EXPOSITIONS ET RENCONTRES

Les expositions organisées à l'occasion de notre congrès annuel (en 1976 à Clermont-Ferrand) sont à la fois si fugaces, si généreuses, si complexes, elles réclament tant d'énergie, de moyens financiers et humains, tant d'appels et tant d'efforts qu’on est partagé entre l'admiration et le découragement. Rassembler tant de témoignages tant d'illustrations et d'images de cette pédagogie Freinet, si vivante, pour  si peu de jours !... On voudrait, comme Narcisse, arrêter le cours du temps car ce n'est pas son image qu'il contemplait mais l'eau qui glissait sur elle et dont il désirait en vain interrompre le cours.

Aussi, tentons-nous chaque fois de consacrer un et plusieurs numéros de notre revue au reportage et à la description de ces expositions. Toujours en vain. Elles sont vraiment faites dans l’instant, promptement et «pour être vécues: c'est pourquoi sont si nombreux tous ceux qui veulent «vivre un congrès» et en conserver les souvenirs. Mais pour eux seuls.

Toutefois, à Clermont-Ferrand, nous avons été plus particulièrement impressionnés les uns et les autres par l'illustration  de la pédagogie Freinet réalisée à la salle Gaillard, puis par l'exposition de toutes les oeuvres réalisées au cours d'une rencontre d'enfants dans l'Aisne, illustrée de commentaires et de photos, accompagnée d'un montage audiovisuel complet.

     

C'est donc là l'essentiel du sommaire de cette parution avec, aussi - c'est l'innovation - l'ensemble «Gerbe de textes d’adolescents» : «CŒURS OUVERTS» qui s'intègre maintenant totalement à la revue, portant ainsi le numéro de 32 à 48 pages toujours sans aucune publicité et sans autres aides que celles des militants et des abonnés - dont le nombre  doit grandir en même temps que la hausse des charges et des prix de revient! (le prochain numéro comportera aussi seize pages de «Textes libres»).

L'exposition de la salle Gaillard intitulée POUR UNE PÉDAGOGIE POPULAIRE .n'était pas consacrée essentiellement à "l'art" enfantin et adolescent. Mais naturellement, au coeur même de la démarche véritablement scientifique d'une pédagogie du tâtonnement, parce qu'irrémédiablement expérimentale, l'expression devient d'emblée artistique ! Surtout dans le parti pris d'expression libre et de création de soi et du groupe qu'est celui de la pédagogie Freinet.

Ce qui paraît dans ce numéro, issu des documents sélectionnés dans cette exposition, ressort plus spécialement de notre titre au complet ; Art enfantin ET CRÉATIONS. Voir notre numéro 54, page 1 ou le numéro 73 et sa rétrospective.

Les rencontres d'enfants sont un formidable outil pédagogique. Un outil de connaissance et de communication, un outil de diffusion incomparable et «incorruptible».

D'emblée, l'objet de la réunion est axé sur le travail ! Un quart d'heure de discussion suffit bien pour les gamins ! Aussitôt il s'agit de montrer ce qu'on sait faire, comment on fait et ce qui se fait ! Là, les adultes n'ont qu'à apprendre...

En consacrant déjà, en 1971, la totalité de notre congrès de Nice au thème de L'ENFANT D'ABORD, nous pressentions bien la richesse d'un tel retournement (après les délires de 68...).

