Nous autres, maîtres de classes Freinet, nous pensons que la spontanéité des enfants ne doit pas être entravée par des stéréotypes, qu’ils viennent de l’extérieur ou de la classe.

Il est bien difficile d’y échapper pourtant.

Notre exposition départementale et l'art des enfants

Mais notre «part du maître» n'est-elle pas justement de faire comprendre à chaque enfant ce qu'il y a d'original dans son dessin (comme dans son chant libre ou dans son texte libre) même si, pour certains, cette expression libre peut paraître banale, voire inauthentique ?

Un texte banal ne l'est jamais si on veut bien essayer de ne pas se borner à une psychologie de surface.

Un dessin banal ne l'est pas non plus. Si on se met à discuter avec son auteur, on s'aperçoit souvent que l'artiste-enfant veut ou ne veut pas s'impliquer dans son dessin pour telle ou telle raison profonde, mais que de toutes façons, il est impliqué et il livre un peu de sa personnalité.

Toujours est-il qu'un dessin libre (j'allais dire libéré) est toujours l'expression profonde d'une partie de la personnalité de son créateur.

Qui n'a pas vu dans une classe des enfants avoir des « périodes » : périodes-soleils, périodes-fleurs, périodes-maisons, périodes-serpents, périodes-petites filles, etc ?

Pourquoi ces répétitions d'un même dessin, d'une même façon de voir le monde ou de l'appréhender ; pourquoi ces séries (bien sûr avec toutefois quelques variantes) ?

Ne serait-ce pas pour que la réussite se reproduise? Mais ne serait-ce pas aussi parce qu'à ce moment précis de son évolution, cet enfant a besoin de s'exprimer de cette façon? Sans tomber dans la psychanalyse de quelque école que ce soit, on peut tout de même au moins se poser la question de savoir à quoi de plus caché, de plus profond, renvoient ces séries et surtout leurs thèmes. Dans une classe (des 6 à 7 ans) les gamins qui se sont mis à dessiner des serpents pendant plus d'un mois et presque uniquement des serpents (et ça ressort encore parfois en ce moment) après qu'une maman ait offert une couleuvre n'étaient certainement pas uniquement motivés par l'arrivée de cette pauvre bête dans son bocal de formol. Et que dire des séries-soleil ? des séries-maisons ?

Encre de Chine - Une dame sur fond de fleurs.
Ses joues, c'est des fleurs. Elle a un drôle de cou. Son ventre est carré, elle a des petites jambes et un bras plus grand que l'autre. Nous, on n'a jamais fait du blanc et du noir. Le corps on dirait une ruche. Il neige des fleurs. La petite fille a des larmes-fleurs sur les joues. Elle a une cravate. C'est un prince avec une couronne et de beaux habits avec des diamants. Le ventre c'est un tambour, les bras des baguettes. C'est un cantonnier qui tape sur un tambour. On ne voit pas son ventre parce que le tambour est devant. Sur la tête, c'est des bigoudis.

 

L'expression artistique des enfants est un mode qui leur est propre (dans son fond et dans sa forme) et que nous avons du mal à comprendre, à supporter, voire à admettre, tant cette expression picturale ou graphique fait intervenir d'appels, de critiques et de contestations aux adultes (parents et maîtres). Ce qui étonne toujours les stagiaires qui viennent dans nos classes de petitous, c'est justement cette façon de faire des séries de dessins, puis de les dépasser brusquement sans qu'on sache trop pourquoi : le conflit est-il résolu ou en bonne voie de l'être ? La période de dépression, ou de recherche d'un modèle est-elle dépassée? On remarque d'ailleurs une démarche identique pour les textes libres.

Il y a sans doute beaucoup d'autres raisons pour que les enfants procèdent de cette façon. A nous de nous pencher sur ces interrogations et de confronter nos conclusions provisoires.

Mais la première question est sans doute pourquoi l'expression par le dessin, Est-ce par souci de ne pas verbaliser des choses trop difficiles à dire? Est-ce par sens esthétique? Est-ce un besoin fondamental de l'Homme et du Petit d'Homme, tué dans l'Homme et pas encore chez le Petit d'Homme? Est-ce magique? Est-ce le besoin de laisser une trace? Peut-être tout ça à la fois.

Dessiner un objet, une personne, un mythe, c'est se l'approprier et se le concilier, mais c'est aussi un moyen de se faire plaisir. De se faire ce plaisir de l'oeil que nous recherchons tous, sans pour cela nous mettre d'accord sur ce qui est beau ou pas beau. Et le plaisir de faire n'est pas à négliger non plus. I1 est aussi très gratifiant d'avoir son dessin reconnu par quelqu'un et encore plus par un groupe. Mais que penser de ce qui se passe dans la rue quand les gamins ramassent craies et cailloux et barbouillent les murs de dessins, de mots, de phrases (quelquefois grossières d'ailleurs) ?

Là aussi il y a recherche d'expression et de communication : effectivement il y a souvent des « réponses » du genre tac au tac en dessin ou des modifications des phrases...

Nous nous souvenons de notre enfance : nous étions une bande à « ramasser » des craies à l'école, pour dessiner d'immenses fresques sur les trottoirs et même au milieu de la rue, de notre rue ! Craie sur goudron ! Nos supports et nos techniques étaient limités, mais ça dessinait partout. Et ça discutait : « Loulou, pourquoi t'as mis quatre roues à ta bagnole ? On n'en voit que deux ! » (Stéréotype normatif venu du milieu familial où un profil était un profil ! Ah ! Mais !)

 

« Mais t'as qu'à regarder quand il en passe une ! Tu verras ! On voit les quatre roues à la fois si on est assis par terre ! ». Etc.

