La progression d’Hubert

HUBERT est arrivé en 6e comme tant d'autres...

Très rapidement c'est l'échec dans presque toutes les matières. Seul le dessin semble lui permettre d'exprimer ce qu'il est, ce qu'il ressent et pourtant là aussi, il reste prisonnier des stéréotypes et n'a pas d'audience au niveau du groupe. Cependant il se sent bien dans le dessin et c'est dans ce domaine que pourraient apparaître pour lui quelques chances de réussite.

Le groupe-classe chaleureux, le maître attentif accueillent ses pre­mières créations, et en le revalorisant en tant qu'individu, l'incitent à poursuivre ses recherches.

C'est un long travail d'approche...

«Il y a une méthode traditionnelle qui enseigne aux enfants et  aux hommes à dessiner et à peindre, en commençant par ce que l'on croit être le commencement : les gestes et les figures simples qu'on ira peu à peu en compliquant par l'usage des règles et de lois que tout dessinateur serait censé connaître. Et effectivement, quand les étudiants les connaissent, ils sont en mesure de représenter des objets conformément aux lois qu'on leur a enseignées. Seulement, leurs dessins sont peut-être justes, mais ils n'ont pas de sens ni de personnalité. Ils n'ont plus rien de, l'oeuvre d'art qui est expression intime de la vie. » (1)

A partir de ce qu'il produit, grâce à l'échange avec le groupe et le maître toujours attentifs et critiques, se créent les moyens d'une réflexion, d'une remise en cause, au niveau technique et au niveau de l'affinement de son expression, qui l'amènent à rechercher une adéquation entre ce qu'il a besoin de dire et ce qu'il montre.

Tout le processus du tâtonnement se met en place avec l'aide constante du maître (recherche et apport de nouvelles techniques, de nouveaux matériaux, changement de format qui passe de la petite feuille 21 X 27 au grand papier 65 X 110, correspondance avec un autre groupe...).

L'audience aidante du groupe-classe et la part affective de l'échange le libèrent. I1 s'épa­nouit, il s'affirme, parle, use de son corps pour s'exprimer, se prend en charge... Dans tout cet apprentissage de techniques de vie, l'exigence extérieure devient peu à peu un moteur personnel qui va permettre à Hubert de dépasser les moments d'auto-valorisation pour arriver à une expression réelle qu'il maîtrise. A noter aussi que ce comportement, cette éducation du travail, influe de manière très positive sur l'ensemble de sa démarche scolaire et individuelle.

HUBERT est arrivé en 6e comme tant d'autres...

Il n'est que l'illustration commune d'une démarche, d'une pédagogie applicable à n'importe quel individu, dans n'importe quel domaine.

C'est aussi un plaidoyer pour l'expression libre...

«Nous tâcherons au moins de libérer les forces originelles, d'exciter les moteurs, de réduire les barrages, d'activer le courant pour que le torrent de vie puisse s'en aller, vivace et sûr, vers sa destinée.» (2)

Dominique VERDIER et Michel VIBERT

(1) B.T.R. n° 18-19, p. 53, propos de C. Freinet
(2) B.T.R. n° 18-19, p. 64, propos de C. Freinet.

 

Dominique Verdier : M’arrive en 6° un enfant timide, renfermé, me considérant comme le maître … comme bien d’autres !...

Hubert. – J’aimais bien dessiner. Je dessinais peu, d’après modèles, je gardais mes dessins pour moi tout seul …

C.V. – Débuts de recherches, Hubert fouille partout dans la classe … et essaie tout !

H.- J’aurais voulu tout découvrir le même jour, … Maintenant je sais que c’est impossible et qu’il faut plus que l’infini pour tout découvrir …

 

D. V - Déjà à ce moment il se «disait» plus dans son dessin que dans ses textes.

H. - Je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi. Je crois que c'est plutôt parce que je ressentais le besoin, par moment, de dessiner ce que je ne pouvais pas dire par le texte.

... Le dessin m'apportait tout ce que je n'avais pas eu le désir de connaître, ce n'était pas encore une priorité... Je dessinais quand j'avais le temps et encore... Mais j'en donnais beaucoup...

... C'est pendant cette année-là (en 5e) que j'ai le plus voyagé, travaillé à travers le dessin, mais avec peu d'évolution. Les techniques que l'on m'a apportées, un peu jetées dans les mains, m'ont beaucoup aidé par la suite. J'ai ressenti ça comme un coup de pied dans le derrière, comme tu le disais si bien...

H - Je n'aimais pas tellement les pastels quand j'ai commencé à les connaître... Je ne me sentais pas libre de faire les formes que j'avais voulu obtenir... je ressentais ça comme du gribouillage... J'avais un peu honte de moi et je les cachais... et souvent je les donnais...

... Ça (ci-dessous), c'est fait avec deux plaques de verre... je faisais ça comme- un travail à la chaîne...

   
 
   

D.V.- Hubert est un peu plus ouvert, mais toujours aussi peu oral. Cependant il crée avec la classe des échanges sur ses dessins

H.- En fin de 4°, je ressentais le dessin comme un besoin de m’exprimer … Je dessinais pour dire, pour raconter ma vie dans tous les sens… J’y consacrais tout le temps qu’il me fallait mais ce n’était pas encore le vrai chemin que j’allais découvrir un peu plus tard.

   

H.- Dans ce genre de dessins, j’ai voulu mettre quelque chose de moi-même en recherchant les formes que je dessine à la peinture et en les décalant de manière à leur donner une certaine valeur.

D.V.- Hubert passe énormément de temps à ses dessins …. Et utilise ceux-ci comme support … comme pour ses plannings.

H.- J’ai essayé de faire vivre mon expression à travers le travail du collège, d’une certaine façon à ne pas suivre la routine.

   
   

H.- Ces quatre ans ont été pour moi un chemin que je continuerai à suivre jusqu’à l’infini… Ce n’est qu’un début sur lequel il faut continuer à vivre, à exister tout en étant soi-même… Un chemin qui n’a pas été facile à racer et … à parcourir.

D.V.-Aujourd’hui Hubert continue …en 2°A7 ça va … Il dessine toujours mais moins … par contre il s’essaie aux volumes et à la taille du bois.

   

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