Beaux-arts de Dakar puis à l'École nationale des Arts décoratifs de Paris (art, espace, peinture et sculpture), dont il a obtenu un premier prix en 1989. Il a exposé à Dakar puis à Abidjan, Angoulême, 'Orléans, Vancouver, Alger, Paris, Haïti, Houston, Mexico, Port-au-Prince et au Costa Rica, à Saint-Dominique, au Guatémala, au Vénézuéla, en Colombie et à Memphis. La reproduction que nous présentons est extraite d'un travail important réalisé dans le cadre des célébrations du bicentenaire : Révolution sous les tropiques.

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