| BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉCOLE MODERNE N°25 -
    1964 ***** LES INVARIANTS PEDAGOGIQUES C. FREINET   EDITIONS DE L'ECOLE MODERNE FRANCAISE  CANNES | |
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| TABLE DES MATIÈRES La nature de l'enfant | 
| « Voici les lois de la vie ; on ne
    peut pas les ignorer ; et il faut agir en conformité de ces lois ; c'est dans
    ce but que nous les indiquons, ajoutées aux Droits de lHomme, qui sont communs à lHumanité ».  MARIA MONTESSORI « L'esprit absorbant de l'enfant » (Desclée De Brouwer Editeurs)       Mais
    un changement aussi radical de méthode constitue en éducation une véritable révolution
    qui nécessite une formation spéciale des éducateurs nouveaux et la rééducation de
    ceux qui ont été pendant longtemps asservis à la scolastique. En
    attendant que les organismes officiels prennent en charge cette rééducation
    indispensable, force nous est de répondre par des moyens de fortune à la demande
    croissante d'éducateurs de tous degrés qui désirent s'engager dans nos techniques.  Nous
    avions entrepris d'écrire à leur intention un guide succinct : Comment démarrer
    ? qui, croyons-nous, pourrait suffire pour les premiers essais.  Nous
    nous sommes rendu compte alors que les conseils techniques que nous apportions risquaient
    non seulement d'être insuffisants, mais d'égarer et de décourager les nouveaux venus si
    nous ne les complétions par des directives plus précises pour ce qui concerne
    l'utilisation pédagogique de ces techniques et l'esprit de notre enseignement.  Il
    nous fallait alors inciter nos lecteurs à reconsidérer un certain nombre de notions et
    de pratiques psychologiques, pédagogiques, techniques et sociales qu'on tient
    communément comme admises dans les milieux scolaires et que la tradition interdit de
    mettre en doute parce qu'elles sont les fondements mêmes de tout l'édifice scolastique.  C'est
    une nouvelle gamme des valeurs scolaires que nous voudrions ici nous appliquer à
    établir, sans autre parti pris que nos préoccupations de recherche de la vérité, à la
    lumière de l'expérience et du bon sens. Sur
    la base de ces principes que nous tiendrons pour invariants, donc inattaquables et sûrs,
    nous voudrions réaliser une sorte de Code pédagogique avec :  -feu
    vert pour les pratiques conformes à ces invariants, dans lesquels les éducateurs peuvent
    s'engager sans appréhension parce qu'ils y sont assurés d'une réconfortante
    réussite ;  -feu
    rouge pour les pratiques non conformes à ces invariants et qu'il faut donc proscrire le
    plus tôt possible ; -feu
    orange et clignotant pour les pratiques qui, dans certaines circonstances peuvent être
    bénéfiques, mais qui risquent aussi d'être dangereuses, et vers lesquelles il ne faudra
    vous avancer qu'avec prudence dans l'espoir de bientôt les dépasser. C'est
    en fonction de ces indications méthodologiques que nous donnerons alors les conseils plus
    spécifiquement techniques qui vous permettront d'aboutir avec un minimum de tâtonnements
    et de risques. ________   P.S.
    « Si l'on consulte un ouvrage classique de psychologie générale, écrit le
    Dr Viard, dans « La vie collective », n°336-337, on y trouve des
    descriptions parfaites d'un nombre impressionnant de manifestations psychiques ; et
    leur liste est loin d'être épuisée. Il se dégage de ces travaux consciencieux,
    minutieux, abondants, le sentiment que la psychologie est quelque chose de très
    compliqué et que, pour devenir un fin psychologue, il faut de nombreuses années de
    pratique, sans jamais être sûr, dans beaucoup de circonstances, de la valeur des
    jugements qu'on porte sur autrui. « Nous avons pensé qu'après l'analyse
    détaillée des phénomènes psychologiques, il serait peut-être possible de trouver
    entre eux et les individus un lien constant, invariant, qui leur conférerait en même
    temps, un caractère d'universalité... « La
    définition de l'Invariant est contenue dans le mot lui-même. C'est tout ce qui ne varie
    pas et ne peut pas varier, sous n'importe quelle latitude, chez n'importe quel peuple. « L'Invariant
    constitue la base la plus solide. Il évite bien des déceptions et des erreurs ». 
 | 
| Les invariants pédagogiques   I. La nature de l'enfant  INVARIANT
    n°1 :   L'enfant
    est de la même nature que nous.   Il
    est comme un arbre qui n'a pas encore achevé sa croissance mais qui se nourrit, grandit
    et se défend exactement comme l'arbre adulte. L'enfant se nourrit, sent, souffre, cherche
    et se défend exactement comme vous, avec seulement des rythmes différents qui viennent
    de sa faiblesse organique, de son ignorance, de son inexpérience, et aussi de son
    incommensurable potentiel de vie, dangereusement atteint souvent chez les adultes.
    L'enfant agit et réagit en conséquence, et vit, exactement selon les mêmes principes
    que vous. Il n'y a pas entre vous et lui une différence de nature mais seulement une
    différence de degré.    En
    conséquence :   Avant
    de juger un enfant ou de le sanctionner posez-vous seulement la question : Si
    j'étais à sa place comment pourrais-je réagir ? Et comment agissons-nous quand
    nous étions comme lui ?   Conformez-vous
    loyalement à ce test :   Avez-vous
    fait effort pour vous imprégner de cet invariant ?
                   [vert] Reconnaissez-vous
    cet invariant tout en hésitant à vous y conformer ?
                [orange] Dans
    votre comportement, considérez-vous souvent encore l'enfant    
 | 
| INVARIANT n° 2 :   Etre
    plus grand ne signifie pas forcément être au-dessus des autres.   Vous
    êtes grand de taille et, de ce seul fait, vous avez tendance à considérer comme
    inférieurs ceux qui sont au-dessous de vous. C'est une sorte de sensation, disons
    physiologique qui est à l'opposé de la sensation du vide vertigineux lorsqu'on est au
    balcon d'un 8e ou sur un pic surplombant la vallée. C'est dire que tout le
    monde éprouve cette sensation. Il faut en prendre conscience et vous en défendre parce
    qu'elle vous trouble et vous égare.  Vous
    êtes plus grand que vos élèves. Cela ne vous suffit pas encore. Il faut que vous
    montiez sur une estrade pour assurer votre supériorité.  Ce
    sont là des impressions, des sentiments qui handicapent beaucoup plus qu'on ne croit tous
    les candidats à la pédagogie moderne.  C'est
    pour vous engager à vous défaire de ce vertige que nous préconisons dès l'abord un
    certain nombre de gestes symboliques et pourtant déterminants de l'évolution
    indispensable. -Supprimez
    l'estrade : Vous serez, du coup, au niveau des enfants. Vous les verrez avec des
    yeux, non de pédagogues et de chefs, mais avec des yeux d'hommes et d'enfants, et vous
    réduirez tout de suite de ce fait, l'écart dangereux qui existe, dans les classes
    traditionnelles, entre l'élève et le maître.  -Si,
    pour des raisons administratives, vous ne pouvez enlever l'estrade pour en faire par
    exemple une table d'exposition et de travail, nous vous recommandons du moins de
    détrôner le bureau du maître, de le mettre au niveau des enfants, à un endroit où il
    ne gêne pas, et pas forcément devant les enfants.  L'estrade
    et la chaire sont des éléments indispensables de la pédagogie traditionnelle où le
    verbiage est roi, avec les leçons, les explications, les interrogations qu'on pratique
    effectivement avec d'autant plus d'autorité et d'efficience qu'on n'est pas au niveau de
    ceux qui écoutent.  Ajoutons
    que la position de lutte entre maîtres et élèves nécessite pour la surveillance,
    l'autorité et la discipline cette surélévation matérielle et symbolique.  Mettez-vous
    au niveau de vos élèves. Vous pénétrez de plain-pied dans la pédagogie moderne. Vous
    serez amené vous-mêmes à réfléchir et à commencer la reconsidération de vos
    attitudes et de votre comportement pédagogique.   Test :   Enlever
    l'estrade avec toutes les conséquences pédagogiques  que
    ce geste comporte.       
                                                    
                
                [vert] Mettre
    le bureau au niveau des élèves. 
                
