Un exemple de tâtonnement en dessin libre

LES CHEVAUX

Guy Champagne

École de Bégaar (Landes)

Le matin dans notre école, la journée débute généralement par un long moment de communication, d’abord en petits groupes informels, puis en table ronde. Les enfants apportent des observations ou des informations, ou encore lisent à haute voix des textes qu’ils ont aimés (souvent choisi dans les Gerbes 1° ou 2° degré qui son un outil merveilleux pour nos classes, on ne le dira jamais assez)

Ce n’est pas lourdement systématique. Un individu peut toujours s’occuper à autre chose, ou bien un événement fortuit peut complètement bouleverser cet emploi du temps .Mais c’est tout de même un cadre, un rythme de vie qu’on s’est donné, et dont on a besoin, sur lequel on s’appuie sans en être esclave.

C’est pendant ce moment-là que les enfants crayonnent sur un cahier ordinaire ou un bloc sténo, ce que nous appelons dans le langage de la classe les « recherches de dessin ».

Ma part là-dedans ? J’ai proposé cette activité et il faut dire qu’elle convient aux enfants. J’ai fourni les cahiers et tous les feutres ou crayons nécessaires, à profusion.

Ceci est important. Je me souviens de l’explosion de dessins qui s’était produite la première fois que j’ai réussi à avoir une boîte de feutres Skrib pour deux tables.

Je m’intéresse à ces ébauches. De temps en temps (au début) je provoque des séances de « présentation des petits dessins », pour lesquelles il faut savoir prendre le temps nécessaire. C’est souvent long parce que cette présentation provoque la naissance immédiate de nouveaux dessins que l’on veut vite montrer, etc. Ensuite, ce sont les enfants eux-mêmes qui les réclament ces séances, lorsqu’on les oublie !

J’en profite pour valoriser toute apparition de technique nouvelle, de dessins ouvrant de nouvelles pistes, qu’il est parfois nécessaire de faire accepter par certains spectateurs trop conditionnés venant de classes où on ne dessine pas.

Ma foi, je ne crains pas de peser un peu dans ce domaine, tout en essayant d’être le plus léger possible !

Le crayonnage libre se poursuit d’ailleurs à d’autres moments de la journée.

TOUT CELA N’EST PAS NOUVEAU !

Les chevaux de Christian

Dans l’exemple présenté ici, le thème des chevaux n’a pas été imposé ni même proposé. Simplement, un matin, Christian, 10 ans avait commencé à dessiner des chevaux. J’ai dit : « Tiens, des chevaux, c’est intéressant, on n’en avait pas encore fait … » Et je l’ai poussé à essayer un format plus grand, ce qu’il a fait l’après-midi. Ainsi a-t-on trois dessins en 50X65 et un autre plus grand que l’on a affichés.

LA VALORISATION a encouragé Christian à poursuivre sa recherche. Il manque quelques dessins vers la fin de sa série. En particulier, il y avait plusieurs squelettes, dont un tombé en morceaux épars.

Les chevaux de Didier

LA COMMUNICATION a fait que d’autres enfants ont repris le thème. Didier (13 ans) a tout de suite introduit une grande fantaisie et une pointe d’humour. Il n’a pas été influencé par les graphismes de Christian, mais plutôt (je le sais) par les bandes dessinées dont il fait une grande consommation et dont la copie fidèle était sa seule activité artistique avant d’arriver dans ma classe. (Ce dont j’ai eu du mal à le détourner).

Les chevaux d’Alain

Alain (9 ans), le jeune frère de Christian, a commencé par copier son aîné puis s’en est vite libéré. Le dessin n°7 voit apparaître sa première trouvaille personnelle : le cheval « carré ». Les dessins 14, 15, 17 sont vraiment des trouvailles originales. Puis en 19, 20, le cheval se met debout.

Bref, EN DEUX JOURS, on a eu cette série de chevaux.

Les recherches graphiques sur les chevaux de Christian, Didier et Alain avaient eu lieu en septembre 73.

En juin 74, Christian a entrepris une peinture grand format sur le même thème, aidé de ses camarades.

Mais il n'avait pas achevé cette œuvre. Seuls les chevaux étaient ébauchés et quelques-uns passés en jaune.

En janvier 75, Alain a repris le dessin (Christian et Didier nous avaient quittés pour le C.E. G.).Il l'a terminé, aidé de Bernard et de quelques petits du C.E.2 qui peignaient sur ses indications. Ils ont eu du mal à terminer, notamment pour le fond, où le travail a été interrompu plusieurs semaines. Évidemment ce n'était pas une oeuvre ordinaire, du fait que plusieurs enfants s'y succédaient et que le concepteur n'était plus là. Néanmoins je pense qu'elle s'inscrit dans le cadre de leurs recherches communes et constitue un document intéressant.

Et puis j'aime assez ces chevaux.

Selon notre méthode naturelle, on peut avoir ainsi, sans rien imposer, des séries de dessins d'oiseaux, de poissons, d'animaux « inventés » ou de bonshommes les plus divers, ou pas de séries du tout pendant quelque temps, mais par ailleurs des séries de textes libres sur la mort, le soleil, etc., des séries de jeux de mots, des séries de problèmes de marchande ou de carrés magiques !

On ne parlera jamais de plagiat.

On retrouve chaque fois le processus invariant :

- essai

- valorisation par l'éducateur et par le groupe des enfants

- poursuite de l'essai (ou abandon)

- tâtonnements

- communication à la classe

- influence exercée ou reçue par jeu dialectique

- reprise du thème par un autre enfant ou plusieurs autres avec libération plus ou moins rapide de l'influence du premier chercheur

- parfois recherche en commun, on peut alors parler de tâtonnement du groupe

- saturation, abandon du thème

- parfois, reprise du thème longtemps après, avec résurgence de l'acquis.

 
 
 
 
 

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