On avait donc le droit de faire ou pas deux roues ou quatre roues.

Nous pensons qu'on doit toujours avoir le droit puisque ces deux types de dessins existent toujours ?

Alors, le Beau? le Vrai? C'est quoi?

Tout, bien sûr, dépend du point de vue où on se place (c'est le cas de le dire) !

Dans nos classes, on essaie de ne pas vexer les auteurs de dessins en leur disant : « C'est pas beau ! ». Ça vexe et ça n'encourage pas à reprendre le stylo feutre ou le pinceau.

Si ça échappe, c'est nous qui nous précipitons pour relancer la discussion sur les moyens matériels : « Si on te dit que ce n'est pas beau, c'est sans doute que tu as mis trop d'eau dans ta peinture» ou «c'est peut-être parce que tu n'as pas fini de colorier telle ou telle partie de ton dessin » et on cherche tous ensemble comment « embellir» sauf si l'auteur ne veut pas reconnaître les critères (souvent disparates et contradictoires) des autres enfants de la classe à propos de ce qui est beau ou pas.

En général, ce sont les enfants qui se critiquent mais sans donner de jugements de valeur qui n'apportent rien pour l'évolution du dessin considéré, rien non plus à l'évo lution artistique de l'auteur ni à sa propre évolution. Nos critères sont plutôt de l'ordre « c'est fini » ou « c'est fignolé ». Reconnaissance du travail et de l'acharnement ou du trait rapide et «génial», plutôt que du résultat en soi.

On a aussi des remarques du genre : « C'est bien pour un petit ! » Ce qui veut dire en clair que ce n'est pas magnifique pour l'instant, mais qu'en grandissant, et bien, ça sera comme ce qu'on fait maintenant : plutôt réussi !

C'est aussi (et c'est plus fondamental) reconnaître que les autres ne sont pas obligés d'être comme nous ni de faire comme nous. Nous disons souvent aux enfants que nous ne sommes pas capables de leur dire si ce qu'ils font est bien ou pas puisque nous ne dessinons plus comme eux mais comme des adultes...

Alors s'il y a des critères pour les uns, ils ne sont pas forcément valables pour les autres. Voilà !

Craies grasses et pastels - La fleur-dame
Les joues, c'est des fleurs. II a les yeux jaunes. Le nez, c'est un B. Les sourcils sont comme un soleil. Les cheveux sont des fleurs de toutes les couleurs. C'est des pétales. La bouche, c'est un coeur. On dirait que les bras tremblent.

 

 

Et puis, le même dessin, refait avec une autre technique pourrait être totalement différent. C’est un jeu que nous faisons quelquefois. Le petit dessin aux feutres est refait en grand (sur proposition ou du groupe-classe ou du maître) avec de la peinture ou des encres de couleur ou de la craie grasse ou de la craie à tableau. (On fixe à la laque à cheveux et ça tient).

Les critiques changent. Les différents supports (papiers, tableau, bois, plastique, etc.) et les différentes techniques permettent bien des tâtonnements, bien des réussites et bien des découvertes aussi.

Alors si on n’est pas satisfait (on, c’est l’auteur) d’une combinaison support-technique on peut recommencer avec d’autres moyens et souvent c’est la réussite : ça se fignole mieux, c’est plus soigné…

Il y a eu le premier tâtonnement et ça va mieux.

On peut alors montrer son œuvre à la classe. C’est grâce à ce jeu des supports et des techniques qu’un petitou qui ne dessinait qu’au trait s’est mis à découvrir les surfaces : des traits, avec un gros pinceau, ça devient facilement des bandes et deux bandes côte à côte, ça fait bien vite une surface plus importante.

On ne va pas recommencer encore une fois le petit jeu esprit-techniques. Bon ! Maintenant on sait (et on vient de le voir plus haut) que l’un sans l’autre, c’est pareil que l’autre sans l’un ! ça ne marche pas s'il n'y a pas les deux et leur mouvement dialectique.

Bon ! Alors, organiser la classe, c'est mettre à la disposition des enfants (à leur niveau en hauteur, et même devant leurs yeux : facile à attraper) tout ce dont ils peuvent avoir besoin : papiers, rouleaux, encres, peintures, feutres, pinceaux, matériel de nettoyage, ciseaux, couteaux... pyrograveur et moyens de se mettre rapidement un pansement quand la technique n'est pas encore bien dominée et qu'on se coupe ou qu'on se brûle un peu. Mais c'est aussi permettre la discussion, la faire naître au besoin et surtout se montrer le moins possible un censeur. Alors on voit apparaître des dessins et petit à petit, c'est comme le pâton qui devient levain et qui fait lever la pâte à pain, ça avance, ça lève ! Et il y a de l'expression artistique enfantine. Bien sûr, il faut avoir du temps. Et là, cette notion de temps implique toute l'organisation de la classe et pas seulement les ateliers d'arts graphiques. Mais c'est une autre histoire... Ce qui est totalement faux : ce n'est pas une autre histoire, ça en fait partie intégrante mais c'est une autre façon de raconter les choses (voir au besoin tout ce qui a déjà été dit sur l'organisation de la classe : espace, temps, matériels, idées et leurs implications réciproques et dialectiques).

Maintenant se pose le problème du choix toujours difficile de ce que l'on va garder, de ce que l'on va envoyer aux correspondants, ou mettre dans un circuit dessin, ou mettre dans notre exposition départementale. (Même choix douloureux pour les Gerbes de Textes Libres). Il faut se limiter !

Et ce n'est pas facile ! Alors, on se réunit tous ensemble (tous ceux que ça intéresse) et on essaie de sortir de nos cartons à dessins, dossiers, meubles de rangement tout ce qu'on voudrait envoyer comme dessins.