                            
                
                [orange] Laisser
    l'estrade avec son usage traditionnel.    
                            
                [rouge]   Je
    ne peux résister au plaisir de vous citer ce passage dans Intermezzo de Giraudoux, comédie écrite en 1933. Nous
    lisons :  (Isabelle
    et ses élèves sont en classe-promenade lorsque survient l'Inspecteur Primaire...) -L'INSPECTEUR
    : Entrez les élèves... (Elles rient). Pourquoi rient-elles ? -ISABELLE:
    C'est que vous dites : Entrez, et qu'il n'y a pas de porte. -L'I.P. :
    Cette pédagogie de grand air est stupide, le vocabulaire des inspecteurs Y perd la
    moitié de sa forme... (chuchotements). Silence, là-bas ! Mademoiselle vos
    élèves sont insupportables ! -ISABELLE :
    Comment les punirais-je ? Avec ces classes de plein-air, il ne subsiste presque aucun
    motif de punir. Tout ce qui est faute dans les classes devient ici initiative et
    intelligence. Punir une élève qui regarde au plafond ? Regardez-le, ce plafond !
 -L'I.P. :
    Justement ! Le plafond dans l'enseignement doit être compris de façon à faire
    ressortir la taille de l'adulte vis-à-vis de la taille de l'enfant. Un maître qui adopte
    le plein air avoue qu'il est plus petit que l'arbre, moins corpulent que le buf,
    moins mobile que l'abeille et sacrifie ainsi la meilleure preuve de sa dignité. »   * | 
| INVARIANT n° 3 :   Le
    comportement scolaire d'un enfant est fonction de son état physiologique, organique et
    constitutionnel.   On a
    tendance à considérer sans humanité que l'enfant qui travaille mal ou se comporte de
    façon répréhensible le fait intentionnellement et par malignité.  Certes
    de telles habitudes sont parfois prises, et nous en supportons les conséquences, ce qui
    ne veut pas dire que l'enfant soit  totalement
    responsable des tares qui se manifestent en lui.  N'oubliez
    pas que vous mêmes travaillez avec déficience quand vous avez mal à la tête, mal aux
    dents, ou que vous avez mal digéré, ou que vous avez faim (ventre affamé n'a pas
    d'oreille). Vous vous énervez plus facilement quand vous avez échoué dans un travail,
    que vous vous êtes disputé avec un adversaire plus fort que vous ou que vous n'avez pas
    pu réaliser un projet qui vous tenait à cur.  Les
    enfants sont tout simplement comme vous. En face des déficiences de comportement que vous
    constatez, essayez de vous demander s'il n'y a pas des causes de santé, d'équilibre, de
    difficultés de milieu qu'il y aurait d'abord à revoir.  Vous
    essaierez de les corriger. Si vous ne le pouvez pas, vous agirez du moins avec beaucoup
    plus de raison et d'humanité, et vous améliorez du coup le climat de votre classe.    Test :   Vous
    vous appliquez à rechercher les raisons psychologiques,  Vous
    n'y avez encore réussi que très relativement.  
                            
