Constructions de volumes

École maternelle annexe E.N. Lons-le Saunier (Jura)

Classe de S.MASSON

   

Bruno, 5 ans, néglige la peinture en ce moment. À sa maman qui le lui reprochait, il dit :

« Tu sais, en peinture, c’est toujours la même chose, quand j’ai fait une maison, un bonhomme, je ne sais plus quoi faire. »

Si Bruno néglige ainsi la peinture, c'est qu'il a découvert un autre mode d'expression. Bruno a découvert qu'à partir de matériaux divers, il pouvait créer tout un monde, beaucoup plus réel et quelquefois plus inattendu que le monde qu'il arrive à réaliser à plat

sur une feuille de papier. Il peut créer des formes, des volumes qui deviennent des êtres, des objets que l'on peut prendre, poser sur la table, transformer, sur lesquels enfin on peut agir.

Bruno travaille aujourd'hui à un atelier qui lui offre des bandes de carton, de différentes longueurs, de différentes largeurs, de résistances variées. Il a à sa disposition de la colle, des trombones, des pinces à linge, du scotch et il sait que la maîtresse est là et qu'il peut l'appeler à tout instant pour agrafer si besoin est.

Il est entouré d'autres enfants qui comme lui fouillent dans les bandes de carton, les observent, découvrent le matériau et ses possibilités. Certains ont déjà fait des couronnes, des ceintures.

Et voilà qu'à partir de deux ronds agrafés l'un à l'autre et de deux bandes de carton placées en travers naît quelque chose qui, lorsqu'on le soulève, se balance, semble marcher. Un bonhomme est né. Bruno découpe une figure dans une feuille de papier, la plaque sur la bande de carton. Des pieds, des mains, des cheveux viennent compléter le bonhomme qui, une fois accroché au mur, se révèle être presque aussi grand que Bruno. Et comme il est drôle ! On le fait danser, marcher...

Ce bonhomme a été le coup d'envoi

de toute une série de réalisations. Une bête est née avec des cornes placées de guingois, d'étranges yeux (anneaux de carton fixés à la bande par des sortes de pédoncules).

Des problèmes d'équilibre se sont posés, qu'il a fallu résoudre pour le mieux. D'autres enfants ont fait des maisons souvent traditionnelles, mais ça et là le hasard et les difficultés rencontrées ont fait naître des architectures originales. D'étranges fleurs ont poussé sur de longues tiges, fleurs trop fragiles pour se dresser seules et qu'il a fallu fixer au mur; il y a eu des papillons, des tortues. La classe a été envahie par ces productions.

Tout n'a pas été réussite. Mais il y a eu pour les enfants créateurs une grande joie à voir jaillir dans l'espace des formes, des volumes pas toujours identifiables mais qu'importe !

Et quelle victoire de voir son chef-d'oeuvre en équilibre, précaire certes, mais tout de même en équilibre sur la table, quitte à le retrouver sur le flanc le lendemain matin ou par terre, comme si la nuit une vie mystérieuse l'avait animé.

Et la plus grande joie fut quand les petits de deux et trois ans venant nous voir dans la classe se sont écriés : «Oh ! des jouets ! »

S. MASSON

 

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