TECHNIQUE

La linogravure
Monique BOLMONT
3, rue de la Forêt Noire
 68490 Ottmarsheimclasse 6e - 5e lll

Quand décidons-nous de faire un lino ?

La décision de faire un lino est prise à différents moments :
1. Pour illustrer le journal : chaque semaine, au cours de la réunion de coopérative, l'équipe chargée de la rédaction du journal fait le point ; les responsables demandent à leurs camarades de présenter des projets de lino dans les jours qui suivent pour la couverture ou l'intérieur du journal.
2. II arrive que des élèves illustrent un compte rendu de visite, de conférence, d'exposé par un dessin sur lino (le forgeron, le fer à repasser en sont des exemples).
3. Spontanément, un élève fait un dessin et le propose pour être gravé au lino.

Le dessin
D'une manière générale, les dessins sont réalisés dans le but d'en faire un lino. II est déjà arrivé que le lino soit repris pour en faire une peinture à la gouache.
La plupart du temps il s'agit de réaliser un dessin pour une illustration. Il est rare qu'un dessin soit traduit en lino. Aucun enfant ne l'a jamais proposé et moi non plus.

Bernard Mislin

Rares sont les élèves qui dessinent d'abord, ils s'arment immédiatement de gouges et attaquent le lino.

Maurice Mess

Plusieurs cas à considérer :
- Dessin conçu pour l'exécution d'un lino ;
- Dessin adapté pour la linogravure ;
- Dessin spontané sans destination particulière au départ. Dans ce cas, j'interviens et je suggère que le dessin en question pourrait fort bien se graver.

Roland Bolmont

Le passage entre le dessin et le lino
Les projets réalisés par les élèves sont pour la plupart des dessins au trait. C'est ici qu'intervient mon rôle : je fais réaliser le dessin sur du papier, au crayon de papier, et avant de le reproduire sur le lino je demande à l'élève d'achever le dessin dans ses moindres détails. 
Lorsque je commence l'année scolaire avec de nouveaux élèves, je leur montre des linos imprimés l'année précédente. Ils remarquent que le sujet est traité par masses de noir et de blanc. Au tableau je punaise un tirage de lino et un dessin au trait ; les enfants se rendent compte que leur dessin n'apparaît pas ; de loin, on ne le voit pas.
Les élèves acceptent bien volontiers de retravailler leur projet : ajouter un détail à un vêtement, casser une masse de cheveux par quelques traits blancs, suggérer la matière, préciser un geste, épaissir un trait... Quand le projet a été enrichi, il est soumis à toute la classe ; au cours de cette mise en commun très importante, des améliorations sont proposées.
Quand je m'aperçois d'un trop grand déséquilibre dans les masses, à mon tour j'interviens et j'en discute avec l'élève pour lui en faire prendre conscience.
En cours d'année, certains dessins proposés pour le lino n'ont plus besoin d'être repris ; les élèves sentent où se situent les valeurs.
L'élève décalque son dessin sur le lino à l'aide d'un papier calque. Si le dessin n'est pas net, je le fais repasser avec un feutre. Cette préparation semble longue mais elle rendra plus aisée la gravure du lino et contribuera à la netteté des traits et par là, du dessin tout entier. En général, les élèves donnent des titres à leur lino.
La plupart des dessins ne sont reproduits qu'au trait creux. Je n'ai jamais fait réaliser de lino en masse. Techniquement c'est sans doute possible, mais les enfants n'ont pas la notion de surface et je ne veux pas que leur dessin devienne ma réalisation. Il est évident bien sûr que si un enfant se posait la question de vouloir réaliser autrement un lino qu'au trait, je lui apporterais mon aide technique.

Bernard Mislin

Un enfant me dit : «Je voudrais faire un lino avec ce dessin.» Très souvent une adaptation est nécessaire. Cette adaptation se décompose en deux grandes phases :
- Phase préparatoire ;
- Phase d'élaboration.
Phase préparatoire : elle porte sur deux aspects essentiels.
- Attitude des personnages à modifier pour donner plus de vie. S'il s'agit de deux personnages qui parlent entre eux, il y a toujours moyen de modifier la position d'une main, d'un bras, des jambes, sans pour cela démolir l'expresion.
- Dessin trop vide ; le cadre de l'action manque. L'enfant ajoute les éléments du décor, à sa guise. Ou bien il faut équilibrer les vides. On déplace un peu l'un ou l'autre élément, tout en gardant son originalité. On découpe, on recolle au scotch, etc.

Phase d'élaboration.