Les critères de choix des enfants sont très affectifs mais tiennent aussi compte de « détails » comme :

- Il en faut des grands et des petits»

- « Il faut des peintures et des feutres »

- « I1 faut des alus et des pyrogravures », etc.

Mais encore à ce stade, nous avons trop de dessins à envoyer. C'est trop lourd et trop cher (la Poste ! !  la peste !!!)

Alors on se limite encore : l'écrémage se fait par élimination des dessins dont les auteurs en ont déjà plusieurs qui sont choisis.

« Bruno, tu as encore quatre dessins, mais il n'en faudrait que deux. Lesquels tu veux bien enlever? » Et voilà... ça part pour l'Expo départementale.

Mais là ! Même problème. Il faut encore éliminer. Ce qu'on élimine retourne dans les classes : on récupère son oeuvre et quel­quefois une oeuvre plus ancienne.

On recommence alors, mais au niveau des adultes du groupe IDEM 60.

 

Craies à tableau fixées à la laque à cheveux - Le bateau
II y a de l'eau de toutes les couleurs. Le monsieur est dans la maison. C'est un bateau-maison, alors, c'est un bateau chinois. On dirait un bateau-éléphant. Le soleil fait briller le bateau. II y a des trompes d'éléphants. C'est un vieux bateau. II y a une flèche pour indiquer quelque chose. Dans le bateau, il y a même une fenêtre et une porte. Sur le toit du bateau, on dirait un oiseau mort sur le dos. C'est un bateau de pirates. Non ! un drakkar normand. Ce qui est vert, c'est ce qu'ils ont volé. Le soleil fait des reflets jaunes.

 

Conditions matérielles Fonctionnement des ateliers « art »

La pédagogie Freinet se veut une pédagogie matérialiste.

Le secteur qu'on dénomme plus ou moins artificiellement « Art Enfantin» n'échappe pas à la règle.

Bien sûr, on peut faire une oeuvre d'art avec un stylo et une feuille de papier : Dubuffet est là pour en témoigner. Mais peut-être qu'avec une feuille un peu plus grande et plusieurs stylos...

Dans de nombreuses écoles, on possède du matériel destiné à l'art enfantin, matériel plus ou moins abondant, plus ou moins adapté, mais surtout, plus ou moins accessible, à heures décidées arbitrairement par le maître, et par l'intermédiaire du maître. Quelle création est-elle possible, à heures fixes?

Quelle création est-elle possible quand il faut demander le matériel au maître ? Quand il faut attendre que le maître veuille bien l'apporter ?

Quand il faut demander au maître l'autorisation de faire ceci ou cela?

Et cela pour voir souvent son œuvre échouer dans un tiroir ou dans la poubelle.

Quelle création est-elle possible,

SINON CELLE DU MAÎTRE!??!!!?

De cette introduction, nous pouvons dégager quelques points essentiels:
Richesse des matériaux
Accessibilité des matériaux
Maîtrise du temps
Liberté de choix de l'enfant
Maîtrise des matériaux
L'enfant créateur pourrait se poser ces quelques questions :
Aurai-je des matériaux nombreux?
Aurai-je des matériaux variés?
De combien de temps pourrai-je disposer, et quand ?
Pourrai-je travailler seul?
Il faut bien sûr avoir une certaine quantité de matériau et d’outillage avant de commencer ou d'introduire une nouvelle technique.
Il faut aussi que tous ces matériaux soient disposés de façon que l'enfant puisse s'en servir avec le moins d'intervention possible.
Tout dans la disposition des fournitures doit être fait de façon à éviter le plus possible le recours au maître, qui oublie, à l'adulte et à sa puissance et à sa maîtrise.
Cet état de fait, qui n'est, bien sûr, pas toujours atteint, s'obtient par une réflexion du maître :
au niveau de la construction des meubles-ateliers appropriés ;
au niveau de leur disposition dans la classe (par exemple, grouper les ateliers terre, peinture et autres ateliers salissants près du coin eau, une « fontaine », faite avec un jerrican de 20 litres, placé au-dessus d'une plaque de stratifié dans laquelle sont encastrés des bacs présente souvent de très gros avantages).
I1 y a tout intérêt également à présenter le plus possible les fournitures scolaires aux regards des enfants.
C'est une provocation à la création, tandis que les matériaux déposés au fond d'un tiroir risquent de dormir longtemps avant d'être ressortis.
Personnellement, je préfère avoir sur une étagère tout ce qui peut s'y mettre, sans avoir recours à des cartons ou des boîtes qui cachent le contenu. Bien sûr, il y a toujours des choses qu'on ne peut y mettre, soit qu'elles ne servent pas souvent, soit qu'elles soient trop encombrantes. Du tissu par exemple.
Souvent, nous avons dans nos classes du matériel, de l'outillage conçus pour les adultes voire pour professionnels qui a pour eux son efficacité, que ce soit les gouges pour la sculpture du bois, les ciseaux pour les divers découpages.
Les ciseaux spéciaux adaptés aux doigts mignons de nos charmants bambins ont un petit défaut : ils coupent mal, et ils dégoûtent les enfants du découpage du papier. Quant à celui du tissu !
Le même problème se pose pour l'outillage. Les seules scies efficaces sont celles que nous achetons pour bricoler nous-mêmes.

