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Courrier des lecteurs

Je voudrais surtout vous entretenir de l'impression que m'a laissée le parcours rapide que j'ai dû faire de l'ensemble de la collection des Art enfantin et créations que je possède tout entière.
Les derniers numéros sont de moins en moins occupés par des discours mais de plus en plus proches de la pratique simple, sans rien d'autre que les nécessaires explications qu'impose la compréhension de ce qui est présenté.
On y trouve de moins en moins d'explications subjectives où se projette sa vision personnelle de l'art enfantin ou tout simplement des oeuvres présentées. Autrement dit les rédacteurs semblent de moins en moins s'impliquer dans la présentation des résultats de leurs expériences, ce qui donne un caractère moins affectif à la revue.
On y voit de moins en moins de dessins marquant les traces des tâtonnements des enfants. A ses débuts la revue en était pleine mais pas déclarés dessins bruts, seulement présentés comme des étapes de recherche.
On trouve de moins en moins de texte et de plus en plus d'oeuvres. II s'agit, me semble-t-il, d'une orientation plus tournée vers l'incitation à la recherche artistique, peut-être plus vers la recherche de l'esthétique (ce qui n'est pas sans surprendre), également incitation à la recherche créative dans tous les do­maines.
Je crois aussi y voir moins de souci de libération psychologique, les techniques prenant une place prépondérante.
Dans les premiers temps il me semble qu'on sentait avant tout l'ensemble cohérent d'une classe dans laquelle la création était partie intégrante d'un tout. La place qu'a pris le second degré spécialise la créativité.
Dans le cahier de roulement «Thèmes», Lise Lesca ouvre des voies qu'il faudrait bien qu'on voie de plus près.
On ne voit plus dessin = connaissance de l'enfant, dessin = libérateur psychologique qui permet le travail dans les autres disciplines. II semble qu'on ait perdu l'aspect global de l'enfant, pour une part au moins, au bénéfice de l'art ou de la créativité à tendance artistique ou esthétique.
Mais j'ai jeté seulement un rapide coup d'oeil. je me trompe peut-être. Qui va vérifier ?

Guy GOUPlL

Nous avons lu

Les dessins de Patrick
Effets thérapeutiques
de l'expression libre
Paul LE BOHEC
Michèle LE GUlLLOU
Éditions E3 Casterman

Ce livre est un recueil de textes et de dessins libres produits par Patrick, un élève de la classe C.M.1 puis C.M.2 de Michèle Le Guillou.
Tout au long de ces deux années, nous voyons l'enfant se décharger de ses tensions par l'expression graphique. Nous pouvons suivre le cheminement par lequel il se libère de ses fantasmes, lentement, difficilement, en une sorte de crescendo jusqu'au «dénouement». Cette libération apparaît d'abord dans le dessin, puis dans les textes libres.
L'attitude de la maîtresse est primordiale. Elle permet l'expression fantasmatique parce qu'elle «donne son regard». Elle ne cherche pas à analyser et utiliser les productions de l'enfant. Par sa présence et son attention, elle permet à Patrick de s'exorciser.
Ce dossier est commenté par Paul Le Bohec, qui n'en a pris connaissance que cinq ans après qu'il ait été constitué.
Les deux auteurs nous montrent «les effets thérapeutiques de l'expression libre». Ils nous éclairent surtout sur l'attitude que nous devrions adopter en tant qu'éducateurs : permettre l'expression, quelle qu'elle soit. Nous ne sommes pas formés à la psychanalyse, mais, peu importe, et même au contraire. De toutes façons «on ne sait pas comment les choses se passent» et celles se passent en dehors du maître». Face à une production libre, cil suffit de savoir que «cela peut pouvoir dire quelque chose».
Notre rôle consistera donc à faire naître cette expression, en proposant le maximum de langages possibles (dessin, texte libre, création mathématique ou manuelle... ). Donnons simplement notre regard à chacun - mais peut-être est-ce cela qui est si difficile ? - pour que l'école devienne «ce lieu d'acceptation de ce qui est interdit ailleurs».

Régine GALAN
Ce livre peut constituer en quelque sorte une réponse à la parution des articles sur «les dessins bruts naturels» qui ont fait couler beaucoup d'encre et animer beaucoup de discussions.
A. A.