Quelle que soit l'allure graphique maintenant obtenue, avant toute chose, j'exige un projet précis, en noir et blanc, qui sera l'image même du tirage définitif. Le graveur saura ainsi où il devra attaquer le lino avec la gouge au moment de la réalisation du cliché. Le temps passé à l'aménagement précis et minutieux du dessin est autant de gagné au moment de la gravure, en temps et en qualité.
- Jusqu'ici ne figurent en principe que des silhouettes des éléments du cliché, enrichies de quelques détails : plis du visage, oeil, etc. C'est à ce moment qu'on cherche à traduire la répartition des valeurs, des masses. On se place devant la fenêtre et on regarde d'où vient la lumière, où elle se dirige. Quelles parties sont éclairées, celles qui le sont moins ou pas du tout.
Puis l'enfant, pour son lino, choisit la direction de la lumière et essaie alors d'évaluer où se répartissent les différentes valeurs. A ce moment alors j'indique soit à l'aide d'un dessin soit à l'aide d'anciens linos l'astuce technique pour y parvenir. Je trace des hachures plus ou moins épaisses, plus ou moins striées, plus ou moins inclinées par rapport à une ligne de référence : bord d'une manche, bord d'un plan, etc. L'enfant complète son dessin par des hachures appropriées à la densité de noir à obtenir.
J'estime qu'à ce moment le dessin est terminé. Il est alors décalqué sur le lino et prêt pour la gravure.
Il va sans dire que c'est un schéma théorique que je présente ici. Toute la phase préparatoire se déroule comme je l'ai indiqué, ainsi que la première partie de la phase d'élaboration. Certains dessins ne demandent que peu de retouches. D'autres même n'en nécessitent aucune. Soit parce que toute retouche serait inutile, soit parce que ces retouches pourraient complètement dénaturer le graphisme original, qui peut très bien se prêter à une reproduction par gravure au trait.
D'autre part, cette dernière phase du travail de la linogravure demande beaucoup de réflexion, d'abstraction, Je n'exploite donc pas systématiquement une piste pour laquelle l'enfant n'est pas suffisamment disponible, ou réceptif La notion de valeur est difficilement compréhensible par tous. Quelques-uns semblent posséder ce sens inné, d'autres ne comprendront ce qu'il faut faire qu'après plusieurs expériences. L'essentiel est bien que chacun puisse s'essayer à cette technique, le rôle du maître étant de stimuler au maximum et d'exploiter les facultés créatrices des enfants.

Roland Bolmont

Les ombres

Je ne me suis jamais initiée aux ombres. Dans leurs linos, mes élèves n'en tiennent pas tellement compte sauf peut-être pour montrer qu'un personnage est posé sur le sol. Moi-même je ne peux les conseiller ; techniquement, je ne vois pas toujours comment il faudrait rendre les ombres, ni où elles se trouvent.

Le matériel employé

Le lino. J'achète le lino chez un marchand de revêtement de sol ; il est actuellement de plus en plus difficile de se procurer cet article qui n'est plus utilisé. C'est du lino de 3 mm d'épaisseur.

Les gouges. J'utilise des gouges de graveurs sur bois que je fais affûter régulièrement ; le lino étant abrasif, les outils ne coupent plus au bout d'un certain temps. II me semble important de veiller à la qualité du matériel mis à la disposition des élèves. Avec des outils qui ne coupent pas, les élèves se découragent.

Les élèves ont trois sortes de gouges à leur disposition et cet éventail me paraît suffisant :
- Des gouges avec un profil en V pour les traits fins ;
- Des gouges avec un profil en U pour les détails un peu plus gros ;
- Des gouges avec un profil courbe pour évider les surfaces importantes.
La presse que j'utilise donne de bien meilleurs résultats que la presse à volet C.E.L. : manipulation rapide !
Encre utilisée : encre d'imprimerie C. E. L. et aqualac (à partir de cette année)

Maurice Mess

Le nombre d'enfants qui réalisent des linos

Tous les élèves de la classe ne réalisent pas des linos. Cette technique de gravure ne correspond pas à la manière de faire ni au goût de tous. Elle nécessite une certaine force physique, une précision du geste, des habitudes de soin, un temps de travail assez long. Un tiers de la classe environ s'y intéresse.

Le tirage des linos

J'utilise l'encre d'imprimerie de la C.E.L. à laquelle j'ajoute du siccatif, sinon les difficultés au séchage sont grandes. J'en profite pour dire combien je suis étonnée que le siccatif ne figure plus au catalogue de la C.E.L. ; sans siccatif, l'encre de la C.E.L. est inutilisable. II ne faut pas s'étonner que certains camarades l'abandonnent au profit d'autres encres et c'est dommage ! (1)
En général, nous mélangeons différentes couleurs d'encre pour obtenir de nou velles couleurs ; orange, rouge brique, vert-bleu bleu clair, etc.
Pour effectuer le tirage, les élèves ont à leur disposition la presse à volet de la C.E.L. Je suis assez satisfaite de la qualité ces linos bien que le tirage soit assez long.