                [orange] Vous
    réagissez encore en pédagogue traditionnel sans tenir compte    | 
| II. Les réactions de l'enfant  INVARIANT
    n° 4 :   Nul
    l'enfant pas plus que l'adulte n'aime être commandé d'autorité.   Il y
    a là une sorte de réflexe tout à la fois physiologique et psychologique.  Quand
    vous vous aventurez dans un chemin, c'est que « tout compte fait » vous jugez
    bon d'y aller. Si vous n'êtes pas sûr que ce soit une bonne direction, vous tâtonnez,
    vous avancez timidement, ou vous rebroussez chemin pour repartir ensuite. Mais si
    quelqu'un vous pousse, vous avez le même réflexe que lorsque, prêt à plonger au bord
    du bassin, une main suspecte vous fait perdre l'équilibre. Instinctivement,
    mécaniquement, vous faites l'effort inverse pour résister à la poussée et rétablir
    votre équilibre.  Cette
    loi est générale. Elle ne souffre pas d'exception ni au point de vue physiologique, ni
    pour notre comportement moral, social ou intellectuel.  Nous
    sommes tous ainsi, et c'est pourquoi tout geste, tout commandement d'autorité entraîne
    une opposition comme automatique de celui qui les subit : il rougit, ou il amorce un
    geste de résistance peut-être vite réprimé, ou bien il est troublé dans le
    déroulement de ses pensées et de ses sentiments.  Il
    en résulte que, par principe tout commandement dautorité est toujours une erreur.  On
    dira que l'enfant n'est pas suffisamment expérimenté et qu'il nous faut bien l'orienter
    et le pousser parfois là où il ne voudrait pas aller. L'erreur n'en subsiste pas moins.
    A nous de chercher une pédagogie dans laquelle l'enfant choisit au maximum la direction
    où il doit aller et où l'adulte commande le moins possible d'autorité.  C'est
    ce que s'efforce de faire notre pédagogie en donnant au maximum la parole à l'enfant, en
    lui laissant individuellement et coopérativement, une initiative maximum dans le cadre de
    la communauté, en s'évertuant à l'entraîner plus qu'à le diriger.  Lorsque
    nous préparons notre Plan de travail, nous présentons à la classe 3, 4 thèmes que les
    enfants, ou les équipes vont étudier.  Pour
    la répartition des thèmes il y a deux façons d'agir : l'autoritaire, habituelle à
    l'Ecole traditionnelle qui commande : Thème n°1
        X   Aucun
    des enfants ne sera satisfait.  Au
    lieu de cela nous disons : voilà trois thèmes à traiter. Choisissez chacun celui
    qui vous intéresse. On attribue les thèmes selon la demande. Les derniers prennent
    forcément le thème qui reste.  La
    part de choix, en l'occurrence, a été fort limitée. Mais les enfants n'ont pas été
    poussés autoritairement. Ils sont satisfaits. Si nous imposons un texte à l'enfant, il y
    aura automatiquement opposition. Offrons la liberté de choix et tout rentrera dans
    l'ordre.  Oui
    mais, nous dira-t-on s'il n'y a plus d'autorité ! C'est une autre question que nous
    résolvons d'une façon satisfaisante.  Commander
    d'autorité est une erreur. Eviter l'erreur sera toujours salutaire.    Test :   Vous
    avez prévu dans votre classe une pédagogie sans  Vous
    cherchez une solution mitigée avec un reste d'autorité  Vous
    préférez encore commander d'autorité en toutes circonstances.
                [rouge]   | 
| INVARIANT n° 5 : qui
    découle du précédent :   Nul
    n'aime s'aligner, parce que s'aligner, c'est obéir passivement à un ordre extérieur.   Il
    est des jeux ou des travaux collectifs, le sport par exemple, où l'alignement est
    ressenti comme une nécessité et ne pose donc aucun problème.  Il
    est des cas aussi où cet alignement est comme une nécessité administrative ou
    technique, exigée par une autorité qui nous dépasse, et dont nous sommes victimes aussi
    bien que les enfants. Il en est ainsi notamment de la nécessité où nous sommes par
    suite de l'organisation sociale actuelle de respecter strictement l'heure des repas dans
    la famille ou à la cantine l'heure d'entrée et de sortie de classe, la discipline des
    queues qui sont hélas ! une invention des temps de pénurie. Il
    suffit dans ces cas d'expliquer aux enfants si le train passe à 6 h du matin, force nous
    est de partir de la maison à 5 h 30 si nous ne voulons pas arriver trop tard.  On
    pourrait dire que cette discipline n'est que très peu perturbante et qu'elle ne modifie
    pas forcément les relations maîtres-élèves, à condition que le maître ne s'attribue
    pas des passe-droits du fait de sa fonction. L'obligation
    dangereuse c'est celle qui apparaît aux enfants comme superflue, comme signe d'un malin
    plaisir de l'adulte de prouver sa souveraine autorité en montrant que ses commandements
    doivent déclencher un réflexe de passive obéissance qui est abêtissement.  La
    discipline militaire est le type de cette erreur insupportable pour ceux qui sont dans le
    rang, et qui régit autoritairement tous les rapports entre simples soldats et gradés.  La
    preuve que cette discipline est à l'opposé des règles de vie et d'action et qu'elle
    n'est faite que pour renforcer la brutale autorité, c'est qu'elle s'atténue jusqu'à
    disparaître parfois en période active ou durant les guerres. Cette forme extérieure de
    discipline disparaissait presque totalement pendant la guerre pour les hommes au front.
    Elle avait totalement disparu durant la clandestinité et les maquis, et pourtant, ces
    soldats sans uniforme et sans discipline extérieure ont su respecter la plus efficiente
    des disciplines, celle de l'action.  Il
    en est de même pour l'Ecole.  Il y
    a une certaine discipline nécessitée par la cohabitation dans des groupes plus ou moins
    bien organisés. Les enfants la comprennent, l'acceptent, la pratiquent, l'organisent
    eux-mêmes s'ils en sentent la nécessité. C'est cette discipline qu'il faut rechercher.  Mais
    il faut bannir tous alignements dont l'enfant ne sent pas la nécessité et qui peuvent
    être réalisés par l'organisation coopérative : ordre pour l'entrée en classe,
    silence durant le travail, etc...  Il
    peut y avoir ordre et discipline sans l'autorité abêtissante dont les alignements dans
    la cour, les coups de sifflet et les bras croisés sont le symbole.    Test :   Supprimer
    l'autorité brutale qui exige tous alignements superflus,    Essais
    d'organisation de la discipline avec un minimum de    En
    être resté aux ordres autoritaires, à l'alignement,  
 | 
| INVARIANT n° 6 : découlant
    des précédents :   Nul
    n'aime se voir contraint à faire un certain travail, même si ce travail ne lui déplaît
    pas particulièrement. C'est la contrainte qui est paralysante.    Le
    premier mouvement de l'enfant ou de l'adulte à qui on commande d'autorité: Fais
    cela ! est de dire automatiquement : non ! Là,
    réside partiellement au moins, l'explication de cette période d'opposition qu'on note
    chez les enfants de 7 à 9 ans. C'est l'âge où l'adulte, sous le prétexte de
    discipliner l'enfant, tient à marquer son autorité par le commandement brutal qui incite
    ou oblige à cette obéissance passive que trop de parents ou de maîtres croient
    indispensable à toute éducation virile. Alors se livre une sorte de combat entre l'enfant qui veut expérimenter et vivre dans le sens de ses besoins et l'adulte qui veut le plier à l'obéissance. L'opposition systématique est une phase de cette lutte. L'enfant se pliera ensuite, s'il se discipline. Il y a ceux qui n'acceptent pas cette autorité brutale et qui seront les insoumis, les fortes têtes, les inadaptés, avec toutes les complications individuelles et sociales qui en découlent. Il résulte de cette opposition que certaines activités - les scolaires plus particulièrement - se recouvrent d'une sorte de voile maléfique, parce qu'elles sont commandées. On désapprend ainsi le travail ; ainsi naissent des phobies, des anorexies et des complexes graves qu'une bonne pédagogie éviterait.   Test:   S'abstenir
    de tout commandement strictement autoritaire.  Réduire
    progressivement le commandement, supprimer  En
    rester à la forme habituelle de discipline et de commandement,    | 
| INVARIANT n° 7 : découlant
    des précédents : Chacun
    aime choisir son travail, même si ce choix n'est pas avantageux.   Donnez
    un bonbon à un enfant. Il sera satisfait certes, mais n'en regardera pas moins avec envie
    le restant de la boîte. Présentez-lui la boîte pour qu'il choisisse. Il sera beaucoup
    plus satisfait, même si son choix n'est pas avantageux.  Là
    aussi c'est la liberté qui colore de rouge, d'orange ou de vert la décision à
    intervenir.  Nous
    avons dit déjà comment pour la préparation du travail nous donnons aux enfants le choix
    des thèmes au lieu d'en faire d'autorité la distribution. Cet
    invariant est une des raisons qui font le succès de nos fichiers auto-correctifs et de
    nos bandes enseignantes. Avec le manuel de calcul, l'enfant n'a aucune latitude. Les
    exercices à faire sont imposés par le livre ou par le maître. L'enfant n'a qu'à
    s'aligner sans rien dire.  Donnez
    aux enfants la liberté de choisir leur travail, de décider du moment et du rythme de ce
    travail et tout sera changé.  Imposez
    aux élèves un texte à lire et à étudier. Ils n'y ont ni appétit ni enthousiasme.
    Laissez-leur la liberté de choisir comme nous le faisons par le texte libre, le travail
    se fera alors dans un climat beaucoup plus favorable.  Ce
    principe, valable pour tous les individus, motive la survivance en France de l'artisanat.
    Au travail imposé à l'usine, l'ouvrier préfère son activité d'artisan, qu'il pratique
    à l'heure et au rythme qui lui convient, même si ce choix lui vaut des journées plus
    longues et plus fatigantes.    Test :   S'organiser
    et prévoir des techniques telles que l'enfant ait toujours  Expérimenter
    ce choix libre au moins en français et en calcul.
                 [orange] Pratiquer
    presque intégralement des travaux pour le choix desquels    | 
| INVARIANT n° 8 : découlant
    des précédents :   Nul
    n'aime tourner à vide, agir en robot, c'est-à-dire faire des actes, se plier à des
    pensées qui sont inscrites dans des mécaniques auxquelles il ne participe pas.   Qu'un
    enfant tourne les pédales d'un vélo sur cale, il s'en lassera vite, alors qu'il ira au
    bout du monde sur son vélo qui roule pour du bon.  Nous
    verrons, dans les chapitres suivants, où peut nous mener le feu vert qui nous ouvre la
    voie vers le travail vivant et l'action.  Nous
    aurions là à faire le procès de tous les exercices scolaires qui fonctionnent sur cale,
    pour rien ou en tous cas pour des buts qui ne sont pas les nôtres.  Feu
    rouge pour les exercices divers qui n'ont
    d'autre but que de se couvrir éventuellement d'encre rouge. Feu
    rouge pour l'étude mécanique et par cur de textes ou de récitations qu'on ne
    comprend pas. Feu
    rouge pour les devoirs de rédaction dont le seul lecteur sera le maître et qui ne
    répondent à aucun des impératifs naturels d'expression et de communication.  Mais
    nous aurons la plupart du temps à envisager des feux orange et des clignotants.  Dans
    les conditions actuelles de travail scolaire, il sera pendant longtemps difficile de
    substituer au travail scolastique les activités motivées qui sont la raison d'être de
    notre pédagogie.  On
    sera alors obligé de s'accommoder bien souvent de ce qui est, de l'adapter au mieux à
    nos techniques, et de créer, dans cet ensemble condamné des éléments de liberté et de
    progrès.  Un
    des éléments auquel, contrairement à ce que prétendent les psychologues, nous ne
    donnerons pas le feu vert mais un simple orange et clignotant, c'est le jeu, qui n'est pas
    une activité naturelle mais seulement un ersatz du travail.   Test :   Valable
    toute activité qui a sa raison d'être dans le comportement  Activités
    qui donnent parfois une illusion de liberté et de motivation,  Devoirs
    scolastiques imposés. 
             
                            
                            
