L'EXPRESSION ARTISTIQUE

Ou SENSIBLE (pour ceux que le mot ART dérange …)

A L'ÉCOLE EN 1980

Faut-il croire à un désintérêt vis-à-vis de l'expression artistique, vis-à-vis de l'expression des émotions et de la sensibilité (aisthêsis en grec et aesthectica en latin : le sensible) à l'école en 1980 ? A première vue pas davantage pour le sensible que pour l'observation, les sciences, l'histoire, la géographie... Les activités d'éveil ont tout endormi !
A priori, l'école élémentaire se dégrade rapidement en laissant aller à l'abandon, dans une non-directivité coupable, l'entraînement et le tâtonnement dans le domaine de la maîtrise de l'expression.
C'est à observer et à discuter !
En tout cas voici un fait certain et indéniable : au sein de notre mouvement d'École Moderne de la pédagogie Freinet, nous n'enregistrons pratiquement aucune participation au travail coopératif dans le domaine de l'art enfantin de la part des écoles maternelles et très très peu de la part des classes primaires. Ce sont les professeurs de dessin des collèges (au lycée il n'y en a plus...) qui forment le noyau le plus actif des travailleurs et des participants. C'est une singulière revanche de leur part, eux qui ont été durant des décades l'objet de toutes nos attaques quand ils représentaient la scolastique, la leçon de dessin, l'enseignement du pompier...
Ceci n'est pas sans conséquences comme nous le voyons au sein du Bulletin du secteur Art Enfantin (pour s'abonner : écrire à Arlette CADALBERT, 1 résidence du Parc, Villebon-sur-Yvette - 91120 PALAISEAU), et aussi comme nous le verrons dans les prochains numéros de cette revue. C'est le module « Dessin » du second degré (responsable Janine Poillot, Les Essarteaux n° 1, rue du Dr. Magnoni - 21121 FONTAINE-les-DIJON) qui forme le noyau le plus actif et le plus nombreux lors de nos réunions d'Assemblée de printemps ou de Congrès...
Ainsi la revue Art Enfantin et Créations (qui devient presque Art des Adolescents) semble perdre de son importance auprès des maîtres de l'école élémentaire... Est-ce bien vrai ? A moins que l'expression artistique devienne une routine ? A moins que cette expression se soit diluée dans une course aux techniques nouvelles et originales (mais... « La technique tue l'esprit » écrit C.Freinet !) et que l'atelier art enfantin de l'école devienne un bric-à-brac énorme ?
Encore une fois, il faut observer et en discuter !
A cet effet, l'animatrice du secteur Art Enfantin de l'I.C.E.M.-Freinet a lancé un questionnaire dont elle nous adresse déjà quelques premiers éléments (Antoinette ALQUIER - 32400 RISCLE). Lui réclamer ce questionnaire. En voici quelques réponses pour vous appâter :

(1) Sur la pratique artistique dans les classes et sur la réflexion au niveau du groupe départemental sur l'expression sensible :

Dordogne : il semble que le département ne puisse pas témoigner d'une production artistique dans les classes. Il semble que non : est-ce par trop grande modestie, par peur de la comparaison, par indifférence vis-à-vis de la question ? En tout cas pas de proposition de témoignages (peut-être aussi parce qu'on n'arrive pas à définir « production artistique »).
Haute-Garonne : Oui, dans les classes, il existe une production artistique qui se manifeste par des peintures, des collages, bricolage (peu), marionnettes... mais qui depuis quelques années n'a pas débouché sur un échange entre classes (style boule de neige) une discussion entre nous, une pratique des diverses techniques. Point mort dans ce domaine - peut-être parce qu"on en a beaucoup parlé ces dernières années et qu'on a peu communiqué au niveau de la pratique et en particulier dans ce domaine bien précis.
Aude : Je crois qu'il est honnête de dire que dans notre groupe nous n'abordons jamais cette question de l'art enfantin. Personnellement étant en maternelle avec des petits (bébés – moyens) je préfère parler d'expression enfantine et ayant peu d'expérience avec les grands, je fais mal le lien avec l'art enfantin. De cette expression enfantine naît une création que l'on pourrait appeler art enfantin, mais reste encore à définir le mot « Art ». Je verrais la démarche suivante :
1° étape : expression libre enfantine.
2° étape : demande de techniques et apprentissage de ces techniques.
3° étape : expression libre et technique vont vert l'art. Ces étapes n'étant pas rigides mais sinterpénètrant. Savoir-faire n'implique pas l'individu dans sa globalité, c'est pourquoi j'opte pour la formule savoir-être. D'accord sur la formule «pénétrer en soi pour mieux sortir de soi» car avoir envie de s'exprimer, c'est accepter de se découvrir à soi et de se découvrir aux autres. C'est vouloir communiquer, échanger. Les techniques arrivant pour affiner, améliorer cette expression, peut-être même pour aller vers l'abstraction.
Tarn et Garonne : I1 semblerait que pour quelques-uns d'entre nous l'art enfantin ne soit pas un sujet de préoccupation majeur, vu les gros problèmes que se pose le groupe départemental par ailleurs.

