Les outils les plus simples

Un crayon, un feutre, une craie, une plume et de l'encre, voilà des outils parmi les plus simples,

les moins chers et le plus souvent délaissés. Créateurs par excellence de la ligne ou du trait,

ils restent à l'origine de l'esquisse ou du croquis de recherche.

Le plus souvent on s'en tient là.

   

Et pourtant, quand on ose parfaire l'oeuvre, quand les lignes se recoupent, s'entrouvrent et s'élargissent, l'imagination peut se donner libre cours. C'est alors le jeu du contraste,

en noir sur blanc que nuancent seulement les formes graphiques, plus ou moins larges,

plus ou moins serrées ou fignolées.

Le crayon apporte, sans doute, encore plus de possibilités. Au contraste, il ajoute

les demi-teintes. Suivant l'angle selon lequel on le pose, la pression que l'on exerce, les gris

sont ombres ou clartés, les lignes s'affinent, les courbes deviennent volutes ou ventres.

Pour peu que la gomme vienne adoucir ou blanchir la grisaille et voilà que tout s'éclaire,

les lignes disparaissent, des jeux de lumière naissent les formes les plus douces, expression

de la plus subtile sensibilité.

   
   

Il est des enfants, des adolescents et sans doute des adultes amoureux de "netteté", de "fini",

de "fignolé" pour qui la couleur n'est jamais assez convenable. Ils ne se satisfont pas

de ce qu'ils considèrent comme un "à-peu-près" tant que la couleur n'est pas sans défaut,

sans une ombre, sans une trace de pinceau.

Tout travail à la couleur devient pour eux un échec. La pureté de la ligne au crayon, sa netteté

possible, ses dégradés estompables, leur paraissent infiniment plus souhaitables.

Le crayon, qui se plie plus aisément que le pinceau aux exigences qu'ils portent en eux

leur paraît un instrument mieux adapté à ce qu'ils recherchent. La trace qu'ils en tirent

étant conforme à leurs désirs, ils ont le sentiment de la réussite.

   

On en voit ainsi abandonner pour un temps, totalement, la couleur pour les gris et les noirs

des simples crayons à papier, tendres ou durs, selon les cas ou les besoins.

Il faut dire que certains travaux patiemment menés durant de longues heures de fignolage,

sont plaisants à regarder... et comme toujours quand quelqu'un réalise une oeuvre qui plaît,

il a ses émules. Ainsi se crée dans la classe, autour de lui, comme par osmose, une période

crayon qui évolue avec les fantaisies des personnalités, les unes et les autres s'influençant mutuellement.

   
 
   

Ainsi s'élabore une culture de groupe au niveau des productions en noir et blanc jusqu'au moment où, souvent par le truchement du crayon de couleur, on retrouve la lumière

de la peinture, enrichie des clairs-obscurs ou des dentelles du crayon et l'on repart vers

un nouveau tâtonnement sur la couleur.

On a bouclé la boucle, on a épuisé la moisson des plaisirs à prendre sur le palier de la réussite du noir et blanc, au moins pour un temps.

Guy et Renée GOUPIL

 
 

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