                [rouge]   | 
| INVARIANT n° 9 : qui
    tire la conclusion des précédents :   Il
    nous faut motiver le travail.   Dans
    un de mes Dits de Mathieu (Les Dits de Mathieu par C. FREINET : I vol.
    aux Ed. Delachaux et Niestlé, Paris.) j'ai donné un exemple que je crois devoir
    reproduire ici de la différence foncière qu'il y a entre le travail de soldat, sans
    motivation et sans but, auquel on ne donne que le strict minimum de son activité, juste
    assez pour éviter les sanctions, et le travail puissamment motivé, intégré à l'être
    dans son milieu, que nous disons Travail de fiancé.   LE TRAVAIL QUI ILLUMINE  Eh
    oui ! Il existe certes des bêches et des charrues, et des outils mécaniques
    autrement perfectionnés qui vous remuent le sol et vous sèment les graines sans que vous
    ayez à vous mesurer avec l'aridité de la glèbe. Mais j'aime, moi, quand je prépare un
    semis, tamiser la terre de mes mains et trier amoureusement les pierres, comme l'on
    adoucit le lit douillet d'un bébé. C'est
    ainsi ; un travail même peut être corvée ou libération. Ce n'est pas une question
    de nouveauté mais d'illumination et de fécondité.  Vous
    connaissez lhistoire des « pluches » au régiment ? Il y a un art -
    dont l'Ecole a fait une tradition - pour opérer le plus lentement possible, sans
    cependant s'arrêter de travailler. C'est du stakhanovisme à l'envers. Et quand il s'agit
    de prendre le balai pour débarrasser les pluches,
    c'est pire encore : tous les hommes sont manchots. C'est parfois le caporal lui-même
    qui doit s'appuyer la corvée.  Le
    soldat part en permission voir sa jeune femme. Faire la soupe, éplucher les pommes de
    terre, balayer même, tout cela devient un plaisir dont il réclame le privilège.  La
    corvée du matin est devenue une récompense !  Il
    en est de même à l'école, où certains travaux usés par la tradition seront, demain,
    recherchés à l'égal d'activités nouvelles que vous croyiez exclusives. Ne cherchez pas
    la nouveauté ; la mécanique la plus perfectionnée lasse elle-même si elle ne sert pas
    les besoins profonds de l'individu. Dans le lot toujours croissant des activités qu'on
    vous offre, choisissez d'abord celles qui illuminent votre vie, celles qui donnent soif de
    croissance et de connaissances, celles qui font briller le soleil. Editez un journal pour
    pratiquer la correspondance, recueillez et classez des documents, organisez l'expérience
    tâtonnée qui sera la première étape de la culture scientifique. Laissez les jeunes
    fleurs s'épanouir, même si les mouille parfois la rosée.  Tout
    le reste vous sera donné par surcroît.    *   Ce
    que nous avons apporté de nouveau à la pédagogie, c'est cette possibilité technique de
    faire effectivement dans nos classes du travail vivant, du travail de fiancé.  Lorsque
    l'enfant écrit avec plaisir un texte libre pour son journal ou ses correspondants, feu
    vert.  Lorsqu'il
    écrit une lettre à son correspondant, feu vert. Lorsqu'il
    imprime, lorsqu'il dessine et peint, lorsqu'il fait des expériences ou prépare des
    conférences, feu vert.  Les
    enfants comprendront vite quelles sont les activités motivées et celles qui ne sont là
    qu'en fonction de l'Ecole.    Test :   Activités
    motivées auxquelles les enfants se donnent totalement.
                     [vert] Activités
    mitigées qu'on essaie d'influencer par un nouvel esprit.
                  [orange] Travail
    ordinaire.
            
                                                    
                            
                [rouge]   | 
| INVARIANT n° 10 : Plus
    de scolastique.   La
    scolastique, c'est une règle de travail et de vie particulière à l'Ecole et qui n'est
    pas valable hors de l'Ecole, dans les diverses circonstances de la vie auxquelles elles ne
    sauraient donc préparer.  Nous
    vous proposons un moyen simple de détection de la scolastique.  Si
    vous voulez savoir dans quelle mesure une forme de travail est scolastique et si donc vous
    devez lui appliquer le feu orange ou le feu rouge, posez-vous les questions
    suivantes :  -Si
    on m'obligeait à faire ce travail, le ferais-je volontiers et avec efficience ? -Si
    j'étais à la place de cet élève, travaillerais-je avec plus d'enthousiasme et
    d'application ? -Si
    je laissais ouvertes les portes de la classe avec liberté totale de sortir quand on le
    désire, les enfants resteraient-ils à leur travail ou se sauveraient-ils vers d'autres
    activités ?   Test :   Travaux
    que nous ferions nous-mêmes avec intérêt,  Travaux
    plus ou moins marqués d'école moderne,  Travaux
    scolastiques traditionnels. 
                                                    
                [rouge]   INVARIANT
    n° 10 bis : Tout
    individu veut réussir. L'échec est inhibiteur, destructeur de l'allant et de
    l'enthousiasme.   Nous
    insistons tout particulièrement sur cet invariant, car toute la technique de l'Ecole
    traditionnelle est basée sur l'échec.  Les
    premiers de la classe réussissent certes parce qu'ils ont des aptitudes particulières,
    mais aussi parce qu'ils ont toujours de bonnes notes, des Bien et des Très bien, et
    qu'ils réussissent aux examens.  Mais
    l'Ecole accable les autres sous l'avalanche des échecs : excès de rouge dans les
    devoirs, mauvaises notes, « à refaire », cahiers mal tenus... Les
    observations ne laissent que très rarement à l'enfant le réconfort d'une réussite. Ils
    se découragent et cherchent dans d'autres voies - répréhensibles - d'autres réussites.
 Faites
    toujours réussir vos enfants. Le tonus de l'enseignement en sera du coup très
    notablement réhabilité.  Mais,
    vous diront parents et éducateurs, on ne peut tout de même pas mettre une bonne note à
    un travail insuffisant, ou féliciter un élève pour un cahier mal tenu.  Oui,
    mais nous pouvons pratiquer une pédagogie qui permette aux enfants de réussir, de
    présenter des travaux faits avec amour, de réaliser des peintures ou des céramiques qui
    sont des chefs-duvre, de faire des conférences applaudies par les auditeurs.  C'est
    toute la formule de l'Ecole qu'il nous faut changer, et le rôle aussi de l'éducateur
    qui, au lieu d'être un censeur exclusif saura promouvoir son rôle éminemment
    aidant :   Test :   Pour
    une pédagogie de la réussite. 
         
                            
                            
                [vert] Effort
    pour éviter l'échec.  
                                                    
                
                [orange] Pédagogie
    de l'échec.
                
                                                    
                            
                [rouge]   INVARIANT n° 10 ter: Ce
    n'est pas le jeu qui est naturel à l'enfant, mais le travail.   Nous
    allons à contre-courant de la psychologie et de la pédagogie contemporaine en affirmant
    cet invariant de la primauté du travail (Voir notamment : L'Education du Travail,
    par C. FREINET Ed. Delachaux et Niestlé, Paris.). L'erreur
    commence à l'Ecole maternelle, qui a, de ce point de vue, contaminé les familles :
    il n'y a qu'à jeter un coup d'il sur les catalogues des grandes maisons d'édition
    pour se convaincre que le jeu y est roi, qu'on n'y présente aucun outil de travail mais
    une infinité de jeux. On a
    pris l'habitude également dans les familles de ne plus faire travailler les enfants. Ils
    sont les rois fainéants auxquels on offre exclusivement des jeux. Aux
    autres degrés, par la force des choses, la pédagogie a moins généralement recours aux
    jeux, mais on n'en a pas pour autant accepté le principe du travail. L'Ecole
    primaire et le second degré aussi sont le domaine des devoirs et exercices imposés, qui
    présentent tout au plus un intérêt superficiel mais qui ne répondent nullement à
    notre définition du travail naturel, motivé et exhaustif dont on ne dira jamais assez
    les vertus. Notre
    pédagogie est justement une pédagogie du travail. Notre originalité c'est d'avoir
    créé, expérimenté, diffusé des outils et des techniques de travail dont la pratique
    transforme profondément nos classes.   Test :   Réalisation
    maximum d'une école du travail.
                
                            
                [vert] Mélange
    de devoirs et de travail.
                