MAÎTRISE DU TEMPS

Dans nos classes, nous avons de 13 h 30 à 14 h 45 un temps réservé aux divers ateliers. Pendant ce temps, nous faisons aussi le tirage du journal, et, en cas d'urgence, toute la classe s'y met. Cependant, le temps réservé aux autres ateliers, en particulier aux ateliers artistiques, excède largement le temps réservé au journal. Toute la classe fait donc ateliers en même temps.
Mais l'enfant travaille également selon un contrat de travail: il gère à sa guise son temps d'occupation individuelle. S'il pense pouvoir réaliser les minima obligatoires de la journée, il peut « faire art» pendant ce temps, à condition de ne pas gêner.
La classe lui demande cependant à ce sujet des comptes, et elle peut lui interdire, si elle le juge bon, de faire art en dehors des temps «ateliers».
Le matériel des divers ateliers est disponible tout le temps ; à ce niveau se pose seulement le problème de la place de travail.
Nous avons dans la classe cinq tables du genre cuisine polyvalentes, une table travail manuel, une table pyrogravure, une longue table (2,50 m X 0,60 m) sur laquelle nous tirons le journal, mais qui est facilement récupérable.
Mais pour que les ateliers puissent être ouverts toute la journée, il faut une perpé­tuelle surveillance (remplir les pots, les feutres, prévoir des feuilles de tailles diverses, etc.), une perpétuelle réorganisation. Aussi y a-t-il un responsable peinture, un responsable travail manuel, un responsable de ce qu'on peut appeler " Arts graphiques ".

 

Mélange de deux techniques : feutres et encres de couleur plus encre de Chine - L'oiseau
L'auteur : «C'est un oiseau soleil qui peut chauffer toute la classe.»

 
 

Conditions coopératives de la création artistique

Certains enfants créent peut-être pour eux-mêmes, et pour eux seuls. Mais l'art enfantin ne s'en intègre pas moins dans le collectif. L'enfant doit pouvoir créer, et surtout exposer, même contre la classe et ses canons du moment.

Dans notre classe, pour tout ce qui est art graphique, nous avons, aux murs, une zone haute où nous affichons tout ce qui est reconnu par la classe et une zone basse dans laquelle chaque enfant a droit à une place. L'enfant peut demander facilement à quelques camarades leur avis sur ce qu'il a entrepris. I1 peut aussi montrer ses réalisations le soir en réunion de synthèse.

Dans une autre classe.

- Chaque soir à la synthèse, les travaux en cours sont montrés à la classe. La classe critique, relance. On parle aussi de la des­tination du travail.

- Les travaux déclarés finis sont recritiqués chaque lundi avant l'envoi dans le colis aux correspondants, ou l'affichage, ou...

- Si fa peut attendre, les « spectacles » sont présentés le samedi matin (car ce jour-là les anciens élèves qui n'ont pas cours au CES viennent nous voir de temps en temps).

- Chaque soir, à la synthèse, ou aussitôt, s'il le faut, les travaux en cours sont présentés à la classe. Le groupe et chacun critiquent ; d'autre part, il arrive que «l'auteur » sollicite le groupe : «Comment est-ce que je pourrais... ? »

Le groupe répond souvent de façons multiples, bien souvent en proposant une technique ou un élément nouveau à ajouter.

- L'affichage : il joue deux rôles contradictoires et complémentaires :

* d'une part, on affiche ce qui est «reconnu» par le groupe comme «réussi », ce qui tend à valoriser cette réussite et incite à la répéter (surtout s'il s'agit d'une première réussite) ;

* d'autre part, on affiche temporairement (c'est-à-dire moins haut !) tout ce qui arrive des correspondants, les circuits et ce qui est nouveau, ce qui a retenu l'attention à la synthèse et là, l'affichage aide à diversifier, à trouver d'autres techniques.

Dans une classe maternelle, l'affichage a un autre rôle (en plus de ceux décrits plus haut) : les travaux non finis sont accrochés provisoirement sur un fil avec des pinces à linge pour que les gamins repensent à ce qu'ils doivent finir (s'ils ont décidé que ça devait être fini).

Dans une troisième classe :

- Toutes les peintures terminées sont accrochées au fur et à mesure sur un tableau au-dessus de l'atelier-peinture.

Une fois par semaine (un moment précis dle l'emploi du temps est réservé pour cela) on regarde les peintures, on dit ce qu'on un pense, on décide ce qu'on en fait :

* «la critique » consiste surtout en demandes de précisions : « Qu'est-ce que c'est que le jaune ? », « qu'est-ce que c'est les grandes barres noires?».

Parfois les enfants trouvent qu'une peinture «n'a pas assez de couleurs » (qu'il reste du blanc). On demande à celui qui l'a faite s'il veut bien y retravailler... et on en reparle la semaine d'après.

* le choix

Encres de couleur et de Chine : La chenille
L'auteur : «C'est une che­nille qui s'est déguisée en Indien pour aller au mariage.»

 

Technique des traits larges juxtaposés - Fleur aux feutres
C'est beaucoup joli parce qu'il y a beaucoup de couleurs.

Stylo à bille noir - Le monstre à huit pattes  

1. - Dans l'ensemble des peintures, on en choisit une pour le circuit-peinture. Chaque enfant dit laquelle il préfère et on vote.

2. - Pour les autres peintures, il y a deux manières de procéder suivant les semaines :

a) un enfant propose qu'on envoie des pein­tures aux correspondants (ou à quelqu'un d'autre). Dans ce cas les enfants proposent celles qu'ils préfèrent et on les envoie si celui qui les a faites est d'accord.
b) quand il n'y a pas de proposition parti­culière (le plus souvent) chaque enfant dit ce qu'il a envie de faire de sa peinture :
- l'accrocher dans la classe,
- l'emporter à la maison,
- l'envoyer aux correspondants,
- la ranger dans notre « réserve de peintures ».

I1 y a parfois des remarques : «Tu en as déjà beaucoup d'accrochées dans la classe, on pourrait envoyer celle-là» ou « On n'a jamais accroché de tes peintures dans la classe» mais la décision reste à celui qui a fait la peinture.