Nous avons reçu

VIE DES GROUPES

Des enseignants se sont réunis plusieurs années de suite, à Mitzach (vallée du Thann) en groupes d'expression écrite et dessins spontanés abstraits. L'initiative de ces rencontres, nous la devions à l'Institut Départemental de l'École Moderne (pédagogie Freinet).
Le but de ces rencontres était de débloquer les enseignants et ainsi les rapprocher de la spontanéité de l'en­fant ; résoudre « le problème de l'école» en changeant le «regard» du professeur.
Pour y arriver (outre le dessin) plusieurs techniques ont été utilisées : collages, écriture automatique, ca­davre exquis.
En retrouvant le rire, c'est Freinet que nous avons retrouvé et la jeunesse.
Un jour, des jeunes non-enseignants se sont joints au groupe et... le sérieux inhérent à ce genre d'expérience a été balayé.

Une expérience d'écriture en groupe à Mitzach

Des papiers circulent, les plumes glissent. Chacun écrit, plie le feuillet laissant seulement apparaître la dernière phrase et la passe vite à n'importe qui, qui complète selon ses humeurs, ses envies, ses divagations.
Au milieu de la table il y a « la corbeille» comme à la Bourse. Quand quelqu'un n'a plus rien à dire il lance son papier. Une main le ramasse, un autre feuillet tombe. Ainsi se forme une chaîne.
Chacun propose ses sujets. Dès que l'unanimité se fait sur une idée le jeu démarre. Ça peut être n'importe quoi : une reproduction de tableau posée sur la table ou une photo sortie d'une poche, le plus souvent un mot énigmatique ou une expression exsangue à laquelle tous se proposent de rendre vie, fantaisie et énergie.
Dans un coin de la pièce, montant vers le plafond, tête à l'envers, la hotte d'une cheminée aspire la fumée d'un feu ouvert. L'atmosphère crée l'ambiance. Le feu est essentiel comme symbole. Le feu a sa vie propre. Buisson ardent, Dieu parle du centre incandescent de ses cendres.
Nous sommes huit réunis autour de cette lourde table de chêne, deux dimanches par trimestre. Nous sommes six enseignants et deux médecins qui vont réussir là où tant d'autres se sont ratatinés !
Pendant les séances d'écriture le silence est requis. Ricanements, soupirs, relation de soi aux signes... Tension maximum, attention abrupte... L'oeil sombre dans la blancheur fadasse du papier. Bêtes remuantes, les feutres grattent ; surgissent les mots qui cisaillent la Substance. Le Monde s'efface et le Chaos lui-même tombe en charpie. Une nouvelle réalité naît. Car pendant que l'inconscient déborde chez certains, la raison structure chez les autres. Quatre tentales femelles pondent extasiées des oeufs cristallins, cependant qu'en coeur, blasonnées d'horreur, quatre gargouilles barbues pissent de la copie. Jusqu'à ce que «plus personne n'ait rien à dire». Alors les écrits sont réunis dans une main qui se tend. L'heure vaudou de la lecture a sonné. Clapoir abreuvoir distendu sur une grelotte qui ballote, l'éructeur de service déchiffre puis dégorge les manuscrits.
Rituellement un immense éclat de rire accompagne la séance de lecture. La cause en est simple : figée sous des concepts anodins comme terrine sous gélatine, une vie nouvelle s'élabore, si étrange que l'instinct nous commande de fuir : on obéit preste. On détale dans la rigolade. On en hoquette dans nos mouchoirs.

Épilogue.

Un jour le lieu nous a échappé. Les propriétaires de la fermette où nous nous réunissions ne pouvaient plus nous recevoir.
Avec le lieu disparut la chose.
On a eu beau essayer de résister, le Destin veillait. On a fait le gros dos, la Roue tournait... écrabouillait... Pour ça le hérisson en galette sanglante sur l'asphalte est un très convenable sujet de méditation. C'est un témoignage plus convaincant que le Crucifix... Des histoires on peut toujours en raconter après... Pour le hérisson accidenté point de Résurrection, de Salut, aucune illusion. Pour nous non plus.
On a essayé de se retrouver ailleurs. La magie ne fonctionnait plus. D'un commun accord on a laissé tomber. Expérience ratée ?
Que non.
II est de bon ton aujourd'hui de tirer la gueule, de dire que dans la vie on ne peut rien changer, de relire le Testament de Dieu, de renifler les Morts...
Regardez les gens, autour de vous, dans la rue, à la télévision, leurs tristes mines… Faudrait me changer tout ça ! Mettre à bas les grimaces, se grimer rigolos.
Oui, c’est ce rien-là qui fait toute la différence : ne plus jouer et pourtant rire. C’était ça la réussite de nos rencontres
Adieu Mitzach !
Francis EMMANUEL