(2) Et la revue, cette revue ?
            Qu'en pense-t-on ?
                        Comment s'en sert-on ?
D'une manière générale elle est jugée chère (en coût). Alors on hésite à la mettre entre les mains des enfants. On donne la priorité à d'autres abonnements, ceci étant lié à l'utilisation qu'on en fait.
Revue jugée utile ? indispensable ?
Les avis sont partagés : parfois jugée peu utile car les enfants sont tellement sollicités par la télévision, les bandes dessinées, les revues pour enfants de toute sorte qu'ils ne retrouvent pas dans la revue leur monde à eux (celui de Goldorack, Tarzan). Spontanément ils saisissent ce genre de journaux ou d'albums plutôt qu'Art Enfantin. Ce serait sans doute au maître de feuilleter avec eux la revue pour les inciter à la regarder, se l'approprier. Elle est un outil de travail par les techniques qui y sont présentées mais elle n'incite pas tellement les enfants à la création : ou alors ils copient les modèles (les plus grands surtout).
II n'y a pas assez de démarches, de tâtonnements. Trop de travaux finis, léchés. Le numéro 91 sur le carnaval est apprécié et devrait servir de modèle pour les prochains. On y trouve à la fois ;
- une démarche de réalisation,
- une incitation à la création et son prolongement : carnaval dans le village, les masques peints sur le visage,
- une technique intéressante : le mortier armé,
- une gerbe de textes libres.
Il faudrait que dans la revue le côté spécifique de la pédagogie Freinet ressorte davantage ; peut-être davantage de traces du tâtonnement. Beaucoup de ces techniques, on les trouve dans un tas de revues, de livres de travaux manuels. En conclusion : trouver dans la revue les trois aspects : technique - démarche - produit fini.
Il faudrait savoir s'il n'y a qu'«Art Enfantin» qui chute ! A priori non. Il faudrait savoir aussi si les disciplines artistiques sont les seules à être moins pratiquées en classe, j'ai l'impression que c'est général : en math (je parle de la recherche math, je ne considère pas que l'utilisation des fichiers C ou D soit un gage de pédagogie Freinet) en sciences, en musique, en expression corporelle... Il y a 20 ans, personne - sauf les Freinet - ne faisaient vraiment de la peinture ou de la musique en classe. Depuis cela a changé et au moins la moitié des enseignants ont introduit les disciplines artistiques. Il faut donc que nous soyons différents et que nous apparaissions différents des autres dans la conception de la peinture en classe, dans la façon d'aborder les ateliers. D'où l'intérêt des dessins bruts naturels, des cahiers d'essai... pousser les enfants à être inventifs bien sûr, originaux, mais accepter aussi ceux qui sont « conformes à un certain réalisme » : il semblerait qu'il y ait un âge où cela soit fréquent.
La revue est sur un présentoir en classe et est feuilletée par les enfants pour regarder les photos et lire ce qui peut être lu. 'Mais comment est-elle réutilisée plus tard, je ne sais pas... En ce moment, les gosses ont des problèmes de «fonds» en peinture ; on va donc regarder la collection d'Art Enfantin pour avoir des idées, mais en général c'est moi qui la réutilise en y prenant des idées installation d'un atelier peinture dans le n° 86 par exemple.
En relisant les 15 derniers numéros, je me suis aperçu qu'ils étaient en fait très riches et abordaient des tas de techniques et des tas de problèmes. Mais ceci n'est perceptible que lorsqu'on a plusieurs numéros en main (il en est de même pour L'Éducateur). J'ai l'impression que si on veut s'en donner la peine, on y trouve la différence entre la « consommation artistique » et la « création » (n° 81, 82 sur les vélos, 84, 90... ) .
Que proposer pour améliorer la revue ?
Peut-être plus de textes pour enfants (genre texte pages 62 et 63 de l'album « Constructions et sculptures *») ?
Peut-être faire réaliser des maquettes par des classes ?
Peut-être plus d'unité dans les numéros (comme le n°91 qui a eu un énorme succès). Pourtant cela amènerait à retarder certains textes et cela serait peut-être plus préjudiciable qu'intéressant.
LAURENT

Que faire pour faire connaître la revue ?
Présenter des « Art Enfantin » en début d'année avec des réalisations à partir des techniques proposées dans la revue. A toutes nos réunions, amener les « Art Enfantin », et à chaque fois que nous intervenons à l'extérieur. Dans notre groupe nous avons pensé relancer à la rentrée une boule de neige « Art Enfantin », composée d'un petit nombre de camarades pour chaque circuit. Au-dessus de 4, les passages sont trop espacés. Personne n'a trouvé que la revue était trop « belle ». Il faut la conserver sous cette présentation.
HÉLÈNE

Le débat continue.
Écrire à Anto ALQUIER - 32400 Riscle.

M.E.B.

* Albums de la Collection Art Enfantin :
Les enfants dessinent aussi
Constructions et sculptures d’enfants
Tapisseries d’enfants
En vente à la C.E.L. Cannes

 
 

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