Encore une autre classe :
Quand les gamins (sollicités par l'auteur) lui disent :
- « C’est beau mais c’est pas fini »
- « Tu devrais mettre du jaune, là ! »
- «T'aurais pu te servir des coulures, au lieu de les laisser comme ça ! »
l'auteur est à la fois satisfait de l'intérêt qu'on lui porte et moins satisfait des critiques. Mais souvent, il en tient compte, â moins que son opinion soit déjà solidement établie sur les qualités de son oeuvre et qu'il ne veuille pas démordre de sa position : « Si ! C'est fini ! » Dans ce cas, c'est lui le seul juge ! Mais il a tout de même eu l'écho de la pensée du groupe (ou de quelques individus) sur sa production.

Et là, il est bien évident que la structure-classe est aidante du fait de l'attitude cooprative des autres enfants. Et savoir s'il ne va pas tenir compte des avis une autre fois, avant de présenter son oeuvre, s'il ne va pas se surpasser,

 

Une étude : Critères qu'emploient LES ENFANTS
pour faire la critique des dessins qui arrivent en classe par le canal des circuits de dessins

À partir de l’étude de cinq cahiers de roulement accompagnant cinq circuits-dessins, ce qui représente 20 classes soit environ 400 enfants (il y a des classes de perfectionnement parmi elles), les enfants disent ce qu’ils pensent et les maîtres notent ce qui se dit.
1.                  DES CONSTATATIONS
1.1              techniques, du genre
-                     il a mis du bleu
-                     c’est fait à l’encre de Chine
-                     …..
1.2              anecdotiques
-                      c’est une petite fille
-                      le soleil rigole
-                      …….
2.                  DES INTERPRÉTATIONS
-                      on dirait une dame qui rentre dans la maison pour voir la fleur
-                      on dirait que la fleur attend un bébé
-                      ……..
3.                  DES QUESTIONS
3 .1 techniques
-                      avec quoi ils ont fait ça ?
-                      pourquoi le fond est-il jaune ?
-                      ……….
3.2 anecdotiques
- pourquoi il y a plein de fleurs autour de la maison ?
- ………….
4.                  DES JUGEMENTS
-                      c’est bien pour un petit
-                      c’est bien fignolé
-                      ………
En reprenant ces grandes classifications plus en détail, voici ce que les enfants se disent par dessins interposés dans UN circuit de dessins (les 4 autres montrent les mêmes critères)
1.                   ce que ça représente, « ça ressemble à … », « c’est un … »
ce qu’on imagine (anecdote) à partir du dessin
Questions qu’on se pose pour savoir ce que ça représente
436 fois
2.                   Notion de couleurs (dénomination des teintes, nombre de couleurs …)
63 fois
3. Notion de taille ou de forme (habituelle ou pas). Par exemple « oh ! son ventre est carré », « son bras est plus grand que l’autre »
48 fois
4. Notion de travail fini, fignolé, décoré
42 fois

 

CIRCUIT-DESSINS BOULE-DE-NEIGE

2, 3 ou 4, voire 5 classes s'envoient des dessins. La classe A met 1 ou 2 dessins et passe à la classe B, qui critique les dessins de A (un cahier est joint aux dessins ; les enfants disent ce qu'ils ont à dire, et le maître note) et ajoute à son tour 1 ou 2 dessins et passe le tout à la classe C, qui critique les dessins de A et de B, ajoute 1 ou 2 dessins et passe le tout à la classe A (qui critique à son tour les dessins de B et de C).

La classe A lit les critiques de ses dessins et des petits copains, compare avec ce qu'elle pense, retire le ou les dessins mis au premier tour, en remet 1 ou 2 autres... et ça recommence pour un deuxième tour. Ça dure des fois sur deux ans.

Ce que ça apporte ?
- On voit autre chose que ce qui «se fait» en classe (esthétiques différentes).
- On apprend d'autres techniques.
- On coopère à beaucoup plus.
- On lit d'autres critiques et d'autres façons de critiquer (autres critères).
- Ça relance le dessin, la peinture, l'alu, l'encre de Chine, etc.
En somme, on se sort de sa coquille et ça ne fait pas de mal !

 

5. Technique gestuelle (à l’intérieur d’une technique graphique donnée)
Par exemple :
La « touche » du pinceau
La façon de passer le feutre
« Il est allé trop vite » (ou pas)
« Les couleurs sont mélangées » (ou pas)
« Le fond est fait au rouleau »
« sa peinture est trop liquide »
35 fois
6. « C’est joli ! », « c’est bien ! », « c’est beau ! », « c’est mal peinturé ! sans plus d’explications
28 fois
7. Nature du support (papier, alu, plastique) et technique employée (feutre, peinture, …)
25 fois
8. ce qui semble être en trop ou manquer dans le dessin
24 fois
9. Sens où on peut, où on pourrait regarder le dessin
7 fois
10. Rires ou commentaires « c’est rigolo ! »
7 fois
11. Notion de gai, heureux ou triste
5 fois
12. « Pour un petit, c’est quand même bien »
5 fois
13. « Y a plus de blanc » (fond entièrement colorié)
4 fois
14. « oh !!! » (sans rien après)
3 fois
15. « pas fignolé » ou « pas fini !)
3 fois
16. « ça nous plaît » ou « ça nous plaît pas)
2 fois
17 ; « c’est réussi ! »
2 fois
18. « qui a fait ça ? » (les enfants pour la plupart se connaissent : voyages-échanges ou rencontres d’enfants)
2 fois
19. « on pourrait essayer de faire pareil »
1 fois
20. « c’est du gribouillage ! »
1 fois
21. « est-ce qu’ils peuvent nous le donner, parce que c’est très joli »
1 fois
22. « on félicite celui qui a fait ça »
1 fois
23 Comparaison avec ce qui se fait dans la classe : « on fait pas comme ça nos soleils »
1 fois
24. Notion de dessin fait exprès de telle ou telle façon
1 fois
25. Notion de taille du dessin (format du papier et dimension du dessin)
1 fois
26. « Comment vous avez eu l’idée de faire ça ? »
1 fois

26 critères ! Mazette !