                            
                            
                [orange] Pas
    encore de vrai travail.    
                                                    
                
                [rouge] 
 | 
| III. Les techniques éducatives  INVARIANT
    n° 11 :   La voie normale de l'acquisition n'est nullement l'observation, l'explication et la démonstration, processus essentiel de l'Ecole, mais le Tâtonnement expérimental, démarche naturelle et universelle (Essai de psychologie appliquée à l'Education, par C. FREINET Ed. de l'E.M.F.).   L'Ecole
    traditionnelle opère exclusivement par explications. Les expériences, lorsqu'on en fait,
    n'interviennent que comme complément de démonstration.  Or,
    l'explication, même aidée par la démonstration n'apporte qu'une acquisition
    superficielle et formelle, qui n'est jamais enracinée dans la vie de l'individu dans son
    milieu. Elle est comme ces rejets qui poussent prématurément sur un arbre qu'on a mis en
    terre et qui donnent un instant l'illusion de la vie. Mais les racines, non encore
    adaptées au milieu n'apportent pas la sève indispensable et la plante se dessèche,
    faute de nourriture substantielle. C'est
    malheureusement cette acquisition de surface que recouvre le vernis des mots, que
    recherche l'Ecole actuelle et que contrôlent les examens. On
    sent de plus en plus la vanité de cette superficialité et l'on prône un peu partout,
    mais tout spécialement hors de l'enseignement la culture profonde qui prépare les
    chercheurs intelligents et efficients. Il
    apparaît que, pour une véritable culture c'est le tâtonnement expérimental, tel
    que nous l'avons exposé dans notre livre Essai de psychologie sensible, qui est la
    voie royale, base de notre pédagogie. Les Travaux
    Scientifiques Expérimentaux sont la première reconnaissance officielle de ce
    processus universel.   Test :   Pour
    une éducation fondée sur l'expérience et la vie, Pour
    l'introduction de plus en plus pratique de  On
    n'a pas encore modifié la pratique habituelle scolastique  
 | 
| INVARIANT n° 12 :   La mémoire, dont l'Ecole fait tant de cas, n'est valable et précieuse que lorsqu'elle est intégrée au Tâtonnement expérimental, lorsqu'elle est vraiment au service de la vie.   Dans
    le cas contraire, elle ne joue l'effet que d'une bande magnétique qui enregistre des mots
    pour les restituer à la demande, sans qu'il y ait le moindre processus intelligent
    d'intégration à la vie mentale. « Savoir par cur n'est pas savoir »
    disait déjà Montaigne qui avait alors fulminé contre cette habitude des scolastiques
    d'imposer les connaissances comme qui verserait dans un entonnoir. Une bonne mémoire est
    évidemment précieuse. On a conclu alors que pour avoir cette bonne mémoire, il fallait
    exercer sans cesse cette faculté comme si elle était un véhicule essentiel de la
    connaissance. Mais
    contrairement à la croyance générale des scolastiques, la mémoire ne se cultive pas
    par l'exercice. On peut, par ce biais, acquérir certains procédés mnémotechniques qui
    font illusion. L'usage mécanique de la mémoire tend au contraire à la fatiguer et à
    l'épuiser. C'est ce qui arrive avec notre jeunesse malmenée. Malheureusement, tout
    l'enseignement scolastique est fondé sur la mémoire, et les examens mesurent
    exclusivement les acquisitions de mémoire.   Test :   Donner
    un enseignement vivant où la mémoire Pour
    un enseignement où la mémoire a encore Pour
    une éducation et une motivation de mémoire.
             
                            
                [rouge] 
 | 
| INVARIANT n° 13 :   Les acquisitions ne se font pas comme l'on croit parfois, par l'étude des règles et des lois, mais par l'expérience. Etudier d'abord ces règles et ces lois, en français, en art, en mathématiques, en sciences, c'est placer la charrue devant les bufs.   Les
    règles et les lois sont le fruit de l'expérience, sinon elles ne sont que des formules
    sans valeur.   Test :   Pour
    un travail vivant expérimental.  Expériences
    mais étude simultanée de certaines règles  Enseignement
    classique a base de règles et de principes    INVARIANT n° 14 :   L'intelligence n'est pas, comme l'enseigne la scolastique, une faculté spécifique fonctionnant comme en circuit fermé, indépendamment des autres éléments vitaux de l'individu.   On
    dit : cet enfant est, ou n'est pas intelligent. Or, l'intelligence n'existe pas en
    soi : elle est comme l'émanation complexe des possibilités les plus éminentes de
    l'individu. Si
    l'intelligence n'existe pas en soi, il n'y a pas une méthode spéciale de culture de
    cette intelligence. Elle est, comme la santé, une synthèse d'éléments intimement liés
    sur lesquels nous aurons à agir favorablement. Nous
    avons expliqué dans notre Essai de psychologie sensible que l'intelligence est la
    perméabilité à l'expérience. Plus l'individu est sensible à ces expériences, plus
    les expériences réussies marquent dans son comportement, plus il progresse rapidement. C'est
    en généralisant, en classe et hors de classe, la pratique du tâtonnement expérimental,
    en la rendant possible et efficiente qu'on éduque en définitive l'intelligence.   Test :   Processus
    intensif de tâtonnement expérimental  Intensification
    progressive du tâtonnement expérimental Conception
    encore classique de l'intelligence par des  
 | 
| INVARIANT n° 15 :   L'Ecole ne cultive qu'une forme abstraite d'intelligence, qui agit, hors de la réalité vivante, par le truchement de mots et d'idées fixées par la mémoire.   Les
    individus chez qui on a hypertrophié cette forme d'intelligence seront capables de
    discourir avec virtuosité sur tous sujets appris, ce qui ne les empêche pas d'être
    parfois inintelligents pour tout ce qui touche à la vie et l'adaptation au milieu Il y
    a bien d'autres formes d'intelligence, variables selon les incidences du tâtonnement
    expérimental qui leur a servi de base : -l'intelligence
    des mains qui vient des vertus avec lesquelles on agit sur le milieu pour le transformer
    et le dominer ; -l'intelligence
    artistique ;  -l'intelligence
    sensible qui développe le bon sens ;  -l'intelligence
    spéculative qui fait le génie des chercheurs scientifiques et des grands maîtres du
    commerce et de l'industrie ;  -
    l'intelligence politique et sociale qui forme les hommes d'action et les manieurs de
    foules.  Le
    peuple a toujours honoré ces formes diverses d'intelligence. Elles nous ont valu les
    génies artistiques, les hommes dévoués jusqu'au sacrifice, les inventeurs et les sages,
    qui, très souvent, avaient échoué à l'Ecole parce que rebelles à ses enseignements
    traditionnels. La
    société actuelle a un tel besoin de cadres polyvalents, de chercheurs et de créateurs,
    qu'une tendance très nette se manifeste souvent hors de l'Université pour la culture de
    ces formes diverses d'intelligence. Notre
    pédagogie y pourvoie, et en ce domaine, elle est encore en audacieuse avant-garde. La
    partie est pourtant loin d'être gagnée. Les « intellectuels » défendent et
    défendront encore longtemps leurs privilèges, authentifiés par les examens et les
    parchemins.   Test :   Si,
    par des techniques adéquates vous cultivez au maximum Si
    la culture de ces possibilités complémentaires ne se fait  Si
    vous vous contentez encore de la culture de l'intelligence scolaire.
                [rouge]   | 
| INVARIANT n° 16 :   L'enfant
    n'aime pas écouter une leçon ex cathedra.
   Ce
    n'est pas spécialement par distraction ou paresse. Pour les raisons que nous avons déjà
    données, l'enfant et l'homme n'aiment pas écouter ce qu'ils n'ont pas sollicité et dont
    ils ne sentent pas le besoin vivant. C'est ce qui explique le faible rendement de ces
    leçons et tous les artifices que les éducateurs ont dû inventer pour obliger les
    enfants à se plier aux leçons magistrales. Et
    pourtant dira-t-on, il faut bien que l'enfant apprennent et comprennent ce qu'il ne sait
    pas et que donc le maître doit lui enseigner. Mais peut-être y a-t-il d'autres voies
    pour cet enseignement ? Nos
    techniques apportent des solutions diverses à ces problèmes. Il y en a notamment une que
    nous recommandons. Si
    vous expliquez d'autorité par la leçon, nul n'écoute. Mais organisez votre travail de
    telle façonb que l'enfant commence par agir lui-même, par expérimenter, par enquêter,
    par lire, par choisir et classer des documents. Il vous posera alors des questions qui
    l'ont plus ou moins intrigué. Vous répondez à ces questions : ce sera ce que nous
    appelons la leçon a posteriori.   Test :   Vous
    commencez, pour toutes les disciplines par l'expérience  Vous
    tâchez de rendre la leçon intéressante mais elle reste la leçon.
                [orange] Vous
    n'avez pas dépassé le stade de la leçon ex cathedra.
                                    [rouge]     INVARIANT n° 17 :   L'enfant ne se fatigue pas à faire un travail qui est dans la ligne de sa vie, qui lui est pour ainsi dire fonctionnel.   Ce
    qui fatigue, les enfants comme les adultes, c'est l'effort contre nature, qu'on fait parce
    qu'on y est contraint. La
    scolastique est si bien habituée à ses erreurs qu'il est admis officiellement que le
    jeune enfant ne peut pas travailler plus de quarante minutes et qu'il faut après dans
    toutes les classes 10 minutes de récréation. Or,
    nous constatons expérimentalement - et cette constatation ne souffre que fort peu
    d'exceptions - que cette règle scolastique est fausse : lorsqu'il est occupé à un
    travail vivant qui répond à ses besoins, l'enfant ne se fatigue absolument pas et il
    peut s'y appliquer pendant deux ou trois heures, davantage même si n'intervenaient les
    besoins physiques naturels. A
    l'Ecole Freinet, les enfants travaillent sans interruption de 8 h 30 à 11 h 30, et très
    normalement. La
    fatigue des enfants est le test qui permet de déceler la qualité d'une pédagogie.   Test :   L'enfant
    peut travailler plusieurs heures sans fatigue.
               