Pour recevoir Le crayon fou, recueil des textes, dessins et photos réalisés à Mitzach, écrire à Marie-Odile Schoch, 3 rue Heuchel, 688t))0 Vieux-Thann, en joignant 10 F + 2 F pour frais d'envoi.

DES ÉCHOS DU STAGE SECOND DEGRÉ DE LAROQUEBROU (CANTAL) 1980

Nous étions huit.
Huit ou vingt et un ? J'sais plus ; j'sais pas. Ça dépend...
Ça dépend des matins, ça dépend des après-midi... Les matins, on était «animés». On avait choisi !
Les après-midi on s’ «animait» car je ne voulais pas être l'animatrice-directive.
Alors on a essayé de se prendre en charge puisque c'est ce qu'on essaie de faire en classe.
Pas simple de le faire soi-même, surtout avec un tel planning.
Gr     se              e
UN    ou P Q ui  f      m
e OR
QUI
Un grou e      se Cher che
p
Qui se DécouVre
Un grou--peee qu-i pié-ti--neee et puis qui crée...
OUF! trop tard, faut s'quitter.
Mais j ai déjà connu ça au stage de ... !
Ah oui, les stages, c'est quand la fin arrive qu'on commence à produire.
Et alors tout c'qui reste ?
Eh ben... on va essayer de s'écrire...
(C'est la première fois que je reviens d'un stage fraîche et sereine !)

JANINE

Ce que j'ai vécu au cours de ce premier stage.
Assez difficile à dire avant décantation complète mais je vais essayer tout de même.
D'abord, ça a été l'occasion de rencontrer des collègues disponibles et motivés en cette période de vacances, des collègues particulièrement habitués au dialogue, avec des animateurs soucieux de respecter les idées de chacun dans le groupe.
Des gens épanouis, libres, quoi ! Au contact desquels on se découvre et on prend conscience de ses propres blocages.
Également de vivre des moments forts, privilégiés, avec la découverte d'un mode de communication tout à fait nouveau pour moi proposé par le théâtre Boal, dont nous partagions les activités le matin.
Sur le plan pédagogique, j'oubliais des promesses d'échanges de travaux avec la mise en chantier d'un cahier de roulement diapositives. Tant mieux !

DENISE

Ce stage s'achève. J'en sors non blindé de certitudes pédagogiques mais plus serein et disponible.
L'expérience vécue à l'intérieur d'un groupe ouvert, l'évolution positive des relations à l'intérieur de ce groupe, l'alternance du corporel et de l'intellectuel m'ont apporté un certain bien-être qui, entre autres choses, gomme en moi limage traumatisante du précédent stage mal vécu.
Encore plus qu'avant, il ne m'apparaît plus possible de séparer notre travail de réflexion et d'échanges d'une pratique d'expression corporelle. Celle-ci m'a aidé à supporter l'absence de pratique au niveau artistique. Si brève fut-elle elle sera sûrement exploitée dans mes classes. Ce stage m'a permis de cerner davantage le personnage véritable qui se cache derrière un texte et un nom dans une des revues de l'I.C.E.M. ou dans les cahiers de roulement de l’I.C.E.M,
MICHEL

UN BULLETIN A CONNAÎTRE

Celui du C.N.E.A. (Comité National pour l'Éducation Artistique).
C'est un bulletin de liaison entre les enseignants d'art plastique, dans la perspective d'une défense de l'éducation artistique. Outre les problèmes spécifiques des personnels, on y trouve des comptes rendus d'interventions menées auprès de pouvoirs publics, des échos de l'étranger, une tribune pédagogique, des «tuyaux» sur des livres, des expos, etc.
En bref, huit pages énergiques, qui replacent l'éducation artistique au niveau des réalités quotidiennes de lutte des enseignants.
Abonnement : 45 F pour 10 numéros. Éditions du C.N.E.A., avenue Meunier, 24 rue Saint-Bernard, 75011 Paris.

 

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