Aujourd'hui, nous touchons presque à la mode ! Néanmoins, nous ne pouvons que joindre le pas et participer à tous les efforts de ceux qui dénoncent, majeurs, «l'état de dépendance totale (économique, légale, affective) dans lequel évolue l'enfance » : «l'enfance n'est pas protégée, mais dominée» (1)

Seulement, nous autres qui, hors de la famille, pratiquons l'enfance, nous ne pouvons pas nous contenter de dénonciations-manifestes ni même de déclarations de «légitime défense». Nous voulons prouver - et nous le démontrons par nos expositions, par nos publications et par nos rencontres - que l'enfance et avec elle, sans aucun doute l'adolescence, a une existence de fait par ses productions, ses oeuvres, ses expressions, son théâtre, sa musique, ses dessins et ses peintures, sa littérature et sa poésie, ses recherches et ses créations de tous ordres et de toutes sortes : c'est un fait culturel indéniable et c'est un fait social. Un fait social quand se multiplient les rencontres d'enfants et d'adolescents pour, ensemble, peindre, dessiner, graver, modeler, illustrer, imprimer, danser, «jouer des pièces» et même faire des maths ou des recherches et «expériences».

Nous avons déjà accroché le grelot aux diverses manifestations qui se sont déroulées au cours des mois derniers : voir le compte rendu d'une première rencontre des Yvelines paru dans Techniques de vie n° 222 aux pages 1, 2 et 3, justement là, pour informer tous nos militants (2).

Les rencontres d'enfants et d'adolescents, par les contacts et les collaborations intimes qu'elles créent, immunisent contre les stéréotypes et les routines. Si «rapides» soient-elles, ces heures communes consacrées à un «labeur» partagé et immédiatement confronté, ne permettent pas de conserver le masque d'une correspondance éloignée ou même proche ou celui d'un envoi postal composé et sélectionné !

«Mais justement, nous dit-on, justement ! Tout cela n'est que du spontanéisme! Quelques improvisations du moment, quelques cris, quelques coups de crayon ou de pinceau et l'on rentre chez soi ! » Le débat est soulevé dans ce numéro. Un parti est pris ici, qui consiste à affirmer la démarche commune des adultes et des enfants, des majeurs et des mineurs, afin de respecter à la fois l'expression libre de la rencontre et la «mise en valeur» qui permet la communication. Et le débat reste ouvert. Ici et ailleurs.

Les rencontres, en mêlant expression (libre) et confrontation des techniques, des tours de main, des matériaux et des «matières» affinent la création et la communication : sur place, la réponse du «public» est immédiate ! ! !

La rencontre, c'est une belle séance de «tâtonnements», une prise des mesures de soi ! On parlait naguère de la tour d'ivoire des artistes, comme on pouvait aussi évoquer celle des écoles-artistes !

Aujourd'hui, puisque les circuits d'échanges, puisque les expositions «boule-de-neige» ont vécu, nous avons les rencontres qui apparaissent beaucoup plus riches, plus exaltantes (car il y a le «retour chez soi ! » ) et plus faciles aussi à organiser !

Ces rencontres sont aussi l'occasion majeure pour les adultes et pour les enseignants de dénoncer les conditions de travail (les effectifs) et la pauvreté des moyens d'expression accordées à l'école et au collège (au lycée, ça n'est même pas prévu !!!). De dénoncer la culture étriquée qu'on propage, l'apprentissage désuet qu'on accorde ; d'affirmer aussi à quel prix nous réalisons ces oeuvres et cette culture nouvelle qui ne sont nullement une caution aux misères actuelles de l'enseignement public, de dénoncer à quel prix nous maintenons ces manifestations, ces expositions, cette revue aussi !

Nous comprenons alors que nous soyons encore si peu nombreux à crier dans ce désert mais en même temps si déterminés à faire que soient plus nombreux les enfants et les adolescents qui pratiquent une véritable expression libre de tout leur être au sein des classes, plus nombreuses elles aussi à confronter leurs productions et leurs oeuvres au cours des rencontres que nous préconisons.

ART ENFANTIN ET CRÉATIONS

(1) Déclaration des majeurs militant au sein de «Des Enfants et des Hommes» (D.E.H.) qui éditent un mensuel : «Possible». 10 numéros : 50 F. 32, rue René-Boulanger, 75010 Paris.

(2) Abonnements à B.P. 251, 06406 Cannes cedex : 45 F, bimensuel.

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