                            
                [vert] L'enfant
    se fatigue parfois, ce qui nécessite détente et repos.
                  
                [orange] On
    est obligé de pratiquer les récréations.     
                            
                            
                [rouge]   | 
| INVARIANT n° 18 :   Personne, ni enfant ni adulte, n'aime le contrôle et la sanction qui sont toujours considérés comme une atteinte à sa dignité, surtout lorsqu'ils s'exercent en public.   Il
    n'y a qu'à vous rappeler dans quel état d'opposition souvent malveillante vous place le
    contrôle d'un gendarme, même si vous êtes en faute. De
    ce point de vue, la correction des devoirs et des exercices et la récitation des
    résumés sont toujours une raison de trouble et d'opposition de l'enfant. Cela
    est incontestable. On
    dit volontiers que c'est un mal nécessaire et qu'il faut bien qu'on ordonne et qu'on
    contrôle : la réaction argumente toujours ainsi lorsque en face d'initiatives
    révolutionnaires, elle entend défendre la tradition et ses privilèges. Et pourtant, si
    nous trouvions la possibilité de supprimer ces pratiques perturbantes, la pédagogie
    ferait un pas encourageant. Ce
    ne sont pas tant les corrections en elles-mêmes qu'il nous faut abandonner mais bien
    plutôt modifier l'attitude du maître vis-à-vis du travail de l'enfant. A
    l'Eco1e traditionnelle l'enfant est, en principe, toujours fautif. Le maître a tendance
    à voir dans les travaux de ses élèves non ce qui est bien mais ce qui est, selon lui,
    condamnable. Il ressemble en cela aux gendarmes qui sont toujours à la recherche des
    délinquants. Cette
    situation d'infériorité et de faute est essentiellement avilissante. Elle est
    certainement une des causes principales des échecs scolaires et de l'aversion que
    l'enfant éprouve de bonne heure pour les choses d'école. Et
    pourtant, dira-t-on, il faut bien qu'on corrige les défauts et les faiblesses des
    enfants, sinon ils ne feront jamais effort pour s'améliorer. La
    maman ne gronde jamais son enfant parce qu'il a mal prononcé un mot ou qu'il est tombé
    lors de ses premiers pas. Elle sait, intuitivement, que l'enfant, par nature, fait tout
    son possible pour réussir car l'échec le déséquilibre. S'il a fauté c'est qu'il n'a
    pas pu faire autrement. Notre rôle d'éducateur est semblable : non corriger mais
    aider à réussir et à dépasser les erreurs. L'attitude
    aidante est la seule valable en pédagogie. Mais elle suppose évidemment qu'on a
    reconsidéré les techniques de travail, que les méthodes naturelles ont fait place à la
    scolastique et que les enfants travaillent de leur plein gré, sans l'autorité du
    maître. Intéresser
    l'enfant à son travail et à sa vie d'enfant reste donc le premier des objectifs de
    l'Eco1e Moderne. On peut voir, dans nos divers écrits, dans nos classes et dans nos
    expositions, dans quelque mesure nous avons amorcé cette révolution pédagogique.   Test :   Vous
    avez supprimé les corrections à l'encre rouge, Vous
    n'êtes encore qu'à mi-chemin de cette conquête.
                                    [orange] Vous
    en restez encore aux vieux principes de correction et de sanctions.
                [rouge]   | 
| INVARIANT n° 19 :   Les notes et les classements sont toujours une erreur.   La
    note est l'appréciation, par un adulte, du travail de l'enfant. Elle serait valable si
    elle était objective et juste. Elle peut l'être, partiellement du moins quand il s'agit
    d'acquisitions simples, de la technique des quatre opérations par exemple. Mais pour le
    travail plus complexe où l'intelligence, la compréhension, les notions même de
    comportement entrent en ligne de compte, toute mesure systématique est défaillante. Il
    ne faut pas s'étonner si, à ce niveau, les notes peuvent varier du simple au double
    selon les examinateurs, ce qui n'empêche pas d'user imperturbablement des demis ou des
    quarts, comme si on suivait au chronomètre.  Que
    dire alors des classements établis sur la base de ces notes fausses, et comment décider
    qu'un tel élève passe avant celui qui le suit avec quelques centièmes de points
    d'avance. C'est
    là, manifestement, la plus fausse des mathématiques, la plus inhumaine des statistiques.
    Professeurs et parents y tiennent pourtant parce que dans les données actuelles de
    l'école, avec des enfants qui n'ont pas envie de travailler, les notes et les classements
    restent encore le moyen le plus efficace de sanction et d'émulation. Mais ce moyen a une
    contrepartie gravement dangereuse : -Comme
    il s'agit de noter, et avec un minimum d'erreurs, on s'en tient en pédagogie à ce qui
    est mesurab1e. Un exercice, un calcul, un problème, la répétition d'un cours, tout cela
    peut effectivement entraîner une note acceptable. Mais la compréhension, les fonctions
    d'intelligence, la création, l'invention, le sens artistique, scientifique, historique,
    ne peuvent pas être notés. Alors on les réduit au minimum, à l'Ecole, et on les
    supprime de la compétition. Ils n'entrent que faiblement en compte dans les examens et
    concours.  Voilà
    la situation actuelle. Nous
    y pallions : -en
    donnant aux enfants le goût et le besoin de travail ; en créant une saine
    émulation par la compétition coopérative et sociale ; -en
    mettant au point un système de graphiques et de brevets qui remplaceront un jour prochain
    l'usage abusif des notes et des classements. (Nous
    notons avec satisfaction que les récentes circulaires ministérielles des classes de
    transition préconisent justement la suppression des notes et du classement).     Test :   Vous
    avez supprimé notes et classements que vous  remplacez
    par les formes nouvelles de travail.
                
                            
                [vert] Vous
    remplacez précautionneusement notes et classement  Vous
    restez fidèles à l'ancienne tradition.         
                            
                
                [rouge]   | 
| INVARIANT n° 20 :   Parlez
    le moins possible.   Nous
    avons beau faire, la vieille pédagogie nous a si bien marqués que nous avons toujours  tendance à parler, à expliquer, à démontrer,
    quand rien ne va plus. Ménagez
    votre organe vocal habitué à surmonter tous les bruits, jusqu'à l'usure. N'expliquez
    pas à tout propos : cela ne sert à rien. Moins vous parlez, plus vous agissez. Celui
    qui travaille consciencieusement ne parle pas. Mais ce changement dans votre comportement
    et votre action suppose que vous avez conscience de notre Invariant n°13. On se forme,
    non par l'explication et la démonstration, mais par l'action et le tâtonnement
    expérimental. Il suppose aussi que vous avez la maîtrise du matériel et des techniques
    qui permettent une pédagogie plus efficiente.   Test :   Vous
    êtes organisés pour travailler ;  Vous
    vous efforcez de moins parler mais vous n'avez pas  Vous
    vous en tenez de préférence aux vertus du langage explicatif. 
                [rouge]   INVARIANT n° 21 :   L'enfant
    n'aime pas le travail de troupeau auquel l'individu doit se plier comme un robot. Il aime   C'est
    la condamnation définitive des pratiques scolastiques, où tous les enfants font, au
    même moment, exactement la même chose. On a beau classer les élèves par divisions ou
    par cours, ils n'ont jamais les mêmes besoins ni les mêmes aptitudes et il est
    profondément irrationnel de prétendre les faire tous avancer au même pas. Les uns
    s'énervent parce qu'ils piétinent alors qu'ils voudraient et pourraient aller plus vite.
    Les autres se découragent parce qu'ils ne peuvent pas suivre seuls. Une petite minorité
    profite du travail ainsi aménagé. Nous avons cherché, et trouvé la possibilité de
    permettre aux enfants de travailler à leur rythme, au sein d'une communauté vivante. La
    notion de travail d'équipe et de travail coopératif doit être elle-même
    reconsidérée. Travailler en équipe ou en coopérative ne signifie pas forcément que
    chaque membre fait le même travail. L'individu doit au contraire garder au maximum sa
    personnalité mais au service d'une communauté. Cette forme nouvelle de travail est,
    pédagogiquement et humainement parlant, de la plus haute importance.   Test :   Vous
    organisez la pratique intéressante du travail individuel Vous
    tentez des essais de travail d'équipe.
             