Contrairement à ce que « Feu-Malraux » disait des enfants-artistes : Y a pas de miracle ! Les gosses maîtrisent absolument leur art. Même s'ils n'emploient pas le vocabulaire des critiques d'art ( ?), ils savent faire la critique d'un tableau, avec leurs critères, leur vocabulaire, leurs sentiments, et ils savent également (tiens ! tiens !) manier le pinceau, le rouleau, la raclette et le stylo-feutre (ce que ne font pas très souvent les « critiques d'art »).

 

L'ENFANT EST UN ARTISTE(!) CAR IL POSSÈDE SON TALENT. IL NE SUBSTITUE PAS LE MIRACLE A LA MAÎTRISE : IL MAÎTRISE LE MIRACLE, MÊME PAR SON LANGAGE.

Pastels - Le soleil à écailles
C'est un drôle de soleil ! Il y en a deux. On dirait plein de nez et une bouche. C'est des plumes de toutes les couleurs.
 

Pastels : la dame qui a un bébé dans son ventre

C’est un bonhomme de neige avec une tête-sole. Il a un bébé dans son ventre. Il est beau le fond. Il est de toutes les couleurs. Il y a plusieurs sortes de bleu. On dirait des montagnes : c’est du pastel. Le bébé a de grandes oreilles, parce qu’il est dans le ventre de sa maman et qu’elles sont entrain de s’ouvrir. Les pieds du bébé ne sont pas de la même longueur.

 

La correspondance et l’expression artistique

LES TECHNIQUES

Parmi les multiples échanges qui ont lieu entre nos quatre classes uniques, en corres­pondance régulière, on trouve les échanges de techniques :

* Dans la classe d'Oudeuil, le théâtre de marionnettes n'existait pas. Enthousiasmés par le spectacle présenté par les correspondants pendant une rencontre, deux enfants sont partis chez les correspondants apprendre leur technique de construction des marionnettes.

La construction en elle-même fut ensuite abandonnée, mais le théâtre de marionnettes coexiste avec le théâtre tout court (celui où l'on se montre).

* La première année, les dessins et les découpages géométriques de Rotangy furent repris, ce qui provoqua chez quelques enfants une flambée de découpage du type «ribambelle » Je présentai alors les découpages chinois que je venais fortuitement de recevoir, qui n'éveillèrent aucun écho.

U n découpage en « napperon " parut, reproduit en sérigraphie dans notre journal.

La piste s'arrête là sur le plan artistique mais rebondit en une grande recherche math sur les pliages.

* La tapisserie au point noué et le collage hétéroclite de Rotangy, deux chefs-d'oeuvre, provoquèrent cette année une question : on va toujours aux mêmes ateliers d'art en ce moment, peinture, feutre. Le drawing-gum fut amené par deux enfants de Tartigny (Tartigny, connu pour les drawing-gum et craies grasses vus dans le circuit dessin) en visite une journée dans notre classe. Ils avaient proposé à des enfants de la classe de réaliser ensemble un grand drawing-gum. Par cette technique, on ne voit le dessin qu'une fois le drawing-gum arraché et on n'arrache le drawing-gum qu'une fois l'encre sèche ! Travaillant à quatre sur la grande feuille, le dessin fut affiché avant la fin de l'après-midi. Le premier pas était fait. Et la technique du «dessin réservé» était lancée.

* Les diapos dessinées sont nées ainsi : ayant connu la bande dessinée chez les correspon-

dants (et dans leur journal) une enfant timide avait utilisé cette technique pour raconter l'histoire d'un instituteur qui posait trop de questions... Pour présenter l'histoire aux correspondants, elle avait redessiné sa bande sur un transparent qui fut projeté pendant une rencontre.

• En théâtre, les rencontres d'enfants nous firent connaître (et reprendre en partie) l'utilisation d'un synopsis, le travail des costumes, l'enregistrement de certaines parties du dialogue et les visites dans les classes, le théâtre-sociodrame.

 
Encre de Chine - Le bonhomme et les animaux
 

LA CORRESPONDANCE ET LE STYLE DES DESSINS

 Nos «débutants» (qui dessinaient au trait, sur fond blanc) reprirent dans les circuits-dessins, mais surtout dans les lettres collectives décorées, la technique du cerne et du fond.

«Nous correspondons avec une nouvelle classe.

Nous sommes allés les voir: les dessins sont très beaux dans leur classe ! Ils ne ressemblent pas aux nôtres ! » Les enfants n'ont pas encore verbalisé les différences. Mais hier un des deux enfants qui ont passé une journée à Beaumont a peint avec un autre « un village " aux multiples maisons, alors que chez nous, les dessins affichés présentent tous un sujet et un seul (une fleur, tête, château, bonhomme, tracteur...). Les dessins aux couleurs fondues, pastel : « claires » comme disent les enfants on les a découverts dans un colis des corres­pondants (peinture en poudre soufflée sur de la colle) dont on a affiché tous les dessins :

- « On pourrait en faire aussi ! »

La coopérative et

l'expression artistique

LES PLANS - L'EMPLOI DU TEMPS

Controverse dans l'ICEM le département, et... dans ma classe : faut-il fixer (comment? Jamais? beaucoup? ou peu?) les moments durant lesquels se déroulent les activités artistiques ?