Le tirage en plusieurs couleurs
Nous n'avons pas abordé le tirage des linos en plusieurs couleurs, le repérage sur la presse posant des problèmes que je n'ai pas pu résoudre.
1. Nous avons associé lino et pochoir :
- Nous avons imprimé le pochoir qui constitue un fond ;
- Nous avons imprimé le lino sur le fond ;
- Nous avons imprimé le lino ;
- Nous avons imprimé un pochoir pour enrichir le lino.
2. nous avons étalé deux couleurs d’encre sur la plaque à encrer : le tirage se présente en deux couleurs.
3. Nous avons imprimé deux fois le même lino l’un sur l’autre en décalant les deux impressions et en réalisant le premier passage avec une encre très claire. Cette technique peut donner l’illusion de vitesse, d’ombre, de brouillard …
(1) En effet, le siccatif n'est pas au catalogue C.EL.  quoiqu'elle en ait quel­ques tubes et quelques flacons en stock, ls livraisons étant faites surtout aux dépôts départementaux.
Les avis étaient partagés quant au siccatif à utiliser: siccatif en pâte ? ou siccatif liquide ? Nous attendrons que le choix soit fait pour porter cet article au catalogue.
Mais l'apparition de l'encre à l'eau a résolu ce problème : la C.E.L. abandonne l'encre typographique grasse à épuisement de son stock.
L'encre à l'eau, outre d'autres avantages, a celui de sécher rapidement et de rester indélébile sur le papier. Elle convient donc tout à fait à  la linogravure (N.D.L.R.).

Système de pose et repérage facile des feuilles dans une presse à volet

Découpez dans un métal quelconque deux petites bandes de 15 mm de long et de 4 à 5 mm de large ; puis façonnez-les ainsi :
deux plis à angle droit
Dévissez les deux vis qui retiennent le issu du volet (celles près de la charnière), introduisez les deux petits crochets près des vis entre !e métal du cadre et le tissu, resserrez les vis.
Avantages du truc :
- Permet un centrage très exact des feuilles à imprimer : il suffit de toujours les poser contre le rebord interne du cadre métallique sur le volet (en 13,5 x 21). Pour le 14,7 x 21 il faut trouver un autre repère. Le centrage exact est indispensable quand on veut imprimer des linos en plusieurs couleurs. - Gain de temps: la feuille peut être posée pendant que celui qui tient le rouleau passe l'encre sur le dessin ou ls caractères.

Francis Bothner

La formation de l'éducatrice

Je n'ai jamais eu de formation spéciale. J'ai vu des linos dans les journaux scolaires, j'ai gravé un lino au cours du premier stage I.C.E.M. que j'ai suivi et c'est tout. Mais j'ai aimé cette technique de reproduction que je considère comme privilégiée pour nos journaux scolaires par la netteté, la précision dans le dessin qu'elle permet d'obtenir.
J'ajoute que l'atelier «impression de linos» demande une bonne organisation si l'on veut obtenir un travail net et soigné de la part du groupe d'élèves qui impriment.
Ma seule formation est celle que j'ai eue au courant de stages I.C.E.M. ou l'apport par les camarades du groupe.

Bernard Mislin

La valorisation des linos

Dans ma classe, elle est faite de plusieurs façons :
1. Les linos sont affichés en classe.
2. Les linos figurent dans le journal scolaire.
3. En fin d'année scolaire, je rassemble tous les linos pour en faire un album. Les enfants écrivent les titres qu'ils ont donnés à leur oeuvre Ils savent que je montre cet album dans les stages que je suis, à d'autres classes.
4. Quand les élèves écrivent à certaines personnes pour leur demander un renseignement concernant une enquête en cours ou pour remercier quelqu'un de son apport, souvent ils collent un lino au verso de la lettre.
J'ajoute en guise de conclusion que je suis d'une exigence draconienne sur le soin à apporter à la confection des dessins, à la qualité des tirages, en particulier sur le soin et la propreté. De prime abord, cette exigence aurait de quoi rebuter. Mais les enfants savent qu'ils ne sont pas pressés par le temps. Même les plus mal soigneux arrivent à réaliser des tirages sans aucune perte.
Et leur meilleure récompense (même si le terme n'est pas prononcé) est bien d'avoir produit un travail impeccable, élaboré. A mon avis il est fallacieux d'opposer spontanéité et qualité, liberté et laisser-faire, en linogravure comme ailleurs.

Roland Bolmont

 
 
 
 
 
 
 

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