                            
                            [orange] Vous
    persistez dans une organisation traditionnelle du travail.
                       [rouge]   INVARIANT n° 22 :   L'ordre et la discipline sont nécessaires en classe.   On
    croit trop souvent que les techniques Freinet s'accommodent volontiers d'un manque
    anarchique d'organisation, et que l'expression libre est synonyme de licence et de
    laisser-aller. La
    réalité est exactement contraire : une classe complexe, qui doit pratiquer
    simultanément des techniques diverses, et où on essaye d'éviter la brutale autorité, a
    besoin de beaucoup plus d'ordre et de discipline qu'une classe traditionnelle, où manuels
    et leçons sont l'essentiel outillage. Mais
    il ne saurait s'agir là de cet ordre formel qui se traduit tant que le maître surveille,
    par du silence et des bras croisés. Nous avons besoin d'un ordre profond inséré dans le
    comportement et le travail des élèves ; d'une véritable technique de vie motivée
    et voulue par les usagers eux-mêmes. Ce
    ne sont pas là des mots mais des réalités possibles dans toutes les classes qui
    s'orienteront vers le travail nouveau. L'ordre et la discip1ine de l'Eco1e Moderne c'est
    l'organisation du travail. Pratiquez
    les techniques modernes pour du travail vivant les enfants se disciplineront eux-mêmes
    parce qu'ils veulent travailler et progresser selon des règles qui leur sont propres. Vous
    aurez alors dans vos classes l'ordre véritable.    Test :   Vous
    parvenez, avec des techniques complexes de travail,  Le
    travail n'est pas encore suffisamment organisé  Les
    enfants ont encore besoin de l'ordre imposé de l'extérieur.
                  [rouge] 
 | 
| INVARIANT n° 23 :   Les
    punitions sont toujours une erreur. Elles sont humiliantes pour tous et n'aboutissent
    jamais au   Pourtant,
    il est des cas, nous dira-t-on, où la punition devient une nécessité, où elle est la
    seule solution pour maintenir l'ordre. Et
    cela est exact. Mais c'est que l'erreur a été commise avant nous, ou en dehors de nous
    et que nous en supportons la triste conséquence. Quand les enfants ont été battus
    fréquemment dans la famille, ils se sont forgés une technique de vie à base de coups et
    de punitions. Ils sont provisoirement insensibles à toutes autres techniques de vie, et
    le redressement sera parfois terriblement long et difficile. Si
    les enfants sont mal nourris, mal logés, s'ils ne sont pas habitués au travail, nous
    aurons fort à faire pour parvenir à un ordre fonctionnel. L'erreur a été commise hors
    de nous aussi. Ce
    n'est pas en emboîtant le pas à l'erreur qu'on la corrigera, c'est en uvrant pour
    rendre les punitions inutiles. Observez
    très loyalement un enfant qu'on punit ; étudiez vos propres réactions aux
    punitions que vous avez subies. Il y a toujours un élément d'opposition, de colère, de
    vengeance, parfois de haine. Il y a toujours humiliation, même si cette humiliation est
    masquée sous un air de bravade, de fierté ou de rodomontade. Si
    la punition est toujours une erreur, chaque fois que vous y avez recours, vous commettez
    une fausse manuvre, même si en apparence tout semble entrer dans l'ordre, même si
    vous n'en voyez pas tout de suite les conséquences. C'est
    dans la mesure où nous intéressons les enfants au travail dans la classe, où nous
    satisfaisons leur besoin de création, d'enrichissement et de vie, que la classe
    s'harmonisera et que les sanctions seront inutiles. Nous
    ne disons pas que ne pas punir soit une chose simple. L'ordre et la discipline sont  l'aboutissement de toutes les conditions de
    travail dans la classe, et ces conditions sont bien souvent encore tellement
    péjoratives ! Mais
    cela ne nous empêche pas de raisonner juste et de mesurer l'importance de nos erreurs,
    même si nous ne pouvons pas toujours y parer.   Test :   Vous
    avez totalement supprimé les punitions  Vous
    essayez de supprimer les punitions,  Vous
    croyez les punitions nécessaires, donc acceptables.
                                [rouge]   INVARIANT n° 24 :   La
    vie nouvelle de l'Ecole suppose la coopération scolaire, c'est-à-dire la gestion par les
    usagers, l'éducateur compris, de la vie et du travail scolaire.   La
    coopération scolaire est la conséquence des invariants ci-dessus. Si vous n'avez pas
    encore conquis suffisamment de feux verts, vous hésiterez à vous en remettre totalement
    à la coopération. Vous penserez que les enfants ne sont pas suffisamment expérimentés,
    pas assez  conscients de leurs devoirs, pas
    assez « hommes » et qu'il vous faut bien manifester votre supériorité et
    votre autorité. Si vous avez vraiment dépouillé le vieux maître, vous donnerez à la
    coopérative scolaire le maximum de responsabilité dans l'organisation de votre classe. Mais : 1°.
    Cette responsabilité ne doit pas être exclusivement économique et technique. Il ne
    s'agit pas de recueillir des fonds et de les gérer, ni même de produire au bénéfice de
    la coopérative. Tout cela n'est pas négligeable et constitue en somme un premier pas.
    Mais ce n'est malgré tout là qu'un aspect mineur d'une coopération qu'il faut étendre
    à toute la vie de la classe, surtout à l'aspect social et moral de l'organisation. Nous
    en avons indiqué les techniques, notamment le journal mural et l'Assemblée générale
    hebdomadaire de la Coopérative.  2°.
    L'éducateur ne doit pas se contenter de voir fonctionner la Coopérative pour en
    sanctionner, de l'extérieur, les faiblesses et les erreurs. Il doit s'intégrer à la
    coopérative dont il tâchera d'être, avec beaucoup de compréhension et de dynamisme le
    meilleur élément.   Test :   Vous
    pratiquez cette coopération totale.
                                         
                [vert] Vous
    avez une coopérative pour ainsi dire surajoutée  Vous
    voulez conserver tout le pouvoir.
          
                            
                            [rouge]   INVARIANT n° 25 :   La surcharge des classes est toujours une erreur pédagogique.   S'il
    s'agit seulement d'instruire les enfants, le grand nombre peut être parfois acceptable.
    Il peut y avoir des techniques de travail qui permettent les acquisitions mécaniques à
    une masse de 50 enfants presque aussi bien qu'à une équipe de dix. C'est
    ce qu'on essaie de démontrer lorsqu'on parle des vertus possibles des techniques
    audiovisuelles. Mais
    l'acquisition des connaissances reste malgré tout une fonction mineure de l'Ecole. Ce qui
    est par contre important, c'est la formation en l'enfant de l'homme de demain, de l'homme
    moral et social, du travailleur conscient de ses droits et de ses devoirs et suffisamment
    courageux pour y faire face, de l'enfant et de l'homme intelligent, chercheur, créateur,
    écrivain, mathématicien, musicien, artiste. Les
    qualités que ces fonctions exigent ne peuvent absolument pas s'acquérir dans un groupe
    anonyme. Elles ne s'acquièrent jamais par la seule information, si majestueuse soit-elle.
    Elles ne peuvent se développer que si on a la possibilité effective de travailler,
    d'agir et de vivre individuellement et socialement. Dans ce domaine aussi c'est en
    forgeant qu'on devient forgeron ; c'est en vivant et travaillant dans une équipe ou dans
    un groupe qu'on apprend à vivre en groupe. Ces
    conditions ne sont plus remplies dès que l'Ecole devient une masse anonyme et elle le
    devient automatiquement au-delà de 20-25 élèves par classe.    Test :   Vous
    avez 20-25 élèves par classe, tout vous est possible.
              