Au départ, avec mes « débutants » j'avais fait un emploi du temps où les équipes (fixées par mes soins) tournaient aux ateliers. Les enfants critiquèrent ensuite et fixèrent eux-­mêmes les équipes chaque semaine, en fonction des intérêts et des travaux en cours.

Nous eûmes aussi la grille d'emploi du temps remplie, sans que les activités artistiques y figurent.

- «Il faut faire de la peinture quand on a envie ! » ; ainsi lorsqu'on ne travaillait pas avec une équipe on pouvait si on voulait, aller chanter, peindre...

Cela donnait des créations surtout individuelles.

- «Tout à l'heure je voulais peindre avec Catherine, mais elle mettait un texte libre au point avec un groupe». On arriva alors à un moment (la moitié de l'après-midi) consacré aux ateliers journal et Art. Des équipes travaillaient au journal, les autres aux ateliers art : pendant un moment c'était chacun son tour, équipe après équipe, puis librement. Mais «quand on n'était pas pris au journal, on faisait peinture» !

Alors on arriva à un emploi du temps pratiquement vierge (seules sont fixées les heures entretien - sorties) le reste s'en trouve divisé en quatre périodes pendant lesquelles chacun s'inscrit à l'activité de son choix (activités inscrites au plan collectif hebdomadaire ou sur son plan individuel ou autres activités).

 
 

Seulement, on assiste à une telle inflation de projets collectifs (voyager, lettres collectives, rencontres avec les correspondants, fêtes pour Noël, le journal qu'on veut finir, des enquêtes) que les activités ne relevant pas d'un projet collectif ont une part vraiment maigre !

-  « Je ne peux pas, j'ai autre chose à faire ! »

Les enfants décidèrent alors d'inscrire sur le plan collectif les travaux artistiques commencés. Le plan contiendrait donc à la fois des projets décidés collectivement ou annoncés le lundi et un recensement des activités en cours.

D'autre part, les enfants se ménagent des " moments privilégiés », des journées spéciales, des soirées (après 16 h 30), des heures blanches (moments où on ne s'occupe plus du plan).

Là, les enfants abandonnent l'urgence pour le plaisir et réalisent des choses en échappant aux contraintes quotidiennes. Nous en sommes là. C'est un peu la contradiction groupe/ individu.

Mais cet état de chose est critiqué ! Les colis artistiques des correspondants et surtout le débat avec une correspondante qui passait la journée dans notre classe ont servi de facteurs déclenchants. On en a parlé plusieurs fois pendant les dernières synthèses, et on en discutera à fond en réunion de coopé.

On a du matériel, on a l'habitude de s'organiser.

Et pourtant ! En ce moment on fait bien moins de dessins, de théâtre, etc. bien moins qu'avant !

Pourquoi?
- Pour être «libres» on a décidé de ne pas réserver un moment particulier pour «l'art» dans l'emploi du temps.

Alors on a deux problèmes :

1) On n'est plus que neuf et on a souvent des choses urgentes à faire et qu'on ne peut pas remettre (des choses qui nous plaisent et qui nous intéressent).

2) Sur le plan collectif nous avons toujours des travaux en équipe en cours ! Alors quand on relit le plan on s'inscrit pour nos travaux en équipe ! Et on n'a plus le temps pour le reste !

On pourrait... demander aux autres comment ils s'organisent et en discuter ensuite en coopé
- on pourrait refaire un tour de rôle aux ateliers,
- On pourrait prévoir moins de choses sur le plan,
- Oui, on serait moins pressé !
- On pourrait alors faire des choses quand on en a envie !
- On décide d'un moment de l'emploi du temps et on fait «Art»...
- Quand on choisit ce qu'on fait, le secré­taire demande d'abord qui va à la peinture? aux feutres? etc. et le journal, les- maths, l'étude du milieu, on le dit après...
Quelle nouvelle solution va-t-on trouver? Je ne sais pas. Mais on trouvera et le groupe poursuivra coopérativement son évolution.

Le journal mural
Il est très important dans les classes des plus grands ou de ceux qui savent écrire.
Dans ma classe, l'expression artistique y apparaît à chaque rubrique, bien sûr à la rubrique « à acheter », ou « à ramener ».
- Il faut acheter du fil pour le filicoupeur,
- de la peinture noire,
- du papier glacé,
- de la laine rouge,
- des pots à yaourts, etc.
A la rubrique «j'ai fait» :
- j'ai fait des diapos avec Martine
 ... de la broderie
... j'ai lavé tous les pots de peinture (les activités peu courantes)
A la rubrique « je félicite», énormément : Je félicite Pascal pour sa peinture Daniel, etc.
Cette rubrique joue un rôle valorisant, complémentaire de l'affichage, du choix pour le journal, de l'envoi aux correspondants.
Et surtout à la rubrique «je voudrais» qui regroupe souhaits et conflits :
- qu'on affiche tous les alus,
- que l'expo soit plus grande,
- qu'on signe ses dessins,
- qu'on fasse un atelier terre,
- qu'on écoute des disques,
- qu'on ne me fasse pas bouger quand je dessine,
- que les feutres soient bien remplis,
- que le responsable peinture fasse son travail,
- que le noir ne coule pas,
 - qu'il y ait du papier,
- qu'on m'aide à remplir les feutres...
Dans la rubrique « à discuter»
- du pyro, du théâtre, des grandes feuilles
 - de l'atelier gravure, etc.

 

DESSIN

Dessin, quand on te dessine
            Ta vie commence...
Petit à petit, la tête,
                        les bras,
                                    les pieds...
Quand tu es fini,
Tu regardes immobile...
Après tu bouges,
tu parles.
Tu es collé au mur...
            Ce n'est pas rigolo.