                
                [vert] Vous
    avez 30-35 élèves, vous aurez beaucoup de difficultés.
                       [orange] Au-delà
    de ce nombre d'élèves.
              
                                                    
                [rouge]   INVARIANT n° 26 :   La conception actuelle des grands ensembles scolaires aboutit à l'anonymat des maîtres et des élèves ; elle est, de ce fait, toujours une erreur et une entrave.   La
    grande masse, lorsqu'elle n'est pas organisée au service des personnalités, lorsqu'elle
    est simple juxtaposition d'individus qui ne sont unis par aucun lien, disons spirituels ou
    psychiques, est toujours destructrice de ces personnalités. C'est ce qu'on a constaté de
    tous temps à l'armée qui est toujours abêtissante. es
    petites écoles au-dessous de 5 à 6 classes restent encore comme un village sympathique,
    où les gens peuvent se connaître et vivre en fonction les uns des autres, où les
    maîtres peuvent sympathiser, discuter entre eux, et suivre tous les élèves. Au-dessus
    de ce nombre de classes, on tombe dans les grands ensembles, genre caserne, où l'anonymat
    est général : les instituteurs ne se connaissent pas toujours entre eux ; il n'y a
    en tous cas aucune pensée, aucune préoccupation communes qui les réunissent et les
    unissent. Pour les enfants, c'est la caserne, plus ou moins maléfique, mais d'où
    l'esprit caserne ne saurait être banni. La
    construction d'écoles de 5 à 6 classes, l'éclatement des grands ensembles en unités
    pédagogiques de 5 à 6 éléments, apparaissent comme des mesures indispensables à la
    modernisation et au succès de l'Ecole.    Test :   Vous
    vous trouvez dans un groupe humain de5 à 6 classes,  Des
    conditions spéciales vous à permettent un travail acceptable Dans
    un grand ensemble-caserne et anonyme.
             
                            
                [rouge]   INVARIANT n° 27 :   On prépare la démocratie de demain par la démocratie à l'Ecole. Un régime autoritaire à l'Ecole ne saurait être formateur de citoyens démocrates.   C'est
    une chose si naturelle qu'il semble que le simple bon sens imposerait à tous cet
    invariant. Les habitudes autoritaires sont, hélas ! si ancrées dans la vie des
    parents et des maîtres que, dans la presque totalité des classes et des familles les
    enfants restent essentiellement mineurs et soumis à l'autorité incontestable des
    adultes. Le
    père est syndiqué, naturellement adhérent ou même militant d'un parti politique
    progressiste. Mais quand il revient dans sa famille il est trop souvent le maître qui,
    comme au Moyen Age, ne souffre aucune opposition à ses ordres. Le
    maître se dit tout aussi évolué socialement, syndica1ement et politiquement, mais dans
    sa classe, il ne tolère pas qu'on contredise son autorité. Tout doit marcher à la
    règle, si ce n'est au bâton. Et
    l'on s'étonne que les enfants qui échappent un jour à cette autorité soient incapables
    de se commander eux-mêmes, de réfléchir et d'agir ; qu'ils soient inaptes à
    s'organiser et que leur principale préoccupation soit, maintenant et plus tard,
    d'échapper à l'autorité ! Au
    siècle de la démocratie, alors que tous les pays, les uns après les autres accèdent à
    l'indépendance, l'Eco1e du peuple ne saurait être qu'une école démocratique
    préparant, par l'exemple et par l'action, la vraie démocratie.   Test :   Vous
    vous efforcez d'organiser la démocratie à lEcole.
                                       [vert] Vous
    faites timidement quelques essais qui n'affectent  Vous
    en êtes encore à l'Ecole autoritaire.     
                            
                
                [rouge]   INVARIANT n° 28 :   On ne peut éduquer que dans la dignité. Respecter les enfants, ceux-ci devant respecter leurs maîtres est une des premières conditions de la rénovation de l'Ecole.   Tel
    est l'aboutissement des feux oranges et des feux verts qui jalonnent la route que nous
    nous sommes appliqués à définir. C'est
    à cette dignité des nouveaux rapports qui s'établiront dans nos classes, que nous
    mesurerons les progrès réels que nous aurons réalisés. Le
    vieux proverbe recommandé aux adultes est intégralement valable dans nos classes :  « Ne
    faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu'ils vous fassent. Faites aux autres
    ce que vous voudriez qu'ils vous fassent ».   Test :   Vous
    parvenez à réaliser cette règle dans votre classe.
                                [vert] Vous
    vous y efforcez sans y parvenir encore intégralement.
                            [orange] Si
    vous n'avez pas encore humanisé l'Ecole.
                
                            
                
                [rouge]     INVARIANT n° 29 :   L'opposition de la réaction pédagogique, élément de la réaction sociale et politique est aussi un invariant avec lequel nous aurons, hélas ! à compter sans que nous puissions nous-mêmes l'éviter ou le corriger.   Telle
    est la nature humaine, qu'elle s'installe égoïstement dans ce qui est et se défend,
    jusqu'à l'injustice et la violence, contre quiconque prétend au nom du progrès,
    troubler la quiétude des gens en place.  Essayez
    dans une gare, la nuit, d'entrer dans un compartiment où les voyageurs se sont installés
    au mieux, occupant même les places qui ne leur sont pas destinées. C'est un concert
    unanime de grognements, de protestations, d'invectives et parfois de coups. Parce
    que vous aurez pris conscience de la réalité de ces trente invariants, vous voudrez
    conformer à leurs enseignements l'organisation de votre travail et de votre classe. Mais
    votre exemple, surtout s'il est réussi, obligera éducateurs et parents autour de vous,
    à reconsidérer progressivement leur action. Et ce sera un de vos mérites d'y parvenir
    lentement, à travers opposition, critiques, grognements et invectives. Si
    tant des nôtres sont critiqués, dénigrés, calomniés, si on parvient parfois à
    mobiliser contre eux la conjonction de l'immobilisme et du conservatisme, c'est que c'est
    là aussi un invariant du progrès scolaire et social. Ne
    vous en étonnez pas. Sachez d'avance qu'il faut compter avec cet invariant, qu'il est la
    rançon de vos conquêtes et que les mêmes difficultés et les mêmes souffrances
    jalonnent toujours la voie de ceux qui veulent aller de l'avant, parce qu'ils s'efforcent
    d'être de vrais éducateurs, de généreux formateurs d'hommes.   Test :   Vous
    êtes parvenus à dominer ces oppositions.    
                            
                [vert] Vous
    êtes aux prises avec ces oppositions mais  Vous
    rencontrez trop d'opposition pour avancer. 
                            
                [rouge]   | 
| INVARIANT n° 30 :   Il y a un invariant aussi qui justifie tous nos tâtonnements et authentifie notre action : c'est l'optimiste espoir en la vie.   C'est
    ainsi : plus l'individu est jeune et neuf, plus il éprouve le besoin d'avancer avec
    témérité. Quand l'autorité brutale croit l'avoir stoppé dans son élan, le voilà qui
    prend clandestinement des  voies de traverse
    pour dépasser les obstacles et reprendre ensuite sa marche en avant. C'est
    quand, par la maladie, l'embourgeoisement, la vieillesse, ou les erreurs graves
    d'éducation, on parvient à annihiler cet espoir en la vie que l'échec peut sembler
    comme définitif. Cet
    espoir en la vie sera, dans la suite tâtonnante des Invariants ci-dessus, le fil d'Ariane
    mystérieux qui nous conduira vers notre but commun : la formation en l'enfant de lhomme
    de demain. | 
| GRAPHIQUE
    GÉNÉRAL  Si
    vous voulez faire le point de votre situation d'enseignant et voir : -dans
    quelle mesure vous avez dominé les obstacles qui s'opposent à votre action.  -comment
    vous avez su, aux feux rouges, ne pas vous contenter de stopper, mais essayé de chercher,
    par des déviations et des traverses, de franchir l'obstacle pour retrouver plus loin la
    voie royale ;  -comment
    vous vous êtes faufilés à l'occasion des clignotants et des feux orange ;  -comment
    vous avez franchi à une vitesse accélérée les feux verts libérateurs,  vous
    établirez le graphique suivant qui vous incitera à continuer avec nous la lutte pour une
    école moderne toujours plus efficiente, plus libre, et plus humaine. | 
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