DIDIER, 10 ans

Extrait de COMME JE TE LE DIS,
poèmes d'enfants à paraître chez Casterman fin 78.

LA RÉUNION DE COOPÉ

Ce journal mural, on le lit en réunion et on discute des problèmes qui se posent. Riche des apports et des trouvailles de chacun.

Le groupe classe décide des modifications matérielles à apporter aux ateliers, réalise des améliorations, des constructions de meubles, modifie le rangement, décide de l'achat de nouveaux outils, etc.

On y prend des décisions concernant l'organisation !

Nous avions décidé d'écouter des disques. Mais quand?

Décision :

" Nous écouterons un disque chaque fois qu'il y aura du silence si on ne dérange personne. Celui qui serait dérangé peut aller faire un travail qui ne demande pas de matériel, dans la cuisine. »

« Nous ferons un atelier terre permanent dans la buanderie. » «L'atelier monotype ne sera plus au grenier : c'est trop loin. On le met sur la plaque de sérigraphie. »

Ainsi se modifient l'organisation des «responsabilités» (des services), le lieu des ateliers, les priorités à donner, en particulier en ce qui concerne l'emploi du temps, le plan collectif.

Les enfants prennent en main les conditions matérielles et coopératives de l'expression artistique.

     
 

Notre EXPOSITION

et le rôle de notre groupe départemental

Dans l'Oise, le Groupe Freinet joue un rôle vital : d'un bout à l'autre du département nous nous passons les bonnes adresses, mais aussi nous discutons de l'opportunité d'aller récupérer seul ou à plusieurs, souvent ou pas, de faire des achats groupés ou pas. Une autre influence positive de l'IDEM 60, c'est celle qui concerne les échanges de trucs, de techniques : comme cette planche de 20 X 30 cm avec un liteau cloué à chaque bout, l'un dessus, l'autre dessous, l'un servant à bloquer la planche contre la table, l'autre à bloquer le lino qu'on grave. Ce truc est si efficace qu'en deux ans et demi, dans la même classe, il n'y a eu que deux coupures : une fois une stagiaire une autre fois... moi !

Ou encore, cet agencement de la table de pyrogravure, avec boîtes de conserves pour les pointes chaudes, et élastiques retenant les fils de telle façon qu'il est très difficile de les brûler.

COMMENT S'EST CONSTRUITE L'EXPOSITION

Et même pourquoi commencer une expo d'Art Enfantin ?

1) Il est demandé à tous les copains du groupe de donner quelques « oeuvres » de leur classe pour en faire une expo. Ce sont bien sûr les enfants qui font ce premier tri parmi leurs oeuvres (cf. pages 11 à 14 où ils expliquent leurs critères de choix).

2) On s'est donc retrouvés à quelques-uns devant un tas assez impressionnant de dessins, peintures... etc.

On a mis tous ces dessins ensemble sans s'occuper du niveau de la classe qui les avait donnés, ni de leur provenance géographique. On a donc regardé tous ces dessins un par un et on a fait un premier « tri » :
- on a éliminé tout ce qui était abîmé (support trop léger, bords déchirés, couleurs passées...)
... et on a pris tout simplement ce qui nous plaisait le plus.

Lorsqu'on regardait un dessin, le premier critère était «ça nous plaît» ou «ça nous plaît moins » mais on se disait aussi : «On n'a pas beaucoup de dessins à l'encre de Chine »... « On a déjà vu beaucoup de trucs de ce genre-là, alors on n'en prend que quelques-uns»,

3) On avait choisi un format de panneaux qui correspond à une autre expo ; on a collé les dessins sur ces panneaux. Là encore chacun a choisi dans le paquet de dessins mis de côté ceux qui lui plaisaient le plus et ceux dont le format convenait.
- On ne fait pas intervenir l'âge des enfants qui ont fait les dessins.
- Un premier choix a été fait dans les classes par les enfants, nous avons choisi dedans ce qui nous plaisait le plus.

Notre expo est pour l'instant dans un état d'achèvement provisoire et précaire ; d'autres apports vont venir. I1 faudra recommencer. Oui, au fait ! Pourquoi recommencer?

D'abord, pour nous ! Pour nous permettre de lancer des discussions sur l'Art enfantin : c'est un sacré document provocateur qu'une expo !

Ça a même fait réagir des normaliens et normaliennes : on a eu une réunion à l'EN à ce propos.

(Anecdote : le directeur de l'EN proposait une somme assez rondelette pour acheter un dessin de maternelle. Re-anecdote : on n'a pas voulu !)

Mais l'expo c'est aussi un travail coopératif qui dépasse les circuits-dessins. C'est un immense circuit-dessins où chaque maître trouve d'autres techniques, d'autres façons de voir l'Art enfantin et peut-être ainsi découvre de quoi recevoir et faire recevoir d'autres façons que celles qui existent déjà dans « sa» classe.

C'est aussi une très bonne promotion auprès des parents d'élèves et des autres instituteurs, voire auprès de nous et des sympathisants École Moderne.

Et puis, c'est la fête ! On travaille ensemble à mettre en valeur le boulot des gamins.

C'est pas triste une expo ! On enlève les vieux trucs, on remet les nouveaux, on rediscute, on se fait plaisir, on mange ensemble, on reste tard ensemble : c'est ça, l'expo ! Elle ne meurt jamais tout à fait, mais, par contre, elle n'est jamais tout à fait prête.

C'est un gros tâtonnement expérimental col­lectif notre expo ! Et c'est le meilleur moyen de faire «la chasse au traditionnel» comme dit Claude Duval. La réflexion : oui, mais l'action en même temps ; oui aussi et surtout.

Notre expo, c'est notre façon d'agir pour nous tenir au courant des inventions des gamins.

IDEM 60

 

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